TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
23 AVRIL 2024
N° RG 24/00225 - N° Portalis DB22-W-B7I-R2NP
Code NAC : 60A
AFFAIRE : [O] [K] divorcée [M], [X] [M]-[K] C/ S.A. AXA FRANCE IARD, [T] [I], Société GMF, Organisme CPAM DES YVELINES
DEMANDEURS
Madame [O] [K] divorcée [M]
née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 9] (ROUMANIE), demeurant [Adresse 6]
Admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle à 25% par décision du 23 janvier 2023 - N° BAJ 78646/001/2022/010249.
représentée par Me Hervé KEROUREDAN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 40
Monsieur [X] [M]-[K]
né le [Date naissance 3] 2000 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Hervé KEROUREDAN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 40
DEFENDERESSES
S.A. AXA FRANCE IARD,
dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Marion CORDIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189
Madame [T] [I],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Olivier ROUAULT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 135
La société GMF,
Société d’assurance mutuelle immatriculé au RCS de Nanterre sous le n°775 691 140, ayant son siège social [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège (contrat n°12574737.91 N).
représentée par Me Olivier ROUAULT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 135
CPAM DES YVELINES,
dont le siège social est sis [Adresse 7]
non comparante
Débats tenus à l'audience du : 12 Mars 2024
Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 12 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 23 Avril 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :
EXPOSE DU LITIGE
Par acte de Commissaire de Justice en date du 8 février 2024, Mme [O] [M] née [K] et M. [X] [M]-[K] ont assigné la société AXA FRANCE IARD, Mme [T] [I], la société GMF et la CPAM des Yvelines en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir :
- ordonner une expertise médicale,
- condamner Mme [I] in solidum avec son assureur la GMF au paiement de la somme provisionnelle de 10.000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive du préjudice subi par Mme [M],
- allouer à [X] [M] une provision de 2000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice d’affection (demande précisée dans les motifs de l'assignation),
- condamner Mme [I] in solidum avec son assureur la GMF à payer à Mme [M] une provision ad litem de 3000 euros,
- condamner Mme [I] in solidum avec son assureur la GMF au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle expose que le 6 décembre 2018, à [Localité 13] à l’angle de la [Adresse 11] et de la [Adresse 12], le véhicule conduit par Mme [T] [I], assurée auprès de la GMF, n’a pas respecté le cédez-le-passage et a percuté au niveau de la portière arrière gauche le véhicule conduit par Mme [M], assurée auprès de la sociéte AXA, qui remontait la [Adresse 12], étant précisé que Mme [M], exerçant à l’époque la profession de personnel navigant commercial (en invalidité depuis novembre 2016), était accompagnée de son fils [X], âgé de 18 ans, passager avant droit ; qu'après avoir été désincarcérée par les pompiers durant près d’une heure Mme [M] a été transportée par le SAMU aux urgences de l’Hôpital [10], qui établissaient un certificat descriptif initial faisant mention de très lourdes lésions, générant par la suite de lourds traitements, un important stress traumatique et la persistance et la majoration des douleurs lombaires depuis 2021 avec irradiation dans le membre inférieur gauche ne lui permettant plus d’exercer une activité professionnelle ; que la société AXA lui a versé une provision de 1000 euros à valoir sur l’indemnisation des souffrances endurées et a missionné le docteur [V] pour une expertise médicale amiable, qui n’a pas eu lieu ; que suite à la destruction de son véhicule, AXA lui a également versé une indemnité de 1200 euros en réparation de son préjudice matériel.
Elle ajoute que son fils n'a, miraculeusement, pas été blessé dans l'accident mais a été très traumatisé à la vue de sa mère qu’il a pensé morte alors que les pompiers réalisaient les opérations de désincarcération.
La société AXA FRANCE IARD, constituée, ne s'oppose pas à la demande d'expertise (par mail).
Mme [I] et la société GMF ont conclu au débouté des demandes de provision et subsidiairement à la réduction de la provision sollicitée par Mme [M], faisant valoir que si la mise en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 n'est pas contestée et le droit à indemnisation de Mme [M] acquis, il n’existe toutefois pas en l'état de document de référence pour envisager l'allocation d'une provision, qui paraît prématurée, notamment au regard de la situation décrite par la victime d'un un état antérieur qui ne permett pas en l'état d'apprécier le cadre de sa future indemnisation ; que s'agissant de la demande de provision de M. [X] [M], celui-ci n'a pas été blessé.
La CPAM des Yvelines n'a pas fait d'observations (pas de représentation obligatoire).
La décision a été mise en délibéré au 23 avril 2024.
MOTIFS
Sur la demande d'expertise
L'article 143 du code de procédure civile dispose que "Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible."
L'article 232 du code de procédure civile ajoute que "Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d'un technicien."
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile : « S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».
En l'espèce, la mesure demandée est légalement admissible ; le litige potentiel a un objet et un fondement suffisamment caractérisés ; la prétention de la demanderesse n'est pas manifestement vouée à l'échec ; la demanderesse, dont les allégations ne sont pas imaginaires et présentent un certain intérêt, justifie par la production des pièces médicales, du caractère légitime de sa demande.
Il y a lieu d'y faire droit, dans les conditions détaillées dans le dispositif.
Sur les demandes de provision
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le Président du Tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En l'espèce, il résulte des éléments produits que le préjudice corporel de Mme [M] n'est pas contestable, indépendamment même de son état médical antérieur. Il y a lieu en conséquence de lui accorder une provision de 10 000 euros.
Il n'est pas contestable non plus que son fils de 18 ans, M. [X] [M], passager avant lors de l'accident, bien que n'ayant pas été blessé, a subi un traumatisme psychologique manifeste résultant de l'importance du choc et de l'intervention longue et compliquée des secours pour désincarcérer sa mère, dont le pronostic vital pouvait laisser à penser qu'il était engagé. Il y a lieu en conséquence de lui accorder une provision de 2000 euros.
Une provision ad litem de 2500 euros sera également accordée à Mme [M], qui justifie d'une situation personnelle financière difficile, bénéficiant de l'aide juridiction partielle.
Il y a lieu de déclarer commune à la CPAM des Yvelines la présente ordonnance.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner in solidum Mme [I] et la société GMF à verser à Mme [M] la somme de 2000 euros à ce titre.
Les dépens seront à la charge in solidum de Mme [I] et de la société GMF.
PAR CES MOTIFS
Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, juge des référés, statuant par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort :
Ordonnons une mesure d'expertise,
Désignons pour y procéder le Docteur [Z] [R], expert auprès la Cour d'appel de Versailles, avec mission, après s'être fait communiquer tous documents utiles, avoir consulté toute personne susceptible de l'éclairer et s’être adjoint tout sapiteur de son choix de :
- convoquer toutes les parties,
- examiner la victime,
- décrire les lésions qu'elle impute,
- dire si ces lésions sont en relation directe et certaine avec les faits décrits,
- donner son avis sur l’existence d’un éventuel état antérieur, d’éventuelles erreurs, imprudences, négligences, manques de précaution, imputables à l’un ou l’autre des intervenants, personnel médical ou établissement,
- fixer la date de consolidation des blessures et si celle-ci n'est pas encore acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et évaluer les seuls chefs de préjudice qui peuvent l'être en l'état,
SUR LES PRÉJUDICES TEMPORAIRES (avant consolidation) :
- déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire en indiquant s’il a été total ou si une reprise partielle est intervenue et, dans ce cas, en préciser les conditions et la durée,
- le cas échéant, déterminer l’incidence professionnelle de ce déficit fonctionnel temporaire,
- dégager en les spécifiant les éléments propre à justifier une indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire résultant pour la victime de l'altération temporaire de son apparence physique subie jusqu'à sa consolidation ; qualifier l'importance de ce préjudice ainsi défini selon l'échelle à sept degrés,
- dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur en prenant en compte toutes les souffrances, physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que la victime a dû endurer du jour de l'accident à celui de sa consolidation ; qualifier l'importance de ce préjudice ainsi défini selon l'échelle à sept degrés,
- rechercher si la victime était du jour de l'accident à celui de sa consolidation médicalement apte à exercer les activités d'agrément, notamment sportives ou de loisirs, qu'elle pratiquait avant l'accident,
SUR LES PRÉJUDICES PERMANENTS (après consolidation) :
- déterminer si la victime est atteinte d’un deficit fonctionnel permanent, et dans l’affirmative après en avoir précisé les éléments, en chiffrer le taux,
- le cas échéant, dire si l’aide d’une tierce personne est indispensable, dans l’affirmative indiquer la qualification de celle-ci et préciser pour quels actes de la vie courante et pendant quelle durée quotidienne cette aide est indispensable et comment la victime peut être appareillée, décrire les prothèses, orthèses ou aides techniques nécessaires, leur incidence sur la capacité fonctionnelle et éventuellement la fréquence de leur renouvellement,
- dire si des soins postérieurs à la consolidation sont nécessaires, en indiquer la nature, la quantité, la nécessité éventuelle de leur renouvellement, leur périodicité,
- déterminer si la victime en fait état les répercussions des séquelles sur les activités professionnelles, d’agrément, sur la vie sexuelle,
- émettre un avis motivé en discutant de l’imputabilité de la répercussion évoquée aux fait, aux lésions et aux séquelles retenues,
- dégager en les spécifiant les éléments propre à justifier une indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent résultant pour la victime de l'altération de son apparence physique persistant après sa consolidation ; qualifier l'importance de ce préjudice ainsi défini selon l'échelle à sept degrés,
- fournir toute précision technique et de fait de nature à permettre la juridiction éventuellement saisie d’apprécier les responsabilités encourues et d’évaluer les préjudices subis,
Fixons à 1500 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
Disons que la demanderesse, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, est dispensée de la consignation de cette somme, qui sera prise en charge par le Trésor Public,
Disons que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile, en présence des parties ou elles dûment convoquées, qu'il entendra les parties en leurs observations et explications, y répondra, qu'il joindra ces observations à son rapport lorsqu’elles seront écrites et que la demande lui en sera faite, qu’il devra impartir un délai de rigueur pour déposer les pièces justificatives qui lui paraîtront nécessaires et, à l’expiration du délai, aviser le juge de l’éventuelle carence des parties, qu’il vérifiera que les parties ont été à même de débattre des constatations et documents au vu desquels il entend donner son avis et qu’il devra procéder personnellement à ses opérations, avec le cas échéant l’avis d’autres techniciens qu’il aura sollicités,
Disons que l’expert devra déposer un pré-rapport, qu’il devra, lors de l’établissement de sa première note d’expertise indiquer le calendrier des opérations et le coût prévisionnel de la mesure d’expertise, qu’il informera le juge de l’avancement de ses opérations et de ses diligences et qu’il devra déposer un rapport de ses opérations et conclusions qu'il déposera au Greffe du service des expertises de cette juridiction dans le délai de 4 mois à compter de l'avis de la consignation au Greffe,
Disons qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par le Magistrat chargé du contrôle des expertises qui est par ailleurs chargé de la surveillance des opérations d’expertise,
Condamnons in solidum Mme [T] [I] et la société GMF à payer à Mme [O] [M] née [K] la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice,
Condamnons in solidum Mme [T] [I] et la société GMF à payer à M. [X] [M]-[K] la somme de 2000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice,
Condamnons in solidum Mme [T] [I] et la société GMF à payer à Mme [O] [M] née [K] la somme de 2500 euros à titre de provision ad litem,
Condamnons in solidum Mme [T] [I] et la société GMF à payer à Mme [O] [M] née [K] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déclarons commune à la CPAM des Yvelines la présente ordonnance,
Condamnons in solidum Mme [T] [I] et la société GMF aux dépens.
Prononcé par mise à disposition au greffe le VINGT TROIS AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
Le GreffierLa Première Vice-Présidente
Virginie DUMINYGaële FRANÇOIS-HARY