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11/04/2024 | FRANCE | N°22/02840

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 11 avril 2024, 22/02840


Minute n°



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
11 AVRIL 2024


N° RG 22/02840 - N° Portalis DB22-W-B7G-QSRK
Code NAC : 74A



DEMANDEURS :

1/ Monsieur [G] [W]
né le 19 Décembre 1981 à [Localité 10] (INDE),
demeurant [Adresse 5],
[Adresse 5],

2/ Madame [K] [Y] épouse [W]
née le 08 Mars 1987 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 5],
[Adresse 5],

représentés par Maître Marc ROZENBAUM, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.



DÉFENDEURS :

1

/ La SOCIÉTÉ MODERNE DE BÂTIMENTS IMMOBILIERS (SMBI), société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PONTOISE sous le numé...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
11 AVRIL 2024

N° RG 22/02840 - N° Portalis DB22-W-B7G-QSRK
Code NAC : 74A

DEMANDEURS :

1/ Monsieur [G] [W]
né le 19 Décembre 1981 à [Localité 10] (INDE),
demeurant [Adresse 5],
[Adresse 5],

2/ Madame [K] [Y] épouse [W]
née le 08 Mars 1987 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 5],
[Adresse 5],

représentés par Maître Marc ROZENBAUM, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDEURS :

1/ La SOCIÉTÉ MODERNE DE BÂTIMENTS IMMOBILIERS (SMBI), société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PONTOISE sous le numéro 797 612 769 dont le siège social est situé [Adresse 4], prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Fabienne GLEMAIN-GRUSSENMEYER, avocat plaidant/postulant au barreau des HAUTS-DE-SEINE.

2/ Le CABINET GOUDARD ET ASSOCIES, société d’exercice libéral de géomètres-experts immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 448 533 661 dont le siège social est situé [Adresse 1], représentée par son Gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Stéphanie ASSUERUS-CARRASCO de la SELARLU CABINET FREZZA, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

3/ Monsieur [J] [U]
demeurant [Adresse 5],

défaillant, n’ayant pas constitué avocat.

* * * * * *

ACTE INITIAL du 29 Avril 2022 reçu au greffe le 06 Mai 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 07 Mars 2024, Madame GARDE, Juge, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 11 Avril 2024.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d’un acte dressé en la forme authentique le 7 décembre 2017,
M. [G] [W] et Mme [K] [Y], son épouse, ont acquis auprès de la Société Moderne de Bâtiments Immobiliers (SMBI) un terrain à bâtir cadastré section [Cadastre 2] situé [Adresse 5], sur lequel ils ont fait construire leur maison d’habitation au printemps 2019.

Ce terrain à bâtir est né de la division en trois lots, cadastrés section [Cadastre 9], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], d’une plus grande propriété cadastrée section [Cadastre 7], dont le cabinet Goudard & Associés, ès qualités de géomètre-expert, avait assuré le bornage.

Arguant de la découverte inopinée d’une servitude de canalisation d’eaux usées grevant leur fonds au profit de celui de leur voisin, M. [J] [U] (parcelle [Cadastre 3]), les époux [W] ont fait assigner ce dernier ainsi que la SMBI devant le juge des référés de Versailles qui, dans une ordonnance rendue le
2 avril 2020, a ordonné une expertise judiciaire et commis M. [S] [M] pour y procéder. Les opérations ont ensuite été rendues communes au cabinet Goudard & Associés par ordonnance du 11 décembre 2020. L’expert judiciaire a déposé son rapport le 27 janvier 2022, aux termes duquel il confirme l’existence de canalisations de réseaux des eaux usées, vannes et pluviales grevant le fonds des époux [W] au profit de celui de M. [U].

C’est dans ces conditions que, par exploit introductif d’instance délivré les
29 avril et 4 mai 2022, M. [G] [W] et Mme [K] [Y], son épouse, ont fait assigner la SMBI, M. [J] [U] et le cabinet Goudard & Associés devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de paiement des travaux de suppression et de déplacement des canalisations existantes et indemnisation des préjudices subis.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 3 mars 2023 et signifiées à partie défaillante le 6 mars 2023, les époux [W] demandent au tribunal de :

- Prononcer les époux [W] recevables et bien fondés en leurs demandes,

En conséquence,

- Condamner solidairement la Société moderne de bâtiments immobiliers et le cabinet de géomètre Goudard & Associés à payer aux époux [W] la somme de 28.700 € TTC au titre des travaux de reprise décrits par la solution développée dans le rapport,
- Ordonner aux époux [U] d’autoriser la réalisation des travaux décrits par la solution n°1 dans un délai de 15 jours sur présentation d’un devis signé et conforme aux instructions faites par l’expert dans son rapport. A défaut, les époux [U] seront condamnés à une astreinte journalière de 200 € par jour de retard jusqu’au jour de l’expression de l’autorisation effective de faire réaliser les travaux,
- Prendre acte que les époux [W] feront régulariser la suppression des servitudes de réseaux d’eau potable et de gaz notifiées sur le plan de géomètre et qui ont été supprimées,
- Prendre acte que les époux [W] procéderont au versement de la somme de 4.200 € TTC auprès des époux [U] au titre du préjudice subi du fait des contraintes générées par les travaux à réaliser dans un délai de 15 jours sur présentation d’une attestation de l’entreprise mandatée de l’achèvement des travaux tels que décrits par l’expert judiciaire,
- Condamner solidairement la Société moderne de bâtiments immobiliers et le cabinet de géomètre Goudard & Associés à payer aux époux [W] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Condamner solidairement la Société moderne de bâtiments immobiliers et le cabinet de géomètre Goudard & Associés à payer aux époux [W] la somme de 13.800 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner solidairement la Société moderne de bâtiments immobiliers et le cabinet de géomètre Goudard & Associés aux entiers dépens en ceux (sic) compris les sommes suivantes :
- 7.803 euros correspondant au montant de la consignation aux fins d’expertise,
- Les frais d’huissier générés depuis le premier constat intervenu dans cette affaire, intégrant notamment :
* les frais de constat d’huissier du 25 novembre 2019,
* la somme de 69,95 € au titre de l’assignation en référé,
* la somme de 140,91 € au titre de la signification de l’ordonnance de référé,
* la somme de 316,79 € au titre des frais d’assignation au fond,
* les prochains actes de signification à intervenir.
- Ordonner l'exécution provisoire.

Les époux [W] expliquent que la servitude litigieuse ne peut être qualifiée de servitude par destination du père de famille, son caractère apparent n’étant pas démontré. Ils soulignent que la gouttière localisée à l’angle du pignon du pavillon de leurs voisins, les époux [U], ne leur permettait pas de soupçonner le rejet d’eaux pluviales, cette information n’étant visible que sur le tampon en fonte recouvrant le regard situé sur leur propriété qu’ils n’avaient pas vocation, en leur qualité de profanes, à soulever.

Ils reprochent à la SMBI et au cabinet Goudard & Associés, en leurs qualités de professionnels de l’immobilier, de ne pas leur avoir révélé l’existence de cette servitude, laquelle constitue une charge occulte diminuant la jouissance de leur bien mais aussi un vice caché, au sens des articles 1626 et 1638 du code civil. Ils opèrent un partage de responsabilité à hauteur de 90 % des sommes dues pour la SMBI et 10 % des sommes dues pour le cabinet Goudard & Associés. Ils répliquent que leur action diligentée contre le cabinet Goudard & Associés, avec lequel ils n’entretiennent aucun lien contractuel, est fondée sur la théorie de l’accessoire.

Ils considèrent, enfin, qu’afin d’éviter toute aggravation du trouble actuellement subi, les époux [U] doivent les autoriser à procéder aux travaux demandés, sous peine d’astreinte journalière.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 7 novembre 2023, la SMBI demande au tribunal de :

- Dire la servitude parfaitement apparente lors de la vente et débouter les époux [W] de l’intégralité de leurs demandes pour manque de fondement juridique,
- Suspendre la procédure tant que les époux [U] n’ont pas indiqué l’état de leur accord sur la solution 3 demandée par les époux [W] ce qui mettrait fin à la procédure,

- Dire irrecevables les époux [W] à demander d’effectuer des travaux ou le montant desdits travaux alors qu’ils ne sont pas propriétaires de la canalisation litigieuse,
- Dire leurs demandes exagérées,

En toute hypothèse, si par impossible le tribunal entrait en voie de condamnation contre la SMBI,

- Condamner le cabinet Goudard & Associés à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre compte tenu de son entière responsabilité dans l’absence de relevé de la servitude,
- Laisser les dépens et frais d’expertise au demandeur (sic) qui sera condamné à verser à la SMBI 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le cabinet Goudard & Associés à en garantir la SMBI (sic) au cas où ces frais seraient mis à la charge de cette société.

La SMBI soutient que la servitude critiquée était apparente et que le vendeur ne peut, en application de l’article 1642 du code civil, être tenu des vices apparents dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même. Elle ajoute que les époux [W] et [U] se sont accordés pour que la parcelle de terrain sur laquelle les canalisations sont situées soit rachetée par les époux [U], ce qui rend sans objet les demandes formulées.

Elle indique, par ailleurs, que les travaux allégués ne peuvent qu’être réalisés par le propriétaire des canalisations.

Elle demande, en toute hypothèse, la garantie du cabinet Goudard & Associés, lequel n’a pas mentionné l’existence des canalisations litigieuses sur son plan et ce, en violation de ses obligations.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 17 octobre 2023, le cabinet Goudard et Associés demande au tribunal de :

- Constater l’existence d’une servitude par destination du père de famille d’écoulement des eaux vannes et usées et des eaux pluviales du terrain situé au [Adresse 5] cadastré [Cadastre 3] appartenant à M. [U] sur le terrain situé au [Adresse 5] cadastré [Cadastre 2] appartenant aux époux [W],
- Constater l’absence de faute du cabinet Goudard & Associés et l’absence de fondement juridique de l’action des époux [W] à l’encontre du cabinet Goudard & Associés,
En conséquence, débouter M. et Mme [W] de l’ensemble de leurs demandes,

A titre subsidiaire, si le tribunal entendait retenir la responsabilité du cabinet Goudard & Associés,
- Condamner le cabinet Goudard & Associés uniquement des chefs de préjudice ayant un lien de causalité avec leur intervention, limités ainsi à la réalisation et passage de deux réseaux de canalisations séparatifs (eaux pluviales / eaux vannes et eaux usées), à la suppression de la canalisation existante et remise en état du terrain [W], et au préjudice des époux [W] lié aux travaux de suppression de la canalisation sur leur terrain, pour un montant qui ne saurait être supérieur à 22.000 €,
- Rejeter toute demande de condamnation solidaire et dire et juger que toutes éventuelles condamnations du cabinet Goudard & Associés ne sauraient être supérieures à 10 % de 22.000 euros, et de toute autres sommes éventuelles au titre des frais de procédure,

A titre infiniment subsidiaire, si le cabinet Goudard & Associés était condamné solidairement avec la société SMBI, condamner la société SMBI à garantir le cabinet Goudard & Associés à hauteur de 90 % des montants des condamnations, à son encontre,
- Condamner la société SMBI et M. et Mme [W], in solidum le cas échéant, à porter et payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, comprenant notamment le coût de l’expertise.

Le cabinet Goudard & Associés prétend que la servitude litigieuse a été créée par destination du père de famille. Il explique que les propriétés des époux [W] (cadastrée section [Cadastre 2]) et de M. [U] (cadastrée section [Cadastre 3]) sont issues de la division d’une même propriété, acquise par la SMBI aux consorts [O], anciennement cadastrée section [Cadastre 7] et, elle-même, issue d’une précédente division. Il relève qu’une gouttière descend du toit de la propriété de M. [U] du côté du terrain des époux [W], où une plaque de fonte est située. Il considère qu’il s’agit de signes manifestes d’écoulement des eaux, parfaitement visibles lors de la vente. Il ajoute que le maintien de la servitude n’est pas remis en cause par l’acte notarié, celui-ci précisant que “l’acquéreur profite des servitudes ou les supporte s’il en existe”. Il souligne que les conditions des articles 692, 693 et 694 du code civil sont ainsi vérifiées.

Il réplique que la recherche de canalisation ne relevait ni de sa mission, ni de sa compétence et que les époux [W] succombent dans la charge de la preuve qui leur incombe. Il explique que c’était à la SMBI, ès qualités de vendeur, de tirer toutes les conséquences du regard matérialisé sur le plan et de modifier, le cas échéant, la mission confiée. Il ajoute que, si un défaut d’information devait être retenu, ce ne serait que dans les rapports entre la SMBI et lui, les époux [W] étant tiers au contrat. Il observe, au surplus, que le préjudice invoqué par les époux [W] ne résulte pas du plan de division effectué, mais de la présence de canalisations sur leur terrain. Il réfute donc tout lien de causalité direct et certain.

Il limite, à titre subsidiaire, le montant des préjudices subis à la somme de
22.000 €. Il demande que la somme de 4.200 €, dévolue à l’indemnisation du préjudice subi par les époux [U] durant les travaux, soit écartée, tout comme les frais de notaire qui n’ont pas de lien direct avec l’objet du présent litige. Il conteste toute solidarité dans les condamnations prononcées et demande la garantie de la SMBI à hauteur de 90 %.

Il observe, enfin, que la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive n’est pas justifiée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.

M. [J] [U], bien que régulièrement assigné par acte remis à personne physique, n’a pas constitué avocat dans la présente procédure. Le jugement sera donc qualifié de réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la qualification de la servitude litigieuse

En application de l’article 688, alinéa 2, du code civil, les servitudes continues sont celles dont l’usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l’homme : tels sont les conduites d’eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.

Selon l’article 689, alinéa 2, du code civil, les servitudes apparentes sont celles qui s’annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu’une porte, une fenêtre, un aqueduc.

Aux termes des articles 692 et 693 du code civil, la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes continues et apparentes. Il n’y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude.

En l’espèce, la servitude litigieuse est une servitude de canalisations qui, par nature, revêt un caractère continu.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats et des conclusions des parties que cette canalisation, grevant le fonds des époux [W] ([Cadastre 2]) au profit de celui de M. [U] ([Cadastre 3]) est matérialisée, d’une part, par une gouttière apparente située à l’angle du pignon du pavillon de M. [U] et, d’autre part, par un regard implanté sur le terrain des époux [W]. Or, il faut mais il suffit, selon les dispositions de l'article 689, alinéa 2, du code civil, que la servitude soit annoncée par des ouvrages extérieurs pour qu'elle soit qualifiée d'apparente. Il s'ensuit que soumettre ce caractère à la qualité d'averti ou de profane des propriétaires reviendrait à ajouter à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas. Dans ces conditions, et indépendamment des conclusions de l'expert judiciaire, la servitude litigieuse revêt bien un caractère apparent.

Enfin, il est démontré que la parcelle section [Cadastre 2], propriété des époux [W], est née de la division de la parcelle section [Cadastre 7] (elle-même issue de la division de la parcelle section [Cadastre 6]) en trois lots cadastrés section
[Cadastre 9], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] et que la servitude litigieuse préexiste à cette division, comme en témoigne l'acte de partage et de constitution de servitudes établi
le 2 décembre 2002, reproduit dans l'acte de vente entre la SMBI et les époux [W] en date du 7 décembre 2017 (même si l'acte versé aux débats par les demandeurs est incomplet).

Par conséquent, la servitude de canalisations litigieuse est une servitude continue et apparente, établie par destination du père de famille.

Sur la responsabilité du vendeur et du géomètre-expert

Sur la responsabilité de la SMBI

En application de l'article 1638 du code civil, si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.

Ainsi que cela a été précédemment démontré, la servitude litigieuse est continue et apparente. Les conditions fixées par l'article 1638 du code civil ne sont donc pas remplies.

Au surplus, l'existence d'une servitude de canalisations (égout et eaux) par acte du 2 décembre 2002 est rappelée dans l'acte de vente conclu entre la SMBI et les demandeurs le 7 décembre 2017. Elle figure aussi clairement sur le plan établi par le cabinet Goudard & Associés sous l'intitulé "Servitude de réseaux existante eaux et gaz sur le lot n° 1 au profit du lot n° 3 et de la parcelle
[Cadastre 8]".

Les époux [W] ne peuvent donc se prévaloir, nonobstant l'analyse de l'expert judiciaire, de la garantie du vendeur ou d'un quelconque défaut d'information.

Par conséquent, et à défaut de rapporter la preuve qui leur incombe, les époux [W] seront déboutés de leurs demandes formées à l'endroit de la SMBI.

Sur la responsabilité du cabinet Goudard & Associés

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il appert du devis n° D1611007 établi le 8 novembre 2016 et accepté le
14 novembre suivant que la mission confiée par la SMBI au cabinet Goudard & Associés n'incluait pas l'analyse des servitudes attachées à la propriété.

Dans ces conditions, il ne peut être fait grief au géomètre-expert de n'avoir mentionné, sur son plan, que les canalisations et les servitudes dont il avait pu avoir connaissance par la remise des plans antérieurement dressés et par constat sur place.

En toute hypothèse, et à l'instar des développements précédents, les époux [W] disposaient de suffisamment d'informations, eu égard au caractère apparent de la servitude, aux stipulations de leur acte de vente et aux mentions portées sur le plan de division, quant à l'existence d'une servitude de canalisations d'eaux vannes, eaux pluviales et eaux usées grevant leur fonds au bénéfice de celui de M. [U].

Par conséquent, et à défaut de rapporter la preuve qui leur incombe, les époux [W] seront déboutés de leurs demandes formées à l'endroit du cabinet Goudard & Associés.

Sur l'accord de M. [U] et la réalisation des travaux

En vertu de l'article 701 du code de procédure civile, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode.
Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.
Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser.

Dans son rapport, l'expert judiciaire a préconisé trois solutions :
- la suppression du regard et de la canalisation grevant le fonds des époux [W] et leur déplacement sur la parcelle des époux [U],
- l'établissement d'une servitude sur la parcelle des époux [W],
- l'achat par les époux [U] de la bande de terrain localisée en fond de parcelle des époux [W].

Les époux [W], qui demandent l'exécution de la solution n°1 préconisée par l'expert judiciaire, ne démontrent pas avoir obtenu l'accord de M. [U], propriétaire du fonds dominant, pour ce faire et il n'appartient pas à la présente juridiction, en application des textes susvisés, de se substituer à lui sur ce point.

En tout état de cause, il résulte des dernières conclusions en demande que la solution n° 3 consistant en l'acquisition, par les époux [U], de la bande de terrain localisée en fond de parcelle des époux [W], "a été retenue par les époux [W] et [U] selon les dires n°5 du conseil des époux [W] est (sic) n°1 du conseil des époux [U] communiqués en cours d'expertise".

Par conséquent, la demande tendant à obtenir l'accord de M. [U] pour la réalisation des travaux et celles qui lui sont accessoires seront rejetées.

Sur la suppression des servitudes de réseaux d'eau potable et de gaz

Selon l'article 768, alinéa 2, du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, les époux [W] ne développent aucun moyen de droit ou de fait au soutien de leur prétention qu'ils formulent, au surplus, au futur.

Par conséquent, ils seront déboutés de leur demande.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé.

Eu égard au sens de la présente décision, la résistance abusive alléguée des défendeurs n'est pas établie.

Par conséquent, la demande présentée sera rejetée.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Les époux [W], qui perdent leur procès, seront condamnés aux dépens de l’instance, lesquels incluent, en application de l'article 695 du code de procédure civile, les frais de l'expertise judiciaire et de l'exploit introductif d'instance.

Les frais de constat d'huissier et les dépens de la procédure de référé (assignation et signification) n'en font cependant pas partie.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Les époux [W], tenus aux dépens, seront condamnés à payer à la SMBI et au cabinet Goudard & Associés, la somme qu'il est équitable de fixer, eu égard aux situations économiques respectives des parties, à hauteur de 3.000 € chacun.

La condamnation sera prononcée in solidum s'agissant du cabinet Goudard & Associés.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,

QUALIFIE la servitude de canalisations d'eaux vannes, pluviales et usées grevant le fonds cadastré section [Cadastre 2] situé [Adresse 5] au profit du fonds cadastré section [Cadastre 3] de servitude continue et apparente établie par destination du père de famille,

REJETTE l'intégralité des demandes de M. [G] [W] et Mme [K] [Y], son épouse,

CONDAMNE M. [G] [W] et Mme [K] [Y], son épouse,
à payer à la Société Moderne de Bâtiments Immobiliers (SMBI) la somme
de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits,

CONDAMNE in solidum M. [G] [W] et Mme [K] [Y], son épouse, à payer au cabinet Goudard & Associés la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits,

CONDAMNE M. [G] [W] et Mme [K] [Y], son épouse, aux dépens de l'instance, incluant les frais de l'expertise judiciaire et de l'exploit introductif d'instance,

REJETTE les autres demandes des parties,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 AVRIL 2024 par Madame GARDE, Juge, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/02840
Date de la décision : 11/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-11;22.02840 ?
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