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28/03/2024 | FRANCE | N°22/03004

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Quatrième chambre, 28 mars 2024, 22/03004


Minute n°



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
28 MARS 2024



N° RG 22/03004 - N° Portalis DB22-W-B7G-QTQJ
Code NAC : 64B

DEMANDEURS :

Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Madame [E] [X] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentés par Me Pascal KOERFER, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Virginie KOERFER BOULAN, avocat au barreau de PARIS, avocat pl

aidant


DEFENDERESSE :

Madame [O] [R]
[Adresse 5]
[Localité 7]

représentée par Maître Vanina FERRACCI de l’AARPI CABINET PRACTICE AVOCAT,...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
28 MARS 2024

N° RG 22/03004 - N° Portalis DB22-W-B7G-QTQJ
Code NAC : 64B

DEMANDEURS :

Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Madame [E] [X] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentés par Me Pascal KOERFER, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Virginie KOERFER BOULAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

Madame [O] [R]
[Adresse 5]
[Localité 7]

représentée par Maître Vanina FERRACCI de l’AARPI CABINET PRACTICE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant

Copie exécutoire à Me Banna NDAO
Copie certifiée conforme à l’origninal à [N] [U],
délivrée le

ACTE INITIAL du 18 Mai 2022 reçu au greffe le 23 Mai 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 25 Janvier 2024, après le rapport de Madame BARONNET, Juge désigné par le Président de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au 28 Mars 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Mme DUMENY, Vice Présidente
Monsieur BRIDIER, Vice-Président
Madame BARONNET, Juge

GREFFIER :
Madame GAVACHE

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [I] [F] et Madame [E] [F] née [X] sont propriétaires d’une maison avec terrain sis [Adresse 6] et [Adresse 3].

Par acte authentique du 31 juillet 2020, une promesse de vente a été signée entre les époux [F] et la société VAL DE SEINE INVESTISSEMENT portant sur l’acquisition de leur propriété bâtie avec la possibilité de créer un lot “bâti” et 12 lots “à bâtir”.

Un permis d’aménager a été octroyé à la société VAL DE SEINE INVESTISSEMENT en date du 6 octobre 2021 par le Maire de [Localité 7].

Madame [O] [R], propriétaire d’un terrain voisin sis [Adresse 5], a déposé un recours gracieux demandant le retrait du permis d’aménager réceptionné en Mairie le 29 novembre 2021 qui a fait l’objet d’une décision implicite de rejet en date du 29 janvier 2022.

Le 2 mars 2022, Madame [R] a formé un recours contentieux contre l’arrêté octroyant un permis d’aménager qui a été rejeté le 4 avril 2022 par le Tribunal administratif de Versailles qui l’a jugé tardif.

Le 6 avril 2022, Madame [R] a déposé un deuxième recours gracieux pour délivrance d’un permis frauduleux.

Le 18 mai 2022, le Maire de la Commune de [Localité 7] a rendu une décision expresse de rejet de la demande de retrait formée par Madame [R] à l’encontre de l’arrêté de permis d’aménager du 6 octobre 2021.

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2022, Madame [R] a demandé au Tribunal administratif de Versailles d’annuler pour fraude l’arrêté du 6 octobre 2021 ainsi que la décision de rejet du 18 mai 2022 et de mettre à la charge de la commune de Mézy-sur-Seine une somme de 2.000 euros en application de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Par décision du 3 février 2023, le Tribunal administratif a rejeté la requête de Madame [R] au motif qu’elle n’était pas recevable à demander l’annulation de l’arrêté le 4 juillet 2022 alors que le délai de recours contentieux était à cette date expiré et qu’elle échouait à prouver que la SARL VAL DE SEINE INVESTISSEMENT s’était livrée à des manœuvres frauduleuses pour obtenir le permis d’aménager en cause. Le tribunal a condamné Madame [R] à verser une somme de 2.000 euros à répartir à parts égales entre la commune et la SARL VAL DE SEINE INVESTISSEMENT.

Par acte du 18 mai 2022, les époux [F] ont fait délivrer assignation à Madame [R] devant le Tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’indemnisation de leur préjudice pour recours abusif.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 mars 2023, ils demandent au tribunal, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de :
- Les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes,
- Retenir la responsabilité délictuelle de Madame [R] du fait même d’un comportement procédural outrancier et abusif particulièrement dommageable vis-à-vis d’eux,
- Déclarer Madame [R] irrecevable et mal fondée en ses demandes reconventionnelles au titre de dommages et intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Madame [R] au versement de
400 000 euros à titre de dommages et intérêts,
20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
des entiers dépens
- Ordonner l’exécution provisoire qui est de plein droit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 mars 2023, Madame [R] demande au tribunal de :
- Juger que Monsieur et Madame [F] échouent à rapporter la preuve d’un abus de droit de sa part,
- Débouter Monsieur et Madame [F] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,
- Condamner Monsieur et Madame [F] à lui verser la somme de 9.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- Condamner Monsieur et Madame [F] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2023. Le dossier a été appelé à l’audience tenue le 25 janvier 2024 par la formation collégiale à laquelle les demandeurs ont indiqué que la situation avait évolué depuis la clôture et sollicité l’autorisation du tribunal de communiquer de nouvelles pièces. Cette demande a été rejetée par le tribunal afin de respecter le principe du contradictoire et la décision a été mise en délibéré ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la responsabilité de Madame [R] pour procédure abusive

Monsieur et Madame [F] soutiennent que Madame [R] a agi pour le compte de son compagnon Monsieur [S] qui est promoteur immobilier à des fins dolosives et abusives afin de faire pression sur eux et de tenter de faire tomber la promesse de vente de leur bien dans le but de récupérer le projet.

Ils soulignent que les recours déposés par Madame [R] tendant à faire annuler l’autorisation du permis d’aménager reposent sur les arguments suivants qu’ils considèrent comme mensongers, fantaisistes et non fondés :
- le bornage serait inexact, le projet impacterait sa propriété,
- la surélévation artificielle du terrain devant permettre aux nouvelles constructions d’avoir une vue plongeante sur sa propriété,
- la nécessité de réparer le clôture mitoyenne détériorée par les époux [F],
- l’impossibilité de construire autour de sa maison du fait de sa qualité architecturale et de son toit de chaume,
- la proximité des logements sociaux avec sa propriété,
- le fait que le Maire avait connaissance de ces problèmes lorsqu’il a donné son accord pour le permis d’aménager.

Ils font valoir que les deux constats effectués par Monsieur [D], géomètre-expert, les 6 janvier et 14 avril 2022 afin de reconnaître les limites de propriété et de procéder au contrôle altimétrique démontrent que ces arguments sont faux et sans fondement et que le permis d’aménager a été délivré en totale conformité avec la réalité.

Ils soulignent que le procès-verbal de bornage du 6 janvier 2022 a été approuvé par Madame [R] et son compagnon. Ils considèrent que le bornage retenu dans le projet d’aménagement est en totale conformité avec la surface de leur terrain et ne présente aucun débordement pouvant impacter la propriété voisine, que le grillage est implanté sur leur propriété et qu’il ne s’agit donc pas d’une clôture mitoyenne mais d’une clôture séparative.

Ils ajoutent qu’aucun autre riverain ne leur a reproché une accumulation de terre et que Madame [R] ne leur a jamais demandé de remédier au problème qu’elle allègue. Ils contestent toute surélévation du terrain qui n’aurait, en tout état de cause, pas pu être autorisée compte tenu de l’étroitesse des rues et de l’interdiction de circulation faite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes.

Ils font encore valoir que Madame [L] [G], ancien Maire de la commune et voisine de leur propriété, atteste que le toit de la maison de la défenderesse a toujours été couvert de petites tuiles et non de chaume et que le rehaussement de 50 cm du terrain est impossible, aucuns travaux de ce type n’ayant jamais été réalisés.

Ils indiquent qu’un seul rendez-vous a eu lieu entre la Mairie, Monsieur [S] et Madame [R] et qu’il s’est déroulé avant l’octroi d’un premier permis qui a été retiré par la suite car il ne prévoyait pas de logements sociaux et que la défenderesse ne peut donc pas soutenir que ses propositions relatives aux emplacements de logements sociaux n’ont pas été prises en compte alors même que le permis initial ne mentionnait pas ce type d’habitat.

Ils soutiennent que les recours successifs formés par la défenderesse ont constitué un blocage systématique au bon déroulement du projet et avaient pour seul objectif de le retarder.

Ils considèrent que ces recours sont abusifs et démontrent une intention de nuire d’autant qu’un protocole d’accord a été passé entre les parties, que Madame [R] n’avait jamais auparavant fait mention des éléments reprochés alors qu’elle était leur voisine depuis 30 ans et que Monsieur [S] exerce une activité concurrente de celle de la SARL VAL DE SEINE INVESTISSEMENT.

Madame [R] fait valoir que les demandeurs échouent à rapporter la preuve de l’existence d’une faute de sa part, qu’ils ne font que décrire un comportement fautif de Monsieur [S], non partie à la présente instance et qu’ils ne démontrent pas le prétendu lien personnel que ce dernier entretiendrait avec elle ni son souhait d’acquérir leur terrain.

Elle soutient que ses griefs à l’encontre des autorisations d’urbanisme accordées sont parfaitement légitimes, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché d’abuser de son droit au recours.

Elle considère que les témoignages produits par les demandeurs ne sont pas conformes aux prescriptions légales.

Elle indique que le procès-verbal de bornage du 6 janvier 2022 ne vaut pas renonciation aux recours et acceptation du projet. Elle ne conteste pas ce procès-verbal mais souligne que le grillage des époux [F] ne respecte pas la limite de propriété et penche de son côté, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de constat d’infraction, et qu’il est donc tout à fait légitime de demander le respect de ladite limite.

Elle considère que le permis d’aménager relatif au projet de lotissement jouxtant sa propriété aurait dû permettre de remédier aux problématiques suivantes :
- déversements de terre et de débris sur son terrain,
- vétusté des clôtures du terrain,
- implantation des logements collectifs à proximité de son terrain.

Elle insiste sur le fait qu’elle a tenté une démarche amiable en dehors de toute procédure, sans résultat, ce qui l’a contrainte à former un recours contre le permis, que son premier recours a été rejeté non parce qu’il n’était pas fondé mais pour des raisons procédurales et que la demande de retrait pour fraude a été formée dans le seul objectif de soumettre au juge administratif l’appréciation de la légalité d’une autorisation administrative de nature à porter atteinte à ses intérêts.
Elle soutient donc que ses recours ont été exercés sans aucune mauvaise foi, malice ou intention de nuire et souligne que le tribunal administratif ne l’a pas condamnée pour recours abusif.

Elle considère en outre que les demandeurs ne démontrent as avoir subi un préjudice en lien avec une prétendue faute de sa part. Elle ajoute que les époux [F] ont fait preuve d’imprudence et de négligence en signant la promesse de vente de la maison de [Localité 9] le 20 janvier 2022, alors qu’ils avaient connaissance de son recours gracieux et que le permis d’aménager sollicité par leur acquéreur pour la vente de leur terrain n’était pas définitif.

Elle indique enfin que la vente du bien des demandeurs peut être finalisée puisqu’elle n’a pas fait appel du jugement rendu par le Tribunal administratif le 3 février 2023.

****

L'exercice du droit d'agir en justice ne peut être considéré comme abusif et donner lieu à indemnisation sur le fondement l’article 1240 du code civil qu’en présence d’une faute pouvant notamment être caractérisée par l’absence manifeste de tout fondement à l’action, la malice ou l’évidente mauvaise foi du plaideur ou son intention malveillante.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Madame [R] a, par courrier en date du 22 novembre 2021 réceptionné par la Mairie de [Localité 7] le 29 novembre 2021, formé un recours gracieux contre l’arrêté accordant un permis d’aménager n° PA 78 403 2100001 délivré par le maire de la commune en date du 6 octobre 2021. Les termes de ce recours ne sont toutefois pas connus, le courrier n’étant pas produit.

Par la suite, la défenderesse a déposé le 2 mars 2022 auprès du le Tribunal administratif de Versailles une requête demandant l’annulation de l’arrêté du
6 octobre 2021 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par ordonnance du 4 avril 2022, le Tribunal administratif a rejeté cette requête au motif que la requérante n’avait pas apporté la preuve de la notification de son recours gracieux au bénéficiaire de l’autorisation, la SARL VAL DE SEINE INVESTISSEMENT, que la régularité de ce recours gracieux n’était donc pas établie de sorte qu’il ne pouvait avoir un effet interruptif du délai de recours et que le recours contentieux formé le 2 mars 2022 était dès lors tardif.

Par un courrier de son conseil daté du 6 avril 2022 adressé à la commune, Madame [R] a alors demandé le retrait du permis d’aménager pour fraude en faisant valoir que le pétitionnaire s’était livré aux manoeuvres suivantes dans l’objectif de dissimuler l’illégalité de sa démarche:
- l’aspect et les caractéristiques traditionnelles de la maison implantée sur le terrain d’assiette du projet ont été sciemment dissimulés dans dossier de demande de ce permis en violation de l’article R.441-3 du code de l’urbanisme,
- les modalités de calcul du nombre de logements sociaux requis par le projet ont été omises volontairement dans le dossier dans le but de dissimuler la méconnaissance de l’article 1.1.2 des dispositions générales du règlement du PLUi, en violation de l’article R.151-21 du code de l’urbanisme.

La Mairie de [Localité 7] a notifié sa décision de rejet au conseil de la défenderesse par courrier du 18 mai 2022 en soulignant que la maison existante était représentée sur chacun des plans du dossier de demande de permis d’aménager qui contient en outre une vue aérienne permettant de visualiser nettement l’aspect de la maison. Elle en conclut que le pétitionnaire n’a induit en erreur ni le service instructeur ni la commune qui avaient une connaissance suffisante de l’existence et des caractéristiques principales de la maison.
Elle ajoute que le nombre de logements sociaux apparaît clairement dans le formulaire cerfa et les plans du dossier de sorte que le service instructeur et la commune étaient à même de vérifier la conformité du projet par rapport aux prescriptions du règlement du PLUi.

Madame [R] a alors déposé le 4 juillet 2022 une nouvelle requête auprès du Tribunal administratif de Versailles tendant à l’annulation de l’arrêté du
6 octobre 2021et de la décision de rejet du 18 mai 2022 en faisant valoir que, outre les deux motifs déjà exposés dans son recours gracieux, “la représentation de la déclivité du terrain d’assiette dans les pièces du dossier du permis d’aménager contesté est erronée dans la mesure où elle ne tient pas compte du fait que le niveau du terrain naturel de l’emprise foncière du projet d’aménagement autorisé a été remanié”.

Il convient de relever que la mention d’un toit de chaume de la maison existante qui figurait dans le courrier de recours gracieux a été corrigée dans la requête qui indique que la maison a un toit en tuiles.

Cette requête a été rejetée par le Tribunal administratif le 3 février 2023 au motif que :
- la circonstance qu'un acte administratif a été obtenu par fraude permet à l'Autorité Administrative compétente de l'abroger ou de le retirer à tout moment mais ne saurait, en revanche, proroger le délai de recours contentieux et que la requête de Madame [R] a été enregistrée le 4 juillet 2022 alors que le délai de recours contentieux contre l’arrêté du 6 octobre 2021 du Maire de [Localité 7] était expiré à cette date ;
- la notice de présentation fait état de la présence d’une maison d’habitation sur le terrain d’assiette du projet et indique qu’il s’agit d’une « belle maison qui sera conservée » sur un terrain plus petit, que cette maison ne fait l’objet d’aucune protection particulière et qu’elle est représentée sur chacun des plans du dossier de demande de permis d’aménager, et notamment sur le plan de situation, le plan de l’état actuel du terrain et le plan de composition du futur lotissement coté dans les trois dimensions, ainsi que sur une photographie aérienne et n’a donc pas été dissimulée à la commune,
- l’information sur les modalités de calcul du nombre de logements sociaux requis par le projet n’est pas exigée par les articles R.441-1 et suivants du code de l’urbanisme, que la SARL VAL DE SEINE INVESTISSEMENT a précisé dans sa demande le nombre de logements sociaux prévus et que l’arrêté du
6 octobre 2021 précise d’ailleurs à son article 2, en application du chapitre 1.2.2 de la partie 1 du Règlement du PLUi relatif à la mixité sociale, que 40 % du nombre de logements du lotissement devront être réservés à des logements bénéficiant d’un prêt aidé par l’Etat,
- l’erreur alléguée sur la représentation de la déclivité du terrain “n’est pas démontrée par la seule production d’un constat d’Huissier en date du 23 mai 2022, postérieur à l’Arrêté du 6 Octobre 2021, se bornant à constater un apport de terre sur une partie du terrain d’assiette du lotissement en limite avec la propriété de la requérante, et ayant pour conséquence une différence de hauteur de 25 à 30 centimètres entre les deux unités foncières” et que Madame [R] n’identifie pas la règle que la fraude alléguée aurait permis de contourner.

Il ressort de ces éléments que Madame [R], voisine du terrain appartenant aux époux [F] pour l’aménagement duquel le permis du 6 octobre 2021 a été octroyé, a formé plusieurs recours gracieux puis contentieux contre cette autorisation qui ont été rejetés par la Tribunal administratif du fait du non respect des délais de recours et de l’absence de fraude. Toutefois, le caractère infondé des allégations de la défenderesse ne suffit pas à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit d’exercer une voie de recours. Le fait qu’elle ait enchaîné les recours de façon insistante ne démontre pas davantage qu’elle a agi de mauvaise foi ou dans l’intention de nuire aux demandeurs, la défenderesse

étant en droit de s’opposer à un projet de lotissement concernant un terrain mitoyen à sa propriété.

Les échanges de courriers entre Monsieur [S], les époux [F] et la SARL VAL DE SEINE INVESTISSEMENT ne font que mentionner des propos rapportés et ne permettent pas d’établir que celui qui semble être le compagnon de la défenderesse aurait par l’intermédiaire de cette dernière cherché volontairement à empêcher les demandeurs de vendre leur terrain à la société porteuse du projet afin de s’en porter lui-même acquéreur, quand bien même il dirige une société de promotion immobilière.

De plus, la signature par Madame [R], représentée par Monsieur [S], du procès-verbal de reconnaissance de limites de la propriété des demandeurs daté du 6 janvier 2022 n’emporte pas renonciation de sa part à exercer un recours contre l’arrêté accordant le permis d’aménager, d’autant que le recours dont les éléments sont versés aux débats ne porte nullement sur le bornage effectué.

Il en résulte que les époux [F] échouent à prouver l’existence d’une faute de Madame [R] faisant dégénérer en abus son droit d’agir en justice. Par suite, ils seront déboutés de leurs demandes à son encontre.

- Sur le demande de dommages intérêts de Madame [R]

Madame [R] demande reconventionnellement une indemnité de 9.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du recours abusif des époux [F] qui l’ont assignée sans fondement, dans l’unique but de l’intimider afin qu’elle retire son recours pour pouvoir finaliser leur vente sans démontrer l’existence d’aucune faute ni d’aucun préjudice.

Les demandeurs ne répondent pas sur ce point.

****

Madame [R] ne rapporte pas la preuve de l’intention malveillante des demandeurs ou de leur mauvaise foi, qui ne peuvent être déduites de la seule introduction d’une action dirigée à son encontre, quand bien même ils ont finalement été déboutés de leurs demandes.

En conséquence, aucun abus dans le droit d’agir en justice n’étant caractérisé, la demande de dommages intérêts sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Monsieur et Madame [F] qui succombent à la procédure seront condamnés aux dépens et à verser à Madame [R] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ils seront corrélativement déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Enfin aucun motif ne vient s’opposer au prononcé de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,

Déboute Monsieur [I] [F] et Madame [E] [F] née [X] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de Madame [O] [R] ;

Déboute Madame [O] [R] de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts ;

Condamne Monsieur [I] [F] et Madame [E] [F] née [X] à verser à Madame [O] [R] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, et les déboute de leur demande à ce titre ;

Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 MARS 2024 par Mme DUMENY, Vice Présidente, assistée de Madame GAVACHE, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 22/03004
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;22.03004 ?
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