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26/03/2024 | FRANCE | N°22/06622

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Première chambre, 26 mars 2024, 22/06622


Minute n°





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
26 MARS 2024


N° RG 22/06622 - N° Portalis DB22-W-B7G-RAOI
Code NAC : 28A

DEMANDEUR :

Monsieur [U] [R]
né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 21] (13)
demeurant [Adresse 13]
[Localité 6]
représenté par Me Anne-sophie REVERS, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et Me Yvan BELIGHA, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDEURS :

Monsieur [J] [R]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 15]
de

meurant [Adresse 2],
[Localité 9]

Monsieur [D] [R]
né le [Date naissance 14] 1972 à [Localité 15]
[Adresse 10]
[Localité 15]

Madame [I] [R]...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
26 MARS 2024

N° RG 22/06622 - N° Portalis DB22-W-B7G-RAOI
Code NAC : 28A

DEMANDEUR :

Monsieur [U] [R]
né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 21] (13)
demeurant [Adresse 13]
[Localité 6]
représenté par Me Anne-sophie REVERS, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et Me Yvan BELIGHA, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDEURS :

Monsieur [J] [R]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 15]
demeurant [Adresse 2],
[Localité 9]

Monsieur [D] [R]
né le [Date naissance 14] 1972 à [Localité 15]
[Adresse 10]
[Localité 15]

Madame [I] [R]
née le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 15]
[Adresse 4],
[Localité 8]

représentés par Me Ondine CARRO, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Jérémie DARMON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 14 Décembre 2022 reçu au greffe le 19 Décembre 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 01 Février 2024 Madame DURIGON, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 26 Mars 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [E] [G] et Monsieur [U], [H] [R] se sont mariés le [Date mariage 7] 1969 à [Localité 15] sans contrat de mariage préalable.

De cette union sont issus trois enfants :
- Monsieur [J] [R], né le [Date naissance 3] 1970 ;
- Monsieur [D] [R], né le [Date naissance 14] 1972 ;
- Madame [I] [R], née le [Date naissance 5] 1975.

Par acte de vente du 4 novembre 1971, reçu par Maître [S], notaire à [Localité 15], les époux ont fait l’acquisition d’une maison d’habitation ée au [Adresse 18] (78) et d’un garage.

Par jugement du 26 février 2009, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a prononcé le divorce des époux et condamné Monsieur [U] [R] à payer à Madame [E] [G] une prestation compensatoire sous forme de la pleine propriété du bien immobilier commun situé à [Localité 20], précisant que ledit jugement opérait cession forcée en faveur de Madame [E] [G] et que la publicité foncière était opérée par la publication dudit jugement.

Madame [E] [G] est décédée le [Date décès 11] 2021 à [Localité 19] (28), laissant pour lui succéder ses trois enfants.

L’acte de notoriété a été reçu le 29 juillet 2021 par Maître [T], notaire à [Localité 16] (28).

Estimant être titulaire d’un droit de propriété sur le bien immobilier situé à [Localité 20], Monsieur [U] [R] a, par actes de commissaire de justice en dates des 14 et 15 décembre 2022, fait respectivement assigner Monsieur [D] [R], Monsieur [J] [R], et Madame [I] [R] devant le tribunal judiciaire de Versailles afin notamment de solliciter l’inopposabilité de la cession forcée du bien litigieux.

Par dernières conclusions en réplique signifiées le 11 mai 2023, Monsieur [U] [R]demande au tribunal de :

« Vu les articles 1101, 1103,1113 et 1118 du code civil ;
Vu l’article 635 du Code générale des impôts ;
Vu les articles 514 et 700 du Code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence citée et les pièces versées aux débats ;

CONSTATER l’absence d'opposabilité de la cession forcée du bien entre Monsieur [R] et Madame [G] ;

DIRE Monsieur [R] fondé à solliciter un partage judiciaire du bien indivis ;

CONSTATER l'absence d'opposabilité de la cession forcée du bien aux tiers ;

DEBOUTER Messieurs et Madame [J] ; [D] et [I] [R] de l’ensemble de leurs demandes ;

JUGER Monsieur [R] titulaire d'un droit de propriété sur le bien litigieux en l'absence de réalisation des formalités de publicité ;

JUGER Monsieur [R] recevable à solliciter le remboursement par la succession de la somme de 15.871 € ;

Et par voie de conséquence,

CONDAMNER Messieurs et Madame [J] ; [D] et [I] [R] à payer à Monsieur [R] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

LES CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance ».

Il expose que le courriel qu’il produit en pièce n°4 n’est pas couvert par le secret professionnel, car il s’agit d’une correspondance équivalant à un acte de procédure.

Il soutient que, suite au jugement de divorce du 26 février 2009, il a conservé ses droits de propriété sur le bien situé à [Localité 20], dans la mesure où aucune formalité visant à rendre effective et opposable la cession forcée entre les parties n’a été réalisée. Il précise, en outre, qu’aucune publicité dudit jugement n’a été réalisée et que Madame [E] [G] devait se rapprocher d’un notaire afin de réaliser les formalités de publicité nécessaires. Il fait valoir que l’arrêt du 20 novembre 2013 de la Cour de cassation, invoqué par les défendeurs n’est pas applicable aux faits de l’espèce. Il estime être titulaire du quart du bien en pleine propriété et être recevable en sa demande de partage judiciaire dudit bien indivis.

Il fait valoir qu’en l’absence de formalité de publicité foncière, le jugement du 26 février 2019 est également inopposable aux tiers. Il estime par ailleurs être créancier des sommes versées, depuis le jugement en divorce du 26 février 2009, pour le paiement des impôts locaux relatifs au bien litigieux.

Il soutient que sa demande de remboursement n’est pas prescrite, puisque le point de départ du délai de prescription correspond au jour où il a découvert qu’il pouvait agir en remboursement des sommes payées, soit à la date du décès de Madame [E] [G] le 29 mai 2021, selon lui.

Il estime que les demandes reconventionnelles des défendeurs au titre de la prescription acquisitive ne peuvent aboutir, puisque les conditions de l’usucapion ne sont pas réunies. Il ajoute que, la propriété du bien ayant été transférée à son ex-épouse par une décision de justice, la prescription acquisitive abrégée ne peut être invoquée utilement.
Enfin, il précise que le transfert de propriété ne portait que sur la maison d’habitation et non sur le garage, pour lequel ses droits indivisaires ont été maintenus à la suite du jugement de divorce.

Par dernières conclusions en réplique signifiées le 21 mars 2023, Messieurs [J] et [D] [R] et Madame [I] [R]demandent au tribunal de :

« - JUGER [J] [R], [D] [R] et [I] [R], recevables et bien fondés en leurs demandes ;

- ECARTER des débats la pièce adverse n°4 ;

- DEBOUTER Monsieur [U] [R] de l’intégralité de ses demandes ;

- JUGER Monsieur [U] [R] irrecevable quant à sa demande de créance envers la succession a hauteur de 17.196 euros en raison de l’acquisition de la prescription

ET CE FAISANT

- ECARTER des débats la pièce n°4 versée par Monsieur [U] [R] ;

- JUGER opposable le jugement de divorce tant à l’égard des parties qu’à l’égard des tiers ;

- JUGER que le transfert de la pleine propriété des droits immobiliers communs au profit de Madame [G] a été effectif dès que le jugement est devenu définitif ;

- JUGER la cession forcee du bien opposable à l’égard de Monsieur [U] [R] et a l’égard des tiers ;

- JUGER que Madame [G] a acquis par USUCAPION décennal la totalité des droits immobiliers indivis, constituant les lots n°32 et 14 ;

- JUGER que la pleine propriété de ces biens fait partie intégrante de l’actif successoral de Madame [G], à répartir entre les enfants ;

- ORDONNER la rectification de l’attestation de propriété immobilière en date du 24 novembre 2021 afin d’y intégrer la pleine propriété du lot n°14 ;

- ORDONNER la rectification de la déclaration de succession en date du 24 novembre 2021 afin d’y intégrer la pleine propriété du lot n°14 ;

- CONDAMNER Monsieur [U] [R] au règlement de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens ».

Ils demandent que la pièce adverse n°4 soit écartée des débats, exposant qu’il s’agit d’une correspondance entre avocats qui ne revêt pas la mention « officiel » et qui est couverte par le secret professionnel.

Ils soutiennent que le jugement de divorce du 26 février 2009 est opposable aux parties et aux tiers, les formalités de retranscription du divorce en marge de l’état civil des ex-époux ayant été accomplies et la décision étant devenue définitive.

Ils soulignent que le jugement de divorce a rendu effectif le transfert de pleine propriété des droits immobiliers de Madame [E] [G], de sorte que la régularisation d’un acte notarié n’est pas nécessaire.

Ils précisent que la publicité foncière n’a aucune incidence sur la validité du jugement, qui était applicable dès son prononcé, précisant que la publicité n’a d’effet qu’à l’égard des tiers.
Ils affirment qu’au moment du décès de Madame [E] [G], les formalités de publicité foncière ont été accomplies avant l’introduction de la présente instance.
Ils soutiennent que le défaut d’enregistrement ne peut pas être imputable à Madame [E] [G] car il ne lui appartenait pas d’y procéder. Ils précisent que ce défaut d’enregistrement ne saurait remettre en cause la validité du jugement ou de la cession forcée qui en découle.

Ils soulignent que, si le défaut de publicité foncière, d’enregistrement ou d’acte notarié devait remettre en cause le transfert de la pleine propriété au profit de Madame [E] [G], cette dernière aurait acquis en tout état de cause les deux biens immobiliers indivis par le mécanisme de l’usucapion. Ils précisent que leur mère a eu une possession utile, continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, et que la prescription acquisitive abrégée a vocation à s’appliquer, Madame [E] [G] disposant d’un juste titre résultant du jugement en divorce et agissant de bonne foi.

Enfin, ils exposent que la demande de remboursement de leur père de la somme réglée au titre des impôts locaux, est soumise à la prescription quinquennale de sorte qu’il y a lieu de déclarer prescrite cette action pour les années 2009 à 2017 inclues. Ils précisent en outre que cette demande ne pourra être limitée qu’aux règlements effectués par le demandeur entre 2018 et 2022 inclus, pour un montant total de 5.807 euros. Ils soulignent qu’il appartiendra à Monsieur [U] [R] de produire la preuve des versements effectués auprès du Trésor public.

Le tribunal renvoie expressément aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2023.

L’affaire, appelée à l’audience du 1erfévrier 2024, a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir « donner acte », « dire et juger », « constater » et « relever », qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande de rejet de la pièce numéro 4 produite par Monsieur [U] [R]

L’article 3 du règlement intérieur national de la profession d’avocat dispose : « Tous les échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu'en soit le support (papier, télécopie, voie électronique ...), sont par nature confidentiels. », « les correspondances entre avocats, quel qu’en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice, ni faire l’objet d’une levée de confidentialité ». Cet article précise : « peuvent porter la mention officielle et ne sont pas couverts par le secret professionnel, au sens de l’article 66.5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 :
• une correspondance équivalant à un acte de procédure ;
• une correspondance ne faisant référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels.
Ces correspondances doivent respecter les principes essentiels de la profession définis par l’article 1er du présent règlement ».

Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] demandent que la pièce n°4, produite par Monsieur [U] [R], soit écartée des débats au motif qu’il s’agit d’un document soumis au secret professionnel.
Monsieur [U] [R] s’oppose à cette demande en exposant que ce courriel lui a été transmis par son ancien conseil dans l’optique de trouver une issue favorable au litige et qu’il doit être assimilé à un acte de procédure.

Il doit être relevé que le courriel litigieux ne peut être assimilé à un acte de procédure outre le fait qu’il n’est pas fait mention de son caractère officiel. Le seul fait qu’il ait été remis à Monsieur [U] [R] par son ancien avocat n’a aucune incidence sur le fait qu’il s’agisse d’un échange entre avocat, soumis au principe de la confidentialité à défaut de précision quant à un éventuel caractère officiel.

Il convient donc d’écarter des débats la pièce n°4 produite par Monsieur [U] [R].

Sur l’opposabilité de la cession du bien immobilier situé à [Localité 20] à l’égard de Monsieur [U] [R] et Madame [E] [G]

Monsieur [U] [R] fait valoir que se pose la question de l’opposabilité de la cession aux parties à l’acte et non la question de l’opposabilité aux tiers (page 6 des dernières conclusions signifiées). Il ajoute qu’il s’est opposé à la répartition par moitié des frais du jugement à l’occasion du jugement de divorce et qu’il appartenait à Madame [E] [G] de se rapprocher d’un notaire pour réaliser les formalités de publicité afin de lui rendre opposable le transfert de propriété du bien litigieux. Il soutient qu’il convient d’attendre la régularisation d’un acte notarié pour que le transfert de propriété soit effectif, ce qui n’a jamais été réalisé de sorte qu’il a maintenu ses droits d’indivisaires dans le logement.

Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] s’opposent à cette demande en exposant que la publicité n’a pas d’incidence sur la validité de l’acte de cession soumis à publication, l’acte produisant ses effets entre les parties.

En l’espèce, il est constant que :

-par jugement du 26 février 2009, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles a prononcé le divorce de Monsieur [U] [R] et Madame [E] [G] et a condamné notamment Monsieur [U] [R] à payer à Madame [E] [G] une prestation compensatoire sous la forme de la pleine propriété du bien immobilier commun sis à [Localité 17] (aujourd’hui [Localité 20]), le jugement précisant dans son dispositif : «« Condamne [U] [R] à payer à son conjoint par application de l’article 270 du code civil une prestation compensatoire sous forme de la pleine propriété du bien immobilier commun sis à [Adresse 18] cadastré AL [Cadastre 12] n° de parcelle [Cadastre 12],le jugement à intervenir opérant cession forcée en faveur de l’épouse conformément aux dispositions de l’article 274-2 du code civil, la publicité foncière étant opérée par la publication du présent jugement. »,

-le jugement de divorce a été signifié le 2 décembre 2009,

Le jugement de divorce de Monsieur [U] [R] et Madame [E] [G] n’a pas fait l’objet d’un appel. Les formalités de retranscription en marge des actes d’état civil de Monsieur [U] [R] et Madame [E] [G] ont été réalisées le 17 mai 2010. Le jugement de divorce est définitif et opposable aux tiers.

Il est de principe qu’un acte, soumis à publicité foncière, non publié est valable et produit des effets entre les parties. L’acte est en revanche inopposable aux tiers à défaut de publicité.

Les formalités de publicité foncière n’ont pas d’incidence sur la validité de la cession forcée et sur les rapports entre les parties à la cession mais ont pour effet de rendre inopposable aux tiers ladite cession. Si le défaut de publicité foncière rend inopposables les termes du jugement de divorce concernant la cession forcée du bien immobilier au profit de l’épouse à l’égard des tiers, il est sans influence sur les rapports entre ex-époux. Le seul fait que Monsieur [U] [R] se soit opposé à cette cession forcée et qu’il se soit également opposé à la répartition des frais relatifs à la publicité foncière de la cession du bien immobilier litigieux est sans incidence dans les rapports entre ex- époux sur la cession du bien.

Il ressort des termes du jugement qu’un transfert de propriété immédiat du bien immobilier situé à [Localité 20] (anciennement [Localité 17]) au profit de Madame [E] [G] a été opéré du fait du prononcé de cette décision. La publicité foncière n’est pas une condition de validité de l’acte de cession.

Monsieur [U] [R] sera donc débouté de sa demande tendant à voir constater l’absence d’opposabilité de la cession forcée du bien à l’égard des parties et par suite de sa demande de partage judiciaire du bien situé à [Localité 17].

Sur l’opposabilité de la cession forcée à l’égard des tiers et sur la demande en paiement de Monsieur [U] [R]

*Monsieur [U] [R] sollicite le paiement de la somme de 15.871 euros au titre des impôts qu’il indique avoir payés depuis le jugement de divorce, déduction faite de la somme de 1.403 euros résultant du dégrèvement sur une taxe foncière s’élevant à la somme de 1.538 euros.

Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] concluent à la prescription de la demande de Monsieur [U] [R] pour la période s’étalant des années 2009 à 2017. Ils indiquent que la demande de Monsieur [U] [R] devrait être limitée à la somme de 5.807 euros sous réserve qu’il justifie du règlement effectif du paiement de cette somme au trésor Public.

Aux termes de l'article 635 du Code général des impôts, applicable au présent litige, « Doivent être enregistrés dans le délai d'un mois à compter de leur date :
1. Sous réserve des dispositions des articles 637 et 647 :
1° Les actes des notaires à l'exception de ceux visés à l'article 636 ;
2° Les actes des huissiers de justice ;
3° Les actes portant transmission de propriété ou d'usufruit de biens immeubles ;
4° Les actes portant mutation de jouissance à vie ou à durée illimitée de biens immeubles de fonds de commerce ou de clientèles ;
5° Les actes constatant la formation, la prorogation, la transformation ou la dissolution d'une société, l'augmentation, l'amortissement ou la réduction de son capital ;
6° Les actes constatant la formation de groupement d'intérêt économique ;
7° Les actes constatant un partage de biens à quelque titre que ce soit ;
8° Les actes constatant la formation, la modification ou l'extinction d'un contrat de fiducie, et le transfert de biens ou droits supplémentaires au fiduciaire dans les conditions prévues par l'article 2019 du code civil.
2. 1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire lorsqu'elles donnent ouverture à un droit proportionnel ou progressif ;
2° Les actes portant acceptation ou répudiation de successions, legs ou communautés
3° Les certificats de propriétés ;
4° Les inventaires de meubles, titres et papiers et les prisées de meubles ;
5° Les actes portant transmission de propriété ou d'usufruit de fonds de commerce, de clientèles ou d'offices, ou cession de droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble ;
6° Les procès-verbaux constatant une adjudication aux enchères publiques de biens meubles corporels ou incorporels ou toute autre vente de mêmes biens faite avec publicité et concurrence, lorsqu'ils sont soumis à un droit proportionnel ou progressif
7° Les actes portant cession d'actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires ou cession de parts sociales dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions
7° bis Les actes portant cession de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière au sens du troisième alinéa du 2° du I de l'article 726 ;
8° 9° (Abrogés) ;
10° Les actes portant cession et rachat taxables de parts de fonds de placement immobilier. »

Il n’est pas contesté qu’aucune publicité foncière n’a eu lieu jusqu’au 21 novembre 2021. Par ailleurs, le jugement de divorce n’a pas fait l’objet d’un enregistrement dans le délai légal prévu par l’article 635 du code général des impôts. Il doit être relevé que ce défaut d’enregistrement n’a pas d’effet sur la validité de l’acte ni sur son opposabilité aux tiers, les pénalités de retard étant la seule sanction applicable.
Par ailleurs, contrairement à ce que déclare Monsieur [U] [R], il ne ressort pas du jugement de divorce qu’il appartenait à Madame [E] [G] de procéder aux formalités de publicité foncière s’agissant de la cession forcée du bien ni aux formalités d’enregistrement du jugement.

A défaut de formalité de publicité foncière, l’acte de cession forcée est inopposable aux tiers, à l’administration fiscale.

*L’article 2224 du code civil dispose : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Il est de principe que ce délai court à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il ressort des débats que Monsieur [U] [R] s’est acquitté du règlement des impôts locaux entre 2009 et 2022.
Or, compte-tenu de la cession forcée intervenue aux termes du jugement de divorce du 26 février 2009, Madame [E] [G] était seule propriétaire et seule redevable de ces impôts à l’égard du trésor public.

Monsieur [U] [R] ne peut raisonnablement soutenir qu’il n’a eu connaissance qu’au décès de son ex-épouse de ce qu’il n’était pas redevable de ces impôts. En effet, Monsieur [U] [R] était partie à la procédure de divorce, le jugement a été signifié le 2 décembre 2009 et il n’est pas contesté que la mention du divorce a été apposée en marge de l’état civil des ex-époux le 17 mai 2010. Par ailleurs, il n’a pas été fait appel du jugement. Monsieur [U] [R] aurait dû dès le prononcé du jugement de divorce savoir que n’étant plus propriétaire du bien immobilier situé à [Localité 17], seule Madame [E] [G] était redevable des impôts ayant trait à ce bien.
Le point de départ de la demande en paiement de Monsieur [U] [R] doit être fixé au jour du jugement de divorce, ce dernier signifié le 2 décembre 2009, étant définitif.

Les assignations ayant été délivrées le 14 décembre 2022, les demandes en paiement concernant les années 2009 à 2017 inclues doivent être déclarées irrecevables comme étant prescrites.

Monsieur [U] [R] produit les avis d’impôts relatifs à la taxe foncière établis à son nom, pour les montants suivants : 1.442 euros en 2018, 1.467 euros en 2019, 1.446 euros en 2020, 1.452 euros en 2021 soit un total de 5.807 euros.
Ces avis d’imposition comportent les échéanciers mensuels et il doit être considéré que ces éléments suffisent à justifier que Monsieur [U] [R] a payé les taxes foncières dont il demande le remboursement. IL doit être en outre relevé qu’à défaut de paiement, le trésor public aurait procédé à des redressements, ce dont il n’est pas justifié. Ainsi, Monsieur [U] [R] justifie de sa demande en paiement formée à l’encontre des défendeurs à hauteur de 5.807 euros.

Monsieur [U] [R] produit l’échéancier 2023 relatif aux taxes foncières, aucune référence au bien immobilier ayant fait l’objet de la cession forcée n’est mentionnée sur cet échéancier de sorte qu’il convient de relever que Monsieur [U] [R] ne justifie pas avoir payé la taxe foncière pour l’année 2023.

Au total, Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] seront condamnés in solidum à payer à Monsieur [U] [R] la somme de 5.807 euros au titre de la taxe foncière payée pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021 relative au bien immobilier situé à [Localité 17] (aujourd’hui [Localité 20]).

Sur la demande de rectification de l’acte de propriété

Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] demandent que la rectification de l’attestation de propriété immobilière en date du 24 novembre 2022, afin d’y intégrer la pleine propriété du lot n°14, soit ordonnée.

Outre le fait que cette demande n’est pas fondée juridiquement, il doit être rappelé qu’il n’appartient pas au tribunal d’ordonner la rectification d’attestation immobilière. Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] seront déboutés de leur demande.

Sur les autres demandes

L'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Les circonstances d’équité tendent à rejeter les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [U] [R] sera condamné à payer les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,

Ecarte des débats la pièce n°4 produite par Monsieur [U] [R],

Constate que la cession forcée du bien situé [Adresse 18] (anciennement [Localité 17]) telle que résultant du jugement de divorce du 26 février 2009 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles est opposable à Monsieur [U] [R],

Dit que la cession forcée forcée du bien situé [Adresse 18] (anciennement [Localité 17]) telle que résultant du jugement de divorce du 26 février 2009 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles n’est pas opposable aux tiers,

Déboute Monsieur [U] [R] de sa demande de partage judiciaire du bien immobilier situé au [Adresse 18] (anciennement [Localité 17]),

Condamne in solidum Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] à payer à Monsieur [U] [R] la somme de 5.807 euros au titre de la taxe foncière relative aux années 2018, 2019, 2020 et 2021 concernant le bien immobilier situé [Adresse 18] (anciennement [Localité 17]),

Déboute Monsieur [U] [R] de ses autres demandes,

Déboute Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [R] et Madame [I] [R] de leur demande tendant à voir ordonner la rectification de l’attestation de propriété immobilière en date du 24 novembre 2022 afin d’y intégrer la pleine propriété du lot n°14,

Déboute toutes les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [U] [R] aux dépens,

Constate l'exécution provisoire du présent jugement.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 MARS 2024 par Madame DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22/06622
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;22.06622 ?
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