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26/03/2024 | FRANCE | N°21/00641

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 26 mars 2024, 21/00641


Pôle social - N° RG 21/00641 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBUH


Copies certifiées conformes  délivrées,
le :

à :
- S.A.S. [5]
- CPAM DES YVELINES
- Me FRANCK DREMAUX
- Me Mylène BARRERE


N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE MARDI 26 MARS 2024



N° RG 21/00641 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBUH


Code NAC : 89E


DEMANDEUR :

S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par M

e Franck DREMAUX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant



DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Me Mylène BARRERE, ...

Pôle social - N° RG 21/00641 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBUH

Copies certifiées conformes  délivrées,
le :

à :
- S.A.S. [5]
- CPAM DES YVELINES
- Me FRANCK DREMAUX
- Me Mylène BARRERE

N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE MARDI 26 MARS 2024

N° RG 21/00641 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBUH

Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Franck DREMAUX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Sophie COUPET, Vice-Présidente, statuant à juge unique après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire,

Madame Marie-Bernadette MELOT, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 02 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 26 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 21/00641 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBUH

EXPOSE DU LITIG

Monsieur [K] [S], né le 17 décembre 1988, est travailleur temporaire pour la société [5] depuis le 19 février 2018, en qualité d’ouvrier.
La société SAS [5] a établi une déclaration d’accident du travail le concernant, dans laquelle il était mentionné que l’accident serait survenu le 06 mars 2018 à 16 heures 15 minutes:
“lieu de l’accident : [Adresse 6]
Activité: En découpant une pièce en aluminium avec une scie circulaire
Nature: la pièce s’est décrochée et est venue entailler son doigt
Objet: la pièce en aluminium
Siège des lésions: index
Nature des lésions: plaies (coupure) sauf piqûre-index main gauche”.
Un certificat médical initial en date du 07 mars 2018 a été établi pour “ écrasement index gauche” et prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 31 mars 2018.
Par courrier du 27 avril 2018, la caisse primaire d’assurance-maladie des Yvelines (ci-après la caisse) a accepté de prendre en charge d’emblée, au titre de la législation sur les risques professionnels, l’accident du travail survenu le 06 mars 2018.
Par courrier du 26 novembre 2020, la société SAS [5], par l’intermédiaire de son conseil, a saisi la commission médicale de recours amiable aux fins de solliciter l’inopposabilité des arrêts de travail prescrit à compter du 07 mars 2018.
Par lettre recommandée expédiée le 14 juin 2021, la société SAS [5], par le biais de son conseil a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission médicale de recours amiable de la caisse.
Lors de sa séance du 1er octobre 2021, la commission médicale de recours amiable de la caisse a confirmé la décision de la caisse sur l’imputabilité des soins et arrêts à l’accident de travail survenu le 06 mars 2018 à monsieur [K] [S].
A défaut de conciliation entre les parties et après plusieurs renvois pour mise en état, l’affaire a été appelée à l’audience du 02 février 2024.
Le tribunal, après avoir obtenu l’accord des parties présentes, a statué à juge unique en l’absence des deux assesseurs en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.
Lors de l’audience, la société SAS [5] représentée par son conseil demande au tribunal:
-à titre principal, de lui déclarer inopposable l’ensemble des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse des Yvelines,
-à titre subsidiaire, d’ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire,
-de débouter la caisse des Yvelines de l’intégralité de ses demandes,
-de condamner la caisse des Yvelines aux entiers dépens,
-d’ordonner l’exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la caisse ne rapporte pas la preuve de la continuité de soins et de symptômes, que les prestations admises par la caisse comme étant en rapport avec le sinistre initial, lui font grief. Elle explique qu’elle a un intérêt légitime, au regard de son compte employeur laissant apparaître des sommes importantes, à contester le caractère professionnel des soins et arrêts de travail, que rien ne justifie au regard de la nature des lésions et des circonstances de l’accident que monsieur [K] [S] ait été arrêté sur une durée de 176 jours.
En défense, la caisse des Yvelines représentée par son conseil demande au tribunal notamment de:
-confirmer la décision de la caisse admettant le rattachement de la totalité des soins et arrêts prescrits à monsieur [K] [S] à l’accident du travail du 06 mars2018,
-constater la continuité des soins et arrêts de travail prescrit à l’assuré,
-déclarer la totalité des soins et arrêts de travail, opposables à la société SAS [5],
-dire qu’il n’ y a pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise,
-débouter la société SAS [5] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-de condamner la société SAS [5] aux entiers dépens,
-de condamner la société SAS [5] à lui payer la somme de 3 000 euros en raison du comportement dilatoire relevé.
Elle considère que l’accident du travail dont a été victime l’assuré et incontesté par l’employeur, a bénéficié de la présomption d’imputabilité, que les certificats médicaux de prolongation ont été prescrits à la suite de l’accident et font état de la même lésion “écrasement index gauche”. Elle ajoute, que les certificats médicaux de prolongation prescrits à l’assuré résultent de l’accident de travail survenu le 06 mars 2018, que la société SAS [5] n’apporte aucun élément médical de nature à remettre en cause la continuité des soins et arrêts.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’inopposabilité des soins et arrêts :
En vertu de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité qui s’applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident pendant toute la période d’incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement à toutes les conséquences directes de l’accident, fait obligation à la caisse de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail les dépenses afférentes à ces lésions.
Il en résulte que la présomption d’imputabilité des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire.

En l’espèce, un arrêt de travail a été prescrit par le certificat médical initial et la guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure a été fixée au 29 août 2018 par le médecin traitant de l’assuré, le docteur [H]. La présomption d’imputabilité s’applique donc du 07 mars 2018 au 29 août 2018.
Surabondamment, la caisse justifie d’une continuité des soins et arrêts sur toute cette période, puisque les prescriptions suivantes ont été réalisées:
- par certificat médical rectificatif du 29 mars 2018, prolongation de l’arrêt de travail jusqu’au 15 avril 2018, pour écrasement index gauche,
- par certificat médical du 16 avril 2018, prolongation de l’arrêt de travail jusqu’au 20 avril 2018, pour écrasement index gauche,
- par certificat médical du 20 avril 2018, prolongation de l’arrêt de travail jusqu’au 29 avril 2018, pour écrasement index gauche,
- par certificat médical du 27 avril 2018 , prolongation de l’arrêt de travail jusqu’au 15 mai 2018, pour écrasement index gauche,
- par certificat médical du 16 mai 2018, prolongation de l’arrêt de travail jusqu’au 08 juin 2018, pour écrasement index gauche,
- par certificat médical du 08 juin 2018, prolongation de l’arrêt de travail jusqu’au 24 août 2018, pour écrasement index gauche,
- par certificat médical du 24 août 2018, prolongation de l’arrêt de travail jusqu’au 29 août 2018,pour écrasement index gauche.
Aussi, la caisse produit l’avis de la commission médicale de recours amiable en date du 1er octobre 2021 qui a retenu que: “Les lésions décrites sur les certificats médicaux ne donnent pas lieu à contestation de l’imputabilité. S’agissant d’un écrasement de l’index gauche, noté sur chacun des certificats du médecin traitant, la commission estime que la durée de l’arrêt de travail jusqu’au 29/08/2018, soit 5 mois est correcte”.
Pour renverser la présomption d’imputabilité établie par la caisse, l'employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou l’existence d’une cause postérieure totalement étrangère à l’accident du travail.
Pour remettre en cause la présomption d’imputabilité, la société SAS [5] verse au dossier l'avis de son médecin conseil, le docteur [R] [Z] en date du 09 août 2021 qui mentionne““les pièces médicales parlent effectivement d’une continuité des arrêts de travail. Cependant, après un écrasement digital, sans notion de complication post traumatique (infection, algodystrophie); il est habituel de dire qu’il faut 45 jours pour cicatrisation des tissus mous et autant pour la rééducation du doigt chez un travailleur manuel. Cela signifie qu’en trois mois pour un tel traumatisme le patient est consolidé et peut reprendre le travail. Ce n’est pas parce que les arrêts de travail se prolongent que l’on est en droit de dire qu’il y a continuité des soins et arrêts de travail; d’autant que le diagnostic reste toujours le même, donc stabilité du tableau clinique, que la guérison sans séquelles a été donnée le 28/08/2018, seulement 4 jours après la rédaction d’un CMP par le même médecin qui prolongeait l’arrêt de travail le 24/08/2018 pour le même motif. Au total, le salarié, victime d’un accident du travail le 06/03/2018 aurait pu être déclaré guéri dès le 06/06/2018 et reprendre le travail.”
Force est de constater que l’avis émis par le médecin conseil de la société n’évoque aucun état antérieur ni aucune cause étrangère permettant de remettre en cause la durée des soins et arrêts imputables à l’accident de travail du 06 mars 2018 et indemnisés au titre de la législation sur les risques professionnels.

Aussi, il sera considéré que l’avis du docteur [R] [Z] est insuffisant pour renverser la présomption d’imputabilité susvisée.
La société [5] sera donc déboutée de sa demande d’inopposabilité.

Sur la demande d’expertise :
Il ressort des articles 144 et 146 du code de procédure civile que les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.
Une mesure d’expertise ne saurait suppléer la carence de l’une des parties dans l’administration de la preuve qui lui incombe.
En l’espèce, le tribunal dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer.
La note médicale produite par la société SAS [5] ne comporte aucun élément constituant un commencement de preuve d’un élément de nature à remettre en cause la présomption d’imputabilité.
La société SAS [5] sera déboutée de sa demande d’expertise.

Sur la demande de paiement de la somme de 3 000 euros au titre du comportement dilatoire de la société:
Aux termes de l’article 1240 du code civil, le droit d'action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que
la condamnation à dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l'intention malicieuse et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en œuvre par la partie adverse du projet contesté. Le principe du droit d'agir implique que la décision judiciaire de retenir le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l'abus de l'exercice du droit.
En l’espèce, la caisse qui sollicite la condamnation de la société ne caractérise pas d’abus, à savoir un cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol.
Dès lors, la caisse des Yvelines sera déboutée de sa demande.

Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
La société SAS [5], succombant à l’instance, sera tenue aux entiers dépens.

Sur l’exécution provisoire de la décision:
N’apparaissant pas nécessaire, l’exécution provisoire de la décision ne sera pas ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant à juge unique par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe le 26 mars 2024,

DÉCLARE opposables à la société SAS [5] l’intégralité des soins et arrêts de travail prescrits à Monsieur [K] [S] à la suite de l’accident du travail survenu le 06 mars 2018 jusqu’à la date de guérison du 29 août 2018;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples;
CONDAMNE la société SAS [5] aux entiers dépens.
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

La GreffièreLa Présidente

Madame Marie-Bernadette MELOTMadame Sophie COUPET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/00641
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;21.00641 ?
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