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25/04/2024 | FRANCE | N°22/03438

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Quatrième chambre, 25 avril 2024, 22/03438


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
25 AVRIL 2024



N° RG 22/03438 - N° Portalis DB22-W-B7G-QRF7
Code NAC : 63A


DEMANDERESSE :

Madame [H] [W]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 14]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Noémie GILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Caroline GIMAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant



DEFENDERESSES :

Madame [X] [G]
médecin, enregistré sous le numéro Siren 805 403 6

64
[Adresse 2]
[Localité 10]

représentée par Maître Anaïs FRANCAIS de la SCP CABINET WENGER-FRANCAIS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, M...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
25 AVRIL 2024

N° RG 22/03438 - N° Portalis DB22-W-B7G-QRF7
Code NAC : 63A

DEMANDERESSE :

Madame [H] [W]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 14]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Noémie GILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Caroline GIMAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSES :

Madame [X] [G]
médecin, enregistré sous le numéro Siren 805 403 664
[Adresse 2]
[Localité 10]

représentée par Maître Anaïs FRANCAIS de la SCP CABINET WENGER-FRANCAIS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant

Copie exécutoire à Me Danielle ABITAN-BESSIS,, Me Noémie GILLES, Me Catherine LEGRANDGERARD
Copie certifiée conforme à l’origninal à Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
délivrée le

MACSF ASSURANCES
Société d’assurances Mutuelle, enregistrée sous le numéro Siren 775 665 631, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 12]
[Localité 9]

représentée par Maître Anaïs FRANCAIS de la SCP CABINET WENGER-FRANCAIS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant

S.A.S. CENTRE HOSPITALIER [15],
immatriculée au RCS de Versailles sous le n°392 015 186, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social
[Adresse 7]
[Localité 6].

représentée par Me Danielle ABITAN-BESSIS, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Eline FORT-ORTET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES,
prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 4]

représentée par Me Catherine LEGRANDGERARD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

ACTE INITIAL du 31 Mai 2022 reçu au greffe le 21 Juin 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 29 Février 2024, après le rapport de Monsieur BRIDIER, Juge désigné par le Président de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au 25 Avril 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Mme DUMENY, Vice Présidente
Monsieur BRIDIER, Vice-Président
Madame BARONNET, Juge

GREFFIER :
Madame GAVACHE

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [H] [W] s’est rendue au service des urgences du Centre Hospitalier [15] (ci-après CHPE) à [Localité 13] le 4 février 2019 du fait de douleurs abdominales importantes et de vomissements répétitifs.
Elle a été prise en charge par le docteur [X] [G] qui la laisse partir de l'établissement le 5 février 2019 vers 1h du matin avec une ordonnance de PRIMPERAN pour les vomissements, de SPASFON ainsi que de DOLIPRANE pour les douleurs et de TIORFAN pour les diarrhées et une seconde ordonnance pour procéder à un bilan sanguin.

Madame [W] a finalement été admise au service des urgences de l’Hôpital d’[Localité 11] à 8H50 après réapparition des douleurs et suite à la visite d'une infirmière et le conseil d’un ami médecin, le docteur [P], qui suspectait une occlusion de l'intestin grêle par bride. Elle y a été opérée pour ischémie grêlique ayant nécessité une résection de 30 cm d'intestin grêle nécrosé.

En l'absence d'accord avec le CHPE et face au refus de la MACSF, assureur du docteur [X] [G] de l'indemniser, Madame [W] a saisi la juridiction en référé pour une demande d’expertise judiciaire, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 29 janvier 2021 désignant le docteur [K] [Y] et le docteur [A] [J], en tant que sapiteur.
L’expertise a eu lieu le 4 juin 2021 et le rapport déposé le 8 septembre 2021.

Aucun accord n’ayant pu être trouvé, Madame [W], par exploits d'huissier des 31 mai et 1er juin 2022 a assigné le docteur [X] [G] et son assureur la MACSF, le centre hospitalier privé de l'Europe et la CPAM des Yvelines aux fins de se voir indemniser de son préjudice.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de son assignation, Madame [H] [W] demande au tribunal de se fonder sur les articles L1142-1-I, L1111-7, R 4127-69, R 4127-33, R 1111-1, R4312-3, R 4312-4, R 4312-7 et R 4312-10 du Code de la santé publique, 1241, 1242 et 1231-1 du Code civil, et de :

-Juger que la faute du docteur [G] est établie engageant ainsi sa responsabilité et ouvrant droit à réparation du préjudice subi sous la garantie de son assureur MACSF,
-Condamner solidairement le docteur [G] et son assureur MACSF à lui verser les sommes suivantes :
- 525 € au titre de son déficit fonctionnel temporaire,
- 1 000 € au titre de son préjudice esthétique temporaire,
- 8 000 € au titre de ses souffrances endurées,
- 9 250 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 1 000 € au titre du préjudice esthétique permanent,
- 4 000 € au titre du préjudice d’agrément,
- 2 000 € au titre du préjudice sexuel,
- 264 € euros au titre de l’assistance à tierce personne,
- 1 320 € au titre des frais d’assistance du médecin conseil,
- 3 867 € au titre des frais d’expertise judiciaire

-Condamner solidairement le docteur [G] et son assureur MACSF à lui verser 6.846,45 euros en réparation du préjudice financier,
-Juger que la faute du personnel soignant et notamment de l’infirmière est établie engageant ainsi la responsabilité de son employeur le Centre Hospitalier [15] et ouvrant droit à réparation du préjudice subi,
-Condamner le Centre Hospitalier [15] à lui verser 10.000 € du fait de son préjudice moral dans le cadre de la faute commise par les salariés du Centre hospitalier [15],
-Condamner le Centre Hospitalier [15] à lui verser 5.000 € au titre de son préjudice moral lié à la communication tardive de son dossier médical et la communication d’un dossier médical mal renseigné concernant le nom des intervenants,
-Constater la créance de la CPAM des Yvelines,
-Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
-Condamner solidairement le docteur [G], son assureur MACSF et le Centre Hospitalier [15] à lui payer une somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 15 mars 2023, la MACSF et le docteur [G] demandent au tribunal au visa des articles L.1142-1 du code de la santé publique et 1231-1 du code civil, de:
-Les recevoir en leurs écritures et les déclarer bien-fondées ;

A titre principal
-Dire et juger que le docteur [G] n’a commis aucun manquement de nature à engager sa responsabilité,
-Prononcer sa mise hors de cause,
-Débouter en conséquence Madame [W] de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre du Dr [G],

A titre subsidiaire
-Dire et juger que les manquements imputables au docteur [G] ne sauraient être à l’origine d’une perte de chance supérieure à 25%,
-Déclarer satisfactoires les offres suivantes, tenant compte du taux de perte de chance de 25% :
. Déficit fonctionnel temporaire : 262,50 euros
. Préjudice esthétique temporaire : 500 euros
. Souffrances endurées : 2.000 euros
. Assistance par tierce personne : 132 euros
. Déficit fonctionnel permanent : 4.650 euros
. Préjudice sexuel : 1.000 euros
. Frais divers : 3.008,36 euros
-Débouter Madame [W] du surplus de ses demandes indemnitaires,
-Dire et juger qu’il sera alloué à la CPAM des Yvelines la somme de 2.388,44 euros, en application du taux de perte de chance de 25%,

-Dire et juger qu’il sera alloué à la CPAM des Yvelines la somme de 278,50 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, en application du taux de perte de chance de 25%,
-Dire et juger que la somme sollicitée par Madame [W] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devra être ramenée à de plus justes proportions, et ne saurait excéder la somme de 2.000 euros,
-Dire et juger que la somme sollicitée par la CPAM des Yvelines au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devra être ramenée à de plus justes proportions.

Le Centre Hospitalier Privé de l'Europe (CHPE) demande au tribunal, dans ses dernières écritures communiquées le 18 novembre 2022, de :

-Juger que Madame [W] ne rapporte pas la preuve d’une faute commise par lui à l’origine des préjudices qu’elle allègue, ni d’un rapport causal certain et direct entre le manquement allégué et les préjudices qui en seraient résultés ;
-Débouter en conséquence Madame [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
-Condamner Madame [W] à lui verser une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamner Madame [W] aux entiers dépens.

La CPAM des Yvelines quant à elle dans ses dernières écritures adressées le 22 novembre 2022 demande au tribunal, au visa des dispositions de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale, de
- La recevoir en toutes ses demandes,
-L’y déclarer bien fondée et en conséquence,
-Condamner in solidum le docteur [G] et son assureur la MACSF ASSURANCES à lui rembourser le montant de sa créance, soit la somme définitive de 4 776,89 € conformément aux dispositions de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale,
-Dire que cette somme produira des intérêts au taux légal à titre moratoire à compter du jugement à intervenir,
-Condamner in solidum le docteur [G] et son assureur à lui payer l’indemnité forfaitaire de gestion codifiée à l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale d’un montant revalorisé selon arrêté en date du 14 décembre 2021 de 1.114 €,
-Condamner les mêmes sous la même solidarité à lui payer la somme de 1.800 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvres par Maître Catherine LEGRANDGERARD, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

****

Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 4 juillet 2023 et le dossier a été appelé à l’audience tenue le 29 février 2024 par la formation collégiale qui a mis la décision en délibéré ce jour.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la faute du docteur [G]

-Madame [W] se fonde sur les articles L.1142-1, R.4127-69, R.4127-33 du code de la santé publique et 1241 et 1242 du code civil.
Selon elle, son préjudice a été clairement établi par l’expert et est constitué par des douleurs abdominales, diarrhées et flatulences imposant un traitement intermittent et des précautions diététiques, préjudice survenu à la suite d’une occlusion du grêle sur bride nécessitant la résection de 30 centimètres d’intestin grêle qui serait causé par la faute du docteur [G]. Elle indique que l'expert considère que le retard diagnostique et thérapeutique a conduit à une perte de chance de 50 % de pouvoir éviter la résection de grêle et les préjudices qu’elle a entraînés.

Elle fait observer que la conclusion de ce rapport judiciaire est similaire à celui effectué par son médecin conseil, le docteur [C], qui a également conclu à un retard de diagnostic erroné établi sans tenir compte des antécédents médicaux de la patiente avec une absence de prise en charge adéquate.

Madame [W] demande ainsi de voir constater la faute du docteur [G], les lésions causées et le lien de causalité entre la faute et son préjudice, engageant de ce fait la responsabilité de cette dernière.

-Le docteur [G] et la MACSF constatent qu'aux termes de leur rapport, les experts reprochent au praticien un défaut de diagnostic de l’occlusion intestinale, à l’origine d’un retard thérapeutique et plus précisément qu'ils estiment que la prise en charge du Docteur [G] n’a pas été conforme aux bonnes pratiques en ce qu’aucun examen d’imagerie n’a été prescrit, et en ce que la patiente a été autorisée à sortir et n’a pas été hospitalisée pour surveillance.

A titre principal, ils répondent qu'en réalité le tableau clinique de l’occlusion n'était pas constitué lorsque la patiente a consulté aux urgences du Centre Hospitalier [15] le 4 février 2019 à 19h. Ils invoquent les éléments du dossier médical selon lequel un examen clinique a été réalisé par ses soins, retrouvant une patiente certes douloureuse mais apyrétique, eupnéique, et présentant un « abdomen souple, sensible en diffus, pas de contracture ni défense. » Ils considèrent donc que les éléments cliniques caractéristiques de l’occlusion (abdomen dur, défenses, etc) n'étaient pas caractérisés. Ils expliquent que le docteur [G] a traité la douleur de la patiente et mis en place une surveillance, qu'il n'existait aucun argument, à ce stade, en faveur du diagnostic d’occlusion, et donc aucune raison de prescrire un scanner, et ce d’autant plus que le traitement symptomatique prescrit a soulagé les douleurs ; ils se réfèrent à la fiche d'observation.
Ils ajoutent que le docteur [G] s’est légitimement orientée vers le diagnostic de toxi-infection alimentaire collective (TIAC) et a autorisé la sortie, avec précaution toutefois de faire réaliser un bilan biologique, et en lui laissant pour consigne de re-consulter aux urgences si les douleurs devaient réapparaître ou s’intensifier. Ce n’est qu’à compter de 3h du matin, alors qu’elle était de retour à son domicile, que les douleurs auraient repris, de manière encore plus intense avec des signes cliniques très parlant (ventre dur avec sensation d’une grosseur) et que c’est uniquement à ce moment-là que le tableau clinique de l’occlusion s’est constitué et pouvait conduire sans aucun doute à son diagnostic.

Pour l’ensemble de ces raisons, il ne saurait selon eux être retenu de manquement de la part du docteur [G] dont la prise en charge s’est arrêtée à 1h du matin le 5 février 2019.

A titre subsidiaire, ils relèvent que les experts indiquent que le traitement de l’occlusion intestinale sur bride est chirurgical, et doit être rapide, afin d’éviter une nécrose du grêle et précisent que les délais d’apparition d’une nécrose du grêle comme l’étendue de cette nécrose sont toutefois très variables d’un individu à l’autre, et peuvent survenir même en cas de prise en charge précoce et que c’est la raison pour laquelle les experts n’ont retenu qu’une perte de chance.

Ils ne contestent pas le principe de cette perte de chance mais son taux de 50%. En effet ils rappellent que le tableau clinique d’occlusion était en développement et non pleinement constitué lorsque la patiente a été prise en charge par le docteur [G], que la patiente était parfaitement soulagée par les antalgiques administrés, et que ce n’est qu’à 3h du matin, alors qu’elle se trouvait chez elle, que les douleurs sont réapparues. Ayant re-consulté au centre hospitalier d'[Localité 11] le matin à 9h, ce n'est qu'à 19h30 qu'elle a été opérée, soit plus de 10h après son arrivée aux urgences. Selon eux, ce retard de 17h (à compter de la reprise des douleurs à 3h du matin) a incontestablement été préjudiciable à Madame [W]. Ils relèvent que malgré un dire de leur part, les experts ne se sont pas prononcés sur ce point.

Au regard de l’ensemble de ces éléments ils évaluent le taux de perte de chance imputable au médecin urgentiste comme ne pouvant être supérieur à 25%.

-Le CHPE ne se prononce pas sur la responsabilité du docteur [G].

-La CPAM affirme que les experts considèrent que le praticien a eu un comportement non conforme aux règles de l’art et aux données acquises de la science à l’époque du fait générateur.

****

L'article L.1142-1 du code de la santé publique dispose :
« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.»

Par ailleurs l'article L.124-3 du code des assurances dispose que « Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à

concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré. »

La question est donc celle de l'existence d'un préjudice, d'une faute du docteur [G] et d'un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Le docteur [Y], désigné pour réaliser une expertise judiciaire, précise que « le préjudice dont il est cherché réparation est constitué par des douleurs abdominales, des diarrhées et des flatulences imposant un traitement intermittent et des précautions diététiques. » Il indique que « ce préjudice est survenu suite à une occlusion du grêle sur bride, nécessitant la résection de 30cm d'intestin grêle. »
Le docteur [Y] affirme que « la prise en charge initiale du syndrome occlusif aux urgences de la clinique de [Localité 13] par le docteur [G] n'a pas été conforme aux bonnes pratiques », en ce que « une imagerie scanner abdominal (ou radiologie de l'abdomen sans préparation) aurait dû être réalisée en urgences, permettant ainsi de certainement faire le diagnostic. Lorsque le diagnostic est effectué, une hospitalisation, une surveillance et une aspiration digestive étaient nécessaires. En l'absence d'amélioration rapide, une intervention chirurgicale était indiquée. » Or le diagnostic et le traitement ont finalement été effectués aux urgences du centre hospitalier d'[Localité 11]. Il considère que le retard diagnostique et thérapeutique a conduit à une perte de chance de 50% de pouvoir éviter la résection de grêle et les préjudices qu'elle a entraînés.

Il ajoute que Madame [W] présentait un état antérieur qui a participé à hauteur de 50% dans la survenue du dommage.

Au dire du docteur [G] quant à la tardiveté de la prise en charge de la patiente dans le second établissement de santé, l'expert répond que cette appréciation n'entre pas dans le champ de sa mission.
Au dire relatif à la conduite à tenir devant une douleur abdominale et le fait que la radiographie de l'abdomen n'est plus recommandée depuis 2009 par la HAS, notamment au regard de l'observation médicale effectuée par le docteur [G] et qui notait « l'abdomen est souple sensible en diffus, pas de contracture ni défense», l'expert répond de façon circonstanciée que l'examen clinique réalisé paraît insuffisant puisque « L'interrogatoire, faisant partie intégrante de l'examen clinique, n'a pas précisé les éléments sur le transit abdominal, la date et l'heure des dernières selles, la durée de l'arrêt du transit, son caractère habituel ou non, l'existence de gaz. Ces éléments recueillis lors d'un interrogatoire rigoureux étaient nécessaires devant un tableau d'abdomen aigu douloureux et auraient permis d'évoquer un syndrome occlusif (arrêt des matières et des gaz). Aucun de ces éléments n'a été précisé dans le dossier médical. » Et il ajoute que, à l'inverse, ces éléments ont été décrits dans l'observation médicale effectuée au centre hospitalier d'[Localité 11].

Enfin le docteur [Y] rappelle que Madame [W] présentait des antécédents d'appendicectomie et que sachant cela, le tableau de douleur abdominale aiguë et un interrogatoire rigoureux auraient dû conduire à la prescription d'un scanner abdominal permettant le diagnostic sans retard.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que nonobstant les modalités de prise en charge de Madame [W] au centre hospitalier d'[Localité 11], les négligences dans la prise en charge initiale de celle-ci au CHPE par le docteur [G] ont entraîné une perte de chance à hauteur de 50% d'éviter l'opération de résection de l'intestin grêle et les préjudices consécutifs.

S'il ressort des débats et pièces que Madame [W] n'a été opérée au centre hospitalier d'[Localité 11] qu'à 19h30 alors qu'elle s'y était présentée à 9h le matin et si ce temps d'attente a pu participer au préjudice, il convient de remarquer que les deux circonstances, à savoir la faute du docteur [G] et la tardiveté dans la prise en charge de Madame [W] au centre hospitalier d'[Localité 11], ont dans tous les cas concouru chacun à la réalisation de l'entier dommage. En effet, si la prise en charge de Madame [W] au CHPE par le docteur [G] avait été conforme aux bonnes pratiques, il n'y aurait pas eu de perte de chance de 50% de subir les préjudices qui s'en sont suivis. Il n'y a donc pas d'élément suffisant justifiant que la perte de chance soit limitée à 25% comme le sollicite le praticien à titre subsidiaire.

Dès lors, le tribunal constate que le docteur [X] [G] a commis une faute dans la prise en charge initiale de Madame [W] en ne se conformant pas aux bonnes pratiques de la profession pour établir le diagnostic et lui a ainsi fait perdre une chance, fixée à hauteur de 50%, d'éviter la résection de l'intestin grêle et les préjudices consécutifs.

Par ailleurs le tribunal note que la MACSF ne conteste pas être l’assureur de responsabilité civile professionnelle du docteur [X] [G] de sorte qu’elles seront condamnées in solidum, et non solidairement, à réparer 50% du préjudice subi par Madame [W] et consécutif à l'occlusion du grêle sur bride ayant nécessité la résection de l’intestin grêle.

Sur la liquidation du préjudice de Madame [W] en lien avec la faute du docteur [G]

La date de consolidation a été fixée par l’expert judiciaire au 20 décembre 2019. Madame [W] applique le taux de 50% sur chaque poste de préjudice, il sera donc procédé identiquement par le tribunal.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Sur le déficit fonctionnel temporaire

[H] [W] sollicite une indemnisation sur la base de 25€ par jour de déficit fonctionnel temporaire total, en reprenant les périodes et les taux fixés par l'expert pour un montant total de 525€. Ses adversaires divisent cette somme par deux pour tenir compte du taux de perte de chance de 25% qu’ils plaident.

****

Ce chef de préjudice est destiné à compenser la gêne que rencontre la victime dans les actes de la vie courante pendant la maladie traumatique. Il correspond à l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation.

Le tribunal donne acte aux parties de leur accord sur le calcul suivant :
déficit total du 4 au 9 février 2019, soit 6 joursx25€x50% = 75€
déficit de 25% du 10 février au 10 mars 2019, soit 30 joursx25x25%x50% = 93,75€
déficit de 10% du 10 mars au 20 décembre 2019, soit 285 jours x25x10%x50%= 356,25€

Le docteur [G] et la MACSF seront donc condamnés in solidum à payer à Madame [W] la somme de 525€ au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Sur le préjudice esthétique temporaire

Madame [W] note que l’expert a indiqué que le préjudice esthétique temporaire est en rapport avec la cicatrice abdominale et l'évalue à 1,5/7. Elle sollicite une somme de 2000€, que les défendeurs ne contestent pas, la divergence se trouvant sur le coefficient de perte de chance.

Compte tenu de l'accord des parties, le préjudice esthétique temporaire de Madame [W] sera évalué à la somme de 2.000€. Après abattement de 50%, le docteur [G] et la MACSF seront condamnés in solidum à payer la somme de 1.000€ à ce titre.

Sur les souffrances endurées

Pour des souffrances évaluées à 4/7, la victime sollicite une somme de 16.000€ avant abattement. Ses adversaires proposent de lui verser 25% de 8.0000€, soit 2.000€.

****

Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

Les souffrances endurées par Madame [W] sont évaluées à 4/7 par l’expert qui ne précise cependant pas les éléments pris en compte. Celle-ci sollicite de fixer son préjudice à 16.000€ sans apporter d'éléments objectivant ses souffrances endurées.

La victime ayant dû consulter un second service hospitalier en moins de 24h du fait de douleurs abdominales intenses et ayant dû être opérée suite au retard de diagnostic, son préjudice sera évalué à la somme de 8.000€. Il lui sera donc alloué une somme de 8.000€*50% = 4.000€.

Préjudices extra-patrimoniaux définitifs

Sur le déficit fonctionnel permanent

Madame [W] relève que l'expert a établi un taux d'AIPP à 10%, qu'elle est âgée de 40 ans au moment de l’erreur de diagnostic et des négligences du médecin et propose de retenir une valeur du point à 1850. Elle sollicite ainsi une somme de 18500€ avant abattement, à laquelle ses adversaires consentent.

Après application du taux de perte de chance de 50% retenu par le tribunal, le praticien et son assureur seront condamnés in solidum à allouer à la victime la somme de 9.250€.

Sur le préjudice esthétique permanent

Madame [W] sollicite sur la base du taux de 1/7 retenu par l'expert une somme de 2.000€x50% = 1.000€ quand le docteur [G] et la MACSF ne font pas de proposition.

****

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'altération de l'apparence physique avant la consolidation. L'expert note que le préjudice esthétique permanent est lié à une cicatrice sous ombilicale fine et souple.

Le préjudice sera fixé à 1.000€ et il sera donc alloué à Madame [W] la somme de 500€ après abattement de 50%.

Sur le préjudice d'agrément

La demanderesse explique que dans sa pratique du tennis, elle a été déclassée, a perdu sa place en équipe première et a perdu un classement (30 à 30/1)  ; elle soutient que ses douleurs abdominales et les troubles du transit sont une gêne constante dans ses entraînements et la compétition. Elle sollicite en conséquence une somme de 8.000 € et de 4.000€ après abattement de 50%.

Le docteur [G] et la MACSF répondent que si Madame [W] indique dans ses écritures avoir repris ses activités de loisirs préalables à l’intervention, en particulier la pratique du tennis, mais avoir été déclassée et avoir perdu sa place en équipe première, elle ne verse aux débats aucun élément de preuve confirmant ses dires.
Ils ajoutent que le lien de causalité entre son déclassement et sa perte de place au sein de son équipe n’est aucunement démontré et que dans ces circonstances, sa demande devra être rejetée.

****

Le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

En l'espèce aucune attestation, aucun justificatif ne sont versés aux débats afin de confirmer la pratique régulière de certaines activités par Madame [W].

Il convient de rappeler que les troubles dans les conditions d'existence ainsi que la perte de qualité de vie sont pris en compte dans l'évaluation du déficit fonctionnel permanent.

En conséquence il n'y a pas lieu à indemnisation de ce chef de préjudice.

Sur le préjudice sexuel

Madame [W] explique que les douleurs ressenties et les troubles de transit ont une répercussion avérée sur sa libido et en réparation elle sollicite une indemnité de 4.000 € avant abattement, somme que ses adversaires ne contestent pas.

Compte tenu de l'accord des parties sur l'évaluation du préjudice, le docteur [G] et la MACSF seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 4.000€x50% = 2.000€.

Les préjudices patrimoniaux

Sur l'assistance par une tierce personne

Madame [W] reprend les conclusions de l'expert selon lesquelles une assistance par tierce personne a été nécessaire une heure par jour pendant un mois. Sur la base d'un taux horaire moyen de 16€ outre 10% de congés payés, elle réclame 30x16 € = 480 + (480x10%) = 528 € sur laquelle un accord est trouvé, avant application du taux de perte de chance.

Compte tenu de l'accord des parties sur l'évaluation du préjudice, le docteur [G] et la MACSF seront condamnés in solidum à payer à Madame [W] la somme de 528€x50% = 264€.

Sur les frais d'assistance de médecin conseil, d’avocat et d’huissier

Madame [W] explique avoir dû engager un médecin conseil du fait de l’attitude persistante de refus d’indemnisation du médecin et de son assureur qu’il n'est pas normal qu’elle en assume le coût d’un montant total de 1.320 € ; elle ajoute qu'elle a également réglé une somme de 6.846,45€ consistant dans les frais de conseil (6.560,49€ d'honoraires) et 285,96€ de frais d'huissier pour l'assignation en référé. Les défendeurs y consentent à proportion de leur part de responsabilité.

****

Ces dépenses de médecin conseil, d’huissier et d'avocat sont indépendantes du taux de perte de chance puisque Madame [W] aurait dû y faire face dans tous les cas et qu’elle en justifie. Il y a donc lieu de condamner le docteur [G] et la MACSF à les prendre en charge intégralement à hauteur de l’accord des parties soit 1.320€ pour les frais de médecin conseil, 6.560,49€ pour les honoraires d’avocat et 285,96€ pour l’assignation en référé.

En revanche les honoraires d'expert judiciaire taxés seront inclus dans les dépens.
C’est donc 8.166,45 € de dommages-intérêts qui seront mis à la charge des défendeurs.

Au total le docteur [G] et la MACSF seront condamnés in solidum à payer à Madame [W] au titre de son préjudice les sommes suivantes :

déficit fonctionnel temporaire : 525,00€
préjudice esthétique temporaire : 1.000,00€
souffrances endurées : 4.000,00€
déficit fonctionnel permanent : 9.250,00€
préjudice esthétique permanent : 500,00€
préjudice sexuel : 2.000,00€
assistance par tierce personne : 264,00€
Frais divers : 8.166,45€

Sur le recours du tiers payeur

La CPAM indique avoir versé des prestations à Madame [W] pour une somme de 9.553,77€ et elle sollicite la condamnation du docteur [G] et de son assureur à lui payer la moitié soit 4.776,89€. Le docteur [G] et son assureur ne contestent pas le montant de la créance du tiers payeur.

S’agissant de l’indemnité forfaitaire de gestion codifiée à l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale d’un montant revalorisé selon arrêté en date du 14 décembre 2021 de 1.114 €, il n'y a pas lieu à réduction de cette indemnité qui est forfaitaire en fonction du taux de perte de chance lié au préjudice de Madame [W].

Compte tenu des justificatifs produits par la CPAM et le taux de 50% retenu, le docteur [G] et la MACSF seront condamnés in solidum à lui payer les indemnités de 4.776,89€ et 1.114 €. La première produira des intérêts au taux légal à titre moratoire à compter du jugement à intervenir.

Sur la responsabilité du centre hospitalier [15]

Relative à la communication du dossier médical

-Madame [W] recherche la responsabilité du premier établissement de santé sur le fondement des articles L.1111-7 et R.1111-1 du code de la santé publique.

Elle explique avoir dû lui demander à plusieurs reprises la communication de l’intégralité de son dossier médical, que sa première demande datait du 11 février 2019 et que les informations médicales lui ont été communiquées six mois plus tard, le 29 août 2019, au mépris de la législation qui prévoit un délai de 8 jours et qu'en outre, pour obtenir ce rapport, elle a également dû alerter l’Agence régionale de santé.

Elle ajoute qu'elle a appris que ce dossier médical était erroné, le nom du médecin mentionné comme l'ayant prise en charge, le docteur [Z], n'étant pas le bon, puisqu'elle a été prise en charge par le docteur [G].

Enfin Madame [W] indique qu'elle souhaitait saisir l'ordre professionnel des infirmières pour non-respect des obligations déontologiques par l'infirmière qui s'était occupée d'elle et qui aurait manqué à ses obligations professionnelles en l'humiliant par un surnom (la dame qui a mal) et en tenant des propos déplacés à son égard, mais qu'elle n'a pu entamer cette démarche, la clinique ayant toujours refusé de communiquer le nom de cette infirmière et elle-même ne pouvant se fier au nom mentionné sur le dossier médical, soit [L] [D], par crainte qu’il soit lui-même faux.

Elle considère que ces circonstances ont engendré un préjudice d'une part en la privant de la possibilité de poursuivre l’infirmière sur le plan déontologique devant le conseil départemental de l’ordre des infirmiers et d'autre part en retardant l'indemnisation de son préjudice.

Elle sollicite en réparation une somme de 5.000€ au titre de son préjudice moral.

- Le centre hospitalier répond que les établissements de santé font face à un nombre particulièrement conséquent de demandes de communication de dossier de sorte qu’il est très complexe de respecter le délai de 8 jours imparti. Il dit regretter le délai imposé mais relève que ce retard n’a entraîné aucune forclusion ni prescription privant la patiente de toute démarche indemnitaire et n’est donc en lien avec aucun préjudice. Il note qu'à l’appui du dossier médical, les experts se sont prononcés sur la qualité des soins délivrés à Madame [W] et ont considéré ces derniers comme conformes aux règles de l’art.

Le CHPE ajoute que toutes les informations utiles y étaient retranscrites pour permettre à Madame [W] d’engager la procédure déontologique qu’elle estimait nécessaire, que dans ces circonstances, le préjudice moral tiré de l’absence d’information du nom du personnel paramédical l’ayant pris en charge est inexistant.

****

L'article L.1111-7 du code de la santé publique dispose que : « Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels de santé, par des établissements de santé par des centres de santé, par des maisons de naissance, par le service de santé des armées ou par l'Institution nationale des invalides qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.
Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie en application du quatrième alinéa. Lorsque la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, la personne en charge de la mesure a accès à ces informations dans les mêmes conditions. Lorsque la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique avec assistance, la personne chargée de l'assistance peut accéder à ces informations avec le consentement exprès de la personne protégée. (...) »

En l'espèce, il n'est pas contesté par le CHPE que le dossier médical a été transmis
6 mois après la demande et non 8 jours comme le prévoit le texte susvisé. Si un retard de quelques jours peut ne pas être préjudiciable au patient, un délai de 6 mois doit être considéré comme causant nécessairement un grief au demandeur, qui attend en vain pendant de longues semaines ces éléments médicaux.

Dès lors le préjudice qui en est résulté pour Madame [W] sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1.500€.

En revanche, le nom de l'infirmière ayant pris en charge Madame [W] lors de son passage au service des urgences était bien mentionné dans ce dossier : elle disposait dont des éléments suffisants pour engager une procédure à l'encontre de celle-ci. Il ne lui appartenait pas de présumer de ce que les informations contenues dans le dossier pourraient être inexactes pour arguer qu'elle ne pouvait pas, de ce seul fait hypothétique, engager de procédure.

Du fait de ses préposés

-Madame [W] se fonde sur les articles 1231-1, 1241 et 1242 du code civil et sur les articles R.4312-3 et suivants du code de la santé publique.

Madame [W] rappelle qu'elle a attendu au sein du CHPE durant des heures avec des douleurs abdominales importantes et des vomissements répétitifs, qu'il a été indiqué à son mari que le passage s’effectuait par ordre d’arrivée et non de priorité et que ce sont les personnes présentes dans la salle d’attente qui ont demandé au personnel soignant de la faire passer en priorité, en la voyant vomir dans une bassine. Elle affirme que le CHPE n'avait pris aucune mesure avant l’intervention des autres patients, et que par la suite le personnel soignant a pris l’initiative de la nommer « la Dame qui a mal » et l’a placée sur un brancard dans un couloir de passage avec une perfusion.

Elle indique également que lorsqu'elle a demandé qu'il lui soit administré des anti-douleurs, l’infirmière qui pourrait être Madame [L] [D] lui a répondu qu’elle était responsable de sa douleur et qu’il fallait qu’elle patiente. En outre et malgré la libération de boxes, à aucun moment, le personnel médical ne l’y a transférée afin de lui assurer un minimum de dignité.

Elle estime avoir ainsi subi des heures d’indifférence et de dénigrement humiliant sur son état de santé par le personnel soignant de la clinique. Elle ajoute que son mari a appelé le service des urgences de l’établissement de santé, à deux reprises, à 3 heures et 6 heures du matin, et qu'il lui a été répondu au premier appel téléphonique : « Monsieur, chacun son métier. Si on devait revoir toutes les personnes qui ont un peu mal, on ne s’en sortirait pas », puis au second appel : « Écoutez ce n’est pas la peine de revenir, on ne la prendra pas en charge on a fait ce qu’il fallait et si vous n’avez pas confiance vous avez qu’à consulter ailleurs».

Elle explique que le CHPE a refusé la communication du nom de l'infirmière ayant prononcé les propos critiqués et de la confronter à elle-même dans le cadre d’une médiation.

Enfin Madame [W] affirme que l’infirmière l’ayant pris en charge le 4 février 2019 aurait manqué à ses devoirs déontologiques.

Madame [W] considère que le comportement négligent et humiliant du personnel soignant lui a causé un préjudice moral du fait de l’atteinte à sa dignité et aux souffrances psychiques et physiques endurées lors de son passage aux urgences. Elle sollicite à ce titre une somme de 10.000€, le Centre hospitalier [15] étant responsable des actes commis par son personnel soignant.

-Le CHPE se fonde sur l'article L.1142-1 du code de la santé publique pour rappeler que l’indemnisation des patients est subordonnée à la démonstration d’une faute, d’un préjudice et une relation causale certaine et directe entre la faute et le préjudice.

L’établissement conteste les affirmations de Madame [W] et s'appuie sur la fiche de procédure d’accueil et d’orientation des patients aux urgences au moment des faits pour démontrer qu’un tri est réalisé par ordre d’urgence et non par ordre d'arrivée. Il expose que suite à l’arrivée de Madame [W] le 4 février à 20h43, une évaluation du degré d’urgence de son état de santé a été réalisée à 20h44, soit immédiatement à son arrivée, qu'elle a été classée en urgences 4, son état nécessitant ainsi une consultation sans délai de prise en charge puis qu'elle a été examinée par le Docteur [G] à 21 heures 30 soit 45 minutes après son arrivée, à la suite de quoi elle a bénéficié d’un traitement par voie intraveineuse jusqu’à 1 heure du matin où sur avis médical, elle a été finalement autorisée à regagner son domicile.

Selon le CHPE, le dossier médical fait également apparaître que Madame [W] a été régulièrement surveillée par une infirmière et que ses constantes ont été régulièrement prises.

Le CHPE conclut qu'il apparaît objectivement que le personnel paramédical n’a pas ignoré la patiente pendant des heures et que celle-ci a bénéficié d’une prise en charge rapide et diligente au service des urgences et d’une surveillance régulière. Il rappelle que la patiente a été prise en charge dans un service d’urgences, sous tension constante qui met tous les moyens en œuvre pour prendre en charge les patients dans les meilleurs conditions et délais et que dans ce cadre, les box sont réservés à des urgences de degré plus important que celui dans lequel se trouvait Madame [W] expliquant ainsi qu’elle n’y est pas été installée.

Le CHPE répond enfin que les propos qui auraient été tenus par une infirmière ne sont pas démontrés et qu'en tout état de cause, Madame [W] ne justifie pas de l’existence d’un préjudice moral ouvrant droit à une indemnisation.

S'agissant des propos déplacés, inadaptés et humiliants qui auraient été tenus à son mari lors des appels téléphoniques dans la nuit, le CHPE estime que ces affirmations relèvent d’un ressenti subjectif et ne sont étayées par aucun élément et qu'au surplus ils n’ouvrent pas droit à indemnisation.

S'agissant des manquements de l'infirmière à ses devoirs déontologiques, la clinique remarque que le présent tribunal n'est pas compétent pour trancher des contestations relatives au comportement professionnel des infirmières et du respect par celles-ci des dispositions du code de déontologie tel que codifiées par le code de santé publique et qu'en tout état de cause, les manquements déontologiques allégués ne sont aucunement avérés.

Le CHPE demande en conséquence le débouté de Madame [W] de sa demande au titre de la responsabilité de celui-ci du fait de ses préposés.

****

L’article 1242 alinéa 1er du code civil énonce que l’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait de personnes dont on doit répondre.
L’alinéa 5 ajoute que les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Il ressort du document produit par le CHPE et intitulé « Procédure d'accueil et d'orientation des patients aux urgences » que les patients font l'objet d'une évaluation sommaire à leur arrivée afin de déterminer « le degré d'urgence des soins requis ». Le degré d'urgence est côté de 1 à 4 et il est précisé « le temps de prise en charge des scores 3 et 4 est dépendant du flux patient à l'instant de l'enregistrement ; le patient en est informé à son arrivée. »

En l'espèce, l'urgence de Madame [W] a été cotée à 4 et les scores 3 et 4 étant dépendant du flux des patients, ceci peut expliquer qu'un ordre d'arrivée ait été respecté et qu’elle n’ait pu disposer d’un box semblant réservé aux patients présentant des scores 1 et 2.

Il ressort du compte-rendu de passage aux urgences versé aux débats que Madame [W] s'est présentée le 4 février 2019 à 20h43, a été prise en charge à 20h44 puis a été reçue par un médecin à 21h30 et a ensuite fait l'objet d'un traitement par voie intraveineuse jusqu'à 00h59 où le médecin notait qu'elle était « bien soulagée » et autorisait son retour à domicile.

Les reproches adressés à l'infirmière qui aurait tenu des propos humiliants ne sont pas objectivés. A les supposer vrais, on ne sait au demeurant pas quand ils ont été prononcés, à combien de reprises, dans quelles circonstances. De la même façon, les réponses faites à l'époux de Madame [W] telles que ce dernier en atteste seul ne sont aucunement corroborées pour établir un comportement fautif.

En conséquence Madame [W] ne démontre aucune faute justifiant une indemnisation.

Sur les demandes accessoires

Le docteur [G], la MACSF et le CHPE qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens de la présente instance, lesquels incluront le coût de l’expertise judiciaire ; leur distraction sera accordée à Maître Catherine LEGRANDGERARD, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Madame [W] demande une indemnité de procédure de 7.000€ au visa de l'article 700 du code de procédure civile aux trois défendeurs. Compte tenu de l’absence de justificatif et de l’indemnité déjà allouée pour les honoraires d’avocat, il lui sera alloué une somme de 2.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile par le docteur [G], la MACSF et le CHPE.

Le docteur [G], la MACSF seront également condamnés à payer à la CPAM des Yvelines la somme de 1.200€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et seront déboutés de leurs demandes de ce chef comme le CHPE.

Enfin il est rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,

Dit que la faute du docteur [X] [G] a entraîné une perte de chance de 50% pour Madame [H] [W] de ne pas avoir à subir la résection de 30cm d'intestin grêle consécutif à l'occlusion du grêle sur bride ;

Condamne in solidum le docteur [X] [G] et la MACSF à indemniser Madame [H] [W] en lui versant les sommes suivantes :

déficit fonctionnel temporaire : 525,00€
préjudice esthétique temporaire : 1.000,00€
souffrances endurées : 4.000,00€
déficit fonctionnel permanent : 9.250,00€
préjudice esthétique permanent : 500,00€
préjudice sexuel : 2.000,00€
assistance par tierce personne : 264,00€
Frais divers : 8.166,45€

Rejette la demande faite au titre du préjudice d’agrément,

Condamne le centre hospitalier privé de l'Europe à payer à Madame [H] [W] une somme de 1.500,00€ au titre de son préjudice en lien avec la communication tardive de son dossier médical ;

Déboute Madame [W] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral lié à la faute commise par les salariés du centre hospitalier privé de l'Europe ;

Condamne in solidum le docteur [X] [G] et la MACSF à payer à la CPAM des Yvelines la somme de 4.776,89€ au titre de ses débours avec intérêts légaux à compter du présent jugement, celle de 1.114,00 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion  et celle de 1.200,00€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum le docteur [X] [G], la MACSF et le centre hospitalier privé de l'Europe aux dépens de la présente instance qui incluront le coût de l’expertise judiciaire et ordonne la distraction au profit de Maître Catherine LEGRANDGERARD, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum le docteur [X] [G], la MACSF et le centre hospitalier privé de l'Europe à payer à Madame [H] [W] une somme de 2.000,00€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute le docteur [X] [G], la MACSF et le centre hospitalier privé de l'Europe de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 AVRIL 2024 par Mme DUMENY, Vice Présidente, assistée de Madame GAVACHE, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 22/03438
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;22.03438 ?
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