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30/04/2024 | FRANCE | N°22/01380

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Première chambre, 30 avril 2024, 22/01380


Minute n°





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
30 AVRIL 2024


N° RG 22/01380 - N° Portalis DB22-W-B7G-QPB3
Code NAC : 63B

DEMANDEUR :

Monsieur [O] [I]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 8] (59)
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et Me Anne-Sophie AUDEGOND, avocat au barreau de DOUAI, avocat plaidant

DEFENDEURS :

S.E.L.A.R.L. KALIANS AVOCAT, inscrite au Registre du Commerce

et des Sociétés de Paris, sous le numéro 533 643 508, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au s...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
30 AVRIL 2024

N° RG 22/01380 - N° Portalis DB22-W-B7G-QPB3
Code NAC : 63B

DEMANDEUR :

Monsieur [O] [I]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 8] (59)
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et Me Anne-Sophie AUDEGOND, avocat au barreau de DOUAI, avocat plaidant

DEFENDEURS :

S.E.L.A.R.L. KALIANS AVOCAT, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris, sous le numéro 533 643 508, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
Sise [Adresse 7]
[Localité 6]

Maître Yannis JOHN, avocat au barreau de PARIS
demeurant [Adresse 7]
[Localité 6]

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, société d’assurance mutuelle inscrite au RCS DUMANS sous le N° 775 652 126, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
Sise [Adresse 1]
[Localité 5]

MMA IARD, société anonyme, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés DU MANS sous le N°400 048 882, dont le siège social se situe [Adresse 1] à [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
Sise [Adresse 1]
[Localité 5]

représentés par Me Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant et Me Serge PEREZ de la SCP PEREZ SITBON, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

ACTE INITIAL du 28 Février 2022 reçu au greffe le 07 Mars 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 04 Mars 2024 Madame MARNAT, Juge, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 30 Avril 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [I] a été licencié le 6 février 2014 par son employeur, la société DIA.

Une procédure en contestation du licenciement a été initiée le 13 mai 2014 devant le conseil de prud’hommes de Créteil.

L’affaire a été appelée à l’audience du 28 février 2017 devant le bureau de jugement du conseil et, par décision du même jour notifiée à Monsieur [O] [I] le 6 mars 2017, le conseil de prud’hommes a ordonné la radiation de l’affaire en raison d’un défaut de diligences des parties à l’audience.

Soutenant avoir mandaté Maître Yannis JOHN, avocat membre de la SELARL KALIANS AVOCAT, dans le cadre de la procédure en contestation de son licenciement et que ce dernier n’avait pas accompli les diligences nécessaires, Monsieur [O] [I] a, par acte d’huissier de justice en date du 28 février 2022, fait assigner ce dernier, ainsi que la SELARL KALIANS AVOCAT, devant le présent tribunal aux fins de :

« Vu l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige,

- Recevoir Monsieur [I] en ses demandes et les dire bien fondées ;

- Juger que la SELARL KALIANS AVOCAT et Maître [E] [V] ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité civile ;

- Condamner in solidum la SELARL KALIANS AVOCAT et Maître [E] [V] à verser à Monsieur [I] les sommes suivantes :
o Perte de chance d’avoir une issue favorable à ses prétentions, comprenant les intérêts depuis 2017 : 65 000 euros ;
o Préjudice moral : 5 000 euros.

- Juger n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- Condamner in solidum la SELARL KALIANS AVOCAT et Maître [E] [V] à verser à Monsieur [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la SELARL KALIANS AVOCAT et Maître [E] [V] aux dépens ».

Monsieur [O] [I] soutient que Maître [E] [V] et la SELARL KALIANS AVOCAT ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité civile professionnelle en n’effectuant pas les diligences nécessaires au succès de son litige prud’homal, d’une part en étant absent à l’audience devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Créteil, entraînant ainsi la radiation de l’affaire, et d’autre part en effectuant aucune diligence en vue de procéder à la réinscription de l’affaire au rôle dans le délai de deux ans, afin d’éviter la péremption de l’instance.

Il expose que cette faute lui a directement causé un préjudice consistant en la perte de chance d’obtenir l’indemnisation de son licenciement, qu’il soutient être sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’un préjudice moral.

Enfin, il sollicite la condamnation de Maître [E] [V] et de la SELARL KALIANS AVOCAT à lui verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des manquements de l’avocat à ses obligations contractuelles qu’il allègue.

Par acte de commissaire de justice du 5 octobre 2022, Monsieur [O] [I] a fait assigner en intervention forcée les sociétés MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES, assureurs de la SELARL KALIANS AVOCAT et de Maître [E] [V], devant le présent tribunal aux fins de :

« Vu l'article 331 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1984 et 2225 du Code civil,

• Juger Monsieur [I] recevable et bien fondé en sa demande d'intervention forcée des sociétés MMA lARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES ;
• Condamner solidairement les sociétés MMA lARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de Maître [E] [V] et de la SELARL KALIANS AVOCAT ;
• Condamner solidairement les sociétés MMA lARD et MMA lARD ASSURANCES MUTUELLES à verser à Monsieur [I] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
• Les condamner solidairement aux dépens ».

Par ordonnance en date du 31 janvier 2023, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de cette instance avec celle inscrite sous le numéro RG 22/1380, l’affaire étant appelée sous ce seul numéro.

Par dernières conclusions signifiées le 17 avril 2023, Maître Yannis JOHN, la SELARL KALIANS AVOCAT, la SA MMA IARD et la Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES au tribunal de :

« DEBOUTER Monsieur [O] [I] de l’intégralité de ses demandes ;

- Le CONDAMNER à payer à MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en leur qualité d’assureurs une somme de 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens ».

Ils contestent que Maître [E] [V] ait commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile professionnelle, soutenant que le demandeur n’apporte pas la preuve de l’avoir mandaté afin d’engager une procédure prud’homale à l’encontre de la société DIA, soulignant à cet égard qu’il ne justifie pas de la signature d’une convention d’honoraires et que ses coordonnées, ainsi que celles de son cabinet d’avocats, ne figurent ni sur la convocation à l’audience de jugement du conseil de prud’hommes, ni sur la décision de radiation.

Ils ajoutent que Monsieur [O] [I] ne justifie pas s’être plaint auprès de Maître [V] de la radiation de son affaire bien qu’il ait été informé du défaut de diligences mentionné sur la décision, et que ce n’est que cinq ans après que son Conseil a demandé pour la première fois des explications, ajoutant qu’aucun échange n’a été entretenu avec Maître [V] avant. Ils exposent qu’il n’est pas davantage établi que celui-ci ait été informé de la date d’audience du jugement, la convocation mentionnant uniquement le nom du demandeur.

Ils font valoir Monsieur [I] n’apporte pas la preuve d’avoir subi un préjudice de perte de chance et ne justifie pas le quantum de ses demandes indemnitaires.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé complet de leurs moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2023.

L’affaire, appelée à l’audience du 4 mars 2024, a été mise en délibéré au 30 avril 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité civile professionnelle de Maître Yannis JOHN et de la SELARL KALIANS AVOCAT

En application des dispositions des articles 1231 et suivants du code civil, la responsabilité de l'avocat doit être examinée au regard de l’obligation qui pèse sur celui-ci, tenu d’accomplir toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client. Il est rappelé à cet égard qu’en sa qualité d’avocat, en tant que tel investi d’un devoir de compétence et supposé connaître les règles de procédure, il est tenu à une obligation de résultat pour ce qui concerne le respect des règles de procédure. Par ailleurs, l'avocat est tenu à une obligation de moyen concernant ses autres diligences et son devoir de conseil.

Monsieur [O] [I] reproche différents manquements à Maître JOHN, avocat, qu’il affirme avoir mandaté dans le cadre de la procédure prud’homale engagée à l’encontre de son employeur.

L’article 1361 du code civil que : « A défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de la convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux articles 1361 et 1362 du code civil ».

L’article 1362 alinéa 1 du code civil ajoute : « Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. »

Il résulte de l'article 10 alinéa 2 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1970, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015 applicable au présent litige, que : « A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. »

Il est par ailleurs constant qu’à défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de la convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux articles 1361 et 1362 du code civil précités.

En l’espèce, il est établi que :
- par courriel du 15 avril 2014, le secrétariat de la société KALIANS AVOCAT a écrit à Monsieur [I] en ces termes : « Dans le prolongement de votre conversation téléphonique de ce jour avec Maître [V], vous trouverez en pièces jointes comme convenu :
- la convention d’honoraires à imprimer en deux exemplaires, l’un devant me revenir revêtu de votre signature,
- la note d’honoraires,
- le RIB du cabinet.
Maître [V], dès confirmation du virement effectué, entamera la procédure prud’homale avec les éléments que nous avons déjà en notre possession.
A ce titre, Maître [V] transmettra tout d’abord à DIA F. un courrier pour indiquer qu’il intervient dans ce dossier et laisser la porte ouverte à une éventuelle négociation. A défaut d’une réponse sous huitaine, il saisira le Conseil de prud’hommes. Vous recevrez une copie du courrier de saisine.
Vous pouvez nous adresser les éléments complémentaires par courrier. )…( » ;
- par courriel du 28 avril 2014, Monsieur [O] [I] a écrit : « J’ai effectué un virement de 1200€ comme convenu par la convention et vous ferez parvenir le reste des pièces par courrier concernant le dossier » ;
- un virement bancaire de 1.200 euros a été effectué le 28 avril 2014 avec comme bénéficiaire « KALIANS AVOCATS », et comme motif « PAIEMENT DE FACTURE » comme le mentionne le relevé de compte bancaire de Monsieur [O] [I] du 11 avril 2014 au 9 mai 2014 ;
- par courriel du 28 avril 2014, le secrétariat de la société KALIANS AVOCAT a indiqué : « Je transmets le message à Maître [V] qui reviendra certainement vers vous courant de la semaine ».

Il résulte de ces éléments qu’un échange téléphonique a eu lieu le 15 avril 2014 entre Monsieur [I] et Maître [V] à l’issue duquel ce dernier, par la voie de son secrétariat, lui transmettait par courriel la convention d’honoraires et les éléments lui permettant de procéder au règlement de la note d’honoraires, et qu’il s’engageait à engager une procédure prud’homale à l’encontre de la société DIA dès confirmation du virement effectué.
Monsieur [I] a procédé à un virement bancaire de 1.200 euros dont le bénéficiaire est mentionné « KALIANS AVOCAT », et a confirmé par courriel au secrétariat de la SELARL KALIANS AVOCAT que le virement avait bien été effectué, ce dernier ayant transmis le message à Maître [V].
Aussi, nonobstant l’absence de production d’une convention d’honoraires écrite et signée entre Monsieur [I] et Maître [V] comme l’allèguent les défendeurs, il est établi que Maître [V] avait bien été mandaté par Monsieur [I] pour le représenter dans le cadre d’une procédure prud’homale l’opposant à son ancien employeur, la société DIA.

Monsieur [I] ne peut toutefois reprocher à Maître [V] d’avoir fait preuve d’un manque de diligences nécessaires pour obtenir un délai de jugement plus court alors que la saisine du Conseil de prud’hommes a été effectuée dès le 13 mai 2014, et qu’il n’est pas justifié que la fixation d’un renvoi en bureau de jugement en février 2017 serait constitutif d’une faute commise par l’avocat de nature à engager sa responsabilité civile.
Monsieur [I] reproche par ailleurs à Maître [V] de ne pas s’être présenté à l’audience du bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Créteil du 28 février 2017.
Si l’absence de l’avocat à l’audience peut être constitutive d’un manquement à sa mission d’assistance en justice, encore faut-il pour le demandeur de prouver que l’avocat en aurait bien été avisé. Or en l’espèce, Monsieur [I] ne justifie pas que Maître [V] aurait bien été avisé du jour de l’audience du bureau de jugement, la convocation, en date du 2 novembre 2015, devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Créteil et la décision de radiation du bureau de jugement du 28 février 2017, lui ayant été adressées à lui seul ; elles ne mentionnent ni le nom, ni les coordonnées de Maître [V] ou de son cabinet, ni même le fait que Monsieur [I] serait assisté d’un Conseil, alors qu’à l’inverse il est indiqué les coordonnées des Conseils de la société DIA FRANCE sur ces deux pièces.

De surcroît, Monsieur [I] ne justifiant pas avoir informé Maître [V] de la décision de radiation rendue par le conseil de prud’hommes le 28 février 2017, il ne saurait reprocher à Maître [V] de n’avoir accompli aucune diligence en vue de procéder à la réinscription de l’affaire au rôle, étant précisé au surplus que la radiation ne s’opposait pas à ce que Monsieur [I] rétablisse lui-même l’instance.

Par conséquent, il apparaît que Monsieur [O] [I] ne rapporte pas la preuve d’une faute commise par son avocat, de sorte que la responsabilité professionnelle de Maître [E] [V] et de la SELARL KALIANS AVOCAT ne peut être engagée.

Monsieur [O] [I] sera donc débouté de ses demandes à ce titre.

Sur les autres demandes

Compte tenu du sens du présent jugement, il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Monsieur [O] [I], qui succombe, sera condamné à payer les dépens.

Les circonstances d’équité justifient le rejet de la demande des défendeurs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE Monsieur [O] [I] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [O] [I] aux dépens ;

DEBOUTE Maître Yannis JOHN, la SELARL KALIANS AVOCAT, la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 AVRIL 2024 par Madame MARNAT, Juge, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22/01380
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;22.01380 ?
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