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29/03/2024 | FRANCE | N°22/05746

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Quatrième chambre, 29 mars 2024, 22/05746


Minute n°



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
29 MARS 2024


N° RG 22/05746 - N° Portalis DB22-W-B7G-QUX6
Code NAC : 60A


DEMANDEUR :

Monsieur [R] [K]
né le [Date naissance 2] 1998 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représenté par Me Sami LANDOULSI, avocat au barreau de VAL D’OISE, avocat plaidant/postulant


DEFENDERESSES :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL D’OISE
[Adresse 1]
[Localité 6]

défaillante

S.A. AXA FRANCE IARD,
immat

riculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, prise en la personne e ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 3]
[Localité 5]
...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
29 MARS 2024

N° RG 22/05746 - N° Portalis DB22-W-B7G-QUX6
Code NAC : 60A

DEMANDEUR :

Monsieur [R] [K]
né le [Date naissance 2] 1998 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représenté par Me Sami LANDOULSI, avocat au barreau de VAL D’OISE, avocat plaidant/postulant

DEFENDERESSES :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL D’OISE
[Adresse 1]
[Localité 6]

défaillante

S.A. AXA FRANCE IARD,
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, prise en la personne e ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant

Copie exécutoire à Me Christophe DEBRAY,
Copie certifiée conforme à l’origninal à Me Sami LANDOULSI
délivrée le

ACTE INITIAL du 28 Octobre 2022 reçu au greffe le 02 Novembre 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 09 Février 2024 Monsieur BRIDIER, Vice-Président, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame GAVACHE, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 29 Mars 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 23 avril 2017, vers 4H du matin, sur l'autoroute A13, Monsieur [R] [K], alors qu'il conduisait son véhicule Hyunda [Immatriculation 8] assuré auprès d'AVANSSUR, après avoir passé la soirée chez son amie dans les Yvelines, a perdu le contrôle de son véhicule, a effectué plusieurs tonneaux et percuté le muret central de séparation.

Monsieur [R] [K] a présenté de multiples fractures, notamment du membre inférieur gauche nécessitant une amputation trans-tibiale puis trans-fémorale.

Il s’est rapproché de la compagnie AVANSSUR, afin de voir appliquer les garanties de son contrat de garantie du conducteur. Par courrier du 22 mars 2018, la compagnie AVANSSUR informait Monsieur [R] [K] qu'elle refusait la prise en charge du sinistre compte tenu de ce qu’il présentait, au moment de l’accident, un taux d’alcoolémie supérieur à la limite autorisée pour les jeunes conducteurs.

C’est dans ces circonstances que par exploit d'huissier du 31 octobre 2022, Monsieur [R] [K] a fait assigner la société AXA FRANCE IARD venant aux droits d’AVANSSUR devant le tribunal de céans afin de voir reconnaître son droit à indemnisation, et solliciter l'indemnisation de son préjudice. Par exploit d'huissier du 28 octobre 2022 il faisait également assigner devant ce même tribunal la CPAM du Val d'Oise.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 avril 2023, Monsieur [R] [K], au visa des articles 1103 et suivants du code civil et de la loi du 5 juillet 1985, demande au tribunal de :

Dire que la Société AXA FRANCE IARD est tenue de l'indemniser des conséquences dommageables de l'accident de la circulation du 23 avril 2017,
Avant-dire droit sur le montant du préjudice corporel, désigner tel expert qu'il plaira avec mission d'usage,
Condamner la société AXA FRANCE IARD à lui payer une indemnité provisionnelle de 30.000 €,
Condamner la société AXA FRANCE IARD à lui payer la somme de 6.000 € en réparation du préjudice matériel,
Condamner la société AXA FRANCE IARD à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouter la société AXA France IARD de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 mai 2023, la société AXA FRANCE, au visa des articles R.234-1-I du code de la route et des conditions générales et particulières du contrat, demande au tribunal de :

Juger que Monsieur [R] [K] au moment de l’accident conduisait son véhicule sous l’emprise d’un état alcoolique dépassant le seuil autorisé pour un jeune conducteur titulaire d’un permis probatoire,

En conséquence,

Déclarer Monsieur [R] [K] exclu de sa garantie contractuelle
Débouter Monsieur [R] [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Le condamner aux dépens et au versement d’une somme de 1 500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :
Désigner tel médecin qu’il plaira au Tribunal avec pour mission de :
Se faire communiquer les éléments de l’enquête et les pièces médicales nécessaires à sa mission,
Évaluer l’alcoolémie de Monsieur [K] au moment de l’accident,
Décrire l’évolution du taux d’alcool dans le sang de Monsieur [K] dans les heures suivants le choc, selon les données médicales

Surseoir à statuer sur les demandes de Monsieur [K] dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

****

Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

L’instruction a été clôturée le 23 mai 2023 et l’affaire a été évoquée à l’audience tenue le 9 février 2024 par un juge unique qui a mis la décision en délibéré ce jour.

La CPAM du Val d'Oise ne s'étant pas constituée, la décision sera réputée contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation de Monsieur [K] :

- Monsieur [K] explique que AVANSSUR, agissant en qualité de courtier gestionnaire pour AXA, a refusé la prise en charge de son préjudice matériel
et corporel au motif que lors de l'accident, son taux d'alcoolémie dépassait la limite autorisée pour les jeunes conducteurs qui est de 0,20g par litre de sang.

Or, selon lui cette affirmation est erronée puisqu'il résulte du procès-verbal de gendarmerie que l'analyse effectuée par le laboratoire d'analyse LABEX a fait ressortir un dosage à 0,13g/l (ce qui équivaut à une absence d'alcoolémie), soit un taux inférieur au seuil légal qui est de 0,20g/l.

Il précise que c'est la seule mesure qui ait été établie avec certitude, conformément aux dispositions légales et réglementaires et que Avanssur se sert d'une simple hypothèse émise par l'officier de police judiciaire, alors qu'il précisait lui-même qu'il n'y avait aucune certitude, que le taux d'alcoolémie était peut-être supérieur à l'heure de l'accident.

Il ajoute qu'aucune infraction relative au taux d'alcoolémie n'a été relevée à son encontre, qu'il n'a subi aucun retrait de point ou suspension de son permis de conduire et qu'il a déclaré lors de son audition par les gendarmes, avoir consommé une bière Skoll de 33 cl , ce qui a été confirmé par Madame [C] [F], amie de Monsieur [K] et que dans ces circonstances, l'assureur ne peut affirmer de manière péremptoire que son taux d'alcoolémie était supérieur au taux autorisé, sans pouvoir s'appuyer sur aucun élément certain, et alors que l'analyse effectuée par le laboratoire indique clairement un taux de 0,13g/l.

-La société AXA FRANCE IARD se fonde sur l'article R.234-1 du code de la route, rappelle que Monsieur [K] était titulaire du permis de conduire depuis le 26 décembre 2016 et qu'il avait de ce fait, au jour de l'accident, la qualité de jeune conducteur soumis à une réglementation plus sévère s’agissant de la conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, justifiée par l’inexpérience du conducteur, sa concentration d'alcool dans le sang ne devant donc pas dépasser 0,20 gramme par litre.
Elle rappelle les dispositions de sa police d'assurance excluant sa garantie en cas d'état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieure aux quotités fixées par les dispositions législatives et réglementaires du code de la route.

La société AXA FRANCE IARD précise que le prélèvement sanguin en vue de l’analyse toxicologique a été effectué à 12h00 le 23 avril 2017, soit au moins 8heures après les faits, en raison des soins rendus nécessaires par l’état de santé de ce dernier, qu'en effet, il n’est pas contestable que la perte de contrôle de son véhicule et l’accident qui en a suivi ont eu lieu avant 3h58, le 23 avril 2017.

Elle reprend les dires de l'officier de police judiciaire qui relève que « A l'alcoolémie: 0.13 g/l. Les prélèvements ayant été réalisés 8 heures après les faits, et sachant que l'alcoolémie baisse en moyenne de 0,10 g a 0,15 g d’alcool par litre de sang en 1 heure on peut, sans pourvoir conclure avec certitude qu’au moment de son accident
M [K] [R], avait un taux d’alcoolémie compris entre 0.93 g/l et 1.33 g/l. »

La société AXA FRANCE invoque plusieurs documents pour soutenir son affirmation que le taux d’alcool dans le sang diminue en moyenne entre 0,10 et 0,15 g
d’alcool par litre de sang toutes les heures pour un homme adulte. Elle considère qu'il ne s’agit pas d’une simple hypothèse mais d’une réalité scientifique prouvée par toutes les études concordantes.

Ainsi selon la société AXA FRANCE, si après 8 heures d’absence totale de consommation d’alcool (de l’accident au prélèvement sanguin), Monsieur [R] [K] présentait un taux d’alcool dans le sang de 0,13 g/l, l’on peut affirmer qu’au moment de l’accident et dans l’hypothèse qui lui est la plus favorable, son alcoolémie était de : (0,10 g/l x 8 heures) + 0,13g/l = 0,93g/l, soit près de 5 fois la limite autorisée. Dès lors selon elle, si le taux d’alcool dans le sang de Monsieur [K] au moment de l’accident ne peut être déterminé précisément, il est certain qu’il était très nettement supérieur aux seuils fixés pour les jeunes conducteurs.

La société AXA FRANCE ajoute que le fait que plusieurs semaines après les faits, et alors que les enjeux sont importants au regard des graves blessures de Monsieur [K] et du nombre de véhicules impliqués dans l’accident, ses déclarations concordent avec celles de son amie et visent à le dédouaner d’une conduite en état d’ivresse ne surprend pas mais qu'il est possible de douter de la véracité de leurs propos.

Elle conclut au débouté de Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Sur ce,

L’article R. 234-1-I. du code de la route dispose que : « Même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par :
1°Une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,20 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,10 milligramme par litre et inférieure aux seuils fixés à l'article L.234-1, chez le conducteur d'un véhicule de transport en commun, chez le conducteur dont le droit de conduire est limité aux seuls véhicules équipés d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique, installé par un professionnel agréé ou par construction, conformément aux dispositions de l'article L.234-17, ainsi que chez le conducteur titulaire d'un permis de conduire soumis au délai probatoire défini à l'article L. 223-1 ou en situation d'apprentissage définie à l'article R. 211-3 ;
2° Une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,50 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,25 milligramme par litre et inférieure aux seuils fixés à l'article L. 234-1, chez les autres conducteurs. »

Il n'est pas contesté par les parties que Monsieur [K] était alors titulaire d'un permis de conduire soumis au délai probatoire et que le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,20 gramme par litre, était constitutif d'une contravention.

Il n'est pas contesté non plus que l’article 6.4 des conditions générales de la police d'assurance souscrite, intitulé « Exclusions de la garantie personnelle du conducteur », prévoit l’exclusion de garantie de : « tout préjudice subi lorsqu’au moment de l’accident le conducteur assuré est sous l’emprise d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieure aux quotités fixées par les dispositions législatives et réglementaires du code de la route français ».

Il ressort des pièces versées aux débats et notamment du procès-verbal d'enquête que l'accident a eu lieu à environ 4h du matin et que Monsieur [K] présentait un taux d'alcool dans le sang de 0,13 g/litre à 12h00 soit environ 8 heures après les faits.

A la suite de l'accident, à 4h32, les services de gendarmerie arrivaient sur les lieux, à 4h52 une équipe du SMUR de l'hôpital de [Localité 12] arrivait également sur les lieux et prenait en charge Monsieur [K]. A 6 heures, un hélicoptère de la sécurité civile se posait sur l'autoroute A 13 et à 6h50, Monsieur [K] était héliporté à l'hôpital militaire [11] à [Localité 10].

Il ressort de ces éléments que Monsieur [K] n'a de toute évidence pas bu d'alcool entre le moment de l'accident et le moment de la prise de sang effectuée à 12h00.

Or si Monsieur [K] présentait un taux d'alcool dans le sang de
0,13 g/litre à 12h, cela signifie qu'il avait nécessairement ingéré de l'alcool préalablement. Or il ressort des pièces versées aux débats que le taux d’alcool dans le sang diminue en moyenne entre 0,10 et 0,15 g d’alcool par litre de sang toutes les heures pour un homme adulte.

Donc si Monsieur [K] avait de l'alcool dans le sang à 12h et qu'il n'avait pas bu d'alcool au cours des 8 heures précédentes, c'est donc que cet alcool avait été ingéré avant. Et s'il avait ingéré de l'alcool avant 4h du matin, son taux d'alcool dans le sang a nécessairement diminué au minimum de 0,10g/l toutes les heures.

Ainsi il est manifeste que Monsieur [K] présentait au moment de l'accident un taux d'alcool dans le sang de (0,10 g/l x 8 heures) + 0,13g/l = 0,93g/l, soit près de 5 fois la limite autorisée.

Ce taux d'alcool dans le sang exclut tout droit à prise en charge de son préjudice par son assureur, conformément à la police d'assurance souscrite.

Monsieur [K] sera donc débouté de sa demande de voir ordonner une expertise, de sa demande de provision et de sa demande de réparation de son préjudice matériel.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [K] qui succombe supportera les dépens et sera également condamné à payer à la société AXA FRANCE une somme de 1.000,00€ au titre des frais irrépétibles de la procédure.

Monsieur [K] sera débouté de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucun motif ne conduit à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,

Déboute Monsieur [R] [K] de toutes ses demandes ;

Condamne Monsieur [R] [K] à payer à la société AXA FRANCE IARD venant aux droits de la compagnie AVANSSUR une somme de 1.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [R] [K] aux dépens de l'instance ;

Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 MARS 2024 par Monsieur BRIDIER, Vice-Président, assistée de Madame GAVACHE, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 22/05746
Date de la décision : 29/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-29;22.05746 ?
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