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28/03/2024 | FRANCE | N°22/05662

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 28 mars 2024, 22/05662


Minute n°





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
28 MARS 2024


N° RG 22/05662 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q5XA
Code NAC : 74C



DEMANDEURS :

1/ Madame [J] [O]
née le 05 Mars 1965 à [Localité 5] (69),
demeurant [Adresse 1],

2/ Monsieur [D] [O]
né le 01 Juin 1966 à [Localité 4] (92),
demeurant [Adresse 1],

représentés par Maître Thomas PIERSON, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Thomas REKSA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.



DÉFEND

ERESSE :

L’ASSOCIATION GESTION [3] ([3]) dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette ...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
28 MARS 2024

N° RG 22/05662 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q5XA
Code NAC : 74C

DEMANDEURS :

1/ Madame [J] [O]
née le 05 Mars 1965 à [Localité 5] (69),
demeurant [Adresse 1],

2/ Monsieur [D] [O]
né le 01 Juin 1966 à [Localité 4] (92),
demeurant [Adresse 1],

représentés par Maître Thomas PIERSON, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Thomas REKSA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDERESSE :

L’ASSOCIATION GESTION [3] ([3]) dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS VERSAILLES REIMS, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

ACTE INITIAL du 14 Juin 2022 reçu au greffe le 26 Octobre 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 25 Janvier 2024, Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 28 Mars 2024.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [O] et Mme [J] [O] (ci-après les époux [O]) sont propriétaires d'une maison à usage d'habitation située
[Adresse 1] à [Localité 6].

À l'arrière de leur propriété, au fond de leur jardin se trouve une propriété appartenant à l'ASSOCIATION GESTION [3] (ci-après l'[3]) qui exerce une activité d'enseignement primaire.

Au cours de l'année 2018, l'[3] a fait construire dans la cour de l'école un escalier extérieur.

Craignant des nuisances sonores et des vues sur leur terrain, les époux [O] ont sollicité la direction de l'école en vue de trouver une solution pour éviter certaines nuisances.

Les parties se sont réunies une première fois le 26 mar 2018 pour tenter de trouver un terrain d'entente.

Une deuxième réunion de conciliation a été organisée le 16 avril 2018 au cours de laquelle l'architecte mandaté par l'école a proposé une solution consistant en l'apposition d'un panneau transparent opaque rectangulaire, prenant appui sur la plate-forme à mi-course de l'escalier. Les époux [O] ayant indiqué au cours de cette réunion que cette solution ne leur convenait pas au regard du matériau engendrant une pollution visuelle et au regard de sa taille insuffisante, ne couvrant pas le spectre de la violation d'intimité qu'ils estimaient subir. L'école a proposé au cours de la même réunion une solution consistant à choisir un panneau en bois et la couverture totale du sol de la plate-forme jusqu'à une hauteur de 1,80 m au dessus du plancher de la coursive ainsi que la couverture totale de la suite de la descente de ladite plate-forme vers la cour de récréation, à 1,80 m au moins de manière continue du plancher des marches de cette deuxième partie de l'escalier.

Aucun accord n'a finalement pu être acté entre les parties malgré la tenue d'autres réunions.

C'est dans ce contexte que par assignation délivrée le 9 avril 2019, les époux [O] ont saisi le tribunal d'instance de Versailles aux fins d'obtenir la condamnation sous astreinte de l'[3] à détruire l'escalier litigieux.

L'[3] a fait édifier en 2020 un pare-vue correspondant peu ou prou au projet qu'elle avait proposé à la fin de la réunion du 16 avril 2018.

Par jugement en date du 14 juin 2022, le tribunal de proximité de Versailles, au visa de l'article 75 du code de procédure civile, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaires de Versailles.

Le 27 octobre 2022, un avis d'avoir à poursuivre l'instance, en application de l'article 82 du code de procédure civile, a été envoyé aux parties.

Le juge de la mise en état a, par courrier du 1er février 2023, invité les parties à réfléchir à une mesure de médiation, mesure qui n'a pas abouti.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2023, les époux [O] demandent au tribunal de :

Vu l'article 678 du Code civil,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,

À TITRE PRINCIPAL :

- DIRE ET JUGER Madame et Monsieur [O] recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER l'Association Gestion [3] à procéder à la démolition de l'escalier créant des vues sur le fonds des demandeurs, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

À TITRE SUBSIDIAIRE :

- CONDAMNER l'Association Gestion [3] de procéder aux travaux de nature à occulter complètement les vues créées sur la propriété des époux [O], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :

- CONDAMNER l'Association Gestion [3] à indemniser les époux [O] à hauteur de 8.000 € au titre du préjudice de jouissance ;

- CONDAMNER l'Association Gestion [3] à payer aux époux [O] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au visa de l'article 678 du code civil et du constat d'un Commissaire de Justice en date du 16 mars 2022, les époux [O] font valoir que l'escalier ainsi que les persiennes verticales récemment installées ne sont pas situés à la distance imposée par l'article 678 du Code civil, de sorte que les vues créées par ces ouvrages sont illégales.

Ils font valoir que tout ouvrage créant des vues relève du régime de l'article 678 du code civil, sans que les caractéristiques dudit ouvrage ne viennent entrer en considération. Ils affirment que l'escalier et le pare-vue ont pour effet de permettre aux écoliers empruntant l'ouvrage de voir le jardin des demandeurs sans être vus.

Ils considèrent que le trouble consécutif à la servitude de vue illégale est d'autant plus grave dans la mesure où l'escalier est emprunté plusieurs fois par jour par des dizaines d'écoliers et ce depuis bientôt cinq ans, justifiant la démolition de l'ouvrage.

Ils rétorquent que la distance entre les lattes de bois composant le pare-vue ne se mesure pas en millimètres et se révèle tout à fait suffisante pour générer des
vues sur leur propriété sans aucun effort, ainsi qu'en attestent les photographies jointes au constat réalisé par Maître [L].

Ils font valoir que la proximité de l'ouvrage et les vues qui en résultent les empêchent de jouir paisiblement de leur propriété justifiant l'attribution de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2023, l'ASSOCIATION GESTION [3] ([3]) demande au tribunal de :

Déclarer mal fondées les demandes formées par Monsieur [D] [O] et Madame [J] [O].

Les en débouter

Ecarter l'exécution provisoire,

Condamner solidairement Monsieur [D] [O] et Madame [J] [O] à porter et payer à la concluante la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner solidairement Monsieur [D] [O] et Madame [J] [O] aux entiers dépens,

Dire qu'ils pourront être directement recouvrés par la SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES agissant par Maître Martine DUPUIS, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

L'[3] fait valoir au visa des articles 678 du code civil et de la jurisprudence, que dès lors que des moyens techniques sont mis en œuvre pour supprimer les éventuelles vues, l'ouvrage peut être conservé.

Elle explique que l'escalier litigieux est caché par les très nombreux arbres qui bordent le jardin des demandeurs et précise que cet escalier est uniquement un moyen de passage pour les élèves de classes maternelle et primaire.

Elle estime que les photographies produites par les demandeurs ne démontrent pas qu'il existerait des vues sur leur terrain. En effet, le passage qui existe entre l'école et le jardin des époux [O] ainsi que les arbres positionnés le long du muret clôturant leur jardin empêche toute vue directe.

La défenderesse souligne qu'une démolition serait totalement disproportionnée.

Elle explique qu'à la suite de plusieurs réunions de conciliation, un nouveau projet de pare-vue totalement modifié a été réalisé en accord avec les époux [O], ce pare-vue étant constitué de lattes de bois verticales en chêne massif vissées sur une ossature métallique scellée sur l'escalier et la façade de l'école.

Elle précise que les lames de bois ont été fixées sur le côté extérieur de la nouvelle ossature, de sorte que celles-ci ne soient pas visibles des propriétés voisines. Elle fait valoir que ce pare-vue disparaît parfaitement dans l'environnement boisé où se situent les deux terrains et que conformément aux souhaits des demandeurs, cette paroi a également été prolongée dans la descente de l'escalier et sa hauteur a été augmentée (4 mètres).

Elle estime que les photographies versées aux débats par les parties démontrent qu'il n'y a pas de vue sur le terrain des époux [O].

Pour s'opposer à la demande de dommages-intérêts, la défenderesse fait valoir que le pare-vue mis en place, à la demande des requérants et selon leurs exigences, ne permet aucune vue sur leur terrain, et ces derniers peuvent jouir pleinement de leur propriété.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de destruction de l'escalier sous astreinte

Aux termes de l'article 678 du Code civil, on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions.

Lorsqu'une voie ou un passage s'interposent entre les deux fonds, les dispositions qui régissent les servitudes de vue ne sont pas applicables

La détermination du caractère des vues pratiquées sur l'héritage d'autrui constitue une question de fait qu'il appartient au juge du fond de trancher souverainement.

En l'espèce, ainsi que le soulève la défenderesse et comme cela apparaît sur la capture d'écran du site Google Maps qu'elle reproduit dans ses écritures, le fonds des époux [O] est séparé du fonds appartenant à l'[3] par un passage dénommé Passage du Plateau, ce qui n'est pas contesté par les demandeurs.

Il s'en déduit que le fonds des époux [O] et celui de l'[3] ne sont pas des fonds contigüs, rendant ainsi inapplicable les dispositions de l'article 678 du code civil.

A titre surabondant, il ressort des photographies annexées au rapport du commissaire de Justice en date 13 mars 2023, versé aux débats par la défenderesse et prises depuis l'école et l'escalier litigieux, que le pare-vue installé par l'[3], permet d'obstruer toute vue sur le fonds des époux [O] depuis l'escalier extérieur litigieux et qu'au surplus, les nombreux arbres se trouvant sur le fonds des demandeurs, viennent renforcer l'absence de vue sur leur jardin.

Il convient dès lors de débouter les époux [O] de leur demande de destruction de l'escalier.

Sur la demande subsidiaire visant à ordonner des travaux de nature à occulter complètement les vues créées sur la propriété des époux [O]

Il convient de rejeter cette demande subsidiaire dans la mesure où il ressort de la présente décision qu'aucune vue n'est constituée sur le fonds appartenant aux époux [O].

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l'article 768 du code de procédure civile, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.

En l'espèce, il résulte du présent jugement qu'aucune vue sur le fonds des époux [O] n'est constituée et qu'aucune faute de la défenderesse n'est caractérisée.

Il convient de relever au surplus que les demandeurs ne développent aucun autre moyen de fait ou de droit permettant de fonder une indemnisation en raison d'un trouble de jouissance.

Les demandeurs seront dès lors débouter de leur demande.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Les époux [O] qui succombent, seront solidairement condamnés aux dépens de l'instance qui seront recouvrés par la SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES agissant par Maître Martine DUPUIS, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Les époux [O], partie perdante, seront solidairement condamnés à payer à l'[3] la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles.

Sur l'exécution provisoire

En application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n'en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute M. [D] [O] et Mme [J] [O] de l'ensemble de leurs demandes,

Condamne solidairement M. [D] [O] et Mme [J] [O] à payer à l'ASSOCIATION GESTION [3] ([3]) la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. [D] [O] et Mme [J] [O] à payer les dépens, avec distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES agissant par Maître Martine DUPUIS, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 MARS 2024 par Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE JUGE PLACÉ
Carla LOPES DOS SANTOS Sophie VERNERET-LAMOUR


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/05662
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;22.05662 ?
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