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18/04/2024 | FRANCE | N°23/01766

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Chambre des référés, 18 avril 2024, 23/01766


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
18 AVRIL 2024



N° RG 23/01766 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYG7
Code NAC : 74A

DEMANDEURS

Madame [R] [W] épouse [X],
née le 04 Juin 1981 à [Localité 21],
demeurant [Adresse 5]

Monsieur [A] [X],
né le 06 Janvier 1981 à [Localité 20],
demeurant [Adresse 5]

Représentés par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618, avocat postulant et par Me Nathalie VERSIGNY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B.73, avocat plaidant,


DEFEND

EURS

Monsieur [M] [T], [I] [D]
né le 15 Août 1959 à [Localité 16] (ALLEMAGNE),
demeurant [Adresse 10]

Madame [P] [P], [T] [C] é...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
18 AVRIL 2024

N° RG 23/01766 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYG7
Code NAC : 74A

DEMANDEURS

Madame [R] [W] épouse [X],
née le 04 Juin 1981 à [Localité 21],
demeurant [Adresse 5]

Monsieur [A] [X],
né le 06 Janvier 1981 à [Localité 20],
demeurant [Adresse 5]

Représentés par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618, avocat postulant et par Me Nathalie VERSIGNY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B.73, avocat plaidant,

DEFENDEURS

Monsieur [M] [T], [I] [D]
né le 15 Août 1959 à [Localité 16] (ALLEMAGNE),
demeurant [Adresse 10]

Madame [P] [P], [T] [C] épouse [D]
née le 07 Décembre 1961 à [Localité 18],
demeurant [Adresse 10]

Représentés par Me Karine LE GO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 198

Monsieur [E] [F]
né le 04 Septembre 1984 à [Localité 19],
demeurant [Adresse 7]

Madame [Y] [V] épouse [F]
née le 28 Avril 1988 à [Localité 21], demeurant [Adresse 7]

Représentés par Me Thierry VOITELLIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52, avocat postulant et par Me Benoit VARENNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K43, avocat plaidant,

Madame Madame [N] [U] épouse [O],
demeurant [Adresse 6]

non comparante, non représentée

Monsieur Monsieur [K] [O],
demeurant [Adresse 6]

non comparant, non représenté

***

Débats tenus à l'audience du : 29 Février 2024

Nous, Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, greffière lors des débats et de Elodie NINEL, greffière placée lors du prononcé,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 29 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 04 avril 2024, prorogé au 18 Avril 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

M. [A] [X] et Mme [R] [W] épouse [X] sont propriétaires d'une maison d'habitation édifiée sur des parcelles cadastrées section AO numéros [Cadastre 12] et [Cadastre 13] desservies par [Adresse 17] à [Localité 15].

Par acte de commissaire de justice délivrés les 22 décembre 2023, M. et Mme [X] ont fait assigner M. [E] [F] et Mme [Y] [V] épouse [F], propriétaires de la parcelle n° [Cadastre 11], M. [M] [D] et Mme [P] [C] épouse [D], propriétaires de la parcelle n°[Cadastre 4] et M. [K] [O] et Mme [N] [U] épouse [O], propriétaires de la parcelle [Cadastre 3] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles en référé expertise.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 29 février 2024.

A cette date :

M. et Mme [X] ont demandé au juge la désignation d'un expert ayant pour mission d'indiquer la voie d'accès susceptible de faire cesser l'état d'enclavement de leurs parcelles.

Au soutien de leurs prétentions ils ont exposé que l'accès à leur parcelle par [Adresse 17] était insuffisant en raison de son étroitesse et qu'en application des articles 682 et 683 du code civil, ils étaient fondés à demander l'établissement d'une servitude de passage à charge pour le juge ultérieurement saisi au fond de déterminer l'assiette de passage.

Ils ont exposé que dans ce cadre une expertise préalable était nécessaire et qu'ils justifiaient de ce fait d'un motif légitime à la mesure d'expertise sollicitée.

En défense, M. et Mme [F] ont demandé au juge des référés :
A titre principal de dire n'y avoir lieu à référé.
A titre subsidiaire, de rejeter de la demande d'expertise.
A titre infiniment subsidiaire ils ont formé protestations et réserves sur la mesure d'expertise et demandé que la mission de l'expert soit complétée des chefs de mission suivants :
- décrire précisément toutes les autres parcelles qui sont dans la procédure à savoir les parcelles n° [Cadastre 11], [Cadastre 3] et [Cadastre 4]
- chiffrer les coûts des travaux de nature à faire cesser tous préjudices liés au passage des véhicules (préjudices esthétiques, acoustique, sur la solidité des constructions voisines, etc..)
- chiffrer la perte de valeur vénale, la perte de droit à construire ainsi que la perte de jouissance pour les propriétaires de la parcelle qui devrait supporter la servitude de passage.
Ils ont demandé la condamnation des demandeurs au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions ils ont expliqué qu'en 2013, M. et Mme [X] avaient obtenu un permis de construire portant sur la démolition d'une maison existante d'une surface de 96,50 mètres carrés et la construction d'une nouvelle maison d'habitation de 246,90 mètres carrés. Ils ont indiqué que le permis de construire avait été délivré sous réserve de respecter les dispositions de l'article UG.12 et les indications de l'annexe III du plan local d'urbanisme, M. et Mme [X] devant soit acquérir deux places de stationnement dans un parc privé situé dans un rayon de 300 mètres du terrain, soit obtenir une concession à long terme dans un parc de stationnement la mairie ayant effectivement constaté que le terrain est accessible depuis une voie ouverte uniquement à a circulation piétonne.

Ils ont soutenu en premier lieu que le juge civil était incompétent pour interpréter un acte administratif individuel ou pour en apprécier la légalité, que dans sa décision du 08 mars 2013, la mairie de [Localité 15] avait considéré que l'accès des époux [X] à leur fonds ne posait pas de problème et n'avait pas subordonné la construction de la maison à la création d'une servitude de passage.

Subsidiairement ils ont fait valoir M. et Mme [X] ne justifiaient pas d'un motif légitime à leur demande d'expertise. Ils ont affirmé que les conditions de l'article 682 du code civil n'étaient pas remplies, que M. et Mme [X] ne démontraient pas en quoi la condition relative à la réalisation de construction ou de lotissement sur leur propriété serait remplie et que leur fonds était accessible par un chemin public. Ils ont soutenu que l'insuffisance de passage ne pouvait découler d'un souci de commodité et/ou de convenance personnelle, qu'ils avaient utilisé pendant 10 ans le chemin public, qu'ils avaient démoli leur ancienne maison et et construit leur nouvelle sans avoir besoin d'accéder à un terrain voisin et qu'il n'était ni démontré ni établi que les secours ne pourraient pas accéder à la maison des demandeurs compte tenu de la faible distance séparant l'habitation d'une voie publique carrossable (15,35 mètres d'un côté et 49,95 mètres de l'autre).

M.et M Mme [D] se sont opposés à la demande d'expertise. Ils ont sollicité la condamnation des demandeurs à leur régler une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, ils ont fait valoir que M.et Mme [X] ne pouvaient soutenir que leur parcelle serait enclavée dès lors que précisément ils ont déjà fait procéder à des travaux conséquents sur leur fonds sans s'être heurté à la moindre difficulté.
Ils ont soutenu que l'utilisation éventuelle du passage des voisins ne pouvait être exigée sans véritable nécessité et qu'il n'y avait pas d'enclave si la desserte du fonds était assurée par un passage s'exerçant sur un héritage voisin en vertu d'une tolérance au moins aussi longtemps que celle- ci n'était pas supprimée

M. et Mme [O] n'étaient pas représentés.

La décision a été mise en délibéré au 4 avril 2024, prorogée au 16 avril 2024.

MOTIFS

Sur l'incompétence du juge des référés

S'il est constant que le juge civil est incompétent pour interpréter un acte administratif individuel ou en apprécier la légalité, il convient de relever que le permis de construire délivré le 08 mars 2023 ne s'est pas prononcé sur l'existence d'un état d'enclave ou les conditions d'accès au fonds des époux [X] mais seulement sur le stationnement des véhicules au regard de l'article UG/12 du plan d'occupation des sols relatif au stationnement des véhicule.
Il n'y a donc pas lieu de constater l'incompétence du juge des référés pour statuer su la demande.

Sur la demande d'expertise

L'article 143 du code de procédure civile dispose que "Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible."

L'article 232 du code de procédure civile ajoute que "Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d'un technicien."

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile : " S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ".

Justifie d'un motif légitime au sens de ce texte, la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d'être invoqués dans un litige éventuel. Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

Le motif légitime est un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, et présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ; elle doit être pertinente et utile.

Si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir l'existence des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

En l'espèce les défendeurs soutiennent qu'une demande au fond des époux [X] serait manifestement vouée à l'échec dans la mesure où ils ne justifient pas d'un état d'enclave.

Si il n'appartient pas au juge des référés saisi d'une demande d'expertise de se prononcer sur l'existence d'un état d'enclave, la demande d'expertise aux fins d'établissement ultérieur d'une servitude de passage doit par contre être rejetée si à l'évidence l'état d'enclave n'est pas caractérisé et tout procès au fond manifestement voué à l'échec.

L'article 682 du code civil dispose que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.
Or, le droit pour le propriétaire d'une parcelle enclavée, de réclamer un passage sur les fonds de ses voisins est fonction de l'utilisation normale du fonds qu'elle qu'en soit la destination. Il pu être jugé que la faculté d'accéder avec un véhicule correspondait à l'usage normal d'un fonds destiné à l'habitation qu'elle qu'en soit la destination de sorte qu'un fonds destiné à l'habitation ne disposant pas d'un accès aux véhicules devait être considéré comme enclavé.

Ainsi il reviendra au juge du fond de se prononcer sur l'existence d'un état d'enclave, mais il ne peut être considéré à ce stade que tout procès au fond serait manifestement voué à l'échec.

Par ailleurs la mesure demandée est légalement admissible ;

Le litige potentiel a un objet et un fondement suffisamment caractérisés ;

Il y a donc lieu d'y faire droit, dans les conditions détaillées dans le dispositif.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité et la situation économique des parties ne commandent pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront à la charge des demandeurs à la mesure d'expertise.

PAR CES MOTIFS

Nous, Charlotte Masquart, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort :

Vu les articles 145 et 835 du code de procédure civile,

ORDONNONS une expertise,

COMMETTONS pour y procéder :

M. [L] [H]
[Adresse 9]
[Localité 8]
[XXXXXXXX01]
[XXXXXXXX02]
Mail : [Courriel 14]

expert, inscrit sur la liste de la Cour d'appel, avec mission de :

* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

* se faire remettre toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

* se rendre sur les lieux [Adresse 5] à [Localité 15] visiter les lieux et les décrire,

*Se faire communiquer par les parties tous documents ou pièces qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission et entendre, si besoin est tous sachants ; faire toutes recherches nécessaires et se faire communiquer tous documents qui lui paraîtront utiles,

* décrire les parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 13] sur lesquelles sont édifiées la maison d'habitation des demandeurs et ses dépendances et fournir tous éléments permettant à la juridiction d'apprécier l'existence d'un état d'enclave,

* recueillir tous éléments d'appréciation devant permettre au tribunal de déterminer le tracé le plus court et/ou le moins dommageable pour faire, le cas échéant, cesser l'état d'enclave,

* indiquer la voie d'accès susceptible de faire cesser l'état d'enclave et indiquer les modalités selon lesquelles le passage devrait être mis en oeuvre,

* décrire précisément toutes les autres parcelles qui sont dans la procédure à savoir les parcelles n° [Cadastre 11], [Cadastre 3] et [Cadastre 4],

* à partir de devis d'entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d'oeuvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour effectuer les travaux nécessaires et sur le coût des travaux utiles,

* donner son avis et chiffrer les préjudices matériels ou immatériels consécutifs à la mise en oeuvre de la servitude légale,

* chiffrer les coûts des travaux de nature à faire cesser tous préjudices liés au passage des véhicules (préjudices esthétiques, acoustique, sur la solidité des constructions voisines, etc..),

* chiffrer la perte de valeur vénale, la perte de droit à construire ainsi que la perte de jouissance pour les propriétaires de la parcelle qui devrait supporter la servitude de passage,

* rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,

* mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, par le dépôt d'un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu'il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport,

DISONS que l'expert pourra, si besoin est, se faire assister de tout sapiteur de son choix,

FIXONS à 3000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui sera versé par le demandeur, au plus tard dans un délai de six semaines à compter de la présente décision, entre les mains du régisseur d'avance de recettes de cette juridiction,

IMPARTISSONS à l'expert, pour le dépôt du rapport d'expertise, un délai de 6 mois à compter de l'avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision,

DISONS qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par le magistrat chargé du contrôle des expertises qui est par ailleurs chargé de la surveillance des opérations d'expertise,

DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DISONS que les dépens seront à la charge de M. et Mme [X].

Prononcé par mise à disposition au greffe le DIX HUIT AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE par Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

LA GREFFIÈRE LA VICE-PRÉSIDENTE
Elodie NINEL Charlotte MASQUART


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Chambre des référés
Numéro d'arrêt : 23/01766
Date de la décision : 18/04/2024
Sens de l'arrêt : Désigne un expert ou un autre technicien

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-18;23.01766 ?
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