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26/03/2024 | FRANCE | N°18/02714

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Première chambre, 26 mars 2024, 18/02714


Minute n°





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
26 MARS 2024


N° RG 18/02714 - N° Portalis DB22-W-B7C-N5QI
Code NAC : 28A

DEMANDERESSE :

Madame [Z], [N] [Y], agissant en qualité de tutrice légale de sa fille mineure, [X] [H] [M]
née le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 25] (92)
demeurant [Adresse 14]
[Localité 13]
représentée par Me Martina BOUCHE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et Me Jean PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


DEFENDERESS

E :

Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M]
née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 26] (PORTUGAL)
demeurant [Adresse 7]
[Localité 21]...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
26 MARS 2024

N° RG 18/02714 - N° Portalis DB22-W-B7C-N5QI
Code NAC : 28A

DEMANDERESSE :

Madame [Z], [N] [Y], agissant en qualité de tutrice légale de sa fille mineure, [X] [H] [M]
née le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 25] (92)
demeurant [Adresse 14]
[Localité 13]
représentée par Me Martina BOUCHE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et Me Jean PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M]
née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 26] (PORTUGAL)
demeurant [Adresse 7]
[Localité 21]
représentée par Me Eloïse FOLLIAS, avocat au barreau de VERSAILLES

ACTE INITIAL du 18 Avril 2018 reçu au greffe le 23 Avril 2018.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 01 Février 2024 Madame DURIGON, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 26 Mars 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [L] [F] [G] [H] et Monsieur [P] [E] [M] ont contracté mariage devant l’officier d’état civil de [Localité 26] (Portugal) le [Date mariage 10] 1968, sous le régime de la communauté d’acquêts portugaise.

De leur union est issu un enfant, [A] [H] [M] né le [Date naissance 9] 1969 à [Localité 22].

Par acte notarié du 11 juin 2004, les époux [M] se sont consentis une donation entre époux.

Monsieur [A] [H] [M] a vécu en concubinage avec Madame [Z] [Y] à compter de juillet 2001. De leur union, est issu un enfant, [X] [H] [M], née le [Date naissance 11] 2006 à [Localité 24] (78).

Par acte authentique en date du 28 octobre 2010 reçu par Maître [R] [W], notaire à [Localité 21] (78), Monsieur [P] [E] [M] et Madame [L] [F] [G] [H] épouse [M] ont donné à leur fils Monsieur [A] [H] [M] la pleine propriété d’un terrain, situé au [Adresse 8] à [Localité 21] et issu de la division d’un terrain leur appartenant.

Cet acte comportait une clause d’inaliénabilité au terme d’un article intitulé “INTERDICTION D’ALIENER ET D’HYPOTHEQUER ”, ainsi qu’une clause de retour conventionnel.

Monsieur [A] [H] [M] et Madame [Z] [Y] ont fait édifier un immeuble d’habitation sur le terrain donné par les époux [M] à Monsieur [A] [H] [M]. Le financement de cet immeuble a été assuré au moyen de deux crédits souscrits par les concubins.

Monsieur [P] [E] [M] est décédé le [Date décès 4] 2013.

La déclaration de succession de Monsieur [P] [E] [M] a été établie le 8 janvier 2014 par Maître [W], notaire.

Une attestation de propriété immobilière a été établie le 13 février 2014. Il en ressort que Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] a opté pour ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit des biens de son défunt mari.

Monsieur [A] [H] [M] est décédé le [Date décès 6] 2016.

Par exploit d’huissier en date du 13 février 2018, Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M], a fait assigner Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] devant le tribunal de grande instance de Versailles afin notamment d’obtenir du tribunal qu’il juge la clause de retour conventionnel et d’inaliénabilité contenue dans l’acte de donation dépourvue d’effet.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 18/1283.

Reprochant à Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] de faire obstacle au règlement des successions de Messieurs [P] [E] [M] et [A] [H] [M], Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille mineure [X] [H] [M], a, par exploit d’huissier signifié le 18 avril 2018, fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance de Versailles afin d’obtenir le partage judiciaire unique desdites successions.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 18/2714.

Par ordonnance en date du 14 janvier 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de jonction et a invité les parties à conclure sur la désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter [X] [H] [M].

Par ordonnance du 3 juin 2022, le Juge de la mise en état a rejeté la demande de Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] tendant à la désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter [X] [H] [M].

Par conclusions en réponse et récapitulatives signifiées le 14 avril 2023, Madame [Z] [Y] ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M] au tribunal de :

« Vu l’article 74 du Code de procédure civile,
Vu les articles 815, 840, 840-1, 843, 860, 895 et 896 du Code civil,
Vu les articles 1361 à 1366 du Code de procédure civile,

- DECLARER irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par Madame [G] [H] Veuve [M],

Subsidiairement :

- L’en DECLARER mal fondée,

- DEBOUTER Madame [G] [H] Veuve [M] de sa demande d’application de la loi portugaise au présent litige sur les immeubles,

- DECLARER Madame [N] [Y], ès-qualité, de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M], recevable et bien fondée en sa demande et, y faisant droit :

- ORDONNER le partage judiciaire unique des successions de [P] [E] [M] et de [A] [H] [M].

- DESIGNER Maitre [R] [W], Notaire sis à [Adresse 16] pour y procéder.

- DIRE que les parties devront remettre au Notaire commis toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission.

- COMMETTTRE tout juge du Tribunal pour surveiller ces opérations.

- DIRE que le Notaire commis devra s’adjoindre, afin d’évaluer la valeur des biens immobiliers au Portugal, un Expert choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis.

- DEBOUTER Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] de toutes demandes, fins et conclusions contraires.

- LA CONDAMNER au règlement d’une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

- ORDONNER l’emploi des dépens en frais principaux de partage.

- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions ».

Elle soutient qu’aucune issue amiable ne peut intervenir, compte tenu de la position de Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] qui fait obstacle au règlement des deux successions de son époux et son fils. Elle souligne que cette situation est dommageable aux intérêts de [X] [H] [M].

Elle fait valoir que les documents transmis au notaire le 13 octobre 2017 par Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] ne permettent pas de déterminer la valeur vénale actuelle des biens situés au Portugal, précisant qu’ils ne comportent que la valeur fiscale et non la valeur vénale des immeubles situés au Portugal. Elle ajoute que ces documents sont anciens et rédigés en portugais, et que la défenderesse n’a pas fourni les titres de propriété. Elle soutient que le véhicule Renault Clio immatriculé [Immatriculation 20] a toujours été la propriété de Monsieur [A] [H] [M] et n’avoir jamais eu la jouissance du véhicule Renault immatriculé [Immatriculation 15].

S’agissant des frais d’inhumation concernant son époux, pour un montant de 5.585 euros figurant au passif de la succession, elle fait valoir que la facture des frais funéraires produite par la défenderesse concerne Monsieur [A] [H] [M] et non Monsieur [P] [E] [M].

Elle soutient que l’usufruit doit être valorisé à 40%, compte tenu de l’âge de Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] au moment du décès de Monsieur [P] [E] [M].

Elle expose qu’elle n’est pas débitrice de la succession de Monsieur [A] [H] [M], indiquant que les deux prêts relatifs à la construction du bien immobilier à [Localité 21] ont été remboursés.

Elle estime qu’il appartient au notaire en charge du partage de déterminer l’actif de la succession de Monsieur [A] [H] [M] et d’établir un compte d’administration

Elle souligne que les deux successions dépendent l’une de l’autre notamment au sujet des biens immobiliers, que sa fille [X] [H] [M] est indivisaire dans la succession de son grand-père par représentation de son père et qu’elle est héritière directe dans celle de son père. Elle ajoute que la mésentente entre les parties rend nécessaire le partage unique des deux successions.

Elle expose que la demande de déclaration d’incompétence de la juridiction ne peut aboutir car elle a été soulevée tardivement. Elle soutient que la loi française est applicable au litige, en application de l’article 4 du règlement UE du 4 juillet 2012, les deux défunts ayant eu leur résidence habituelle en France.

Par conclusions reconventionnelles en défense n°6 notifiées par RPVA le 30 janvier 2023, Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] demande au tribunal de :

« Vu les articles 14 du Code civil et 45 du Code de procédure civile,
Vu les articles 130, 1353, 3 alinéa 2 du Code civil,
Vu les articles 840, 815-8 et suivants, 840-1 du Code civil,
Vu les articles 25, 35, 62 du Code civil portugais,

Déclarer irrecevable l’action introduite par Madame [N] [Y] en ce qu’elle sollicite le partage de biens immobiliers sis à [Localité 26] au Portugal et dépendant de la succession de Monsieur [P] [E] [M]

Pour le surplus,

Reconnaître la compétence internationale du tribunal judiciaire de Versailles et la compétence internationale de la loi successorale française pour régler la succession de Monsieur [P] [E] [M], pour le bien immobilier sis [Adresse 7] à [Localité 21] et les avoirs mobiliers au nom de Monsieur [P] [E] [M].

Renvoyer les parties devant Maître [R] [W], notaire à [Localité 21], pour procéder au règlement des successions de Messieurs [P] [E] [M] et [A], [O] [H] [M],

Et sauf à parfaire en cas de prononcé de la révocation de la donation en date du 28/10/2010,

1) Sur la succession de M. [P] [E] [M],

Dire et juger que l’actif de succession est composé de :

- ½ d’un pavillon d’habitation sis [Adresse 7] à [Localité 21], 13- ½ du solde d’un compte épargne dépendant de la communauté dont le solde était de 0 € au jour du décès,
- ½ de deux pavillons d’habitation sis à [Localité 26] au Portugal :
- l’un évalué à 26 951 € par les services fiscaux et à 87 000 € par agence,
- l’autre à 40 700 € par les services fiscaux et à 130 000 € par agence,
- ½ du solde d’un compte bancaire relevant de la communauté, détenu par la [17] au PORTUGAL, dont le solde était de 20 000 € au jour du décès,
- ½ de la valeur d’un véhicule Renault Clio immatriculé [Immatriculation 15], mentionné pour mémoire.

Établir un compte d’administration en faveur de Mme [G] [H] Veuve [M] à la succession de son mari (frais d’inhumation)

Dire et juger que les droits à usufruit de Mme [G] [H] Veuve [M] sont à évaluer à 50 %, compte tenu de son âge au jour du décès de son époux.

2) Sur la succession de [A], [O], [H] [M],

Dire et juger que l’actif de succession est composé de :

- Solde des comptes bancaires ouverts au jour du décès au nom de M. [A] [H] [M], au sujet desquels le notaire en charge de la succession se verra conféré tout pouvoir pour interroger FICOBA et les établissements bancaires teneurs des comptes pour obtenir les relevés bancaires de M. [A] [H] [M] au 23/12/2016, date de son décès ;
- ½ du solde du compte joint ouvert au nom de M. [A] [H] [M] et Mme [Y], n° [XXXXXXXXXX012], tenu au [19] au jour du décès,

- Ordonner y avoir lieu à établir un compte d’administration au nom d’[N] [Y], pour les 17,4 % de différentiel de financement de la construction sise au [Adresse 8], par rapport aux 50 % de sa charge des emprunts communs,

- Ordonner que soit ajouté à ce compte d’administration sa dette de contribution au remboursement des quatre emprunts souscrits en commun avec M. [A] [H] [M],

- Ordonner l’inscription à l’actif de la succession du véhicule Renault immatriculé [Immatriculation 15] et conférer au notaire en charge de la succession tout pouvoir pour se faire communiquer la date de la cession auprès de la préfecture et le prix de ladite cession, au besoin au moyen d’une réquisition sur les comptes bancaires de Mme [Y] au jour de la cession ;

- Etablir un compte d’administration en faveur de Mme [G] [H] veuve [M] (frais d’inhumation, impôt foncier notamment)

Débouter Madame [Z] [Y] du surplus de ses demandes,

Dire que chaque partie conservera la charge des frais qu'elle a engagés pour assurer la défense de ses intérêts ».

Elle soutient que la juridiction française est incompétente pour ordonner le partage sur les biens immobiliers situés au Portugal.

Elle expose qu’il faut appliquer la loi française aux biens situés en France et la loi portugaise pour les biens situés au Portugal, conformément aux règles de conflit de lois internationales antérieures au règlement européen sur les successions n°650/2021.

Elle précise avoir communiqué des évaluations des deux biens immobiliers situés au Portugal, indiquant que le premier bien est évalué à 87.000 euros et le second bien à 130.000 euros. Elle indique qu’il existe un compte bancaire au Portugal comportant 20.000 euros. Elle affirme être pour moitié propriétaire du véhicule Renault Clio et qu’elle en avait laissé la jouissance à Madame [Z] [Y]. Elle soutient quecette dernière a également eu la jouissance du véhicule Renault immatriculé [Immatriculation 15] et qu’elle l’a vraisemblablement revendu.

Elle expose avoir financé seule les frais d’inhumation de son époux et que ces frais devront en conséquence être intégrés dans les comptes d’administration comme un élément de passif successoral.

Elle fait valoir que, conformément à l’article 840-1 du code civil, la demande de Madame [Z] [Y] de partage unique des successions des défunts ne peut aboutir pour défaut d’identité des personnes indivisaires de chaque succession, précisant ne pas être indivisaire à la succession de son fils Monsieur [A] [H] [M].

Elle estime que Madame [Z] [Y] est débitrice de la succession de Monsieur [A] [H] [M], puisqu’elle n’a remboursé que 7.602,86 euros sur les deux crédits immobiliers, avant que l’assurance de ce dernier ne prenne en charge l’intégralité des prêts.

Elle souligne qu’il existe deux autres crédits remboursés mensuellement par les concubins et dont les remboursements ont cessé au décès de Monsieur [A] [H] [M]. Elle soutient que Madame [Z] [Y] devra justifier de ces derniers, en vue de déterminer le montant de sa dette vis-à-vis de la succession de Monsieur [A] [H] [M].

Elle estime qu’il y a lieu d’établir un compte d’administration à son profit tenant compte de sa créance sur la succession de son fils, précisant qu’elle a notamment réglé les frais d’inhumation de ce dernier à hauteur de 5.885 euros.

Le tribunal renvoie expressément aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 avril 2023.

L’affaire, appelée à l’audience du 1erfévrier 2024, a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de relever que la demande jonction n’est pas justifiée, étant précisé que par ordonnance en date du 14 janvier 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de jonction qui avait déjà été présentée.

Sur la recevabilité de l’action engagée par Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M] et sur la loi applicable

* Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] demande que soit déclarée irrecevable l’action introduite par Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M] en ce qu’elle sollicite le partage des biens immobiliers situés au Portugal et dépendant de la succession de Monsieur [P] [E] [M].
Madame [Z] [Y] ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M] conclut à l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M].

L’article 74 alinéa 1 du code de procédure civile dispose : « Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public. »

En l’espèce, Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] n’a soulevé l’incompétence du présent tribunal qu’au terme de ses conclusions numéro 6, après avoir conclu au fond. Sa demande doit donc être déclarée irrecevable.

*S’agissant de la loi applicable, il est constant que dépendent de la succession de Monsieur [P] [E] [M] des biens immobiliers situés en France et au Portugal.

Monsieur [P] [E] [M] est décédé le le [Date décès 4] 2013 et Monsieur [A] [H] [M] est décédé le [Date décès 6] 2016.

Il doit être rappelé que pour les successions ouvertes avant le 17 août 2015, on distingue les biens mobiliers qui relèvent de la loi de l’Etat du dernier domicile du défunt et les biens immobiliers qui dépendent de la loi de l’Etat du lieu de situation de l’immeuble.

S’agissant de la succession de Monsieur [P] [E] [M], qui est décédé avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015, il convient donc de dire que la loi française s’applique s’agissant des biens mobiliers et du bien immobilier situé en France, le domicile du défunt étant fixé en France et la loi portugaise doit être appliquée s’agissant du bien immobilier situé au Portugal.

Monsieur [A] [H] [M], est de nationalité française ; la loi française s’applique à sa succession.

Sur la demande de partage unique des successions de Monsieur [P] [E] [M] et Monsieur [A] [H] [M]

L’article 840 du code civil dispose : « Le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.

L’article 840-1 du même code précise : « Lorsque plusieurs indivisions existent exclusivement entre les mêmes personnes, qu’elles portent sur les mêmes biens ou sur des biens différents, un partage unique peut intervenir. »

En l’espèce, il doit être relevé que Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] et Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M] sont en indivision en suite du décès de Monsieur [P] [E] [M].
Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] n’est pas héritière de son fils Monsieur [A] [H] [M]. Madame [Z] [Y], en sa qualité de concubine de Monsieur [A] [H] [M], n’a pas la qualité d’héritière dans la succession de ce dernier. Seule [X] [H] [M] a la qualité d’héritière de son père, Monsieur [A] [H] [M].

Il résulte de ces éléments que les indivisions en suite des décès de Monsieur [P] [E] [M] et Monsieur [A] [H] [M] ne concernent pas les mêmes personnes, puisqu’elles concernent d’une part Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] et [X] [H] [M] s’agissant de l’une, et uniquement [X] [H] [M] s’agissant de l’autre. En conséquence de quoi, le partage unique des successions de Monsieur [P] [E] [M] et Monsieur [A] [H] [M] ne peut être ordonné.

La demande de Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M] sera donc rejetée.

Sur la demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision relative au décès de Monsieur [P] [E] [M] d’une part et au décès de Monsieur [A] [H] [M] d’autre part

Au terme de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention.

Il existe entre Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M], d’une part, et Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M], d’autre part, une indivision portant sur la succession de Monsieur [P] [E] [M] .

Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M] et Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] ont manifesté leur intention de sortir de l’indivision, il convient d’accueillir la demande et de désigner en application de l’article 1364 du code de procédure civile Maître [W], notaire à [Localité 21], pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre eux.

Par ailleurs, il convient d’ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Monsieur [A] [H] [M] et de désigner pour y procéder Maître [W], notaire à [Localité 21], étant précisé que le partage de la succession de Monsieur [P] [E] [M] est un préalable indispensable au règlement de la succession de Monsieur [A] [H] [M].

Pour le surplus, il sera rappelé aux parties qu’il n’appartient pas au tribunal de faire le compte de la liquidation ni de procéder au partage lui-même, mais de statuer sur les difficultés qui existeraient entre elles quant à la liquidation de l’indivision.

En effet, aux termes de l’article 1368 du code de procédure civile, le notaire a compétence pour estimer les biens, au besoin en s’adjoignant un expert conformément à l’article 1365 alinéa 3 du code de procédure civile, et dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, avec la possibilité de saisir le juge commis en cas de difficultés, ainsi qu’en dispose l’article 1365 alinéa 2.

Conformément aux dispositions de l’article 1365 alinéa 1 du code de procédure civile, le notaire pourra demander la production de tout document utile à l’accomplissement de sa mission.

Ainsi, chacune des parties devra notamment produire au notaire les relevés bancaires de ses propres comptes personnels et justifier, par tout document, des dépenses supportées personnellement dans l’intérêt de l’indivision, afin que le notaire puisse établir les comptes entre indivisaires.

Parallèlement, le notaire pourra se faire communiquer tous renseignements bancaires concernant les parties directement auprès des établissements concernés, des fichiers FICOBA ou AGIRA sans que le secret professionnel puisse lui être opposé.

Il convient de rappeler que s’agissant des comptes d’administration de l’indivision, les sommes exposées par les coïndivisaires pour le compte de celle-ci ou qui lui sont dues donnent lieu à la fixation de créances qui seront intégrées à l’actif ou au passif de la masse à partager mais non à une condamnation à paiement au profit d’un coïndivisaire à l’encontre d’un autre coïndivisaire.

Toutefois, seules les dépenses faites pour la préservation ou l’amélioration des biens indivis et liées au droit de propriété lui-même peuvent donner lieu à une créance sur l’indivision, à l’exclusion de l’ensemble des dépenses liées à l’usage personnel fait par un indivisaire desdits biens, telles notamment les dépenses liées à la consommation d’eau ou d’électricité, qui ne sauraient donner lieu à une indemnisation sur le fondement de l’article 815-13 du code civil.

Le tribunal ne se prononcera en conséquence qu’en cas de désaccords persistants entre les parties.

Sur les autres demandes

Compte tenu du sens du présent jugement, il convient d’ordonner l’exécution provisire compatible avec la nature de l’affaire.

Compte tenu des circonstances de la cause, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacun d’eux les frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe conformément à l’avis donné à l’issue de l’audience des plaidoiries,

Rejette la demande de jonction des procédures RG n°18-1283 et RG n°18-2714,

Déclare recevable l’action introduite par Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M],

Rappelle que la loi française s’applique s’agissant du règlement des biens mobiliers et du bien immobilier situé en France dépendant de la succession de Monsieur [P] [E] [M], et que la loi portugaise est applicable s’agissant du bien immobilier situé au Portugal,

Déboute Madame [Z] [Y], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [X] [H] [M] de sa demande tendant à voir ordonner le partage judiciaire unique des successions de [P] [E] [M] et de [A] [H] [M],

Ordonne l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre Madame [L] [F] [G] [H] veuve [M] d'une part et [X] [H] [M] représentée par Madame [Z] [Y] en sa qualité de représentant légale, en suite du décès de Monsieur [P] [E] [M] survenu le [Date décès 4] 2013,

Ordonne l’ouverture des opérations de compte, liquidation en suite du décès de Monsieur [A] [M] survenu le [Date décès 6] 2016,

Désigne pour procéder à ces deux opérations de compte, liquidation et partage :

Maître [W], Notaire (SAS [18])
[Adresse 3]
[Localité 21]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 23]

Dit qu’il appartiendra au notaire chargé des opérations de liquidation de l’indivision d’établir le compte d’administration du ou des biens jusqu’au partage et de déterminer les créances éventuelles de chaque indivisaire au vu des justificatifs qui lui seront remis par les parties

Dit que le notaire :
- pourra se faire communiquer tous renseignements bancaires concernant les parties directement auprès des établissements concernés, des fichiers FICOBA ou AGIRA sans que le secret professionnel puisse lui être opposé,
- pourra s’adjoindre un expert dans les conditions prévues par l’article 1365 du code de procédure civile, aux frais préalablement avancés par les parties dans le délai d’un mois à compter de la demande qui leur en sera adressée par le notaire ;

Désigne le président de la première chambre du tribunal judiciaire de Versailles ou tout juge de la première chambre pour surveiller les opérations de liquidation partage

Dit qu’en cas d’empêchement du magistrat ou du notaire commis il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur requête de la partie la plus diligente

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 MARS 2024 par Madame DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18/02714
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;18.02714 ?
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