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26/03/2024 | FRANCE | N°23/00624

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 26 mars 2024, 23/00624


Pôle social - N° RG 23/00624 - N° Portalis DB22-W-B7H-RKPZ

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- S.A.R.L. [7]
- URSSAF ILE DE FRANCE
- Me [I] [L]


N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE MARDI 26 MARS 2024



N° RG 23/00624 - N° Portalis DB22-W-B7H-RKPZ

Code NAC : 88C


DEMANDEUR :

S.A.R.L. [7]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Nicolas PORTE, avocat au barreau

de PARIS,
non comparant



DÉFENDEUR :

URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par M. [R] [X], muni d’un pouvoir régulier





COMPOSITION DU TRIBU...

Pôle social - N° RG 23/00624 - N° Portalis DB22-W-B7H-RKPZ

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- S.A.R.L. [7]
- URSSAF ILE DE FRANCE
- Me [I] [L]

N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE MARDI 26 MARS 2024

N° RG 23/00624 - N° Portalis DB22-W-B7H-RKPZ

Code NAC : 88C

DEMANDEUR :

S.A.R.L. [7]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Nicolas PORTE, avocat au barreau de PARIS,
non comparant

DÉFENDEUR :

URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par M. [R] [X], muni d’un pouvoir régulier

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Sophie COUPET, Vice-Présidente, statuant à juge unique après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire,

Madame Marie-Bernadette MELOT, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 02 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 26 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 23/00624 - N° Portalis DB22-W-B7H-RKPZ

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 mai 2022, à 11 heures 40, les services de police d’[Localité 6] ont procédé au contrôle de l’établissement PORTAL sis [Adresse 3]), dont la gérante est madame [P] [W] épouse [S].
Il était alors constaté la présence de deux personnes en action de travail:
- madame [E] [H] née le 16 février 1982, salariée de la société,
- monsieur [D] [S], né le 07 janvier 1979, affairé dans les cuisines

Le 20 mai 2022, l’union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF) a notifié à la société [7] une lettre d’observations qui concluait à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS pour un montant de 13425 euros, outre la somme de 3356 euros au titre des majorations de redressement, pour la période d’emploi de monsieur [D] [S] du 1er décembre 2020 au 30 avril 2022.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 19 septembre 2022, l’URSSAF a mis la société [7] en demeure de payer la somme de 12429 euros au titre des cotisations, majorations de retard et majorations de redressement dues pour le redressement du travail dissimulé retenu par la lettre d’observations du 20 mai 2022, déduction faite du versement de la somme de 5237 eros.

La société [7] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contestation du redressement. Par décision du 06 mars 2023, la commission de recours amiable a rejeté la contestation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 16 mai 2023, la société [7], par l’intermédiaire de son conseil, a formé un recours auprès du pôle social du tribunal judiciaire de VERSAILLES, suite à la décision de rejet de la commission de recours amiable.

A défaut de conciliation et après deux renvois, l’affaire a été plaidée à l’audience du 02 février 2024. Le tribunal, après avoir obtenu l’accord des parties présentes, a statué à juge unique en l’absence des deux assesseurs en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

A cette audience, la société [7], représentée par son conseil dispensé de comparution, a sollicité l’annulation de la mise en demeure du 19 septembre 2022 et de la lettre d’observations afférente du 20 mai 2022 et la condamnation de l’URSSAF à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle a sollicité la condamnation de l’URSAF à lui rembourser la somme de 6197 euros.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu’elle sollicite l’annulation de la mise en demeure pour des raisons de forme et de fond.

En ce qui concerne la forme, elle estime que la mise en demeure ne permet pas au cotisant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. Elle expose que la lettre d’observations porte sur un montant de 16781 euros, la saisie attribution sur un montant de 17452 euros et la mise en demeure sur un montant de 17666 euros; ces différences de montant sont inexplicables et empêchent la société de comprendre la cause et le motif du redressement. Par ailleurs, elle indique que la mise en demeure ne précise pas au cotisant qu’il dispose d’un délai d’un mois pour régulariser sa situation, ce qui doit être sanctionné par la nullité de l’acte.

Pôle social - N° RG 23/00624 - N° Portalis DB22-W-B7H-RKPZ

En ce qui concerne le fond, elle rappelle que l’URSSAF a calculé un redressement sur la base d’un salaire à temps plein à compter du 1er décembre 2020, alors qu’il est factuellement erroné de dire qu’il a travaillé pour le restaurant à compter de cette date (la cuisinière qu’il a remplacée a quitté le restaurant le 24 octobre 2021) et alors qu’il justifie d’un contrat de travail à temps complet à durée indéterminée dans une autre société depuis 15 ans. Par ailleurs, il rappelle que le travail dissimulé suppose une relation de subordination, alors qu’en réalité, monsieur [S] est le gérant de fait du restaurant, la gérante de droit, sa mère, n’y travaillant pas. De plus, il est associé à hauteur de 50% et par application de l’article L.311-3 du code de la sécurité sociale, il ne peut être assimilé salarié.

A titre subsidiaire, elle expose que le restaurant était fermé sur la période de décembre 2020 à mai 2021, de telle sorte que le redressement ne peut s’appliquer pour cette période, ce qui engendre un remboursement à son profit.

En défense, l’URSSAF, représentée par son mandataire, a conclu au débouté de toutes les demandes et a sollicité, à titre reconventionnel:
- la validation de la mise en demeure du 19 septembre 2022,
- le bien-fondé du redressement notifié par la lettre d’observations du 20 mai 2022,
- la confirmation de la décision de la commission de recours amiable en date du 6 mars 2023?,
- la condamnation de la société [7] à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l’URSSAF fait valoir que la mise en demeure a été envoyée en deux parties, une première partie par lettre recommandée avec accusé de réception reçue par la société [7] le 20 septembre 2022 - qui comporte notamment l’invitation à régulariser la situation dans le mois - et une seconde partie détaillant les sommes dues que la société [7] produit elle-même dans ses pièces. Elle indique que les majorations de retard continuent à courir jusqu’à parfait paiement, ce qui explique leur augmentation entre la lettre d’observations, la saisie-attribution et la mise en demeure. Elle précise que cela était expressément indiqué tant dans la lettre d’observations que dans la mise en demeure.

En ce qui concerne le montant réclamé, l’URSSAF rappelle que monsieur [S] a reconnu lui-même travailler dans le restaurant depuis fin 2020, sans qu’aucun élément de l’enquête ne permette d’étayer l’hypothèse d’une gérance de fait. L’URSSAF indique qu’il était associé égalitaire, mais pas gérant, de telle sorte que l’article L.311-1 du code de la sécurité sociale ne peut trouver à s’appliquer. Elle souligne également que les éléments nouveaux tendant à remettre en cause les constatations de l’inspecteur doivent être transmis avant la clôture des opérations de contrôle.

L’URSSAF précise que l’ensemble des sommes dues ont été réglées par échéancier, de telle sorte qu’il n’y a pas lieu de prévoir de condamnation à paiement.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la mise en demeure:
En application des dispositions des articles L.244-2 et R.133-3 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation : à cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature, la cause et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent.
Pôle social - N° RG 23/00624 - N° Portalis DB22-W-B7H-RKPZ

L’URSSAF justifie avoir notifié à la société [7], par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 20 septembre 2022, une mise en demeure qui précise:
- la nature des cotisations réclamées: régime général,
- la cause des cotisations réclamées: contrôle chefs de redressement notifiés par lettre d’observations du 20 mai 2022,
- la période à laquelle elle se rapporte: décembre 2020 à mars 2022.
En page 2 de cette mise en demeure, il est expressément indiqué “à réception de la présente, vous disposez d’un délai d’un mois pour vous acquitter du montant de votre dette”.

Par ailleurs, en complément d’information, la société [7] a reçu une mise en demeure détaillée, sur laquelle apparaît la ventilation des cotisations par période.

Au regard de ces éléments, il sera donc considéré que la mise en demeure permettait au cotisant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. La mise en demeure est donc régulière quant à la forme.

Sur le montant des sommes réclamées:
Sur la lettre d’observations, le montant des cotisations s’élève à 13425 euros, les majorations de redressement à 3356 euros et les majorations de 5% à la somme de 671 euros. Il était expressément précisé qu’à ces majorations s’ajoutait une majoration complémentaire de 0,2% du montant des contributions et cotisations dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d’exigibilité des cotisations et contributions.

Dans la mise en demeure, le montant des cotisations s’élève également à 13425 euros et celui des majorations de redressement à 3356 euros. En revanche, le montant des majorations de retard s’élève à 885 euros. Toutefois, la société [7] n’a pas réglé l’intégralité des cotisations dues entre la lettre d’observations et la mise en demeure, de telle sorte que les majorations de retard ont continué à courir jusqu’à parfait paiement. Il ne s’agit donc pas d’une incertitude sur le montant.

Le montant des sommes réclamées sur la mise en demeure est donc régulier.

Sur le fond du redressement:
En application de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale, il appartient à l’employeur contrôlé de produire les pièces à l’appui de sa position durant la période contradictoire qui s’étend à compter de la réception de la lettre d'observations par la personne contrôlée et jusqu’à la date d'envoi de la réponse de l'agent chargé du contrôle. Les pièces produites après les opérations de contrôle ne sont plus recevables.

Lors des opérations de contrôle, monsieur [S] a indiqué travailler tous les jours dans le restaurant comme cuisinier. La gérante du restaurant, madame [P] [W] épouse [S], a confirmé que son fils travaillait au sein du restaurant depuis 2019/2020, sans rémunération. Elle a précisé qu’il devait reprendre la gérance, mais que “ça traîne”.

Durant la période contradictoire, il n’a été produit à l’URSSAF aucun élément permettant d’établir que monsieur [S] a effectué des actes de gestion, étant rappelé que la gestion de fait implique une activité positive de gestion et de direction d'une personne réalisée en toute indépendance et que la charge de la preuve pèse sur celui qui invoque la gestion de fait. Par ailleurs, le fait qu’il soit associé non majoritaire ne lui confère aucun pouvoir de gérance. Il ne peut donc pas être considéré comme gérant de fait.

Les déclarations de madame [P] [W] et de monsieur [S] lui-même permettent d’établir que monsieur [S] travaille régulièrement pour le restaurant, sans être déclaré et qu’il ne s’agit pas d’une aide occasionnelle et spontanée qui aurait permis de retenir une entraide familiale.
Surabondamment, le fait que monsieur [S] soit employé en contrat à durée indéterminée dans une autre entreprise et que madame [P] [W] soit également salariée à temps plein dans une autre entreprise n’empêchent pas un travail régulier de monsieur [S] au sein du restaurant contrôlé.

L’article L 311-2 du code de la sécurité sociale précise que sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat. La déclaration préalable à l’embauche est une obligation qui incombe à l’employeur et qui doit être réalisée avant tout commencement du travail.

En l’absence de déclaration préalable à l’embauche de monsieur [S], le travail dissimulé est établi.

Sur le montant du redressement:
Des déclarations des parties il ressort que monsieur [S] travaille régulièrement au sein du restaurant au moins depuis le mois de décembre 2020. Les parties n’ont rien spécifié, au moment de leurs auditions du 12 mai 2022, concernant la période de COVID, qui a pourtant largement marqué les esprits.

Il est exact que des restrictions d’activités pour cause de COVID ont été prescrites par les autorités du 29 octobre 2020 au 19 mai 2021. Toutefois, toute activité n’était pas nécessairement exclu et les restaurants pouvaient continuer de fonctionner dans le cadre de la vente à emporter. Lors de la période contradictoire, aucun élément n’a été transmis pour justifier de l’activité réelle du restaurant durant cette période.

Aussi, faute d’éléments, il convient de retenir le redressement sur toute la période considérée, à savoir du mois de décembre 2020 au mois de mai 2022.

Ainsi, il convient de confirmer le bien-fondé de la lettre d’observations du 20 mai 2022 et la mise en demeure du 19 septembre 2022.

La société [7] ayant réglé les sommes dues avant la présente procédure, il n’y a pas lieu de prévoir de condamnation à paiement.

Sur la confirmation ou l’infirmation de la décision de la commission de recours amiable:
Si l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale subordonne la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale devenu pôle social à la mise en œuvre préalable d'un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme social en application de l'article R. 142-1 du même code, ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur le bien-fondé de cette décision qui revêt un caractère administratif. 

Aussi, il n’y a pas lieu d’infirmer ou de confirmer la décision de la commission de recours amiable.

Sur les dépens:
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société [7], succombant à la demande, sera tenue aux entiers dépens.

Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile:
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer, à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

La société [7], tenue aux dépens, sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Compte tenu de la situation respective des parties et en considération du fait que la société [7] a réglé les sommes dues, l’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024,

VALIDE le redressement effectué par l’Union de recouvrement pour les allocations familiales et la sécurité sociale par la lettre d’observations en date du 20 mai 2022,

VALIDE la mise en demeure notifiée à la société [7] le 20 septembre 2022,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,

CONDAMNE la société [7] aux entiers dépens.

La GreffièreLa Présidente

Madame Marie-Bernadette MELOTMadame Sophie COUPET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00624
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.00624 ?
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