La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2024 | FRANCE | N°21/05718

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Deuxième chambre, 29 mars 2024, 21/05718


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 29 MARS 2024

N° RG 21/05718 - N° Portalis DB22-W-B7F-QIWC


DEMANDERESSE :

Madame [X] [F], de nationalité française, support product manager, née à [Localité 5], le 5 mai 1979 et demeurant [Adresse 2] à [Localité 4],
représentée par Me Manel GHARBI, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Juliette BAYLE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


DEFENDERESSE :

S.N.C. LNC DELTA PROMOTION, immatriculée au Registre du Commerce et d

es Sociétés de NANTERRE sous le numéro 813 178 837, dont le siège social est situé à [Localité 3], représentée par ...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 29 MARS 2024

N° RG 21/05718 - N° Portalis DB22-W-B7F-QIWC


DEMANDERESSE :

Madame [X] [F], de nationalité française, support product manager, née à [Localité 5], le 5 mai 1979 et demeurant [Adresse 2] à [Localité 4],
représentée par Me Manel GHARBI, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Juliette BAYLE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

S.N.C. LNC DELTA PROMOTION, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 813 178 837, dont le siège social est situé à [Localité 3], représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité siège social,
représentée par Me Typhanie BOURDOT, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Vincent CHAMARD-SABLIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 16 Août 2021 reçu au greffe le 29 Octobre 2021.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 14 Novembre 2023, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame RODRIGUES, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l‘article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame SOUMAHORO Greffier, puis l’affaire a été mise en délibéré au 18 Janvier 2024, prorogé au 23 février 2024, puis au 29 Mars 2024.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame LUNVEN, Vice-Présidente
Madame RODRIGUES, Vice-Présidente
Madame ANDRIEUX, Juge

EXPOSE DU LITIGE
 
Par acte du 18 septembre 2019, Madame [X] [F] a conclu avec la société en nom collectif LNC DELTA PROMOTION (ci-après SNC LNC DELTA PROMOTION) un contrat de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) portant sur un appartement situé au [Adresse 2] à [Localité 4].
 
La vente a été consentie moyennant le prix de 290.000 euros, taxe sur la valeur ajoutée incluse.
 
L’article 10 du contrat intitulé « Délai d’achèvement » précisait que la SNC DELTA PROMOTION s'engageait à achever et livrer le bien au plus tard au courant du deuxième semestre 2020, soit le 30 juin 2020.
 
Par différents courriers, dont le dernier en date du 31 janvier 2021, la société DCI, maître d’œuvre informait la société LNC DELTA PROMOTION de retards pris dans le chantier, ces informations ayant été répercutées à l'acquéresse, par la société LNC DELTA PROMOTION le 8 février 2021.
 
Par un dernier courrier en date du 20 avril 2021, la société LNC DELTA PROMOTION l'informait que la livraison était reportée au 27 mai 2021.

La livraison est, effectivement, intervenue le 20 mai 2021, avec réserves.
 
C'est dans ce contexte que, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 avril 2021, Madame [F] a, par l'intermédiaire de son conseil, réclamé une indemnisation au titre du retard de livraison et des préjudices subis, soit la somme de 49.572 euros. En vain.
 
Malgré une tentative de résolution amiable, aucun accord n'a pu être trouvé avec la société LNC DELTA PROMOTION.
 
Dans ces conditions, Madame [X] [F], a par acte d'huissier de justice signifié à étude le 16 août 2021, qui constitue ses uniques écritures, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Versailles, la société LNC DELTA PROMOTION aux fins de voir :
 
« Vu l'article 1601-1 du Code civil,
Vu l'article 1611 du Code civil,
Vu l'article L.261-1 du Code de la construction et de l'habitation,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
 
DIRE ET JUGER que la SNC DELTA PROMOTION a manqué à son obligation de résultat en livrant l'appartement avec 352 jours de retard ;
DIRE ET JUGER que la SNC DELTA PROMOTION doit indemniser ce retard et les préjudices du fait de ce retard ;
Par conséquent,
- CONDAMNER la SNC DELTA PROMOTION à verser à madame [X] [F] la somme de 34.027 euros au titre de l'indemnisation du retard pour manquement à l'obligation substantielle du contrat de livrer dans le délai convenu ;
- CONDAMNER la SNC DELTA PROMOTION à verser à madame [X] [F] la somme de 10.740 euros au titre de préjudice de jouissance ;
- CONDAMNER la SNC DETA PROMOTION à verser à madame [X] [F] la somme de 3.798 euros au titre des frais intercalaires qu'elle a dû supporter en raison du retard de livraison ;
- CONDAMNER la SNC DELTA PROMOTION à verser à madame [X] [F] la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral,
 
En tout état de cause,
- CONDAMNER la SNC DELTA PROMOTION au paiement de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER la SNC DELTA PROMOTION aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Juliette BAYLE, Avocat au Barreau de Paris, sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.

 
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 mars 2023, la SNC LNC DELTA PROMOTION demande au tribunal de :
 
Vu les articles 1101 et suivants du Code civil,
Vu la jurisprudence visée,
Vu les pièces versées aux débats,
 
- DIRE ET JUGER que le report du délai de livraison de l’appartement acquis par Madame [F] résulte de causes légitimes de suspension prévues dans le Contrat ;
- En conséquence, REJETER l’ensemble des demandes formulées par Madame [F] à l’encontre de la société LNC DELTA PROMOTION ;
- Dans l’hypothèse où le Tribunal devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société LNC DELTA PROMOTION en considérant que le report ne serait pas justifié, REJETER la demande financière formée à hauteur de 34.027,00 euros en l’absence de pénalités de retard prévues dans le Contrat ;
- LIMITER la demande de condamnation formée par Madame [F] au titre de son préjudice de jouissance à la somme maximum de 5.032,46 euros ;
- LIMITER la demande de condamnation formée par Madame [F] au titre des frais intercalaires à la somme maximum de 2.630,49 euros;
- REJETER la demande financière formée par Madame [F] à hauteur de 2.000,00 euros au titre de son préjudice moral ;
- En tout état de cause, CONDAMNER Madame [F] à verser à la société LNC DELTA PROMOTION une somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de
procédure civile ;
- CONDAMNER Madame [F] aux entiers dépens. »
 
Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé à l'assignation des demandeurs et aux écritures de la défenderesse quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

 
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 septembre 2023. L'affaire a été plaidée le 14 novembre 2023 et a été mise en délibéré au 18 janvier 2024 prorogé au 23 février 2024 puis au 29 mars 2024, par mise à disposition au greffe.
 

MOTIFS DE LA DECISION
 
A titre préliminaire, il est rappelé que :
- d’une part, en vertu de l’article 768 du Code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion,
- d’autre part, les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 de ce même code.

Sur la responsabilité de la société LNC DELTA PROMOTION quant au retard de livraison :
 
Madame [X] [F] fait valoir qu'il est de jurisprudence constante que le vendeur en l'état futur d'achèvement a l'obligation de délivrer la chose vendue, à la date prévue par le contrat et qu'il s'agit d'une obligation de résultat dont seule la force majeure ou des causes légitimes de suspension peuvent l'exonérer.
 
Elle ajoute qu'en l'espèce, par courrier du 31 janvier 2021, la société DCI l'a informée du retard pris dans le chantier, résultant des grèves, des conditions météorologiques ainsi que de la défaillance de certaines entreprises.
 
Elle précise que les stipulations de l'acte de vente indiquent que, pour constituer une cause légitime de retard, les intempéries et phénomènes climatiques doivent être retenus par le maître d'œuvre et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier et que seul un décompte du nombre de jours d'intempéries dressé par la SARL DCI a été fourni.
 
Madame [X] [F] souligne encore que, s'agissant de la défaillance des entreprises SONDEFOR, EUROTERRE et OBATEM, le contrat prévoyait que la justification de la défaillance devait être apportée par le vendeur à l'acquéreur par la copie de toute lettre recommandée avec accusé de réception adressée par le maître d’œuvre à l'entrepreneur défaillant ; que dans le cas présent, non seulement aucune justification ne lui a été apportée mais qu'au demeurant, les défaillances des entreprises invoquées ont eu lieu sous l'égide du précédent maître d’œuvre la société SH INGENIERIE entre 2018 et fin janvier 2019, soit antérieurement à l'acte de vente en date du 18 septembre 2019.
 
Elle fait valoir également que le vendeur n'apporte aucun justificatif du fait que les grèves ayant eu lieu du 5 décembre 2019 au 17 janvier 2020 ont eu un impact sur les fournisseurs et sur la livraison du chantier ; que la société LNC DELTA PROMOTION n'apporte pas la preuve du prétendu retard de raccordement par GRDF notamment de courriers émanant de GRDF ou par des lettres de mise en demeure à l'attention de GRDF.
 
Elle soutient, ainsi, qu'en l'absence d'un cas de force majeure et en l'absence d'une cause légitime de suspension du délai de livraison, la société LNC DELTA PROMOTION a manqué à son obligation de résultat, en livrant l'appartement avec un retard injustifié de 352 jours.
 
En défense, la société LNC DELTA PROMOTION énonce que la livraison du bien acquis par Madame [F] devait avoir lieu au deuxième trimestre 2020, sous réserve des dispositions de l'article 25.1.4 du contrat prévoyant des causes légitimes de suspension du délai de livraison.

Elle ajoute que, dans l'hypothèse où une cause légitime de suspension du délai survenait, le contrat prévoyait que le délai de livraison initialement prévu devait être différé d'un « temps égal à celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux ».
 
S'agissant des intempéries, elle souligne que l'appréciation des événements constitutifs a été laissée, par accord des parties, à la discrétion du maître d’œuvre et que l'attestation de la société DCI, maître d’œuvre, constitue donc le seul élément probant justifiant un report de 4 mois et 11 jours (augmenté d'un délai de deux semaines pour la reprise du chantier) au titre des intempéries survenues en cours de chantier.
 
S'agissant de la défaillance des sociétés SONDEFOR (en charge de la réalisation des fondations spéciales), EUROTERRE (en charge de la réalisation du terrassement et des voiles contre terre) et OBATEM (en charge des travaux de gros-œuvre), elle verse au débat plusieurs documents suivant lesquels la défaillance des entreprises existait bien à la date de la signature de l'acte authentique de vente le 18 septembre 2019.
 
La société LNC DELTA PROMOTION soutient également que les grèves survenues au mois de décembre 2019 et janvier 2020 correspondent à des causes légitimes de suspension du délai de livraison prévues au contrat, lesquelles doivent être justifiées par la production d’une attestation émanant de la maîtrise d’œuvre d’exécution de l’opération, à l’exclusion de tout autre document. Elle ajoute qu'aux termes de son attestation du 31 janvier 2021, la société DCI confirme sans aucune ambiguïté que les grèves survenues au cours des mois de décembre 2019 et janvier 2020 et que le défaut de raccordement par la société GRDF (concessionnaire de réseaux) ont respectivement causé un report de livraison de 6 semaines et deux jours et de 6 semaines.
 
Elle souligne, enfin, qu'en tout état de cause, Madame [F] ne conteste pas le bien fondé du report de livraison résultant de la défaillance des sociétés ENG et SERC (report de 6 semaines) et de la crise sanitaire COVID-19 survenue en 2020 (15 semaines) et qu'au demeurant, la livraison de l’appartement de Madame [F] a été reportée de 324 jours et non de 352 jours.
 
***
 
Aux termes des articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

 
En l'espèce, l’acte de vente en l’état de futur achèvement signé entre les parties le 21 janvier 2019 prévoit les clauses suivantes :
 
« 24.1.2 Obligation d'achever
Le Vendeur s'oblige à poursuivre la construction et à l'achever dans le délai ci-dessus fixé et conformément aux énonciations du présent Acte, de la Notice Descriptive et des Plans ci-annexés et, d'une façon générale, aux règles de l'art.
 
Cette obligation d'achever comporte pour le Vendeur, celle d'obtenir, le moment venu, le certificat de non contestation de la conformité prévu par la Loi, sans que cela puisse être considéré comme une condition de l'achèvement de l'Ensemble Immobilier tel que défini ci-après ni comme une condition de paiement du Prix.
 
(...)
 
24.1.4 Délai d'achèvement et de livraison
 
Le délai d'achèvement et de livraison, fixé en première partie du présent Acte, est convenu sous réserve de survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai.
 
Pour l'application de cette disposition, seraient considérées comme causes légitimes de suspension dudit délai, notamment :
 
* Les grèves (qu'elles soient générales, particulières au secteur du Bâtiment et à ses industries annexes ou à ses fournisseurs ou spéciales aux entreprises travaillant sur le chantier),
 
* les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d’œuvre et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier,
 
* tous retards résultant du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire, de la sauvegarde des ou de l'une des entreprises, de leurs fournisseurs ou sous- traitants (si la faillite ou l'admission au régime du redressement judiciaire survient dans le délai de réalisation du chantier et postérieurement à la constatation du retard, la présente clause produira quand même tous ses effets),
 
* tout retard provenant de la défaillance des ou de l'une des entreprises effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs ou sous-traitants (la justification sera apportée par le Vendeur à l'Acquéreur au moyen de la production de la copie de toute lettre recommandée AR adressée par le maître d'œuvre à l'entrepreneur défaillant),
 
* tout retard entraîne par la recherche ou la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à l'une ou aux entreprise(s) défaillante(s) ou dont le marché a été résilié,
 
* les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre totalement ou partiellement le chantier ou d'arrêter les travaux, quelles qu'en soient les raisons,
 
* tout retard dû aux délais supplémentaires liés aux modifications techniques nécessaires à l'obtention des labels environnementaux (notamment NF logement, NF habitat, CERQUAL,...) ou liés à des préconisations complémentaires émises par le bureau de contrôle de l'organisme de certification pour obtenir desdits labels,
 
* tous retards entraînés par la non délivrance de l'autorisation administrative pour la mise en place de la grue,
 
* la recherche et/ou la découverte de vestiges archéologiques dans le terrain d'assiette ainsi que toutes prescriptions ordonnées par les services administratifs compétents en matière d'archéologie,
 
* la découverte de zones de pollution ou de contaminations des terrains d'assiette de l'opération ou d'anomalies du sous-sol telles que notamment présence ou résurgence d'eau, nature hétérogène du terrain aboutissant à des remblais spéciaux ou à des fondations spécifiques ou à des reprises en sous œuvre des immeubles voisins, ou débords de fondations de constructions voisines à l'opération et plus généralement tous éléments dans le sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires et nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation,
 
* tout cas de force majeure, la force majeure pouvant résulter notamment des troubles résultant d'hostilité, attentats, cataclysmes, accidents de chantier, incendie, inondations,
 
* les retards imputables aux compagnies concessionnaires (E.D.F., compagnie des eaux, France Télécom, etc...),
 
* les retards imputables à la collectivité locale (ville, département, etc...) ou à l'aménageur en charge des travaux de voleries et de réseaux divers permettant la desserte des BIENS,
 
* les difficultés d'approvisionnement,
 
* l'incidence de la demande de travaux complémentaires ou modificatifs par l'acquéreur,
 
* les retards de paiement de l'acquéreur dans le règlement des appels de fonds concernant tant la partie principale du prix et des intérêts de retard, que celle correspondant aux options, aux éventuels travaux supplémentaires ou modificatifs,
 
* les retards imputés à tous éléments imprévus tels que l'occupation, le squat et la non-libération des lieux, les sinistres occasionnant un arrêt partiel ou total du chantier, les vols, dégradations et actes de vandalisme sur le chantier,
 
* l'absence de réponse de l'ACQUEREUR concernant le choix des revêtements de sols et de faïence parmi les choix proposés pour l'aménagement du BIEN, étant précisé le VENDEUR adressera une convocation à l'ACQUEREUR pour entériner ces derniers au cours d'un rendez-vous qui devra être fixé avant l'expiration d'un délai de trois semaines suivant l'envoi de ladite convocation (point de départ de l'éventuel suspension du délai de livraison jusqu'à ce que l'ACQUEREUR ait procédé à l'intégralité des choix)
 
* retards causés par le déroulement de manière concomitante de chantier voisin (difficulté d'accès, impossibilité d'installer des grues,...)
 
Pour l'appréciation des événements, ci-dessus évoqués, les parties s'en rapporteront à un certificat établi par le maître d'œuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité, auquel seront joints, le cas échéant, les justificatifs convenus ci-dessus.
 
S'il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension du délai de livraison, l'époque prévue pour l'achèvement des travaux serait différée d'un temps égal à celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux, augmenté du délai nécessaire à la remise en route du chantier, déterminé comme suit:
 
- Si la suspension est de moins de sept (7) jours calendaires consécutifs, le délai de remise en route du chantier sera de deux (2) jours, en plus de la période d'arrêt.
 - Si la suspension est de plus de sept (7) jours calendaires consécutifs, mais de moins de trois semaines consécutives, le délai de remise en route du chantier sera d'une semaine, en plus de la période d'arrêt.
-Si la suspension est de plus de 3 semaines consécutives, le délai de remise en route du chantier sera de deux (2) semaines, en plus de la période d'arrêt.
- Si la suspension est due à l'un des événements évoqués aux points c, d et e ci-dessus, le délai de remise en route du chantier sera de quarante-cinq (45) jours calendaires à compter de l'ordre de service donné à la nouvelle entreprise.
 
L'Acquéreur se déclare parfaitement informé du caractère prévisionnel du délai d'achèvement ci-dessus précisé et du fait que ce délai pourrait être reporté en cas de survenance d'un cas de force majeure et/ou d'une cause légitime de suspension de délai. ».
 
En l'espèce, la réalité du retard dans la livraison n'est pas contestée.
 
A la lecture de l'acte de vente en l’état de futur achèvement, il apparaît que les causes de retard invoquées par la société LNC DELTA PROMOTION entrent dans les prévisions contractuelles.
 
En effet, la société DCI, maître d'œuvre d'exécution du projet, a attesté le 31 janvier 2021 des causes de retard dont se prévaut la société LNC DELTA PROMOTION.
 
Toutefois, conformément aux stipulations qui précisent que certaines causes de retard doivent être accompagnées de justificatifs, il convient de reprendre chaque élément retenu par le maître d'œuvre afin d'apprécier s'il constitue l'une des causes de suspension contractuellement envisagées par les parties :

- s'agissant de la défaillance des entreprises SONDEFOR, EUROTERRE, OBATEM, au demeurant antérieure à l'acte de vente de telle sorte que le retard de livraison aurait pu être anticipé à cette date, il apparaît qu'il n'est pas justifié de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception et ce, en contravention des stipulations contractuelles qui prévoyaient que « la justification [de cette cause de retard] sera apportée par le Vendeur à l'Acquéreur au moyen de la production de la copie de toute lettre recommandée AR adressée par le maître d'œuvre à l'entrepreneur défaillant » ;
 
- s'agissant de la défaillance des entreprises ENG et SERC, ayant engendré un retard de 6 semaines, il apparaît que Madame [F] ne conteste pas le caractère légitime de ce retard de telle sorte qu'il est indifférent qu'il ne soit pas justifié de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception en contravention avec les stipulations contractuelles susvisées ;
 
- s'agissant des intempéries, le contrat prévoyait que seraient retenus comme cause de retard « les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d’œuvre et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier».
 
En l'espèce, le maître d’œuvre verse au débat l'ensemble des relevés établis sur la base des données climatologiques de Météo France relatives à la station la plus proche du chantier, à compter du démarrage des travaux jusqu'au 30 décembre 2020.
 
Les relevés météorologiques indiquent le nombre de jours pouvant être considérées comme intempéries.

Toutefois, il est constant que les journées d' intempéries antérieures à la date de signature de l'acte de vente du 18 septembre 2019 ne peuvent pas être retenues comme une cause légitime de retard de livraison du bien vendu puisque, de la même manière que la défaillance des entreprises SONDEFOR, EUROTERRE, OBATEM, le retard de livraison déjà certain aurait pu être indiqué dans l'acte de vente

Les relevés météorologiques justifient bien du report de livraison pour une durée de 44 jours, soit 1 mois et 14 jours, outre deux semaines correspondant au cumul du délai nécessaire, après chaque interruption, pour remettre en route le chantier, soit un retard justifié de 8 semaines et 2 jours.
 
- s'agissant des grèves et des contraintes sanitaires liées à la pandémie de la COVID-19, l'attestation du maître d'œuvre suffit pour qu'il soit considéré qu'elles constituent des causes légitimes de retard, aucun autre justificatif n'étant exigé ; le retard est, ainsi, respectivement de 6 semaines et 2 jours et de 15 semaines.
 
- s'agissant du retard de chantier suite à un raccordement GRDF différé de 6 semaines, l'attestation du maître d'œuvre suffit, également, à la retenir comme cause de retard.

Il résulte, dès lors, de l'ensemble de ces éléments, que la société LNC DELTA PROMOTION peut légitimement faire valoir, au titre des causes de la suspension du délai de livraison de l'immeuble, la défaillance des entreprises ENG et SERC, les intempéries, les grèves, la pandémie de la Covid-19, le décalage du raccordement GRDF et les relevés météorologiques.
Ces causes sont à l'origine d'un retard de 41 semaines et 4 jours, soit une prorogation légitime des délais de livraison de 9 mois et deux semaines environ.

Ainsi, compte tenu de ce retard justifié, la livraison du bien, initialement prévue le 30 juin 2020, aurait dû intervenir mi-avril 2021.
 
Or, il est constant que l'appartement acquis par Madame [X] [F] n'a été livré que le 20 mai 2021 de sorte que du fait de ce retard de livraison non justifié d'un peu plus d'un mois, la responsabilité contractuelle de la société LNC DELTA PROMOTION est engagée.

Sur les préjudices de Madame [X] [F] :

Madame [F] sollicite, à titre de sanction du non-respect du délai de livraison, que lui soit allouée la somme 34.027 euros correspondant à 1/3000ème du prix de vente par jour de retard (290.000 x 1/3000e x 352).

Elle précise encore que l'acquisition de cet appartement a été effectuée afin d'y installer sa résidence principale et que le retard de livraison l'a contrainte, pour se loger, de louer le temps du 30 juin 2020 au 31 mai 2021, un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 4] pour la somme de 10.740 euros.

Elle soutient également avoir été contrainte de régler la somme de 3.798 euros au titre des intérêts intercalaires et avoir subi un préjudice moral résultant du fait que le 30 janvier 2020, elle n'avait toujours reçu aucune information concernant l'avancement des travaux, ni aucune invitation pour visiter le chantier en cours.

Elle ajoute que ce n'est que le 20 mars 2020, soit à peine trois mois avant l'échéance de la livraison, qu'elle a reçu un courrier l'informant du retard probable de livraison sans aucune date définitive ; qu'elle a été contrainte de bouleverser tous ses plans, constituant une source de stress et d'anxiété justifiant la condamnation de la SNC LNC DELTA PROMOTION à lui verser la somme de 2 000 € au titre de son préjudice moral.

En défense, la SNC LNC DELTA PROMOTION rappelle qu'aucun texte n'impose aux parties à un contrat de vente en l'état futur d'achèvement de prévoir des pénalités en cas de retard dans la livraison du bien acquis et que dans une telle hypothèse, qu'il n'appartient pas au tribunal de «remédier à cette omission » comme le soutient la demanderesse, en fixant une pénalité de retard correspondant 1/3000ème du prix de vente par jour de retard.

Elle fait valoir qu'en conséquence, il incombe à Madame [F] de justifier d’un préjudice présentant un lien causal avec le report de livraison, ce qu'elle ne fait pas si bien que la demande financière formulée à hauteur de 34.027 euros doit être rejetée.

La SNC LNC DELTA PROMOTION souligne également, s'agissant du préjudice lié à la charge des loyers, que le cumul de quittances de loyers porte sur une somme de 10.008,06 euros et non sur celle de 10.740 euros ; que le report effectif entre la date de livraison prévisionnelle prévue au contrat (30 juin 2020) et la date effective de livraison (20 mai 2021) porte sur 324 jours et non 352 jours comme le prétend Madame [F]; que celle-ci ne conteste pas le report résultant de la défaillance des sociétés ENG et SERC (report de 6 semaines) et de la crise sanitaire COVID-19 survenue en 2020 (15 semaines), soit 147 jours au total, si bien que le préjudice de jouissance revendiqué par Madame [F] doit être calculé sur une durée de 177 jours maximum (324 – 147) et ne peut donc dépasser la somme maximum de 5.032,46 euros ((10.008,06 euros / 352 jours) x 177 jours).

Elle sollicite, enfin, la limitation des frais intercalaires à la somme de 2.630,49 euros en se fondant sur le plan de remboursement produit ainsi que le débouté du préjudice moral, au motif que Madame [F] n'apporte aucun élément probant susceptible de justifier tant le principe que le quantum de sa réclamation.

***

Si l'article R. 231-14 du Code de la construction et de l’habitation prévoit, en matière de contrat de construction individuelle (CCMI), sans qu'il soit possible d'y déroger, une pénalité d’au minimum 1/3000ème du prix d’acquisition par jour de retard, aucune disposition légale ou réglementaire encadre, en matière de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA), l’indemnisation des retards de livraison.

L'article 1231-1 du Code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Par ailleurs aux termes de l'article 1231-2 du même code, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci–après.

En l'espèce, la SNC LNC DELTA PROMOTION, qui a engagé sa responsabilité contractuelle, doit indemniser Madame [F] de son entier préjudice.

Toutefois, à défaut de stipulation contractuelle prévoyant une telle indemnité, Madame [F] n'est pas fondée à obtenir une indemnité forfaitaire de 1/3000ème du prix d’acquisition par jour de retard ainsi qu'elle le réclame.

Ce chef de demande sera donc rejeté.

En revanche, il convient d'apprécier, poste par poste, les éléments de preuve invoqués par la demanderesse, étant précisé qu'il appartient à cette dernière de démontrer son préjudice et le lien de causalité existant entre le retard et ce préjudice.

Il ressort des développements précédents que la période de retard de livraison injustifiée s'étend sur moins d'un mois et demi.
Madame [F] justifie s'être acquittée d'un loyer mensuel de 895 euros, provision sur charges comprises, de telle sorte qu'il y a lieu d'évaluer le préjudice lié aux loyers qu'elle a dû acquitter alors qu'elle aurait dû occuper l'appartement litigieux à la somme de 1.342,50 euros (895 + (895/2).

S'agissant des intérêts intercalaires, force est de constater que le tableau versé aux débats, qui n'est corroboré par aucun élément, n'a aucun valeur probante et apparaît, au contraire correspondre à une preuve que Madame [F] s'est personnellement constituée.

Au demeurant, elle ne justifie pas d'un lien de causalité entre cette dépense et la faute de la défenderesse, le paiement de ces frais résultant uniquement de l'obligation de rembourser l'emprunt souscrit.

En conséquence, cette demande sera rejetée.

Enfin, concernant le préjudice moral, au regard des éléments exposés par la demanderesse sur la durée du retard, il convient d'allouer à Madame [F] la somme de 1.000 euros.
 
Sur les autres demandes :
 
Il y a lieu de condamner la SNC LNC DELTA PROMOTION, qui succombe, aux dépens dont distraction ainsi qu'il sera précisé au dispositif de la présente décision.
 
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

La SNC LNC DELTA PROMOTION, condamnée aux dépens, devra verser à Madame [X] [F] la somme de 2 500 euros.
 
L’article 514 du Code de procédure civile dispose dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020 que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
 
Aucun élément du dossier ne justifie d'écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
 

PAR CES MOTIFS
 
Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
 
CONDAMNE la société en nom collectif LNC DELTA PROMOTION à payer à Madame [X] [F] :
 
• La somme de 1.342,50 euros au titre du préjudice de jouissance,
• La somme de 1.000 euros au titre du préjudice moral ;
 
CONDAMNE la société en nom collectif LNC DELTA PROMOTION aux dépens et DIT que Maître [O] [T] pourra directement recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
 
CONDAMNE la société en nom collectif LNC DELTA PROMOTION à payer à Madame [X] [F] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
 
RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;
 
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par Madame LUNVEN, Vice-Présidente, assistée de Madame SOUMAHORO greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 21/05718
Date de la décision : 29/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-29;21.05718 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award