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26/03/2024 | FRANCE | N°18/01283

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Première chambre, 26 mars 2024, 18/01283


Minute n°





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
26 MARS 2024


N° RG 18/01283 - N° Portalis DB22-W-B7C-N2FC
Code NAC : 28A

DEMANDERESSE :

Madame [N], [O] [P], agissant en qualité de tutrice légale de sa fille mineure, [A] [L] [T]
née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 17] (92)
demeurant [Adresse 11]
[Localité 10]
représentée par Me Martina BOUCHE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et Me Jean PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


DEFENDERESS

E :

Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 14] (PORTUGAL)
demeurant [Adresse 5]
[Localité 12]...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
26 MARS 2024

N° RG 18/01283 - N° Portalis DB22-W-B7C-N2FC
Code NAC : 28A

DEMANDERESSE :

Madame [N], [O] [P], agissant en qualité de tutrice légale de sa fille mineure, [A] [L] [T]
née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 17] (92)
demeurant [Adresse 11]
[Localité 10]
représentée par Me Martina BOUCHE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et Me Jean PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 14] (PORTUGAL)
demeurant [Adresse 5]
[Localité 12]
représentée par Me Eloïse FOLLIAS, avocat au barreau de VERSAILLES

ACTE INITIAL du 13 Février 2018 reçu au greffe le 26 Février 2018.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 01 Février 2024 Madame DURIGON, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 26 Mars 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [V] [B] [L] et Monsieur [Z] [R] [T] ont contracté mariage devant l’officier d’état civil de [Localité 14] (Portugal) le [Date mariage 8] 1968, sous le régime de la communauté d’acquêts portugaise.

De leur union est issu un enfant, [J] [L] [T] né le [Date naissance 7] 1969 à [Localité 15].

Par acte notarié du 11 juin 2004, les époux [T] se sont consentis une donation entre époux.

Monsieur [J] [L] [T] a vécu en concubinage avec Madame [N] [P] à compter de juillet 2001. De leur union, est issu un enfant, [A] [L] [T], née le [Date naissance 9] 2006 à [Localité 16] (78).

Par acte authentique en date du 28 octobre 2010 reçu par Maître [S] [I], notaire à [Localité 12] (78), Monsieur [Z] [R] [T] et Madame [K] [V] [B] [L] épouse [T] ont donné à leur fils Monsieur [J] [L] [T] la pleine propriété d’un terrain, situé au [Adresse 6] à [Localité 12], issu de la division d’un terrain leur appartenant.

Cet acte comportait une clause d’inaliénabilité au terme d’un article intitulé “INTERDICTION D’ALIENER ET D’HYPOTHEQUER ”, ainsi qu’une clause de retour conventionnel.

Monsieur [J] [L] [T] et Madame [N] [P] ont fait édifier un immeuble d’habitation sur le terrain donné par les époux [T]. Le financement de ce dernier a été assuré au moyen de deux crédits souscrits par les concubins.

Monsieur [Z] [R] [T] est décédé le [Date décès 2] 2013.

La déclaration de succession de Monsieur [Z] [R] [T] a été établie le 8 janvier 2014 par Maître [I].

Une attestation de propriété immobilière, suite au décès de Monsieur [Z] [R] [T], a été établie le 13 février 2014. Il en ressort que Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] avait opté pour ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit des biens de son défunt mari.

Monsieur [J] [L] [T] est décédé le [Date décès 4] 2016.

Par exploit d’huissier en date du 13 février 2018, Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T], a fait assigner Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] devant le tribunal de grande instance de Versailles afin notamment d’obtenir du tribunal qu’il dise la clause de retour conventionnel et d’inaliénabilité contenue dans l’acte de donation dépourvue d’effets.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 18/1283.

Reprochant à Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] de faire obstacle au règlement des successions de Messieurs [Z] [R] [T] et [J] [L] [T], Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille mineure [A] [L] [T], a, par exploit d’huissier signifié le 18 avril 2018, fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance de Versailles afin d’obtenir le partage judiciaire unique desdites successions.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 18/2714.

Par ordonnance en date du 14 janvier 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de jonction et invité les parties à conclure sur la désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter [A] [L] [T].

Par ordonnance du 3 juin 2022, le Juge de la mise en état a rejeté la demande de Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] de désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter [A] [L] [T].

Par conclusions en réponse et récapitulatives IV signifiées par RPVA le 18 novembre 2022, Madame [N] [P] au tribunal de :

« Vu les articles 408 al 2, 504, 900, 900-1 à 8 et 1131 du Code civil,
- DECLARER Madame [O] [P], ès-qualités, de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] recevable et bien fondée en sa demande et, y faisant droit :

A TITRE PRINCIPAL :

- DECLARER les clauses de droit au retour conventionnel et d'inaliénabilité insérées dans la donation dépourvues d’effet.

A TITRE SUBSIDIAIRE

- DECLARER nulle la clause d’inaliénabilité figurant dans la donation du 28.10.2010.

- CONSTATER sinon la disparition de l’intérêt sérieux et légitime à l’origine de la clause d’inaliénabilité.

- CONSTATER en tout état de cause la présence d’intérêt plus important au profit de [A] [L] [T].

EN CONSEQUENCE

- PRONONCER la mainlevée de la prohibition d’aliéner contenue dans la donation du 28 octobre 2010.

- AUTORISER Madame [O] [P] à vendre le bien immobilier objet de la donation sis [Adresse 6] à [Localité 12].

- CONDAMNER Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] au règlement d’une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

- LA DEBOUTER de toutes demandes, fins et conclusions contraires.

- LA CONDAMNER enfin aux entiers dépens dans les conditions de l’article 699 du CPC.

- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses Dispositions ».

Elle expose que les clauses de droit au retour conventionnel et d’inaliénabilité insérées dans l’acte de donation sont dénuées d’effet. Elle souligne que la cause de ces clauses était le décès sans enfant du donataire avant les donateurs. Elle soutient que cette cause n’a jamais existé puisque lors de la signature de la donation Monsieur [J] [L] [T] était déjà père de [A] [L] [T] et il est décédé avant son père et non avant ses deux parents.

Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] sollicite que les clauses de droit au retour conventionnel et d’inaliénabilité insérées dans la donation soient déclarées non écrites et dépourvues d’effet en application de l’article 1131 du code civil. A cet égard, elle précise que la cause de cette disposition est le décès sans enfant du donataire avant les donateurs. Or, elle précise que cette cause n’a jamais existé. Elle indique que la clause d’inaliénabilité insérée en raison d’un droit au retour dépourvu de cause se trouve elle-même privée d’effet. Elle expose qu’au moment de la donation, Monsieur [J] [L] [T] était déjà le père de [A] née le [Date naissance 9] 2006 de sorte que la clause d’inaliénabilité était dépourvue d’intérêt sérieux et légitime. Cette clause était nulle en application de l’article 900-1 du code civil, selon elle.

Si l’intérêt sérieux et légitime était considéré comme ayant existé au moment de la donation, elle demande qu’il soit jugé qu’il a disparu depuis, l’un des donataires étant décédé depuis et le donataire décédé étant père d’un enfant.

Enfin, elle fait état de ce qu’il est nécessaire de vendre ce bien immobilier pour que les droits de succession puissent être réglés. Elle demande donc la levée de l’interdiction d’aliéner en application de l’article 900-1 du code civil.

Elle conclut au débouté de la demande de révocation de la donation formée par Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T].

Par conclusions reconventionnelles en défense n°6 notifiées par RPVA le 30 janvier 2023, Madame [K] [V] [B] [L]demande au tribunal de :

« Vu l’article 1353 du Code civil,
Vu l’article 951 du Code civil,
Vu l’article 900-1 du Code civil,
Vu les articles 900-4 et 5 du Code civil,
Vu l’article 9 du Code de procédure civile,

Dire et juger que les clauses d’interdiction d’aliéner et d’hypothéquer, ainsi que de retour conventionnel stipulée dans l’acte de donation du 28/10/2010 satisfont aux conditions prévues aux articles 900-1 et 951 du Code civil,

Débouter en conséquence, Madame [P] de ses demandes tendant à les voir déclarer nulles ou dépourvues d’effet,

Dire et juger que la demande de main-levée et d’interdiction d’aliéner présentée par Madame [P] s’analyse en une demande de révision de charges de la donation qui sera déclarée irrecevable au visa des articles 900-4 et 900-5 du Code civil et non fondée faute de justification,

Accueillant Madame [B] [L] veuve [T] en sa demande reconventionnelle,

Ordonner la révocation de la donation du 28/10/2010 par Monsieur [T] [Z] né à [Localité 14] (Portugal) le 19/08/1944 et Madame [K] [V] [L] née à [Localité 14] (Portugal) le 10/12/1948 à Monsieur [J] [M] [L] [T] né à [Localité 15] paroisse de [Localité 18] le 30/11/1969, portant sur un terrain sis [Adresse 6] à [Localité 12], cadastré section AP n° [Cadastre 13] pour une contenance de 0 ha 3 a 0 ca en raison de la violation de la clause d’interdiction d’hypothéquer l’immeuble donné ;

Ordonner la jonction de la présente instance avec la procédure n° RG 18/02714

Condamner Madame [P] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Eloïse FOLLIAS, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ».

Elle expose que la clause d’inaliénabilité insérée dans l’acte de donation est conforme aux exigences posées par l’article 900-1 du code civil. Elle indique que l’intérêt relatif à l’insertion d’une clause d’inaliénabilité dans un acte de donation s’apprécie au jour de sa stipulation et non au jour où le donataire entend disposer du bien. Elle soutient que la clause d’interdiction d’aliéner est expressément formulée « au regard des conditions de la donation » sans qu’aucune référence limitative soit faite au seul droit de retour. Elle souligne qu’elle est insérée dans cet acte de donation au regard de l’ensemble de ses stipulations mais aussi des conditions de la donation.
Elle ajoute que la clause relative à un droit de retour conventionnel au donateur n’est pas soumise à l’existence d’un intérêt sérieux et légitime et qu’elle est conforme à l’article 951 du code civil.

Elle soutient que la clause d’interdiction d’aliéner et d’hypothéquer est parfaitement causée et valable à la date de la signature de l’acte de donation. Elle ajoute qu’elle est rédigée de façon conforme à l’intérêt des donateurs et a été acceptée sans réserve par le donataire.

Elle affirme que Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] ne démontre pas que la clause d’interdiction d’aliéner n’est pas la cause impulsive et déterminante de la donation, en ce que les donateurs ne se départissent pas de leur droit de retour conventionnel en plaçant le bien hors commerce et en s’assurant la proximité de résidence de leur descendance pour des raisons affectives et familiales.

Elle soutient que la demande de mainlevée devrait s’analyser en une révision de charge et précise que cette action ne peut être introduite moins de dix ans après le décès du donateur. Elle souligne que l’assignation a été délivrée avant l’expiration de ce délai, Monsieur [Z] [R] [T] étant décédé le [Date décès 2] 2013, ce qui a pour effet de rendre la demande irrecevable.

Elle expose que la demanderesse ne rapporte pas la preuve que, par suite d’un changement de circonstance, l’exécution de la charge est devenue extrêmement difficile ou sérieusement dommageable pour la personne gratifiée ou ses successibles. Elle souligne que [A] [L] [T] se retrouve, suite au décès de son père, propriétaire d’un immeuble d’habitation avec des frais restreints. Elle ajoute que Madame [N] [P] ne démontre pas son impécuniosité. Elle déclare que les frais de logement supplémentaires occasionnés par sa mutation sont les conséquences de ses propres choix et ne peuvent être considérés comme une cause de mainlevée de la clause d’interdiction d’aliéner.

Elle ajoute que [A] [L] [T] va bénéficier de la succession de son père, dont des fonds sont séquestrés entre les mains d’un notaire. Elle ajoute que l’immeuble d’habitation situé à [Localité 12] pourrait être mis en location au profit de [A] [L] [T] afin de lui procurer des revenus, ce lui permettrait de régler les droits de succession et serait plus avantageux que la vente du bien.

Elle soutient par ailleurs que la donation doit être révoquée au motif que Monsieur [J] [L] [T] n’a pas respecté la clause d’interdiction d’aliéner et d’hypothéquer prévue dans l’acte de donation. Elle estime qu’une hypothèque a été inscrite sur le bien dans sa totalité en garantie du crédit souscrit pour le financement de l’immeuble d’habitation.
Enfin, elle considère que les deux instances doivent être jointes, compte tenu de l’incidence de la demande de révocation de la donation sur le règlement des successions, objet de la procédure distincte pendante.

Le tribunal renvoie expressément aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 avril 2023.

L’affaire, appelée à l’audience du 1er février 2024, a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de relever que la demande de jonction n’est pas justifiée, étant précisé que par ordonnance en date du 14 janvier 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de jonction qui avait déjà été présentée.

Sur la demande principale de Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T]

Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] demande que les clauses d’inaliénabilité et de droit au retour conventionnel soient jugées non écrites.

L’article 1131 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que l’obligation sans cause ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

En l’espèce, il est constant que par acte authentique du 28 octobre 2010, Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] et Monsieur [Z] [R] [T] ont donné à Monsieur [J] [L] [T] la pleine propriété du bien situé à [Adresse 6], cette donation comportant les clauses suivantes :

« RESERVE DU DROIT DE RETOUR CONVENTIONNEL
Les DONATEURS font réserve expresse du droit de retour conventionnel, chacun à leur profit, en ce qui les concerne, sur les biens par eux donnés pour le cas où le DONATAIRE viendrait à décéder avant les DONATEURS, sans enfants, comme aussi dans le cas où les enfants qu’il laisserait décéderaient eux-mêmes sans postérité avant les DONATEURS. Il est ici précisé qu’il n’y aura pas de différence à faire selon que la filiation des descendants sera légitime, adoptive ou naturelle.

INTERDICTION D’ALIENER ET D’HYPOTHEQUER

En raison des conditions de la donation, les DONATEURS interdisent formellement au DONATAIRE d’aliéner et d’hypothéquer l’immeuble donné durant la vie des DONATEURS, et ce à peine de nullité des aliénations ou hypothèques et de révocation de la présente donation. »

Il résulte de la lecture de l’acte de donation que la cause de la disposition de la réserve du droit de retour conventionnel est le décès du donataire sans enfant mais également le cas où les enfants que laisserait le donataire décéderaient eux-mêmes sans postérité avant les donateurs.
En conséquence de quoi, la clause de droit au retour n’est pas justifiée par le seul fait que le donataire n’ait pas d’enfant mais également par le fait que les enfants du donataire décéderaient sans postérité.
En conséquence de quoi, le fait que Monsieur [J] [L] [T] ait été le père de [A] qui était déjà née lors de la signature de l’acte de donation n’a pas pour effet de rendre le droit au retour tel que prévu dans l’acte de donation dépourvue de cause. Par suite, l’interdiction d’aliéner n’est par voie de conséquence pas dépourvue de cause.

Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] sera donc déboutée de sa demande principale.

Sur la demande reconventionnelle de révocation de la donation

Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] demande la révocation de la donation en raison du fait que le donataire n’a pas respecté les obligations contractuellement acceptées par lui et devant lui incomber. Elle soutient que Monsieur [J] [L] [T] n’a pas respecté la clause d’interdiction d’aliéner et d’hypothéquer l’immeuble donné. Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] fait valoir que l’offre de prêt produite aux débats ne fait mention que d’une « promesse d’affectation hypothécaire » et qu’ en tout état de cause le prêt a été remboursé.

Il ressort des débats qu’aux termes de l’offre de prêt consentie à Monsieur [J] [L] [T] et Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] une « promesse d’affectation hypothécaire » est prévue s’agissant de l’exécution du contrat et au terme de laquelle il est prévu : « L’emprunteur s’engage vis-à-vis du prêteur et à première demande de celui-ci, à lui consentir une hypothèque en 1er rang et sans concurrence, sur tout ou partie de ses immeubles et notamment sur le bien immobilier objet du Présent prêt, et ce en garantie du remboursement du crédit consenti. »
Cette promesse d’affectation hypothécaire était une sûreté réelle qui du fait du remboursement du prêt par les emprunteurs est devenue sans effet et a pris fin automatiquement un an après le remboursement du crédit. Il ne ressort donc pas des débats que Monsieur [J] [L] [T] n’a pas respecté les obligations découlant de l’acte de donation.

Il résulte ainsi de ces éléments qu’à ce jour, la demande de Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] n’est pas justifiée et elle sera donc déboutée de sa demande de révocation de la donation.

Sur la demande mainlevée de l’interdiction d’aliéner contenue dans l’acte de donation du 28 octobre 2010

Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] estime que la clause d’inaliénabilité est nulle dans la mesure où elle était dépourvue d’intérêt sérieux et légitime au moment de la donation, Monsieur [J] [L] [T] étant déjà père d’un enfant.
Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] fait valoir que l’intérêt de cette clause est sérieux et légitime dans la mesure où le bien donné à son fils défunt a été édifié sur une partie du terrain dont elle était propriétaire avec Monsieur [Z] [R] [T], ces derniers étant eux-mêmes propriétaires de l’autre moitié du terrain sur laquelle était édifiée leur maison d’habitation.

L’article 900-1 du code civil dispose que les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige.

Il est de principe que c’est à celui qui se prévaut d’une clause d’inaliénabilité de justifier de l’intérêt sérieux et légitime allégué.

Il doit être relevé que Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] ne fonde pas sa demande sur l’article 900-2 du code civil, il ne s’agit pas d’une demande en révision des conditions et charges de la donation.

L’article 951 du code civil dispose : « Le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets donnés, soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants.
Ce droit ne pourra être stipulé qu’au profit du donateur seul. »

Il ressort de la lecture de l’acte de donation et des débats que l’insertion de la clause d’inaliénabilité litigieuse est liée à la volonté des donateurs que le bien donné soit transmis exclusivement à leurs descendants en ligne directe.
L’intérêt sérieux et légitime, au vu de la rédaction de ladite clause telle que rappelée au terme des développements précédents, apparaît donc justifié au moment de la donation et cet intérêt n’a pas disparu à ce jour, Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] étant toujours en vie, tout comme [A]. 

Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] expose que le bien immobilier donné à Monsieur [J] [L] [T] dont sa fille a hérité, doit être vendu pour permettre de payer les droits de succession de ce dernier, ce à quoi s’oppose Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T].

Il doit être relevé qu’il ressort des débats que le bien immobilier litigieux n’est plus habité par Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] et sa fille, suite à la mutation professionnelle de Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T].
Par ailleurs, il n’est pas contesté que les droits de succession de Monsieur [J] [L] [T] n’ont pas été payés, alors même que ce dernier est décédé le [Date décès 4] 2016, il y a plus de sept ans.

Il ressort de ces éléments que Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] caractérise ainsi l’existence d’un intérêt plus important que celui de conserver le bien immobilier litigieux dans la lignée familiale justifiant que le donataire soit judiciairement autorisé à disposer du bien. A cet égard il y a lieu de relever qu’en tout état de cause le bien litigieux demeure dans la lignée familiale puisqu’il revient à [A].

Il sera donc fait droit à la demande de Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] tendant à voir prononcer la mainlevée de l’interdiction d’aliéner contenue dans l’acte de donation du 28 octobre 2010.
Il n’appartient pas au tribunal d’autoriser Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] à vendre le bien immobilier objet de la donation situé [Adresse 6] à [Localité 12] (78), demande qui au surplus n’est pas fondée juridiquement. Sa demande sera déclarée irrecevable.

Sur les autres demandes

Compte tenu de l'ancienneté du litige, il convient de l’assortir de l'exécution provisoire qui est par ailleurs compatible avec la nature de l'affaire.

Les circonstances d’équité tendent à justifier de condamner Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] à payer à Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] qui succombe sera condamnée à payer les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Rejette la demande de jonction des dossiers 18-1283 et 18-2714,

Déboute Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] de sa demande principale,

Déboute Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] de sa demande reconventionnelle,

Prononce la main-levée de la prohibition d’aliéner contenue dans l’acte de donation du 28 octobre 2010,

Déclare irrecevable la demande de Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] tendant à être autorisée à vendre seule le bien immobilier objet de la donation situé [Adresse 6] à [Localité 12] (78),

Condamne Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] à payer à Madame [N] [P], agissant ès qualités de tutrice légale de sa fille [A] [L] [T] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [K] [V] [B] [L] veuve [T] à payer les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 MARS 2024 par Madame DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18/01283
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;18.01283 ?
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