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04/04/2024 | FRANCE | N°22/02750

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 04 avril 2024, 22/02750


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
04 AVRIL 2024



N° RG 22/02750 - N° Portalis DB22-W-B7G-QRJK
Code NAC : 58E
E.J.




DEMANDEUR :

Monsieur [D] [M]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 4] (38),
demeurant [Adresse 3],

représenté par Maître Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Michel EL KAIM du cabinet BELL AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS.



DÉFENDERESSE :

La société

ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits de la société AVIVA ASSURANCES, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
04 AVRIL 2024

N° RG 22/02750 - N° Portalis DB22-W-B7G-QRJK
Code NAC : 58E
E.J.


DEMANDEUR :

Monsieur [D] [M]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 4] (38),
demeurant [Adresse 3],

représenté par Maître Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Michel EL KAIM du cabinet BELL AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDERESSE :

La société ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits de la société AVIVA ASSURANCES, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 306 522 665 dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Bertrand NERAUDAU de la SELARL NERAUDAU AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Claire RICARD, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

ACTE INITIAL du 08 Avril 2022 reçu au greffe le 11 Avril 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 05 Décembre 2023, Monsieur JOLY, Président de la Chambre a mis l’affaire en délibéré au 1er Février 2024 prorogé au 07 Mars 2024 pour surcharge magistrat et au 04 Avril 2024 pour le même motif.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
M. JOLY, Vice-Président
Madame GARDE, Juge
Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] est propriétaire d'une maison qui était en cours de construction à la date des faits objets du présent litige, située [Adresse 3] (78), les travaux étant confiés à la société MO Coordination bâtiment ayant pour gérant M. [K].

M. [M] a souscrit pour ce bien une assurance habitation auprès
de la société AVIVA (désormais ABEILLE IARD & SANTE) selon contrat
n°18 687-0419 prenant effet le 1er septembre 2020.

Selon les conditions particulières dudit contrat, il est stipulé que les garanties Vol et Vandalisme ont été souscrites par M. [M].

Le 2 juillet 2021, M. [M] déposait plainte auprès des services de police à la suite d'actes de vol et de vandalisme constatés sur le chantier de sa maison et survenus entre le 29 et le 30 juin 2021. Il effectuait le même jour une déclaration de sinistre auprès de la société AVIVA, laquelle désignait le cabinet TEXA (aujourd'hui renommé STELLIANT) pour expertise.

Par lettre recommandée avec AR du 12 janvier 2022, la société AVIVA informait son assuré du refus de prise en charge, indiquant que l'examen des pièces produites et les éléments d'information obtenus dans le cadre de l'instruction du dossier révélaient que la demande n'était pas fondée et ne pouvait pas se justifier.

Par courrier en date du 9 novembre 2021, M. [M] mettait en demeure la société AVIVA de procéder à son indemnisation sous quinzaine.

Par courrier en date du 12 janvier 2022, la société AVIVA faisait part à
M. [M] de son refus de prendre en charge les dommages subis, lui opposant une déchéance totale de garantie "conformément aux dispositions légales visées à l'article L 113-2 du code des assurances et aux dispositions des conditions générales Aviva habitation 18 687 0419 et dont les conditions particulières ont été signées le 1er septembre 2020".

Le Cabinet STELLIANT EXPERTISE établissait une note d'information le
18 janvier 2022.

Le conseil de M. [M] contestait, aux termes d'un courrier en date du
3 février 2022 le refus de prise en charge opposé par la société AVIVA.

C'est dans ce contexte que M. [M] a, par acte du 8 avril 2022, fait assigner la société AVIVA ASSURANCES.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 mai 2023,
M. [M] demande au Tribunal de :

DECLARER la compagnie d'assurances ABEILLE IARD ET SANTE venant aux droits d'AVIVA ASSURANCES tenue à garantie à l'égard de Monsieur [D] [M] pour les conséquences du vandalisme dont il a été victime,

CONDAMNER la compagnie d'assurances ABEILLE IARD ET SANTE venant aux droits d'AVIVA ASSURANCES à verser à Monsieur [D] [M] une indemnité de 59 864.04 €, dont franchise de 200 € à déduire, le tout avec intérêts à compter du 3 février 2022 et anatocisme,

CONDAMNER la compagnie d'assurances ABEILLE IARD ET SANTE venant aux droits d'AVIVA ASSURANCES à verser à Monsieur [D] [M] une indemnité de 3000 € pour résistance abusive,

CONDAMNER la compagnie d'assurances ABEILLE IARD ET SANTE venant aux droits d'AVIVA ASSURANCES à verser à Monsieur [D] [M] une indemnité de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2022, la société ABEILLE IARD & SANTE demande au Tribunal de :

Vu les conditions particulières du contrat d'assurance n° 78577933 en date du 1er septembre 2020 et les conditions générales n° 18687-0419,

- Débouter Monsieur [D] [M] de l'ensemble de ses demandes.

- Prononcer la déchéance totale de la garantie de la Compagnie ABEILLE IARD & SANTE à l'égard de Monsieur [D] [M].

A titre subsidiaire et pour le cas où le Tribunal déclarerait Monsieur [M] fondé en ses prétentions,

- Débouter Monsieur [M] de l'ensemble de sa demande d'indemnité faute de déduire des sommes réclamées les biens déclarés volés restitués par Monsieur [U] [O].

- Débouter Monsieur [D] [M] du surplus de ses demandes.

- Recevoir la Compagnie ABEILLE IARD & SANTE en sa demande reconventionnelle.

L'y dire bien fondée.

Y faisant droit,

- Condamner Monsieur [D] [M] à payer à la Compagnie ABEILLE IARD & SANTE la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Claire RICARD, Avocat aux offres de droit.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 31 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la déchéance de garantie opposée par l'assureur

En vertu de l'article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1353 du même Code dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En matière d'assurance, il incombe à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir les conditions requises pour mettre en jeu la garantie. Si tel est le cas, il appartient à l'assureur qui entend dénier sa garantie de démontrer les conditions de l'exclusion qu'il entend invoquer.

L'article 3.1.1 des conditions générales de la police d'assurance définit les événements garantis parmi lesquels figurent les détériorations immobilières et le vandalisme ainsi que le vol, les parties s'accordant d'ailleurs sur le fait que
M. [M] a bien souscrit ces garanties.
L'article 5.2 des conditions générales prévoit que toute fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré sur la nature, les causes, les circonstances, les conséquences d'un sinistre, toute fraude, falsification ou fausse déclaration ou faux témoignage entraîne automatiquement la perte de tout droit à indemnité et la déchéance totale de la garantie. Il est précisé que l'exagération frauduleuse du dommage, la tentative de tromperie et toute manifestation de mauvaise foi entraînent également la déchéance totale de la garantie.

Il résulte en l'espèce du dépôt de plainte de M. [M] que les ouvriers réalisant les travaux dans sa maison l'ont informé le 30 juin 2021 qu'ils avaient fermé la maison en chantier le mardi 29 juin à 18H et qu'ils avaient découvert des actes de vandalisme le mercredi 30 juin à 7H lors de leur arrivée sur le chantier. M. [M] décrivait les dégradations constatées : porte d'entrée cassée, lumières arrachées dans l'escalier, lumière décoratives en façade de la maison, chaudière découpée et cassée, réseaux d'eau chaude et de chauffage qui partent de la chaudière coupés, baignoire de balnéothérapie au 2e étage saccagée, robinets arrachés, décoration de l'entrée et de la cheminée arrachée, déchirée et jetée par terre.

M. [M] fait valoir que les développements de la société AVIVA ne sont pas de nature à établir une quelconque fausse déclaration de sa part. Il ajoute que l'assureur admet que ses déclarations sont factuellement exactes sans démontrer son intention de le tromper sur l'étendue du sinistre. Sans nier les circonstances troubles du sinistre ni le conflit qui l'oppose à l'ancien entrepreneur mandaté sur le chantier, il dément toute connivence avec l'auteur des faits et rappelle avoir justifié du montant de son préjudice de sorte qu'au regard de son contrat d'assurance la garantie de la société AVIVA est acquise. Il conteste la version des faits de son assureur et notamment le fait qu'il aurait procédé à la remise de 5.000 euros à l'auteur supposé des fait, M. [U] [O] contre restitution d'une partie des objets dérobés.

Outre les conditions de la police d'assurance, le dépôt de plainte, divers échanges avec le Cabinet TEXA et la société AVIVA ainsi qu'un devis de remise en état, M. [M] verse aux débats un courrier adressé à la société AVIVA le 15 décembre 2021 dans lequel il remet en cause les déclarations du gérant de la société MO Coordination bâtiment, exposant que celui-ci cherchait à lui nuire en raison d'un litige concernant les travaux.

La société ABEILLE IARD ET SANTE fait valoir pour justifier la déchéance totale de garantie que M. [M] a faussement déclaré les circonstances dans lesquelles le sinistre s'est produit en s'abstenant, lors de son dépôt de plainte de mentionner ses soupçons concernant l'auteur des actes de vandalisme, à savoir M. [U] [O], plombier travaillant pour la société MO Coordination bâtiment. Elle ajoute que M. [M] a faussement prétendu que son pavillon avait fait l'objet d'une effraction. Sur la quantum du préjudice et à titre infiniment subsidiaire, elle relève que si le devis présenté correspond aux postes mentionnés dans la plainte, certains d'entre eux ont été restitués par M. [U] [O] de sorte qu'il appartient à M. [M] de préciser quels sont les matériels qui lui ont été restitués.

En l'espèce, il est constant que lors de son dépôt de plainte et de sa déclaration de sinistre, M. [M] n'a pas fait part de soupçons sur un auteur potentiel des faits, indiquant simplement aux enquêteurs que des riverains s'étaient plaints de son projet de construction.

Il résulte du dépôt de plainte de M. [K] effectué par l'intermédiaire de
M. [H] à qui il avait donné procuration à cet effet que le 29 juin, M. [U] [O] s'était plaint auprès de M. [H] de ne pas avoir été payé,
M. [H] se rendant ensuite compte que la clé du chantier avait disparu. S'étant ensuite rendu à une réunion de travail où était présent M. [K], M. [H] indiquait que celui-ci lui avait montré des photographies qu'il venait de recevoir de M. [U] [O] sur lesquelles on voyait des dégradations et un message expliquant que n'ayant pas été payé, il s'était vengé. Dans ce dépôt de plainte, M. [H] faisait donc part de ses forts soupçons sur M. [U] [O]. Outre les nombreuses dégradations, il déplorait le vol de matériel de chantier, d'un meuble, de l'éclairage des escaliers, de la robinetterie et d'autres éléments d'éclairage LED.

La société ABEILLE IARD & SANTE produit de plus une attestation de
M. [K] indiquant avoir reçu le 29 juin un appel de M. [U] [O] lui indiquant qu'il se trouvait sur le chantier et qu'il "cassait" tout dans la maison. Il avait alors immédiatement appelé M. [M] qui avait cependant refusé de déposer plainte contre M. [U] [O]. Il avait par la suite appris que M. [M] était en contact avec ce dernier et qu'un rendez-vous était organisé.

Il résulte de la note d'information du Cabinet STELLIANT que lors d'une réunion d'expertise amiable contradictoire en date du 1er décembre 2021, l'expert avait appris que M. [M] avait résilié le contrat avec la société MO Coordination bâtiment en raison de malfaçons relevées sur le chantier. Au cours de cette même réunion, M. [K] indiquait connaître l'identité de l'auteur des faits de vandalisme et de vol commis le 29 juin, à savoir un plombier sous-traitant dénommé [U]. Selon M. [K], M. [M] avait versé une somme de 5.000 euros en liquide à "[U]" afin de récupérer des biens dérobés chez lui, ce sur quoi, M. [M] répondait que "cela ne s'était pas passé exactement comme ça et que la situation était plus compliquée".

Le versement d'une somme d'argent est corroboré par une attestation
de M. [F], peintre ayant indiqué avoir assisté dans la maison
de M. [M] à la remise par celui-ci d'une somme d'argent en espèces
à "[U]".

M. [M] conteste cette version qu'il qualifie dans ses écritures de rocambolesque et indique dans son courrier du 15 décembre 2021 adressé à la société AVIVA ne pas "traiter avec les vandales" mais ses dénégations sont fragilisées par un mail adressé le 8 août 2021 à l'entreprise MO Coordination bâtiment indiquant "[U] m'a contacté et m'indique qu'il est en Belgique mais qu'il me ramène le matériel samedi prochain 14 août 2021" et évoquant en contrepartie la remise de 5.000 euros par chèque.

Enfin, les explications de M. [M] concernant une vengeance de la société MO Coordination bâtiment apparaissent sujettes à caution dès lors que les pièces versées aux débats permettent de constater que les échanges sur le déroulement du chantier se sont poursuivis après les événements du 2 juillet, notamment à l'occasion de comptes rendus de chantier du 25 juillet 2021 et du 8 août 2021. Au demeurant, il n'a été fait état de la résiliation du contrat et d'une plainte pour malfaçon que lors de la réunion d'expertise du 1er décembre 2021.
L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices de nature à établir que M. [M] était informé de l'identité de l'auteur des faits de vandalisme et de vol qu'il a eu à déplorer. En s'abstenant de le signaler à son assureur, il a ainsi contrevenu aux dispositions de l'article 5.2 des conditions générales précité. Il s'ensuit que la société ABEILLE IARD & SANTE (laquelle souligne à juste titre que cette abstention était de nature à la priver de son recours subrogatoire) est bien fondée à lui opposer la déchéance totale de la garantie. M. [M] devra par conséquent être débouté de l'intégralité de ses demandes, ce qui comprend évidemment sa demande pour résistance abusive de l'assureur.

Sur les autres demandes

M. [M], partie perdante, sera condamné à payer à la société ABEILLE IARD & SANTE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître RICARD.

L'exécution provisoire est de droit en vertu de l'article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Déboute M. [M] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne M. [M] à payer à la société ABEILLE IARD & SANTE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [M] aux dépens dont distraction au profit de Maître Claire RICARD, Avocat au barreau de Versailles,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 AVRIL 2024 par M. JOLY, Vice-Président, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/02750
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;22.02750 ?
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