TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 19 AVRIL 2024
N° RG 22/00806 - N° Portalis DB22-W-B7G-QM5T
JUGE DE LA MISE EN ETAT : Madame MESSAOUDI, ViceèPrésidente
GREFFIER :Madame SOUMAHORO, Greffier,
DEMANDERESSE au principal et défenderesse à l’incident :
La société CM CIC LEASING SOLUTIONS, S.A.S. immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 352 862 346, dont le siège social est [Adresse 6], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Me Laurent BARDET, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEFENDEUR au principal et demandeur à l’incident :
Monsieur [V] [W], né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 4], de nationalité française, dont le domicile est situé au [Adresse 3]), exerçant la profession de dirigeant de sociétés,
représenté par Me Emmanuel TORDJMAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant
DEBATS : A l'audience publique d’incident tenue le 26 Février 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame MESSAOUDI, Juge, juge de la mise en état assistée de Madame SOUMAHORO, greffier, puis le Magistrat chargé de la mise en état a avisé les parties que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe à la date du 19 Avril 2024.
EXPOSE DU LITIGE
La société par actions simplifiée M. [V] (ci-après « la société M. [V] ») dont Monsieur [V] [W] était le dirigeant, exerçait une activité de couverture, charpente et démoussage.
Le 22 juillet 2019, elle a conclu avec la société par actions simplifiée CM-CIC LEASING SOLUTIONS (ci-après « la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS ») un contrat de crédit-bail en date du 22 juillet 2019 pour un véhicule TALENTO FIAT immatriculé [Immatriculation 5], sur une durée irrévocable de 60 mois avec option d’achat de 207 euros HT prévoyant un paiement de 9 loyers mensuels de 349,05 euros HT, soit 469,96 euros TTC.
Le 1er octobre 2019, la société M. [V] a été dissoute amiablement et Monsieur [V] [W] a été désigné comme liquidateur amiable.
A la suite de difficultés de paiement des loyers, la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a constaté la résiliation de plein droit du crédit-bail par courrier du 12 novembre 2021.
Par acte de commissaire de justice du 25 janvier 2022, la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a assigné Monsieur [V] [W] devant le tribunal judiciaire de VERSAILLES sur le fondement des articles 1240 du code civil et L 237-12 du code de commerce afin de le voir condamné, en sa qualité de liquidateur amiable de la société M. [V], à lui payer la somme de 21.452,29 euros à titre de dommages et intérêts et à lui restituer le véhicule objet du contrat de crédit-bail qui avait été conclu par la société M. [V].
Le 4 avril 2022, le juge de la mise en état a rendu une ordonnance de clôture fixant l’audience de plaidoirie au 24 mai 2022.
Par jugement réputé contradictoire du 12 juillet 2022, la deuxième chambre civile du tribunal judiciaire de VERSAILLES a ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et la réouverture des débats, et renvoyé les parties à l’audience de la mise en état du 17 octobre 2022. Elle a estimé sur le fondement des articles 14 et 16 du code de procédure civile que le demandeur n’a pas justifié de ses démarches pour tenter de faire signifier l’acte d’assignation à l’adresse indiqué sur le K-BIS du la société M. [V], et que les circonstances exposées étaient insuffisantes à caractériser l’impossibilité d’une signification à la personne du défendeur.
Par conclusions d’incident du 14 septembre 2023 notifiées par voie électronique à la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS, Monsieur [V] [W] soulève l’incompétence matérielle du Tribunal judiciaire de VERSAILLES et demande de :
« Vu les articles L 237-12 et L 721-3 2° du code de commerce,
Vu les articles 75, 78 et suivants et 789 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
JUGER que le tribunal judiciaire de VERSAILLES est incompétent matériellement pour connaître des demandes formées par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS à l’encontre de M. [V] [W] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société M. [V] ;
En conséquence,
DECLARER le tribunal judiciaire de VERSAILLES incompétent pour statuer sur les demandes formées par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS ;
RENVOYER la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Versailles ;
En tout état de cause,
DEBOUTER la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER société CM-CIC LEASING SOLUTIONS à payer la somme de 2.000 euros à M. [V] [W] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS aux entier dépens. »
Par conclusions en réponse sur incident notifiées le 14 septembre 2023 par voie électronique à Monsieur [V] [W], la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a sollicité du juge de la mise en état de :
« Vu les dispositions de l’article 1240 du code civil, de l’article L 237-12 du code de commerce,
Dire la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS recevable et bien fondée en ses demandes ;
Se DECLARER matériellement compétent pour statuer ;
En conséquence,
DIRE que Monsieur [V] [W] en sa qualité de liquidateur amiable a commis une faute en clôturant prématurément les comptes de la société M. [V] sans tenir compte de la créance de la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS ;
CONDAMNER Monsieur [V] [W] en sa qualité de liquidateur amiable de la société M. [V] à payer à société CM-CIC LEASING SOLUTIONS la somme de 21.452,29 euros à titre de dommages et intérêts ;
S’ENTENDRE Monsieur [V] [W] en sa qualité de liquidateur amiable de la société M. [V] condamné à restituer le véhicule objet du contrat de crédit-bail qu’il détient sans droit ni titre à ses frais et sous sa responsabilité et ce, dans la huitaine de la signification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
CONDAMNER Monsieur [V] [W] à payer à la société CM CIC LEASING SOLUTIONS une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappeler l’exécution provisoire qui est de droit conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile ;
Le condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Laurent BARDET conformément aux dispositions prévues à l’article 699 du code de procédure civile. »
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L’incident, fixé pour être plaidé à l’audience du 26 février 2024, a été mis en délibéré au 19 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de constatations, même lorsqu'elles sont libellées sous la forme d'une demande tendant à voir « dire que » ou « juger que » formées dans les écritures des parties, dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais recèlent en réalité les moyens des parties.
Sur la demande d’incompétence
Au soutien de sa demande principale en incompétence matérielle du tribunal saisi, Monsieur [V] [W] estime sur le fondement des articles 721-3, 2°et L 237-24 alinéa 1er du code de commerce, que la responsabilité du liquidateur qui agit dans l’intérêt social et réalise des opérations se rattachant directement à la gestion de la société commerciale relève de la compétence exclusive du tribunal commercial, seule compétente pour connaître des actions en responsabilité intentée à l’encontre d’un liquidateur amiable d’une société commerciale.
La société CM-CIC LEASING SOLUTIONS soutient que le tribunal judiciaire de céans est parfaitement compétent pour statuer sur la responsabilité délictuelle de Monsieur [V] [W] en tant que liquidateur amiable et que cet incident a une fin purement dilatoire.
***
Sur le fondement des articles 76 et 81 du code de procédure civile, le juge peut prononcer son incompétence en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution et désigner la juridiction compétente.
En vertu de l’article 721-3, 2° du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales.
En outre, l’article L 237-24 du même code dispose que :
« Le liquidateur représente la société. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour réaliser l'actif, même à l'amiable. Les restrictions à ces pouvoirs, résultant des statuts ou de l'acte de nomination, ne sont pas opposables aux tiers.
Il est habilité à payer les créanciers et répartir le solde disponible.
Il ne peut continuer les affaires en cours ou en engager de nouvelles pour les besoins de la liquidation que s'il y a été autorisé, soit par les associés, soit par décision de justice s'il a été nommé par la même voie. »
En l’espèce, il ressort des éléments de la procédure que la société par actions simplifiée M. [V], société commerciale immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Versailles dont le siège social est établi au [Adresse 1]), a fait l’objet d’une liquidation amiable et d’une dissolution publiée le 14 novembre 2019, que Monsieur [V] [W] a bien été désigné en qualité de liquidateur amiable et que ce faisant, il a clôturé les comptes en omettant la créance de la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS qui est également une société commerciale enregistrée au Registre de commerce et des sociétés de Paris ayant son siège social sis [Adresse 6]).
Ainsi, il apparaît que l’action initiée par la CM-CIC LEASING SOLUTIONS aux fins d’engager la responsabilité du liquidateur de la société M. [V], ne relève pas de la compétence du tribunal judiciaire mais du tribunal de commerce.
En conséquence, il convient de dire le tribunal de grande instance de Versailles incompétent et de renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Versailles.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire susceptible de recours dans les conditions prévues par l’article 795 du code de procédure civile,
DECLARE le tribunal de grande instance de Versailles incompétent au profit du tribunal de commerce de Versailles ;
DIT qu’il sera procédé conformément aux dispositions de l’article 82 du code de procédure civile ;
RESERVE les dépens ;
DIT n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 AVRIL 2024 par Madame MESSAOUDI, Juge, assistée de Madame SOUMAHORO, Greffier.
Le GREFFIER Le JUGE de la MISE en ETAT