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04/04/2024 | FRANCE | N°23/00784

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 04 avril 2024, 23/00784


Pôle social - N° RG 23/00784 - N° Portalis DB22-W-B7H-RMQH

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [4]
- CPAM DES YVELINES
- Me François-Xavier CHEDANEAU
- Me Claire COLLEONY

N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE JEUDI 04 AVRIL 2024



N° RG 23/00784 - N° Portalis DB22-W-B7H-RMQH
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

repré

sentée par Me François-Xavier CHEDANEAU, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Mathéo ROSSI, avocat au barreau de POITIERS



DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
[Adress...

Pôle social - N° RG 23/00784 - N° Portalis DB22-W-B7H-RMQH

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [4]
- CPAM DES YVELINES
- Me François-Xavier CHEDANEAU
- Me Claire COLLEONY

N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE JEUDI 04 AVRIL 2024

N° RG 23/00784 - N° Portalis DB22-W-B7H-RMQH
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

représentée par Me François-Xavier CHEDANEAU, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Mathéo ROSSI, avocat au barreau de POITIERS

DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Me Claire COLLEONY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Bertille BISSON, Juge Placée statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 05 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2024.
Pôle social - N° RG 23/00784 - N° Portalis DB22-W-B7H-RMQH

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [I] a exercé les fonctions de responsables de manège à bijoux au sein de la société [4]. Le 28 juillet 2022, un braquage est intervenu sur son lieu de travail. Elle a déclaré cet accident auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie (ci-après CPAM) des YVELINES le 29 août 2022, mentionnant « le 28 juillet 2022 à 11H15, la victime faisait des SAV au Standard situé à l’étage du magasin lorsqu’un braquage est survenu au manège à bijoux ; choc émotionnel ».
Le certificat médical initial en date du 29 août 2022, établi par le Docteur [G] a mentionné « réaction aigue à un facteur de stress (braquage armé). Choc psychologique ».

Cet accident a été pris en charge par la CPAM le 08 décembre 2022, au titre de la législation sur les risques professionnels.

Contestant cette décision, la société [4] a saisi la Commission de recours amiable, qui a confirmé la décision de la Caisse.

Par requête reçue le 13 juin 2023, la société [4] a saisi le Pôle social du Tribunal judiciaire de Versailles afin de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge l’accident déclaré par Madame [I] au titre de la législation sur les risques professionnels.

A défaut de conciliation possible entre les parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 05 février 2024, le tribunal statuant à juge unique conformément à l'article L.218-1 du code de l'organisation judiciaire, après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer cette affaire à une audience ultérieure, la liste des assesseurs du pôle social étant en cours de renouvellement et les anciens mandats expirés.

A l’audience, la société [4], représentée par son conseil, sollicite l’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident au titre de législation sur les risques professionnels. En tout état de cause, elle demande au tribunal la condamnation de la CPAM à la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la Caisse n’a pas respecté le principe du contradictoire, insistant sur le fait que la CPAM a rendu sa décision plus de 3 mois après la déclaration de l’assurée, supposant ainsi la poursuite d’une enquête complémentaire, et que pour autant la société [4] n’a pas été invitée à formuler ses observations. Subsidiairement, elle explique que la présomption d’imputabilité ne s’applique pas, la déclaration ayant été effectuée tardivement, et que l’accident est dû à une cause étrangère, à savoir un braquage, événement imprévisible et irrésistible. Elle explique que Madame [I] ne se trouvait pas au lieu du braquage puisqu’elle était à l’étage et que l’employée n’a souffert d’aucune lésion médicalement constatée.

En défense, la Caisse, représentée par son mandataire, demande au tribunal de déclarer opposable à la Société [4] la prise en charge de l’accident survenu et de débouter la demanderesse de l’ensemble de ses demandes.
Au soutien de ses prétentions, sur le respect du contradictoire, la Caisse indique que celui-ci a été respecté car aucune instruction n’a été menée et que le non-respect du délai de 30 jours n’entraîne pas l’inopposabilité de la prise en charge à l’égard de l’employeur. Elle soutient que les conditions de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels sont remplies, insistant sur le fait qu’un choc psychologique survenu aux temps et lieu du travail constitue un accident du travail.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures, par application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 04 avril 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la violation du principe du contradictoire :

Aux termes de l’article R 441-6 du Code de la sécurité sociale, lorsque la déclaration de l'accident émane de l'employeur, celui-ci dispose d'un délai de dix jours francs à compter de la date à laquelle il l'a effectuée pour émettre, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, des réserves motivées auprès de la caisse primaire d'assurance maladie.
Lorsque la déclaration de l'accident émane de la victime ou de ses représentants, un double de cette déclaration est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception. L'employeur dispose alors d'un délai de dix jours francs à compter de la date à laquelle il a reçu ce double pour émettre auprès de la caisse, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

L’article R 441-7 du même code précise que la caisse dispose d'un délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial prévu à l'article L. 441-6 pour soit statuer sur le caractère professionnel de l'accident, soit engager des investigations lorsqu'elle l'estime nécessaire ou lorsqu'elle a reçu des réserves motivées émises par l'employeur.
En l’espèce, il résulte des documents versés aux débats que la déclaration de l’accident a été effectuée le 29 août 2022, non accompagnée de réserves de l’employeur et que la CPAM a notifié sa décision de prise en charge le 08 décembre 2022, soit dans un délai de plus de 30 jours. Cependant, bien que ce délai n’ait été respecté, les documents versés aux débats ne permettent pas de caractériser le fait que la Caisse aurait lancé des investigations complémentaires, durant lesquels la société [4] aurait dû être consultée. Ainsi, s’il est exact que la Caisse n’a pas rendu sa décision dans les délais impartis par les textes, il n’en résulte aucune violation du contradictoire puisqu’aucunes investigations complémentaires n’ont été mises en œuvre par l’organisme. Par ailleurs, il convient de rappeler que le non-respect du délai de 30 jours ne peut être sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’égard de l’employeur.

Dès lors, ce moyen sera écarté.

Sur l’opposabilité de la décision de prise en charge :

Aux termes de l’article L 411-1 du Code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il est de jurisprudence constante que cette présomption d’imputabilité ne joue pas s’il est établi que la cause de l’accident est totalement étrangère au travail. Il est également constant que si l’apparition aux temps et lieu du travail d’une lésion constitue en principe un accident imputable au travail, cette présomption peut être écartée lorsque la déclaration et la constatation de la lésion invoquée interviennent tardivement.

En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que le braquage a eu lieu au sein des locaux le 28 juillet 2022 et que l’assurée n’a formulé une déclaration d’accident du travail le 29 août 2022, accompagné d’un certificat médical initial daté du même jour, constatant un choc psychologique. Ainsi, la déclaration des lésions et leur constatation par un médecin sont intervenues plus d’un mois après l’accident allégué, de sorte que la présomption d’imputabilité entre les lésions constatées et l’activité professionnelle de Madame [I] ne saurait être retenue en l’espèce, sans même que la société [4] ait besoin de démontré une cause totalement étrangère à l’accident.
Dès lors, il appartient à la Caisse de démontrer que les conditions de l’article L 411-1 sont réunies, à savoir un fait accidentel soudain ayant entrainé une lésion, en lien avec le travail.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le 28 juillet 2022, un braquage avec arme est intervenu au manège à bijoux, lieu de travail habituel de Madame [I], pendant que celle-ci se trouvait à l’étage du magasin. Cet évènement est bien caractéristique d’un fait soudain apparu en lieu et temps du travail, Madame [I], bien que ne se trouvant pas, à ce moment-là, au sein du manège à bijoux mais à l’étage du magasin, étant parfaitement sur son lieu de travail et le lieu du braquage, étant par ailleurs établi que celle-ci a été témoin des cris et coups de feu.
Il résulte en outre de la déclaration d’accident du travail en date du 29 août 2022 et du certificat médical initial du même jour que cet incident a entrainé pour la victime un choc psychologique, le certificat médical mentionnant une « réaction aigue à un facteur de stress (braquage armé). Choc psychologique ». Or, il est de jurisprudence constante qu’un choc psychologique survenu aux temps et lieu du travail constitue un accident du travail, et dès lors, la société [4] ne saurait soutenir que Madame [I] n’a subi aucune lésion médicalement constatée.

Si les seules déclarations de l’assurée ne peuvent suffire à établir un lien entre l’accident intervenu et les lésions constatées, il résulte du compte-rendu d’entretien de soutien psychologique établi par Madame [W], psychologue du travail, que le choc psychologique constaté s’est installé « suite à un événement traumatisant avec peur intense et confrontation au réel de la mort » et donc ainsi, suite à la confrontation de Madame [I] au braquage intervenu sur son lieu de travail, de sorte qu’un lien de causalité entre les lésions constatées et l’accident est bien établi.
La société [4], ne rapporte, en tout état de cause, aucune cause étrangère, la survenance d’un braquage au sein d’un stand de bijoux ne saurait être analysée comme un événement imprévisible.

Dès lors, les conditions de prise en charge de l’accident, au titre de la législation sur les risques professionnels, sont parfaitement réunies et la décision de la CPAM sera déclarée opposable à la société [4].

Sur les demandes accessoires :

La société [4], succombant à l'instance, sera tenue aux entiers dépens et sera déboutée de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire mis à disposition au greffe le 04 avril 2024 :

DECLARE OPPOSABLE à la société [4] la décision de la Caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident subi par Madame [H] [K] [I] survenu le 28 juillet 2022, déclaré le 29 août 2022 ;

DEBOUTE la société [4] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE la société [4] aux entiers dépens.

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Bertille BISSON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00784
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;23.00784 ?
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