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02/04/2024 | FRANCE | N°23/01726

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Chambre des référés, 02 avril 2024, 23/01726


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
02 AVRIL 2024


N° RG 23/01726 - N° Portalis DB22-W-B7H-RXW7
Code NAC : 70Z
AFFAIRE : [P] [Y] C/ [J] [C], S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES


DEMANDERESSE

Madame Madame [P] [Y],
es qualité de co-gérante de la SCI de Moulin Moyen,
née le 07 Avril 1951 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2], es qualité de co-gérante de la SCI de Moulin Moyen
représentée par Me Victor CHAMPEY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2056, Me Camille JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire

:


DEFENDEURS

Monsieur Monsieur [J] [C],
es qualité de co-gérant de la SCI du Moulin Moyen,
né le 26 octobre...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
02 AVRIL 2024

N° RG 23/01726 - N° Portalis DB22-W-B7H-RXW7
Code NAC : 70Z
AFFAIRE : [P] [Y] C/ [J] [C], S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES

DEMANDERESSE

Madame Madame [P] [Y],
es qualité de co-gérante de la SCI de Moulin Moyen,
née le 07 Avril 1951 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2], es qualité de co-gérante de la SCI de Moulin Moyen
représentée par Me Victor CHAMPEY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2056, Me Camille JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire :

DEFENDEURS

Monsieur Monsieur [J] [C],
es qualité de co-gérant de la SCI du Moulin Moyen,
né le 26 octobre 1961, à [Localité 4],
demeurant [Adresse 1], en Suisse (CH-1227),
représenté par Me Christian BEER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :, Me Camille LIENARD-LEANDRI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 386

La S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES,
Société d’exercice libéral à responsabilité limitée, au capital social de 3 976 500 euros, immatriculée au RCS de Paris sous le No. 423 719 178, prise en la personne de Maître [S] [N] es qualité d’administrateur provisoire de la SCI DU MOULIN MOYEN, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Alexandre OPSOMER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 481

Débats tenus à l'audience du : 27 Février 2024

Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 27 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 02 Avril 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [Y] et Monsieur [J] [C] sont les deux enfants de Monsieur [L] [C] et Madame [B] [W], décédés respectivement le 3 avril 2019 et le 2 juin 2007. M. [L] [C] a laissé pour lui succéder son conjoint survivant, Madame [U], sa fille, Madame [P] [Y], héritière réservataire, et son fils, Monsieur [J] [C], héritier réservataire.

La SCI du Moulin Moyen est une société civile immobilière familiale qui avaient pour co-gérants Madame [P] [Y], Monsieur [J] [C] et Monsieur [L] [C] jusqu’à son décès. Sa principale activité consiste en l’exploitation, l’aménagement et la mise en valeur de terrains composés notamment de bois, d'étangs, d’une maison familiale et d’autres bâtiments d’exploitation et d’entrepôts.

De nombreux désaccords opposent Madame [Y] et Monsieur [C]. Aucune des deux familles ne pouvant à elle seule obtenir la majorité simple ou la majorité qualifiée, en l’absence d’accord entre les deux familles, aucune décision ne peut donc être prise lors des assemblées générales de la SCI du Moulin Moyen.

Par ordonnance sur requête du 8 novembre 2023, le Président du Tribunal judiciaire de Versailles désigné la SELAR AJASSOCIES en qualité d'administrateur provisoire aux fins de représenter la SCI DU MOULIN MOYEN, avec mission de :
- faire tenir et reconstituer, par tout prestataire qu'il lui plaira de choisir, la comptabilité de la SCI DU MOULIN MOYEN et faire tenir les assemblées générales des associés non tenues ;
- faire tenir, par tout prestataire qu'il lui plaira de choisir, les coupes de bois et pêches nécessaires aux activités forestière et piscicole de la SCI DU MOULIN MOYEN et mettre en œuvre la convention de chasse conclue ;
- faire vérifier, par tout prestataire qu'il lui plaira de choisir, la potabilité de l'eau diffusée sur la propriété et le traitement des eaux usées ; prendre au besoin toutes mesures appropriées en ce sens ;
- vérifier et faire justifier par les personnes concernées, les conditions de l'occupation des appartements et maisons de la propriété et, en cas d'occupation sans droit ni titre valable, obtenir leur libération ;
- vérifier et faire justifier par les personnes ou prestataires concernées, les conditions d'intervention sur la propriété ; imposer au besoin leur interdiction de pénétrer sur la propriété;
- ordonner que la totalité des frais de cette administration provisoire soient mis à la charge de Madame [P] [Y] ;
- si au cours de sa mission la mésentente entre les associes persistait, procéder à la dissolution de la SCI DU MOULIN MOYEN et à cet effet, faire évaluer la propriété de la SCI DU MOULIN MOYEN et organiser sa mise en vente, en prévoyant un droit de préemption au bénéfice de ses associés.

Par acte de Commissaire de Justice du 14 décembre 2023, Mme [P] [Y] a assigné M. [J] [C], es qualité de co-gérant de la SCI DU MOULIN MOYEN, et la société AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [S] [N] es qualité d'administrateur provisoire de la SCI DU MOULIN MOYEN en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de rétractation d'une ordonnance sur requête.

Aux termes de ses conclusions, la demanderesse sollicite de voir :
- rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 8 novembre 2023 par le Président du Tribunal judiciaire de Versailles,
- prononcer la nullité de la désignation de la SELARL AJAssociés, prise en la personne de Maître [S] [N],es qualité d’administrateur provisoire de la SCI DU MOULIN MOYEN,
- condamner Monsieur [J] [C] à prendre en charge tous les frais et honoraires que Maître [S] [N], es qualité d’administrateur provisoire de la SCI DU MOULIN MOYEN aurait pu exposer depuis le 8 novembre 2023,
- condamner Monsieur [J] [C] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Elle rappelle à titre préalable que Monsieur [C], profitant de l’absence de contradictoire, a procédé à une présentation intentionnellement tronquée dans le seul et unique but d’obtenir le prononcé d’une ordonnance qui lui permette de contourner les dispositions testamentaires de leur père.

Elle soulève l’absence totale de justification, et partant de motivation, quant au non-respect du principe du contradictoire et l’absence de base légale de l’ordonnance, aucune disposition du code de procédure civile n’étant visée, et en tout état de cause, de l’impossibilité pour l’administrateur provisoire ainsi désigné de réaliser les missions qui lui sont confiées – ces missions étant pour certaines contraires à l’intérêt social de la SCI DU MOULIN MOYEN et attentatoires aux droits des associés, et pour le reste parfaitement inutiles car déjà réalisées à l’initiative de Madame [P] [Y] avant même le prononcé de l’ordonnance.

Elle relève que la mesure litigieuse a été ordonnée sur requête sans la moindre caractérisation de circonstances particulières justifiant le non-respect du contradictoire et que de ce seul chef, la rétractation s’impose, en application des articles 493 et 845 du code de procédure civile ; qu'en l’espèce, l’ordonnance du 8 novembre 2023 se limite à reprendre strictement les termes suggérés par la requête de Monsieur [J] [C] sans mention d'aucune justification relative à la nécessité de déroger au principe du contradictoire en raison de l’existence de circonstances particulières ; que seuls les articles 1855 et 1856 du Code civil sont visés aux termes de ces deux actes, qui sont uniquement des dispositions relatives au droit d’information des associés et qui ne sont pas de nature à constituer le fondement juridique permettant de faire désigner judiciairement un administrateur provisoire.

Elle soutient qu'en tout état de cause, seule une dissolution judiciaire de la SCI DU MOULIN MOYEN permettrait de mettre fin à la paralysie de la société liée à la mésentente entre associés, et souligne que les missions mentionnées dans l’ordonnance du 8 novembre 2023 sont en l’espèce soit parfaitement infondées, en ce que celles-ci contreviennent à l’intérêt social de la SCI DU MOULIN MOYEN et sont attentatoires aux droits des associés, soit dépourvues de toute utilité ; que cette dissolution judiciaire viendrait d’ailleurs faciliter le règlement de la succession de Monsieur [L] [C], pour lequel un contentieux judiciaire est également en cours devant le Tribunal judiciaire de Paris.

Aux termes de ses conclusions, M. [C] sollicite de voir :
- débouter Mme [Y] de ses demandes,
- confirmer la nomination et la mission de Maître [S] [N] (société A.J.A. associés) es qualité d'administrateur provisoire de la SCI DU MOULIN MOYEN,
- condamner Mme [P] [Y] à lui verser la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il rappelle la nécessité et l'urgence de l'intervention d'un administrateur provisoire au regard :
- des difficultés de la gestion quotidienne, de l'administratif, des finances et de la fiscalité de la SCI, résultant de la mésentente entre les associés, qui empêche une bonne gestion de la SCI, outre que les actions de Mme [Y] sont dangereuses pour cette SCI et empêchent M. [C] de prendre des mesures de sauvegarde de cette société, relevant que chacun des associé a "le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux" (article 1855 du Code civil) et "Les gérants doivent, au moins une fois dans l'année, rendre compte de leur gestion aux associés" (article 1855 du Code civil), et que ces droits sont refusés aux consorts [C] ;
- de la procédure pénale et ses suites ;
- du comportement erratique de Mme [Y], qui multiplie les avocats et bloque les opérations successorales, précisant que plusieurs notaires se sont déchargés de la succession
- de la nécessité de ne pas laisser la SCI DU MOULIN MOYEN à l'abandon, Mme [Y] revendiquant la gestion "active" de la SCI du MOULIN MOYEN et faisant tout pour écarter son frère, l'empêcher de prendre connaissance de ses actions et s’opposant systématiquement à toutes ses propositions ; cette mésentente rend impossible le fonctionnement de la SCI et la menace, tout comme ses associés et gérants, d’un péril imminent sur sa situation financière, et de poursuites fiscales et pénales qui justifiaient la demande de désignation d’un administrateur provisoire ; il est constant que la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent, ce qui est le cas en l'espèce.

Aux termes de ses conclusions, la société AJASSOCIES sollicite de voir condamner toute partie succombante à payer à Maître [N] es qualité d’administrateur provisoire de la SCI DU MOULIN MOYEN la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle relève qu'il n’appartient pas à Maître [N] d’exprimer un avis sur la cause de la mésentente manifeste entre les associés de la SCI qu’il n’administre provisoirement pas plus qu’il ne lui appartient de demander la confirmation ou la rétractation de la décision qui l’a désigné, confirmant seulement que le fonctionnement juridique normal de la SCI est actuellement empêché et bloqué.

La décision a été mise en délibéré au 2 avril 2024.

MOTIFS

Sur la rétractation

L'article 493 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. L'article 845 du même code précise que le Président du tribunal judiciaire, saisi sur requête, peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

L'article 496 du même code dispose que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. L'article 497 précise que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi.

L'article 494 précise que la requête doit être motivée et l'article 495 ajoute que l'ordonnance sur requête est motivée. Autrement dit, la mesure ordonnée sur requête nécessite une dérogation à la règle du contradictoire. Il est constant que la dérogation au principe du contradictoire doit être spécialement justifiée tant dans la requête que dans l'ordonnance sur requête et que le non-respect d’une telle condition justifie en soi la rétractation de l’ordonnance ayant octroyé les mesures litigieuses.

Il est en effet exigé du juge des requêtes, eu égard à la nature même de ce type de procédure et au principe directeur du procès civil qu'est le contradictoire, de sérieusement vérifier sa motivation. Il incombe au juge saisi d'une demande en rétractation de l'ordonnance sur requête de rechercher, même d'office, si la requête et l'ordonnance rendue sur ce fondement exposent les circonstances justifiant que la mesure ne soit pas prise contradictoirement.

Or, force est de constater en l'espèce que tant la requête que l'ordonnance sur requête sont totalement taisantes sur ces circonstances.

La requête expliquait les raisons de la demande de désignation de l’administrateur provisoire tenant à la situation de blocage de la SCI, sans cependant viser les articles 493 et 845 du code de procédure civile ni exposer en quoi les circonstances exigeaient que la mesure ne soit pas prise contradictoirement. Il en va de même de l’ordonnance sur requête qui ne motive pas les raisons de déroger au principe du contradictoire.

La situation persistante de blocage du fonctionnement de la SCI DU MOULIN MOYEN, reconnue de tous les acteurs du litige, qui motivait l'intention première, nécessaire mais insuffisante, de désigner un tiers professionnel permettant de solutionner une situation complexe, confuse et très conflictuelle, ne justifie pas en soi une dispense du principe du contradictoire.

Il convient en conséquence sur ce seul moyen opérant, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, d'ordonner la rétractation de l'ordonnance sur requête querellée, qui emporte de fait la cessation de la mission de la SELARL AJAssociés.

Les frais et honoraires exposés par l'administrateur provisoire au cours de sa mission resteront à la charge de la SCI DU MOULIN.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu du caractère très conflictuel des relations entre les parties, Mme [Y] et M. [C] conserveront chacun la charge de leurs frais irrépétibles respectifs.

Il convient de condamner M. [C], partie succombante, à payer à la société AJASSOCIES la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Ordonnons la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 8 novembre 2023 par le Président du Tribunal judiciaire de Versailles,

Rejetons la demande de prise en charge des frais et honoraires de l'administrateur judiciaire par M. [J] [C],

Disons que Mme [P] [Y] et M. [J] [C] conserveront chacun leurs frais irrépétibles,

Condamnons M. [J] [C] à payer à la société AJASSOCIE, prise en la personne de Maître [S] [N], la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons M. [J] [C] aux dépens.

Prononcé par mise à disposition au greffe le DEUX AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

Le GreffierLa Première Vice-Présidente

Virginie DUMINYGaële FRANÇOIS-HARY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Chambre des référés
Numéro d'arrêt : 23/01726
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.01726 ?
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