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25/03/2024 | FRANCE | N°22/00831

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 25 mars 2024, 22/00831


Pôle social - N° RG 22/00831 - N° Portalis DB22-W-B7G-QYNI

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- M. [H] [P]
- CPAM DES YVELINES
- Me Nicolas DELETRE
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE LUNDI 25 MARS 2024



N° RG 22/00831 - N° Portalis DB22-W-B7G-QYNI
Code NAC : 89A

DEMANDEUR :

M. [H] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Nicolas DELETRE, avocat au barreau de VERSAILL

ES



DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Mme [R] [F] muni d’un pouvoir régulier




COMPOSITION DU...

Pôle social - N° RG 22/00831 - N° Portalis DB22-W-B7G-QYNI

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- M. [H] [P]
- CPAM DES YVELINES
- Me Nicolas DELETRE
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE LUNDI 25 MARS 2024

N° RG 22/00831 - N° Portalis DB22-W-B7G-QYNI
Code NAC : 89A

DEMANDEUR :

M. [H] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Nicolas DELETRE, avocat au barreau de VERSAILLES

DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Mme [R] [F] muni d’un pouvoir régulier

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Bertille BISSON, Juge Placée statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière
En présence de Madame WORA BERRE Désirée, Greffière stagiaire

DEBATS : A l’audience publique tenue le 01 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 22/00831 - N° Portalis DB22-W-B7G-QYNI

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [H] [P], né le 14 janvier 1969 et employé en qualité d’agent assurance qualité par la société [5] depuis le 30 août 2004, a établi le 31 mai 2021 une déclaration de maladie professionnelle pour une “hypoacousie ; accouphènes” qu’il a adressé à la Caisse primaire d’assurance maladie (ci-après CPAM ou la caisse) des Yvelines, accompagnée d’un certificat médical initial établi par le docteur [C] [N] le 27 mai 2021, faisant état d’une “Hypoacousie liée à une surdité de perception secondaire à l’exposition aux bruits pathologique du tableau 42 RG Latéralité : Droit et Gauche”.

Par courrier daté du 12 novembre 2021, la CPAM des Yvelines a notifié à monsieur [H] [P] un refus de prise en charge de son affection, “Atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels” au titre du tableau n°42 des maladies professionnelles, la condition tenant à la désignation de la maladie n’étant pas remplie, faute de production par l’assuré d’un audiogramme.

En désaccord avec ladite décision, monsieur [H] [P] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM des Yvelines, qui a explicitement rejeté son recours par décision prise à l’occasion de sa séance du 21 avril 2022.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 08 juillet 2022, monsieur [H] [P] a saisi le pôle social du Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de contester ladite décision explicite de rejet.

Après deux renvois, les parties ont été convoquées à l’audience du 01 février 2024, le Tribunal statuant à juge unique conformément à l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire, après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, la liste des assesseurs du pôle social étant en cours de renouvellement et les anciens mandats expirés.

À cette date, monsieur [H] [P], représenté par son conseil, reprend oralement les termes de ses conclusions, sollicitant du Tribunal de :
- dire et juger monsieur [P] recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes ;
- débouter la Caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- dire et juger que l’affection déclarée par monsieur [P] le 31 mai 2021 remplit tant les conditions médicales réglementaires exigées par le tableau n°42 que les conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux énoncées au sein dudit Tableau ;
En conséquence,
- dire et juger que l’affection déclarée par monsieur [P] le 31 mai 2021 doit être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles ;
En toutes hypothèses,
- condamner la CPAM des Yvelines au paiement de la somme de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la CPAM des Yvelines aux entiers dépens.

À l’appui de ses prétentions, monsieur [H] [P] fait valoir que toutes les conditions du tableau n°42 sont réunies, de sorte que la présomption d’imputabilité de la maladie au travail doit s’appliquer. Il souligne notamment que la condition tenant à la désignation de la maladie et l’attestation d’audiogramme réalisé en cabine insonorisée avec audiomètre calibré est remplie dans la mesure où il a ajouté au verso dudit audiogramme, l’attestation du centre POSSY AUDITION en date du 07 septembre 2021, car le docteur [I] [Z], à l’origine de l’audiogramme, était absent à cette date. Il souligne qu’aucune disposition n’oblige à ce que l’attestation soit réalisée par le médecin à l’origine de l’examen, la CPAM ajoutant une condition non prévue par le tableau n°42. Par ailleurs, il indique qu’un audiogramme réalisé en mai 2023, accompagné de l’attestation du praticien à l’origine de l’examen, confirme l’existence de sa pathologie et, ce faisant, le respect des conditions du tableau.

En défense, la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines, représentée par son mandataire, reprend oralement les termes de ses écritures, demandant au tribunal de confirmer la décision de refus de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par monsieur [H] [P] le 31 mai 2021 et de le débouter de toutes ses demandes.

Elle indique être tenue par les conclusions du médecin-conseil et, s’en rapportant aux termes du colloque médico-administratif, elle souligne que l’attestation litigieuse n’a pas été établie par le praticien à l’origine de l’examen. Sur le deuxième audiogramme réalisé en mai 2023, la CPAM conclut à son rejet dès lors qu’il constitue un nouveau compte rendu produit après la clôture de l’instruction et, par conséquent, nécessite pour l’assuré de former une nouvelle demande afin de recueillir un nouvel avis du service médical.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions susvisées.

À l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

En préambule, il convient de rappeler que le Tribunal n'est pas tenu de statuer sur les demandes de “dire et juger” qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent en réalité des moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la demande de reconnaissance professionnelle de la maladie :

Il résulte de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

L’article L.461-2 du code de la sécurité sociale dispose que : “Des tableaux annexés aux décrets énumèrent les manifestations morbides d'intoxications aiguës ou chroniques présentées par les travailleurs exposés d'une façon habituelle à l'action des agents nocifs mentionnés par lesdits tableaux, qui donnent, à titre indicatif, la liste des principaux travaux comportant la manipulation ou l'emploi de ces agents. Ces manifestations morbides sont présumées d'origine professionnelle.

Des tableaux spéciaux énumèrent les infections microbiennes mentionnées qui sont présumées avoir une origine professionnelle lorsque les victimes ont été occupées d'une façon habituelle aux travaux limitativement énumérés par ces tableaux.

D'autres tableaux peuvent déterminer des affections présumées résulter d'une ambiance ou d'attitudes particulières nécessitées par l'exécution des travaux limitativement énumérés.(...)”.

Il en résulte que pour bénéficier de la législation relative aux risques professionnels, l'assuré doit obligatoirement être atteint de l'une des affections désignée dans un tableau des maladies professionnelles et remplir les conditions médicales réglementaires.

Le Tableau n°42 relatif aux affections “Atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels” fixe les conditions suivantes :

Désignation des maladies
Délai de prise en charge
Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies
Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes.

Cette hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées.

Le diagnostic de cette hypoacousie est établi : par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ; - en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel.

Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.

Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hertz.

Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel.
1 an (sous réserve d'une durée d'exposition d'un an, réduite à 30 jours en ce qui concerne la mise au point des propulseurs, réacteurs et moteurs thermiques)
Exposition aux bruits lésionnels provoqués par :

1. Les travaux sur métaux par percussion, abrasion ou projection tels que : - le décolletage, l'emboutissage, l'estampage, le broyage, le fraisage, le martelage, le burinage, le rivetage, le laminage, l'étirage, le tréfilage, le découpage, le sciage, le cisaillage, le tronçonnage ; - l'ébarbage, le grenaillage manuel, le sablage manuel, le meulage, le polissage, le gougeage et le découpage par procédé arc-air, la métallisation.
2. Le câblage, le toronnage, le bobinage de fils d'acier.
3. L'utilisation de marteaux et perforateurs pneumatiques.
4. La manutention mécanisée de récipients métalliques..

(...)

25. Moulage par presse à injection de pièces en alliages métalliques.

En l’espèce, il résulte des débats et des pièces produites par les parties que le docteur [I] [Z] a réalisé un audiogramme le 12 mai 2021 et attestait que l’assuré “(...) est atteint d’une surdité de perception liée à une exposition prolongée aux bruits (...) surdité évolutive puisque l’audition s’est nettement dégradée entre 2014 et 2021 relevant maintenant d’une prise en charge par prothèse auditive (...).”

Postérieurement à la décision de refus, [Localité 6] AUDITION a attesté, le 07 septembre 2021, du fait que l’audiométrie a été réalisée en cabine insonorisée avec audiométrie calibrée, tel que prévu par les conditions du tableau.

Or, il ressort des débats que pour justifier de son refus de prise en charge, la CPAM se base sur les conclusions de son service médical, alors même que les textes ne prévoient aucunement l’existence d’une condition qui établirait que la certification de la réalisation de l’audiométrie en cabine insonorisée avec audiométrie calibrée, doit être faite par la médecin ayant lui-même réalisé cette audiométrie.

Il résulte ainsi des éléments versés aux débat que Monsieur [H] [P] a effectivement subi une audiométrie qui a été réalisée en cabine insonorisée avec audiométrie calibrée, tel que prévu par les textes.

En outre, sur les autres conditions du tableau, l’assuré indique dans ses écritures, sans être contredit utilement par la caisse, qu’il exerce depuis le 1er janvier 2008 la fonction d’agent assurance qualité, selon laquelle il est chargé de veiller “(...) au bon déroulement de la production sur une chaine de montage de pneus (...)”, et qui “(...) nécessite l’utilisation de machines extrêmements bruyantes, tant pour insérer les jantes dans les pneus que pour gonfler ces derniers : en effet, la percussion des jantes en métal au moyen d’une machine d’assemblage pour les insérer (...) engendre des nuisances sonores tres importantes et permanentes (...)”.

Dès lors, les conditions tenant à la désignation de la maladie, au délai de prise en charge et à la liste limitative des travaux du tableau n°42 sont remplies.

Par conséquent, le caractère professionnel de la pathologie sera donc reconnu sans qu’il soit nécessaire de demander à la caisse primaire d’assurance maladie de reprendre l’instruction du dossier sur la base d’éléments médicaux postérieurs à la décision de refus initiale.

Sur les demandes accessoires :

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer, à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de monsieur [H] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe le 25 mars 2024 :

DIT que la maladie déclarée le 31 mai 2021, à savoir une “hypoacousie ; accouphènes” doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle, les conditions du tableau n°42 étant réunies ;

INVITE la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines à en tirer les conséquences de droit ;

DÉBOUTE monsieur [H] [P] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines aux dépens.

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification de la présente décision.

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Bertille BISSON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/00831
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;22.00831 ?
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