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02/04/2024 | FRANCE | N°23/01606

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Chambre des référés, 02 avril 2024, 23/01606


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
02 AVRIL 2024


N° RG 23/01606 - N° Portalis DB22-W-B7H-RW6A
Code NAC : 54G
AFFAIRE : [F] [M] C/ [E] [G], [H] [V]


DEMANDEUR

Monsieur [F] [M]
né le 10 Avril 1973 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-Christophe LUBAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 482, Me Sandrine FRAPPIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 181


DEFENDEURS

Monsieur [E] [G]
né le 01 Décembre 1986 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 4]>représenté par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628, Me Assia SASSI, avocat au barreau de PARIS,

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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
02 AVRIL 2024

N° RG 23/01606 - N° Portalis DB22-W-B7H-RW6A
Code NAC : 54G
AFFAIRE : [F] [M] C/ [E] [G], [H] [V]

DEMANDEUR

Monsieur [F] [M]
né le 10 Avril 1973 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-Christophe LUBAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 482, Me Sandrine FRAPPIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 181

DEFENDEURS

Monsieur [E] [G]
né le 01 Décembre 1986 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628, Me Assia SASSI, avocat au barreau de PARIS,

Madame [H] [V]
née le 08 Mars 1984 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628, Me Assia SASSI, avocat au barreau de PARIS,

Débats tenus à l'audience du : 27 Février 2024

Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 27 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 02 Avril 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Il convient de rappeler la chronologie procédurale des faits.

Par ordonnance du 29 novembre 2022, le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles a ordonné la suspension des travaux réalisés par M. [F] [M] sur la parcelle AC [Cadastre 6] sis [Adresse 2] à [Localité 1] (78), à compter de la signification de l'ordonnance, dit n'y avoir lieu à astreinte, et condamné M. [F] [M] à payer à M. [E] [G] et Mme [H] [V] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Il était indiqué que :
"M. [E] [G] et Mme [H] [V] sont propriétaires d’une maison d'habitation, dans laquelle ils résident, située [Adresse 4] à [Localité 1] (Yvelines), sur la parcelle cadastrée AC n° [Cadastre 5]. M. [F] [M] est propriétaire d’une maison individuelle située sur la parcelle AC [Cadastre 6] sis [Adresse 2] à [Localité 1]. Les deux parcelles sont limitrophes. La parcelle de M. [M] (fonds servant) est grevée d’une servitude au profit du fonds (dominant) de M. [G] et Mme [V] permettant à ces derniers d’être reliés aux différents réseaux (électricité, gaz, etc …). Selon permis de construire en date du 10 février 2022, M. [M] a débuté les travaux d'extension de sa maison individuelle.
Par acte d'huissier en date du 28 octobre 2022, M. [E] [G] et Mme [H] [V] ont assigné M. [F] [M] en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir ordonner la suspension des travaux réalisés par M. [M] sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et condamner M. [M] à leur payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils exposent que les travaux effectués par M. [M] prévoient la construction de l'extension sur les réseaux de fourniture de gaz et d’électricité des requérants, créant non seulement un risque important de rupture de leurs approvisionnements, mais empiétant surtout sur la servitude ; que M. [I] [U], architecte, expert judiciaire près de la Cour d’appel de Paris, atteste que l'extension est construite sur l'assiette de la servitude et que cette situation présente des risques techniques ; qu'outre le fait que la construction litigieuse est irrégulière puisqu'e1le empiète sur la servitude, M. [M] n’a nullement pris les précautions suffisantes pour assurer la sécurité et la stabilité de la maison voisine ; qu'ils ont ressenti des vibrations importantes de leur maison dues au passage des pelleteuses, entrainant un risque pour les canalisations ; qu'il existe un trouble manifesternent illicite qu’il convient de faire cesser.
Aux termes de ses conclusions, M. [M] sollicite de voir débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes, et de les condamner au versement de la somme de 2500 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Il fait valoir qu'il n'existe aucun dommage imminent ni trouble manifestement illicite ; qu'il convient d’abord de rappeler que les travaux entrepris ont été autorisés en toute légalité par la Commune de [Localité 1] par un permis de construire en date du 10 février 2022 ; que les requérants ne démontrent nullement, tout du moins de façon circonstanciée, un quelconque dommage imminent, ni aucun trouble manifestement illicite, notamment une perturbation résultant d’un fait juridique ou même matériel, constituant la violation d’une quelconque règle de droit, se bornant à indiquer sans plus de précisions que les règles relatives à la sécurité et à la salubrité publique seraient atteintes ; que les réseaux desservant la propriété des [G] sont parfaitement préservés et n’empêchent en rien la construction de la maison de M. [M] ; que la servitude est parfaitement respectée et ne saurait avoir pour effet de porter au droit de propriété de M. [M] une atteinte disproportionnée par rapport à son objet ; qu'en effet, la construction n’est pas réalisée sur la servitude, mais autour de celle-ci, d'autant qu’il s’agit d’une simple servitude de canalisation, qui plus est de faible taille et traversant une partie infime de la construction ; qu'il ne s’agit nullement d’une construction réalisée sur une servitude de passage, tel un chemin ou une route ; que la fonction de cette servitude de desserte en gaz, eau et électricité est parfaitement respectée."

Le juge statuait ainsi :
"Aux termes de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le Président du Tribunal judiciaire peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il est constant que le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
L'article 701 du Code civil stipule que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter 1'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.
En l'espèce, il ressort de l'acte de vente du 4 juin 2021 que le bien immobilier sis [Adresse 4] à [Localité 1], acquis par M. [G] et Mme [V], qu'il existe des canalisations implantées sur le terrain sis [Adresse 2] à [Localité 1] permettant l'alimentation en eau et en gaz de la maison sise [Adresse 4] ; par suite de la scission de la copropriété et de la création des parcelles cadastrées AC n°[Cadastre 5] et AC n°[Cadastre 6], il est nécessaire de constituer une servitude de passage de canalisations. Est ainsi constituée une servitude de passage de canalisations et fluides nécessaires pour le service de l'eau, de l'électricité et du gaz, sur la parcelle cadastrée AC [Cadastre 6] (constituant le lot 2 au plan de division), qui sera le fonds servant et plus particulièrement la zone d'exercice figurant sous teinte rouge sur le plan de division, au profit de la parcelle cadastrée AC [Cadastre 5] (constituant le lot 1 dudit plan de division) qui sera le fonds dominant.
M. [M] a débuté des travaux d'extension de sa maison individuelle. Il n'est pas contesté au regard des débats de l'audience et du plan desdites constructions en cours que celles-ci se situent au-dessus et au-dessous (partie souterraine) d'une partie des canalisations faisant l'objet de la servitude susvisée. Les photographies du chantier montrent d'ailleurs que ces canalisations ont fait l'objet d'un coffrage en bois tout le long de la nouvelle construction en cours de chantier.
Il apparaît dès lors que ces travaux affectent manifestement et de manière importante l'assiette d'origine de la servitude de passage des canalisations. Il s'avère notamment que l'accès d'une grande partie des canalisations sera modifié de manière majeure pouvant rendre ainsi l'usage de ladite servitude plus incommode.
M. [U], architecte, interrogé sur les conséquences de la construction d'un bâtiment sur un réseau enterré comprenant une canalisation de gaz, une conduite d'adduction d'eau et une alimentation électrique, rappelant que l'ensemble de ces réseaux implantés sur la parcelle AC [Cadastre 6] de M. [M], est acté sous forme d'une servitude, atteste que premièrement, il est impossible de venir construire au-dessus d'un réseau enterré de cette nature, qui plus est comportant une canalisation de gaz qui de fait ne sera plus accessible, et que deuxièment, les fondations vont forcément impactées le réseau enterré puisqu'elles devraient se retrouver au même niveau d'enfouissement, voire en-dessous, enrobant les canalisations dans la maçonnerie.
Dans ces conditions, les travaux de construction en cours entrainent un changement d'état des lieux affectant notablement l'exercice de la servitude et constituent dès lors un trouble manifestement illicite au regard des dispositions de l'article 701 susvisé.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de suspension des travaux.
L'attitude courtoise de M. [M] ne préjuge pas d'intention obstructive ni de mauvause foi manifeste de sa part, justifiant la nécessité d'une astreinte. Cette demande sera rejetée."

Par ordonnance du 3 août 2023, le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles a autorisé la pose de palissades sollicitée par M. [F] [M], rejeté le surplus des demandes de ce dernier et rejeté les demandes de M.[E] [G] et de Mme [H] [V], et condamné M. [F] [M] à payer à ces derniers une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Il était précisé que :
" M. [F] [M] a interjeté appel de cette ordonnance [du 29 novembre 2022] en tous ses chefs de disposition. Par arrêt en date du 29 juin 2023, la Cour d’appel de [Localité 10] a :
- prononcé la caducité de la déclaration d’appel de M. [F] [M] reçue le 12 décembre 2022,
- condamné M. [F] [M] à verser à M. [E] [G] et Mme [H] [V] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en appel.
- dit que M. [F] [M] supporterait les dépens de l’instance avec distraction au profit de l’avocat qui le demande conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le 30 juin 2023, M. [M] a vendu le bien qu’il habitait précédemment situé [Adresse 3] à [Localité 1] et emmenagé avec sa famille dans le bien situé [Adresse 2] à [Localité 1].
Régulièrement autorisé par ordonnance rendue sur requête le 18 juillet 2023, M. [F] [M] a fait assigner en référé d’heure à heure M. [E] [G] et Mme [H] [V] devant le juge des référés du tribunal judiciare de Versailles aux fins d’obtenir au visa des articles 485,834 et 835 alinéa 1er du code de procédure civile:
- l’autorisation de mettre en oeuvre les mesures conservatoires de sécurisation du chantier de construction et de dévoiement des réseaux qui s’imposent afin de prévenir tout dommage imminent lié à cet environnement à risque,
- l’autorisation de procéder à la reprise des travaux d’extension autorisés par le permis de construire en date du 7 octobre 2021 afin de remédier dans les meilleurs délais à l’indignité des conditions d’habitabilité de sa famille.
A l’audience, M. [F] [M] a, sur le fondement de l’article 835 alinéa 1, demandé l’autorisation de sécuriser le chantier par la pose de palissades d’une part et le dévoiement des réseaux d’autre part.
Sur le fondement de l’article 834 du code de procédure civile, M. [F] [M] a sollicité l’autorisation de procéder à la reprise des travaux d’extension.
Sur le fondement de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, M. [F] [M] a fait valoir que le risque imminent tenait à la fois à la présence d’une canalisation de gaz à l’air libre au milieu du jardin et à l’existence d’un chantier non sécurisé en présence d’enfants de 2,9,15 et 19 ans.
Pour remédier au danger induit par le chantier non sécurisé il a fait valoir que la solution consistait en la mise en place de palissades autour de l’emprise du chantier en lieu et place de la rubalise orange.
Concernant l’imminence d’un dommage induite par la présence d’une canalisation de gaz à l’air libre, il a exposé que la solution technique la plus sécurisante et facile à mettre en oeuvre était le dévoiement du réseau de gaz sur le terrain expliquant qu’il était impossible de procéder autrement dès lors que les canalisations ne pouvaient pas demeurer dans des fondations.
Il a exposé que le réseau actuel présentait de graves non conformités à la norme NF DTU 61.1 relative à la réglementation des installations gaz en habitation, dès lors qu’il était enterré à moins de 50 centimètres de profondeur et qu’il n’y avait pas de dispositif avertisseur à moins de 20 centimètres au dessus des tuyauteries.
Le demandeur a expliqué que son architecte avait mis en garde contre un risque de fuite importante induit par ces canalisations de gaz constituées de barres de cuivre comportant plusieurs soudures, qu’il avait souligné le caractère très ancien du câble électrique et noté l’absence de fourreau de protection pour les canalisations de gaz et le câble électrique.
Il a soutenu qu’il était très important et urgent de réaliser la nouvelle servitude avec mise aux normes des conduites, câbles et fourreaux, le tout enterré avec un minimum de 50 centimètres de profondeur, une distance minimum de 20 centimètres entre la conduite de gaz et le câble électrique et la mise en place d’un avertisseur de sécurité situé à 20 centimètres au dessus de ce nouveau réseau.
En réponse aux arguments en défense, M. [M] a fait valoir que le fait que le nouveau tracé ne soit pas parfaitement rectiligne serait sans incidence sur la circulation du gaz et de l’électricité et qu’il ne saurait être question de fluide puisqu’il ne s’agit pas de canalistaions d’adduction d’eaux pluviales ou usées mais d’une canalisation de gaz et d’un réseau électrique.
Il a indiqué que la proposition de dévoiement permettrait la mise aux normes des réseaux et le respect des règles de sécurité actuelles.
M. [M] a exposé ensuite qu’il ne saurait être soutenu en défense que le respect des conditions cumulatives exigées par l’article 3 de l’article 701 du code civil pour permettre au propriétaire du fonds servant de modifier l’assiette de la servitude, sur laquelle il n’était pas demandé au juge des référés de se prononcer, serait constitutif d’une contestaion sérieuse empêchant la reprise des travaux.
Il a ainsi fait valoir que l’assiette primitive de la servitude de canalisation était devenue plus onéreuse puisqu’il ne pouvait édifier l’extension de sa maison d’habitation sans procéder au dévoiement des canalisations et d’autre part, que ce dévoiement tel que proposé offre à M. [G] et Mme [V] un endroit aussi commode pour l’exercice de leurs droits.
Il fait également savoir que le nouveau tracé n’aurait pas pour effet de rendre la servitude de canalisation plus incommode, que le nouveau tracé des réseaux ne diffère que très peu du tracé actuel.
Sur le fondement de l’article 834 du code de procédure civile, il a fait valoir que la reprise des travaux dans l’attente de la décision du juge du fond était la seule solution pour permettre d’améliorer les conditions d’habitabilité de sa famille. Il a exposé que les membres de sa famille et lui-même étaient contraints de vivre à six personnes dans une maison composée de deux chambres sans aucune perspective sur la reprise du chantier et la réalisation de l’extension et que la situation était anxiogène pour la cellule familiale.
En défense, par conclusions notifiées le 24 juillet 223 et soutenues oralement M. [G] et Mme [V] ont demandé au juge des référés de :
- dire et juger que le juge des référés est incompétent pour statuer sur la demande du dévoiement,
- rejeter la demande de dévoiement,
- rejeter la demande de reprise des travaux,
- débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes,
- renvoyer M. [M] à mieux se pourvoir,
Reconventionnellement ils ont demandé au juge des référés:
- d’ordonner la remise en état des lieux sous la responsabilité d’un expert judiciaire,
- prononcer une astreinte de 1.000 euros par jour si M. [M] venait à reprendre le stravaux,
- condamner M. [M] à leur payer la somme de 5.760 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de leurs demandes M. [G] et Mme [V] ont tout d’abord expliqué que M. [M] avait refusé de communiquer son adresse à l’huissier instrumentaire de sorte que la décision de justice du 29 novembre 2022 n’avait pu lui être signifiée que le 20 décembre 2022 et qu’il avait dans l’attente poursuivi les travaux.
M. [G] et Mme [V] ont soutenu par ailleurs que M. [M] continuait à poursuivre les travaux au mépris de la décision de justice.
Ils ont exposé que le nouveau dévoiement désormais proposé par M. [M] nécessiterait l’abattage d’un arbre bicentenaire ce qui est interdit par le PLU de [Localité 1], et indiqué que ce nouveau tracé rendrait la servitude plus incommodante puisqu’il n’est pas rectiligne.
Les défendeurs ont soutenu que le juge des référés était incompétent pour statuer sur le devoiement puisqu’il imposait une modification de la servitude qui relevait du juge du fond et que la décision sollicitée imposait au juge des référés de statuer sur la consistance de la servitude et son assiette.
Ils ont fait valoir que la remise en état ne pourrait être obtenue que par la démolition de l’extension de M. [M].
M. [G] et Mme [V] ont rappelé que dans les écritures présentées devant le juge des référés au mois de novembre 2022, M. [M] avait indiqué être intervenu sur la servitude, avoir coulé du béton sur l’assiette et avoir réalisé un coffrage pour sécuriser les canalisations. Ils ont mis en avant les contradictions de M. [M] qui affirmait dans ses écritures du 08 novembre 2022 qu’il n’existait aucun dommage imminent et qu’il avait pris toutes les mesures conservatoires pour sécuriser la situation et revenait devant le même tribunal pour demander l’autorisation de sécuriser le même chantier.
Ils ont affirmé que son argument selon lequel la canalisation de gaz serait à l’air libre était contredit par des attestations d’entreprises qu’ils avait mandatées et qui indiquaient déjà plusieurs mois auparavant que lesdites canalisations avaient fait l’objet d’un coffrage.
S’agissant de la demande de reprise des travaux ils ont fait valoir que l’urgence n’était pas cacractérisée, que les conditions d’habitation décrites n’étaient pas des conditions d’indignité et que le juge des référés ne pouvait autoriser la reprise des travaux sans décision au fond."

Le juge des référés a statué ainsi :
- sur les mesures conservatoires de sécurisation du chantier de construction et de dévoiement des réseaux :
"L'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce M. [X] [M] sollicite deux mesures sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile.
La première consiste en la pose de palissades pour sécuriser le chantier.
Cette demande ne pose pas de difficultés et ne nécessitait d'ailleurs pas la saisine d'une quelconque juridiction.
La seconde consiste en l'autorisation de dévoiement des réseaux, seule mesure sollicitée par M. [M] pour remédier au dommage imminent causé par l’absence de sécurisation du chantier suspendu suite à la décision rendue le 2 novembre 2022.
Or le dévoiement des réseaux qui entraînera de fait la modification de l'assiette de la servitude ne peut s'analyser en une mesure conservatoire susceptible d'être ordonnée en référé.
La demande sera rejetée."
- sur la reprise des travaux d'extension :
"L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
En l'espèce, l'absence de perspective sur la reprise du chantier et la réalisation de l'extension ou les conditions d'habitabilité décrites à savoir deux chambres pour cinq occupants (l'aîné des enfants disposant de son propre logement), ne constituent pas l'urgence exigée par l'article 834 du code de procédure civile. La demande sera rejetée."
sur la demande reconventionnelle de remise en état des lieux :
" La décision rendue le 29 novembre 2022 a ordonné la suspension des travaux à la demande de M. [G] et Mme [V]. Ils sollicitent désormais la remise en l’état antérieur.
Cependant, il ressort des débats que M. [M] a fait assigner M. [G] et Mme [V] selon la procédure accélérée au fond pour autoriser la modification de l'assiette de la servitude. L'audience est fixée au 17 octobre 2023. Une décision au fond interviendra donc prochainement.
Il n' est donc pas justifié d'ordonner la remise en l'état antérieur.La demande sera rejetée."

Par ordonnance du 17 octobre 2023, le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles a rejeté la demande de remise en état des lieux de M. [E] [G] et de Mme [H] [V], dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes au titre de la mise en place de la chaudière électrique temporaire, du préjudice de jouissance et du préjudice moral, rejeté la demande au titre des frais liés aux précédentes procédures, rejeté la demande au titre de l'abus de droit, et condamné in solidum M. [E] [G] et Mme [H] [V] à payer à M. [F] [M] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Le juge des référés a statué ainsi sur la demande de remise en état des lieux :
" Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le Président du Tribunal judiciaire peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite est caractérisé par toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Il appartient à la partie qui s'en prévaut d'en faire la démonstration avec l'évidence requise devant le juge des référés.
Le dommage imminent est le le dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.
Les demandeurs sollicitent à nouveau la remise en état des lieux avec désignation d'un expert, dont ils ont été précédemment déboutés selon les termes ci-dessus développés. Il sera rappelé que l'article 488 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée. Elle peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.
Il ressort du rapport du 20 septembre 2023 de la société INGEBIME, laquelle a effectué des investigations des réseaux d'électricité et de gaz existants dans la parcelle de M. [M], que les canalisations présentent une "absence de grillage avertisseur" et une "absence de fourreaux protégeant les canalisations et câblages". Il apparaît que les canalisations litigieuses sont entourées d'un coffrage en bois comme précédemment relevé dans l'ordonnance du 29 novembre 2023 susvisée. Le rapport conclut que "ces anciens réseaux vétustes ne sont pas identifiés et mis en oeuvre suivant la norme" ("NF P 98-331 et NF P 98-332") et qu'"il serait nécessaire de les reprendre également dans le cadre de ces travaux".
Par ailleurs, il ressort du compte-rendu d'intervention du 22 septembre 2023 de la société GREEN POWER BATIMENT sur la propriété de M. [M],que "face au danger imminent du réseau actuel et à la coupure de gaz initiée par GRDF eu égard aux non-conformités sur le réseau existant (absence d'organe de coupure, profondeur d'enterrement du réseau non conforme, juxtaposition de réseaux GAZ/EDF, absence de filet de signalisation)", qu'il a été "procédé à la demande de M. [M], au raccordement du réseau ad hoc dévoyé au coffret gaz GRDF conformément aux normes de gaz en vigueur. Cette mesure conservatoire est désormais en place. En conséquence, un CERFA modèle 2 a été rempli et sera visé par QUALIGAZ sous un délai moyen de 3 à 4 jours ouvrés. Sur cette base, GRDF pourra rétablir le gaz sous un délai moyen de 6 à 8 jours ouvrables environ dès réception du CERFA."
La société GREEN POWER BATIMENT avait précédemment effectué un audit de l'installation de gaz installée sur la parcelle de M. [M] et avait déjà conclu que le réseau était vétuste et qu'il était urgent de prendre des mesures conservatoires sur ce réseau, conformément à la norme NF DTU 61.1 relative à la règlement des installations de gaz en habitation.
La société GREEN POWER BATIMENT avait confirmé "la dangerosité de la conduite de gaz" précisant que "cette installation est ancienne, à soudure, et ne respecte plus les normes d'aujourd'hui", et avait constaté "également que le réseau pourrait céder à tout moment si un éboulement de terrassement ou une branche d'arbre tombait dessus".
De même, la société IMAGIN ARCHITECTURE a constaté, le 10 juillet 2023, "l'état de vétusté et de dangerosité de la servitude existante (gaz et électricité) desservant le voisin arrière. Il est très important et urgent de réaliser la nouvelle servitude avec mise aux normes des conduites, câbles et fourreaux. Le tout enterré avec un minimum de 50 cm de profondeur, une distance minimum de 20 cm entre la conduite de gaz et le câble électrique, et la mise en place d'un avertisseur de sécurité situé à 20 cm au dessus de ce nouveau réseau".
Les travaux sont actuellement suspendus conformément à l'injonction prononcée par l'ordonnance du 29 novembre 2022. L'intervention de la société GREEN POWER BATIMENT sur les canalisations litigieuses constitue une mesure conservatoire au regard de la vétusté et de la dangerosité dudit réseau, permettant à GRDF de rétablir l'alimentation en gaz.
Il s'avère que des travaux de mise aux normes sont nécessaires, et s'opposent donc à une remise en état des lieux antérieur, à savoir de procéder à l'enfouissement des canalisations, alors même qu'il a été relevé que "le réseau pourrait céder à tout moment si un éboulement de terrassement ou une branche d'arbre tombait dessus".
En tout état de cause, une procédure au fond est en cours aux fins d'autoriser la modification de l'assiette de la servitude. L'audience est fixée au 17 octobre 2023. Une décision au fond interviendra donc prochainement.
Il n' est donc pas justifié d'ordonner la remise en l'état antérieur. La demande sera rejetée. "

Parallèlement, M. [M] a saisi le juge du fond, dans le cadre d'une procédure accélérée au fond, aux fins de modification de l'assiette de la servitude. La procédure est toujours en cours devant le juge de la mise en état de la 3ème chambre civile du Tribunal judiciaire de Versailles, l'affaire ayant été renvoyée pour régularisation d’une demande d’expertise de M. [G] et Mme [V].

Par acte de Commissaire de Justice en date du 29 novembre 2023, M. [F] [M] a assigné M. [E] [G] et Mme [H] [V] en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles.

Aux termes de ses conclusions, le demandeur sollicite de voir, sur le fondement des articles 484 et 488 du code de procédure civile et vu les circonstances nouvelles :
- rapporter l’ordonnance du 29 novembre 2022 par laquelle le juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles a ordonné la suspension des travaux d’extension d’une maison d’habitation réalisés par M. [M] sur la parcelle cadastrée section AC n°[Cadastre 6] située [Adresse 2] à [Localité 1],
- autoriser, en conséquence, M. [M] à procéder à la reprise des travaux d’extension de sa maison d’habitation sur la parcelle susvisée à la condition que soit mise en œuvre la solution de réversibilité telle que présentée dans la présente assignation et dans les pièces n° 20, 21 et 22 produites à l’appui de cette dernière,
- condamner M. [G] et Mme [V] à lui verser une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il s'oppose au préalable à l'exception d’incompétence du juge des référés soulevée par les défendeurs au motif que seul le juge de la mise en état serait compétent, faisant valoir que le pouvoir de modifier ou rapporter une décision pour circonstances nouvelles appartient à la juridiction qui l’a prononcée.

Au soutien de sa demande, il relève l'existence de circonstances nouvelles.

Il indique qu'il est constant que le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles, pour ordonner la suspension des travaux réalisés par M. [M], a motivé sa décision par le fait, d’une part, que l'accès d'une grande partie des canalisations serait modifié de manière majeure, pouvant rendre ainsi l'usage de la servitude plus incommode, et, d’autre part, que les fondations allaient forcément impacter le réseau enterré puisqu'elles devraient se retrouver au même niveau d'enfouissement, voire en-dessous, enrobant les canalisations dans la maçonnerie ; que néanmoins, depuis cette ordonnance du 29 novembre 2022, des circonstances nouvelles techniques sont apparues qui permettent : soit de maintenir la solution conservatoire comme solution définitive si le juge du fond valide le déplacement de l’assiette de la servitude, soit de rétablir la canalisation de gaz et le câble électrique sur l’assiette de la servitude si le juge du fond ne valide pas le déplacement de l’assiette de la servitude ; qu'en effet, des fourreaux spécifiques ont été ou seront éventuellement mis en place pour les deux options, ce qui permettra de rendre aisément accessibles les canalisations de gaz et les câblages électriques en toute sécurité et dans les normes de sécurité actuelles et ce, sans avoir besoin de démolir la construction projetée ; qu'en outre, la canalisation et le câble existants ont été supprimés.

Il déduit que ces circonstances nouvelles, si elles avaient été connues du juge des référés, l’auraient conduit à rejeter la demande de M. [G] et MME [V].

Il rappelle qu'afin de rétablir la fourniture de gaz de la maison de M. [G] et MME [V], la société Green Power Bâtiment, société certifiée « Professionnel gaz », est intervenue le 22 septembre 2022 afin de procéder à titre de mesure conservatoire d’urgence au dévoiement des canalisations, étant précisé que ce dévoiement à titre conservatoire des réseaux a été réalisé sur un tracé d’égal commodité et a permis leur mise aux normes, notamment la norme NF DTU 61.1 relative à la réglementation des installations gaz en habitation ; qu'ainsi, les canalisations de gaz et les câblages d’électricité ont été remplacés par des tuyaux souples en polyéthylène haute densité qui ont été placés sous fourreaux de sécurité de couleurs distinctes (jaune pour le gaz et rouge pour l’électricité) qui ont été enterrés à la profondeur requise en cas d’installation en pleine terre et un filet avertisseur de sécurité a été mis en place, selon le compte rendu de chantier intermédiaire du 15 novembre 2023 et le procès-verbal de levée de réserve du 15 décembre 2023 ; que la canalisation et le câble existants ont été supprimés ; que dès lors, la demande d’expertise devant le juge de la mise en état n’a aucune utilité et n’est que dilatoire ; que si l’assiette de la servitude était modifiée par le juge du fond, le dévoiement des réseaux deviendrait alors simplement définitif.

Il ajoute ensuite que le cabinet Imagin’Architecture a conçu une solution de réversibilité de cette mesure conservatoire de dévoiement afin de pouvoir rétablir, le cas échéant, les canalisations de gaz et d’électricité sur l’assiette antérieure sans avoir besoin de démolir la construction projetée ; que cette solution, qui a été validée par le bureau d’étude Ingébime le 27 novembre 2023, prévoit de conserver des réservations dans les murs du sous-sol (garage à vélos et vide sanitaire), de poser deux fourreaux, un pour le gaz et un pour l’électricité, au sein d’un coffrage et de mettre en place un coffrage aisément démontable afin de pouvoir accéder aux fourreaux, et prévoit également la mise en place de deux fourreaux spécifiques dans le vide sanitaire situé sous le garage pour véhicules.

Il estime qu'ainsi, dans l’un et l’autre cas, les motifs pris de la dangerosité et de l’accès mal commode des canalisations de gaz et des câblages électriques, ayant motivé l’ordonnance du 29 novembre 2022 prononçant la suspension des travaux d’extension, n’existent plus ; que cela signifie que, quel que soit le résultat de l’expertise éventuellement ordonnée et de la décision qui sera rendue par le tribunal judiciaire de Versailles saisi au fond d’une demande de modification de l’assiette de la servitude, celle-ci pourra toujours être exécutée sans que la reprise immédiate des travaux d’extension de la maison de M. [M] ne puisse constituer un obstacle ; que le passage des canalisations de gaz et des câblages électriques dans les fourreaux pourra s’effectuer sans avoir besoin de démolir la construction projetée et permettra de maintenir la même assiette de servitude que celle existante antérieurement ; que la mesure conservatoire de suspension des travaux de l’extension n’est plus utile et ne se justifie plus ; que dès lors, les arguments de M. [G] et Mme [V] tenant à ce que la construction de l'extension sur les réseaux de gaz et d’électricité créerait non seulement un risque important de rupture de leurs approvisionnements mais empiéterait surtout sur la servitude, qu’ils avaient alors exposés devant le juge des référés, ne pourraient plus aujourd’hui prospérer ; qu'en effet, l’édification de la construction respecterait la servitude de passage de canalisation existante.

Aux termes de leurs conclusions, les défendeurs sollicitent de voir :
- in limine litis, déclarer incompétent le juge des référés au profit du juge de la mise en état,
- rejeter l’ensemble des demandes formulées par Monsieur [M],
- condamner Monsieur [M] à leur verser la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils soulèvent in limine litis l’incompétence du juge des référés en application de l’article 789 du code de procédure civile, relevant que Monsieur [M] sollicite du tribunal saisi au fond qu'il se prononce sur un dévoiement qu'il a effectivement déjà réalisé sans attendre la décision judiciaire, de même que sur la reprise de ses travaux, reproduisant précisément les mêmes demandes exprimées dans le cadre de la demande de rétractation de l'ordonnance en date du 29 novembre 2022 ; que le juge de la mise en état est actuellement saisi d'une demande d'expertise, étant donné que le juge de la mise en état dispose des pouvoirs attribués au juge des référés ; qu'il aurait été plus judicieux pour Monsieur [M] de formuler cette demande de reprise des travaux directement devant le juge de la mise en état, compétent de manière exclusive en la matière et déjà saisi de l'affaire.

Ils relèvent ensuite l’absence de circonstance nouvelle et l’existence d’un trouble manifestement illicite, relevant que dans le cadre de son assignation, Monsieur [M] présente des attestations émanant d'entreprises peu sérieuses, qui avancent des propositions de dévoiement ne respectant pas les normes et règles de l'art en la matière ; que plusieurs propositions de dévoiement qui se contredisent ont été présentées ajoutant ainsi une complexité supplémentaire à la situation ; qu'en urgence, ils ont consulté un bureau d'étude, lequel a identifié deux problèmes majeurs liés à la proposition de dévoiement, laquelle tout d'abord, ne prend pas en considération le développement des racines des cinq arbres centenaires situés autour de la construction et deuxièmement, place le nouveau tracé de servitude de passage à proximité immédiate de la construction ; que la proximité de la servitude avec la future construction rendrait toute intervention pour réparer ces réseaux difficile et coûteuse ; qu'il est donc crucial de prendre en considération ces préoccupations majeures, afin de garantir une décision équitable et la préservation de la sécurité et de l'intégrité de la construction existante ; que compte tenu de ce rapport alarmant, ils ont mandaté un expert technique pour les assister dans les procédures, et ont par ailleurs, à deux reprises formulé, par sommations interpellatives, restées vaines, une demande aux entreprises intervenues sur les réseaux gaz, en sollicitant la fourniture des plans d'exécution, des devis, des factures, ainsi que toutes pièces justifiant les travaux exécutés sur des canalisations leur appartenant, travaux sur lesquels les entreprises ne pouvaient intervenir sans leur accord ; qu'enfin, ils ont ont interrogé Monsieur [W] architecte qui indique qu'il lui "paraît hasardeux qu'un architecte ait pu valider une telle installation, qui risque fortement de ne pas être réglementaire" ; que le rapport d'Imagin Architecture du 26 octobre 2023 émet des réserves sur l'achèvement des travaux, mentionnant des problèmes d'étanchéité périphérique et de drainage ; que des fouilles encore ouvertes et l'absence de réponses aux demandes d'informations soulèvent des doutes sur la réalité des travaux terminés ; que les attestations Qualigaz émises par deux entreprises différentes pour la même canalisation suscitent des interrogations ; que la suppression des anciennes canalisations avant un contrôle d'expertise judiciaire est remise en question, laissant planer des doutes sur la nécessité des nouvelles installations ; qu'en conclusion, l'architecte met en avant des doutes significatifs quant à la validité des attestations, la réalité des travaux effectués, et la nécessité des nouvelles installations, et plaide pour la désignation d'un expert afin d'éclaircir ces points, garantir la conformité des travaux aux normes, et déterminer les actions nécessaires pour assurer la sécurité et la légalité des installations gaz.

La décision a été mise en délibéré au 2 avril 2024.

MOTIFS

Sur l'incompétence

L'article 789 du code de procédure civile dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ; Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Toutefois, l'article 789 ne permet pas au juge de la mise en état de modifier une ordonnance de référé, étant rappelé qu'aux termes de l’article 488 du code de procédure civile, l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée et qu’elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles.

Le pouvoir de modifier ou de rapporter la décision pour circonstances nouvelles appartient à la juridiction qui l’a prononcée. Il résulte ainsi des articles 789 et 488 combinés, que le juge de la mise en état n’a pas le pouvoir de modifier une ordonnance de référé.

En conséquence, le juge des référés est en l'espèce compétent.

Sur la demande de rapporter l'ordonnance de référé du 29 novembre 2022 et de reprise des travaux

L’article 488 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.

Il est constant que la circonstance nouvelle se caractérise par tout changement intervenu dans les éléments de fait ou de droit ayant motivé la décision, éléments qui, s'ils avaient été connus du juge, auraient modifié son opinion.

En l'espèce, en application des article 835 alinéa 1 du code de procédure civile et 701 du Code civil, le juge des référés a considéré que les travaux de construction effectués par M. [M] "entraînent un changement d'état des lieux affectant notablement l'exercice de la servitude et constituent dès lors un trouble manifestement illicite", justifiant "en conséquence de faire droit à la demande de suspension des travaux."

Le trouble illicite est ainsi caractérisé en l'espèce par une atteinte à l'assiette d'une servitude conventionnelle du fait que M. [M] a entrepris de réaliser, sans l'accord de ses voisins bénéficiaires du fonds dominant, des modifications sur ladite servitude conventionnelle qu'il a l’obligation de respecter en sa qualité de fonds servant, et non simplement des "motifs pris de la dangerosité et de l’accès mal commode des canalisations de gaz et des câblages électriques".

Il sera rappelé que l'ordonnance querellée précise que "les travaux d'extension de [la] maison individuelle [de M. [M]] se situent au-dessus et au-dessous (partie souterraine) d'une partie des canalisations faisant l'objet de la servitude susvisée. Les photographies du chantier montrent d'ailleurs que ces canalisations ont fait l'objet d'un coffrage en bois tout le long de la nouvelle construction en cours de chantier. Il apparaît dès lors que ces travaux affectent manifestement et de manière importante l'assiette d'origine de la servitude de passage des canalisations. Il s'avère notamment que l'accès d'une grande partie des canalisations sera modifié de manière majeure pouvant rendre ainsi l'usage de ladite servitude plus incommode."

M. [M] se prévaut aujourd'hui d'un projet de dévoiement de la servitude litigieuse, qui selon lui permettrait, quelle que soit la décision du juge du fond, saisi de la demande de modification de l'assiette de la servitude, de supprimer tout élément rendant cette dernière plus incommode, soit en maintenant la solution conservatoire comme solution définitive si le juge du fond valide le déplacement de l’assiette de la servitude, soit en rétablissant la canalisation de gaz et le câble électrique sur l’assiette de la servitude si le juge du fond ne valide pas le déplacement de l’assiette de la servitude.

Or, les propositions de M. [M], lequel a déjà fait exécuter les travaux de canalisation de gaz, ne présentent aucun caractère contradictoire ni aucune garantie professionnelle certaine, et sont démenties par d'autres avis techniques.

Il sera rappelé que le juge des référés avait déjà relevé que "M. [U], architecte, interrogé sur les conséquences de la construction d'un bâtiment sur un réseau enterré comprenant une canalisation de gaz, une conduite d'adduction d'eau et une alimentation électrique [...], atteste que premièrement, il est impossible de venir construire au-dessus d'un réseau enterré de cette nature, qui plus est comportant une canalisation de gaz qui de fait ne sera plus accessible, et que deuxièment, les fondations vont forcément impactées le réseau enterré puisqu'elles devraient se retrouver au même niveau d'enfouissement, voire en-dessous, enrobant les canalisations dans la maçonnerie."

Par ailleurs, le rapport de la société d'architecture ANJUERE & ASSOCIES, établi le 30 janvier 2024 à la demande des consorts [G]-[V], contredit le projet et le plan de réversibilité de la société IMAGIN ' ARCHITECTURE, établi le 26 octobre 2023, à la demande de M. [M], et le rapport de fin de chantier " dévoiement servitude réseaux gaz et électricité"du 15 décembre 2023.

Le rapport ANJUERE & ASSOCIES relève notamment "l'inconséquence technique de M. [M] et de l'ensemble des intervenants", souligne que "Sur ce projet d'éventuelle nouvelle proposition de dévoiement des canalisations, une expertise s'impose". Il ajoute en "Remarque complémentaire sur le contexte du chantier" que "les palissades dressées par M. [M] ne sont pas destinées à retenir la poussière ou affaiblir le bruit du chantier, mais surtout pour dissimuler les travaux exécutés [...] et la réalité des ouvrages", et constate que "tous ces travaux ont été exécutés malgré l'interdiction ordonnée par le tribunal".

C'est pourquoi, les travaux postérieurs exécutés sur la base des rapports de la société IMAGIN 'ARCHITECTURE ne constituent pas des circonstances nouvelles, qui si elles avaient été connues à la date de l'ordonnance querellée, auraient modifié la décision du juge des référés, dans la mesure où il n'est pas établi que ces éléments font disparaître de manière évidente et certaine le trouble illicite, à savoir l'atteinte au droit de servitude qui reste à ce jour existante.

La demande de rapporter l'ordonnance de référé sera donc rejetée, de même que la demande subséquente de reprise des travaux.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de condamner le demandeur, partie succombante, à payer aux défendeurs la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le demandeurs sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort :

Rejetons l'exception d'incompétence,

Rejetons la demande de rapporter l'ordonnance de référé rendue le 29 novembre 2022 par le juge du Tribunal judiciaire de Versailles, et la demande subséquente de reprise des travaux,

Condamnons M. [F] [M] à payer à M. [E] [G] et Mme [H] [V] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons M. [F] [M] aux dépens.

Prononcé par mise à disposition au greffe le DEUX AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

Le GreffierLa Première Vice-Présidente

Virginie DUMINYGaële FRANÇOIS-HARY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Chambre des référés
Numéro d'arrêt : 23/01606
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.01606 ?
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