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25/03/2024 | FRANCE | N°22/00890

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 25 mars 2024, 22/00890


Pôle social - N° RG 22/00890 - N° Portalis DB22-W-B7G-QY4M

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [5], anciennement Société [3]
- CPAM DU [Localité 2]
- l’AARPI EDGAR
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE LUNDI 25 MARS 2024



N° RG 22/00890 - N° Portalis DB22-W-B7G-QY4M
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [5], anciennement S.A.S Société [3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
>représentée par Maître Guillaume BREDON de l’AARPI EDGAR, avocats au barreau de PARIS, substituée par Me Faouza CAULET, avocat au barreau de PARIS



DÉFENDEUR :

CP...

Pôle social - N° RG 22/00890 - N° Portalis DB22-W-B7G-QY4M

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [5], anciennement Société [3]
- CPAM DU [Localité 2]
- l’AARPI EDGAR
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE LUNDI 25 MARS 2024

N° RG 22/00890 - N° Portalis DB22-W-B7G-QY4M
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [5], anciennement S.A.S Société [3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Guillaume BREDON de l’AARPI EDGAR, avocats au barreau de PARIS, substituée par Me Faouza CAULET, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEUR :

CPAM DU [Localité 2]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représentée par Mme [S] [A] muni d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Bertille BISSON, Juge Placée statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière
En présence de Madame [D], Greffière stagiaire

DEBATS : A l’audience publique tenue le 01 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 22/00890 - N° Portalis DB22-W-B7G-QY4M

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [F] [P], né le 05 mai 1963, embauché le 01 avril 1990 en tant que cariste par l’anciennement nommée société [3] S.A, devenue société [5] S.A.S, a établi une déclaration d'accident du travail le 24 novembre 2021.

La déclaration faisait état d'un accident survenu le 21 mai 2021 à 05h50 et précisait : « Activité de la victime : Entrain de manipuler le fenwick » « Nature : Malaise sur le fenwick » « Nature des lésions : AVC hémorragique sur le , temporal gauche (sic) ».

Elle était accompagnée d'un certificat médical initial rectificatif daté du 21 mai 2021 et établi par le docteur [W] [T], faisant état d’un “AVC Hémorragique survenu sur les lieux du travail temporal gauche” et prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 09 décembre 2021.

Par courrier daté du 09 décembre 2021, la société [3] S.A S émettait des réserves sur le caractère professionnel de cet accident.

Après enquête et par courrier daté du 23 février 2022, la Caisse primaire d’assurance-maladie (ci-après CPAM ou la caisse) du [Localité 2] a notifié à ladite société la prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de l’accident du travail survenu le 21 mai 2021 à son salarié.

Par courrier reçu le 01 avril 2022 et par l’intermédiaire de son conseil, la société [3] S.A a saisi la commission de recours amiable aux fins de solliciter l’inopposabilité de la décision du 23 février 2022 prenant en charge l’accident du travail survenu à son salarié.

Par lettre recommandée expédiée le 26 juillet 2022, la société [3] S.A a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi le pôle social du Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

À défaut de conciliation entre les parties et après plusieurs renvois pour mise en état, l’affaire a été appelée à l’audience du 01 février 2024, le Tribunal statuant à juge unique, conformément à l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire, après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, la liste des assesseurs du pôle social étant en cours de renouvellement et les anciens mandats expirés.

Lors de cette audience, l’anciennement nommée société [3] S.A, devenue société [5] S.A.S, représentée par son conseil, reprend oralement les termes de ses conclusions, sollicitant du Tribunal de :
- À titre principal : déclarer inopposables à la société la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident ainsi que l'ensemble des soins et arrêts consécutifs dont a bénéficié l'assuré depuis le 21 mai 2021 ;
- À titre subsidiaire : ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire sur pièces au contradictoire du médecin mandaté, le docteur [C] [I].

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que l’assuré a établi lui-même la déclaration d’accident du travail environ six mois après sa survenance, ce qui est de nature à faire naître un doute sérieux sur la réalité de celui-ci, d’autant plus qu’elle ne mentionne aucune date de connaissance par l'employeur.
La société souligne que l'accident litigieux n'a été porté à sa connaissance par la Caisse, qui lui a transmis la déclaration d'accident du travail, que le 15 novembre 2021, en violation de l'article R.441-2 du code de la sécurité sociale. La société a été informée du sinistre et a immédiatement transmis des réserves, relevant l’absence de fait accidentel déclaré par le salarié, qui était en arrêt maladie depuis plus de 6 mois. Elle rajoute n’avoir pas réceptionné le certificat médical initial avant la phase de consultation des pièces de sorte que la caisse n’a pas mené une enquête suffisante pour rechercher les causes du malaise, la privant ainsi de tout moyen de contestation. Sur la matérialité, elle considère que la matérialité du fait accidentel déclarée par l’assuré n’est pas établie, le malaise ne procédant pas d’un fait accidentel soudain. Elle fait valoir que la caisse a pris en charge le sinistre au titre de la législation sur les risques professionnels sur la base des seules allégations de l’assuré dès lors qu’aucun des éléments de fait afférents à ce dossier n’a de valeur probante au regard des exigences sur la démonstration de la matérialité de l’accident. Elle considère qu’il est patent que le travail au sein de la société [3] S.A est étranger à la survenance de la pathologie du salarié, les symptômes présentés par monsieur [P] pouvant intervenir en dehors du temps et lieu de travail, sans aucun lien avec les conditions de travail. En outre, elle considère que le sinistre du 21 mai 2021 a nécessairement une cause étrangère au travail dans la mesure où un “AVC hémorragique” constitue la conséquence d'une lésion (une tension artérielle élevée), pas une lésion en elle-même. Elle rajoute que le salarié n'explique pas la survenance de cet événement, qu’il ne le lie pas au travail et qu’il suivait un traitement pour une pathologie qu'il s'est abstenu de prendre le jour du sinistre.

En défense, la CPAM du [Localité 2], représentée par son mandataire muni d’un pouvoir spécial, reprend oralement les termes de ses conclusions, sollicitant du Tribunal de :
- confirmer la décision de la caisse de prise en charge de l’accident du travail de monsieur [P] du 21 mai 2021 ;
- déclarer opposable la décision de prise en charge de l’accident du 21 mai 2021 à la société [3] S.A ;
- rejeter la demande d’ expertise.

À l’appui de ses prétentions, elle considère avoir diligenté une enquête administrative suffisante et indique avoir adressé des questionnaires au salarié et à l’employeur. Elle considère qu’il existe un événement soudain, un malaise, et que la lésion a été constaté le jour même des faits. Elle rappelle que le malaise, qui a eu lieu sur le lieu de travail au temps du travail, bénéficie de la présomption d’imputabilité, présomption qui ne peut être écartée que si l’employeur rapporte la preuve d’une cause totalement étrangère au travail, ce qu’il ne rapporte pas. Elle estime qu’une expertise n’a pour but que de pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures par application de l’article 455 du code de procédure civile.

À l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire, il convient de rappeler que les rapports entre un assuré et une caisse primaire d’assurance maladie sont indépendants des rapports entre l’employeur de cet assuré et la caisse.

En outre, il convient de rappeler que le tribunal n'est pas tenu de statuer sur les demandes de “constatations” ou de “dire et juger” qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent en réalité des moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la demande principale d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail :

Sur la matérialité du fait accidentel :

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, “Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise”.

L'article L. 411-1 susvisé édicte une présomption d'imputabilité au travail d'un accident survenu au lieu et au temps du travail qui s'applique dans les rapports du salarié victime avec la caisse mais également en cas de litige entre l'employeur et la caisse.

Pour que la présomption d'accident du travail trouve à s'appliquer, il convient cependant que la caisse démontre la matérialité d'un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail. Les déclarations de la victime ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l'accident.

Pour bénéficier de la présomption d'imputabilité instituée par ce texte, le salarié, quelle que soit sa bonne foi et même en l'absence de réserves de l'employeur, doit apporter la preuve des circonstances de temps et de lieu de l’accident, de l'existence d'une lésion, de la survenance d'un accident, d'un lien entre l'accident et le travail et d'un lien entre la lésion et l'accident, à charge pour celui qui en conteste la matérialité et entend ainsi renverser la présomption d’imputabilité édictée par l’article L. 411-1, de rapporter la preuve de la soustraction volontaire du salarié à l’autorité de l’employeur ou de l’origine totalement étrangère au travail de la lésion dont la victime est atteinte.

L'article R.441-2 du Code de la sécurité sociale dispose que : « La déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L. 441-1 doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.
Elle doit être envoyée, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, si elle n'est pas faite à l'employeur ou à son préposé sur le lieu de l'accident ».

En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail établie par l’assuré le 24 novembre 2021 que le fait considéré comme accidentel se serait produit le 21 mai 2021 à 05h50.

La société affirme que la survenance de l'accident n’a été portée à sa connaissance que le 15 novembre 2021, c’est-à-dire environ six mois plus tard.

Monsieur [P] justifie cette carence par les circonstances particulières de l'accident, tel qu'il ressort du questionnaire complété par ses soins et dans lequel il précise avoir “(...) été hospitalisé directement le 21 mai 2021, je n'ai pas été en mesure de contacter ma hiérarchie qui n'a pas déclarer d'accident du travail ce jour là (sic)”.

En outre, il ressort du questionnaire complété par l'employeur le 09 décembre 2021 que : “(…) Le 21/05/2021, M. [P] est pris en charge par notre service de santé au travail. Son passage à l'infirmerie est enregistrés en soins personnels (...)”. Il en résulte ainsi que l'employeur était nécessairement au fait de la survenance d'un sinistre au temps et au lieu de travail le 21 mai 2021.

Il n’est pas contesté que la déclaration d'accident du travail a été établie par l’assuré plusieurs mois après le fait accidentel allégué, soulignant ignorer la procédure à suivre.

Toutefois, si la déclaration a été établie par le salarié le 24 novembre 2021, elle était accompagnée d’un certificat médical initial rectificatif daté du 21 mai 2021 faisant état d'un « AVC Hémorragique survenu sur les lieux du travail temporal gauche », démontrant ainsi que les lésions de l’assuré avait effectivement été constatées le jour même de l’incident.

Par ailleurs, la survenance d’un fait accidentel est démontrée par le témoignage de madame [N] [J], exerçant en qualité de responsable d'unité au sein de la société et qui atteste : « (…) qu'un moniteur des ouvrants est venue m'alerter qu'un de mes caristes ne se sentait pas bien. Je suis sortie de mon bureau et ai vu Mr [P] [F] sur son fen, sa tête entre ses mains. Je l'ai aider à descendre et l'ai emmener à l'air de repos pour qu'il s'assoie. (…) et je l'ai emmené donc à l'infirmerie (…). (sic) ». Si ce témoignage n’indique pas expressément la date de survenance des faits allégués et n’est pas rédigé par un témoin direct, celui-ci n’est contredit par aucun élément versé aux débats par l’employeur qui permet de remettre en cause la fiabilité de ce témoignage, qui au demeurant, n’est pas à lui seul déterminant et suffisant mais s’inscrit dans un faisceau d’indices, dont le témoignage de Monsieur [X], cité comme témoin de l’accident, qui explique :“Ce que j'ai vu, Mr [P] [F] a pris son service comme chaque jour, il a assisté au briefing de sa Hiérarchie en début de prise de poste, ensuite a fait le contrôle de son engin de manutention, puis fait son nettoyage de l'engin avec le protocole COVID, ensuite est parti travailler et après, au fil du temps qui passe, il ne se sentait pas bien jusqu'à la perte de vision d'un oeil ajouté à une difficulté d'équilibre et une sensation de malaise important. Il est aussitôt venu au bureau non sans mal pour alerter sa hiérarchie. Qui a pris l'initiative de l'orienter d'urgence vers le service médical de notre employeur. Enfin, pour finir ce que m'a dit Mr [P] est qu'il ne se sentait vraiment pas bien surtout au niveau de la tête. (...)”.

La matérialité du fait accidentel, à savoir le malaise au temps et au lieu de travail est donc caractérisée.

Il résulte des témoignages précités, de la déclaration d’accident du travail et du certificat médical initial daté du jour de l’accident la preuve d’un accident, intervenu en temps et lieux du travail, ayant entraîné une lésion, à savoir un AVC hémorragique. Les éléments médicaux lient cet accident aux activités de l’employé.

Au regard de ces éléments, les conditions étaient remplies pour faire jouer la présomption d’imputabilité.

Il appartient donc à la société, pour contester la prise en charge de l’accident du travail, de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail ou de l’existence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.

Sur l'existence d'une cause étrangère :

Les articles R. 441-6 à R. 441-8 du code de la sécurité sociale organisent la procédure d’information de l’employeur par la caisse préalablement à sa décision sur la reconnaissance ou non du caractère professionnel de la maladie ou de l’accident. Ils imposent à la caisse de respecter le principe du contradictoire dans la procédure de reconnaissance de l’accident du travail.

L’article R. 441-7 du code de la sécurité sociale prévoit que la caisse dispose d'un délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial prévu à l'article L. 441-6 pour soit statuer sur le caractère professionnel de l'accident, soit engager des investigations lorsqu'elle l'estime nécessaire ou lorsqu'elle a reçu des réserves motivées émises par l'employeur.

L’article R.441-8 du code de la sécurité sociale dispose : “Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d'un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident.

Dans ce cas, la caisse adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident à l'employeur ainsi qu'à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l'article R. 441-7 et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire. En cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans adresser de questionnaire préalable.”

Par ailleurs, la présomption de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale est une présomption simple qui peut être renversée en cas de preuve d’une cause étrangère au travail. L’employeur, qui émet des réserves, ne peut se fonder que sur les éléments d’enquête produits par la caisse pour apporter la preuve d’une cause étrangère au travail, puisqu’il est dans l’impossibilité de rechercher lui-même des éléments médicaux relatifs à son employé. Pour que la présomption de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale reste une présomption simple et ne devienne pas une présomption irréfragable, il est donc nécessaire de donner à l’employeur la possibilité de rapporter la preuve d’une cause étrangère au travail, ce qui suppose, de la part de la caisse, de mener une enquête rigoureuse, soignée, objective et complète.

En l’espèce, l’employeur a fait connaître ses réserves par courrier daté du 09 décembre 2021 et évoque l’existence d’une cause étrangère.

Il résulte des éléments versés au dossier, et notamment des questionnaires, que la caisse a, conformément à ses obligations, envoyé un questionnaire à l’assuré et un questionnaire à l’employeur afin de recueillir leurs observations.

Pour autant, il résulte des questionnaires remplis par l’assuré et l’employeur que la cause du malaise demeure inconnue, l’assuré indiquant la survenance d’un malaise alors que les conditions de travail étaient habituelles et qui n'aurait aucun lien avec le travail, précisant n’avoir aucune idée de la cause et expliquant que cela lui est arrivé comme cela, et l’employeur mentionnant que les symptômes ressentis ne trouvent pas d’origine dans le cadre de l’activité professionnelle, le poste occupé par l'assuré ne pouvant expliquer la survenance d'un “AVC hémorragique” dans la mesure où « (…) son poste de travail ne nécessite pas d'effort physique particulier ». L’employeur souligne en outre l’absence de lien entre une pathologie cardio-vasculaire et le travail.

Or, alors même qu’il existait un doute sur la cause, il convient de constater d’une part que le dossier de la caisse ne comporte aucune autre pièce que les deux questionnaires et le certificat médical initial, et aucun avis du médecin conseil, et que s’il est exact qu’elle a effectué toutes les diligences minimales imposées par l’article R.441-8 du code de la sécurité sociale, compte-tenu des doutes persistants, elle n’a mis en oeuvre aucune enquête complémentaire alors même qu’elle ne pouvait, en raison de ce doute, conclure au caractère professionnel de la maladie sans investiguer davantage.

Ainsi, en l’absence d’élément déclencheur relaté dans la déclaration d’accident du travail ou dans l’enquête administrative, il appartenait à la caisse de rassembler des éléments médicaux pour tenter de comprendre les raisons des lésions de l'assuré et ainsi d’apporter des éléments, à ce stade totalement absents, permettant d’éclairer les causes du malaise et de l’“AVC hémorragique”

Dès lors, en s’abstenant de poursuivre son enquête, la caisse a manqué à son obligation d’instruire contradictoirement le dossier sur la question de la cause étrangère qui ne pouvait pas être exclue en l’état.

Par conséquent, il convient de déclarer inopposables à la société [5] S.A.S, anciennement nommée société [3] S.A, la décision du 23 février 2022 de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 2] acceptant de prendre en charge l'accident du travail ainsi que les arrêts de travail et soins de monsieur [F] [P], consécutifs à l'accident du travail du 21 mai 2021, au titre de la législation professionnelle.

Il n’est pas nécessaire d’envisager la demande subsidiaire d’expertise.

Sur les dépens :

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la caisse du [Localité 2], succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe le 25 mars 2024 :

DÉCLARE inopposables à la société [5] S.A.S, anciennement nommée société [3] S.A, la décision de la Caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 2] en date du 23 février 2022 acceptant la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident survenu le 21 mai 2021 à monsieur [F] [P], ainsi que l’ensemble des soins et arrêts en rapport avec cet accident ;

INVITE la Caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 2] à en tirer toutes les conséquences de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples ;

CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 2] aux dépens.

RAPPELLE que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification de la présente décision.

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Bertille BISSON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/00890
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;22.00890 ?
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