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22/03/2024 | FRANCE | N°23/06409

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Jex, 22 mars 2024, 23/06409


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 22 MARS 2024


DOSSIER : N° RG 23/06409 - N° Portalis DB22-W-B7H-RWQI
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/


DEMANDEURS

Monsieur [G] [L]
né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 12] (TUNISIE)

Madame [P] [V], épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 11],

Tous deux demeurant [Adresse 5]

Tous deux représentés par Maître Dan ZERHAT, avocat postulant de l’AARPI OHANA ZERHAT, avo

cats au barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 731 et Me Richard R. COHEN, de la SELASU RICHARD R. COHEN, avocat plaidant au Barreau de PARIS
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 22 MARS 2024

DOSSIER : N° RG 23/06409 - N° Portalis DB22-W-B7H-RWQI
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDEURS

Monsieur [G] [L]
né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 12] (TUNISIE)

Madame [P] [V], épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 11],

Tous deux demeurant [Adresse 5]

Tous deux représentés par Maître Dan ZERHAT, avocat postulant de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocats au barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 731 et Me Richard R. COHEN, de la SELASU RICHARD R. COHEN, avocat plaidant au Barreau de PARIS
Substitué par Me Florian DUCHMANN

DÉFENDERESSE

Madame [C] [R]
née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 10] (ITALIE),
demeurant Chez Monsieur [E] [D] - [Adresse 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Tootale numéro 2023-006013 du 5 janvier 2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Versailles)

Représenté par Me Karema OUGHCHA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, Vestiare : 149 et Me Sarah STEFANO, avocat plaidant au Barreau de PARIS

ACTE INITIAL DU 18 Novembre 2023
reçu au greffe le 20 Novembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Loïc LLORET GARCIA, Juge placé, délégué aux fonctions de Juge de l’Exécution par ordonnance du Premier Président de la Cour d’Appel de VERSAILLES, assistée de Madame Emine URER, Greffier
jugement contradictoire
premier ressort

Copie exécutoire à : Me Zehrat + Me Oughcha
Copie certifiée conforme à : Parties + Dossier + Commissaire de Justice
Délivrées le : 22 mars 2024

DÉBATS

À l’audience publique tenue le 21 février 2024 en conformité avec le Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 et des articles L213-5 et L213-6 du code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2024.


◊ ◊ ◊

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance de référé en date du 29 juillet 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a notamment condamné Madame [C] [R] à payer à Monsieur [G] [L] les sommes suivantes :
_ 4.505,65 euros à titre de provision sur l’arriéré de loyers et charges, terme du mois d’octobre 2021 inclus ;
_ une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle égale au montant indexé du loyer et charges qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi et ce, jusqu’à libération effective des lieux ;
_ 800 euros à titre de provision, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la présente instance, y incluant le coût du commandement de payer et de l’assignation.

Par ordonnance de référé en date du 31 mars 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a notamment :
_ condamné Monsieur [G] [L] à payer à Madame [C] [R] une provision de 6.000 euros à valoir sur les dommages et intérêts qui lui sont dus, en raison de son expulsion irrégulière ;
_ condamné Monsieur [G] [L] à payer à Madame [C] [R] une provision de 2.000 euros à valoir sur les dommages et intérêts qui lui sont dus, en raison de la privation illicite de ses biens et effets personnels ;
_ dit que la demande de condamnation de Monsieur [G] [L] au paiement de la somme de 120 euros en remboursement des frais d’hébergement réglés par Madame [C] [R] excède les pouvoirs du juge des référés ;
_ condamné Monsieur [G] [L] à payer à Madame [C] [R] la somme de 150 euros pour résistance abusive à lui délivrer les quittances de loyer ;
_ condamné Monsieur [G] [L] à verser à Madame [C] [R] la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
_ condamné Monsieur [G] [L] aux dépens de l’instance y compris le coût de l’assignation (103,69 euros).

L’ordonnance a été signifié à Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] le 24 avril 2023.

Un appel a été formé par Monsieur [G] [L] le 5 mai 2023.

Par arrêt en date du 21 décembre 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance rendue, sauf en ce qu’elle a alloué des dommages-intérêts, et statuant à nouveau de ce chef a :
_ rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [L] ;
_ condamné Monsieur [L] à payer à Madame [R] les provisions suivantes :
6000 euros en raison de son expulsion irrégulière ; 2.000 euros en raison de la privation illicite de ses biens et effets personnels ;150 euros en raison de la résistance abusive à délivrer les quittances de loyer ;_ rejeté les demandes de Monsieur [L] au titre de la compensation ;
_ condamné Monsieur [L] aux dépens de l’appel ;
_ dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte de commissaire de justice en date du 23 mai 2023, un procès-verbal de saisie attribution a été dressé à la demande de Madame [C] [R] entre les mains de Boursorama AG 23 en vertu de l’ordonnance de référé réputée contradictoire rendue par le tribunal judiciaire de Paris le 31 mars 2023 portant sur la somme totale de 10.280,62 euros en principal, intérêts et frais.

Ce procès-verbal de saisie attribution a été dénoncé par acte de commissaire de justice du 30 mai 2023 à Monsieur [G] [L].

C’est dans ces conditions que par acte de commissaire de justice en date du 30 juin 2023, Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] ont assigné Madame [C] [R] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles en contestation de la saisie attribution diligentée.

L’assignation a régulièrement été portée à la connaissance du commissaire de justice poursuivant le jour même par lettre recommandée avec accusé réception.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 novembre 2023.

En l’absence de comparution des parties à l’audience, une ordonnance prononçant la caducité de l’acte introductif d’instance a été rendue le 8 novembre 2023.

Par courrier recommandé avec accusé de réception reçu au greffe le 20 novembre 2023, les demandeurs ont sollicité le relevé de la caducité.

Par ordonnance en date du 24 novembre 2023, le juge de l'exécution a rapporté la décision en date du 8 novembre 2023 prononçant la caducité de l’acte introductif d’instance.

L’affaire a été rappelée à l’audience du 21 février 2024, à laquelle les parties ont comparu.

Aux termes de ses dernières conclusions visées à l’audience, Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] demandent au juge de l'exécution de :
_ recevoir Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] en leurs demandes et les dire bien fondés ;
_ in limine litis, prononcer la nullité du procès-verbal de saisie attribution du 24 mai 2023 pratiquée sur les comptes bancaires joints de Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] ;

_ ordonner la mainlevée de la saisie attribution du 24 mai 2023 pratiquée en application d’un titre exécutoire rétroactivement anéanti ;
_ à titre subsidiaire, constater la compensation légale intervenue au 31 mars 2023, date de l’ordonnance de référé, pour une somme de 7.399,58 euros ;
_ ordonner la mainlevée de la saisie attribution du 24 mai 2023 pour une somme de 8.330,58 euros ;
_ à titre très subsidiaire, ordonner la compensation judiciaire entre les créances et les dettes réciproques dont avec la créance de Monsieur [G] [L] à hauteur de la somme de 7.399,58 euros ;
_ ordonner la mainlevée de la saisie attribution du 24 mai 2023 pour une somme de 8.330,58 euros ;
_ à titre infiniment subsidiaire, déclarer insaisissables les sommes inscrites sur les comptes joints n°[XXXXXXXXXX09], n°[XXXXXXXXXX08] et n°[XXXXXXXXXX07] en ce qu’ils sont alimentés par des sommes appartenant en propre à Madame [P] [V], marié sous le régime de la communauté, non débitrice à la dette ;
_ en conséquence, ordonner la mainlevée de la saisie attribution du 24 mai 2023 d’un montant de 10.280,62 euros pratiquée entre les mains de la banque Boursorama à la demande de Madame [C] [R] ;
_ en toute hypothèse, condamner Madame [C] [R] à payer à Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] la somme de 2.500 euros pour saisie abusive ;
_ condamner Madame [C] [R] à payer à Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
_ condamner Madame [C] [R] au règlement des entiers dépens.

En réponse, aux termes de ses conclusions visées à l’audience, Madame [C] [R] demande au juge de l'exécution de :
_ à titre principal débouter les demandeurs de l’intégralité de leurs demandes ;
_ rejeter l’exception de compensation formulée par les demandeurs ;
_ à titre subsidiaire, juger bien fondée la saisie sur le compte LVBRS + livret bourse d’un solde de 29.9990 euros dont Monsieur [L] est seul titulaire ;
_ juger que les fonds appartenant à Madame [V] sont exclus de l’assiette de la saisie attribution ;
_ rejeter toutes autres demandes contraires ;
_ en tout état de cause, rejeter toute demande de main levée de la saisie attribution ;
_ rejeter toute demande d’indemnisation pour saisie abusive ;
_ rejeter toute demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
_ condamner Monsieur [L] aux entiers dépens de l’instance ;
_ prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées, soutenues oralement à l'audience, ainsi qu'aux prétentions orales.

L’affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

À titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de constatations, même lorsqu'elles sont libellées sous la forme d'une demande tendant à voir " dire que " ou " juger que " formées dans les écritures des parties, dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais recèlent en réalité les moyens des parties.

Sur la recevabilité de la contestation

La contestation de la saisie-attribution a été formée dans le mois suivant la date de la dénonce de la saisie et portée à la connaissance du commissaire de justice ayant pratiqué la saisie le même jour (R.211-11 code des procédures civiles d'exécution).

Elle est donc recevable en la forme.

En outre, le tiers saisi a été informé par courrier par l'auteur de la contestation de la délivrance de l'assignation.

L'assignation est donc valable et la contestation de Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] sera déclarée recevable en la forme.

Sur la demande de nullité du procès-verbal de saisie attribution

Sur le moyen tiré de l’adresse erronée de la requérante

L’article 648 du code de procédure civile dispose que « tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :
1. Sa date ;
2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.
3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice ;
4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Ces mentions sont prescrites à peine de nullité »

En l’espèce, Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] reprochent au procès-verbal de saisie attribution en date du 23 mai 2023 de mentionner que Madame [C] [R] est domiciliée au [Adresse 6], alors qu’elle a été expulsée de ce logement. Ils estiment que l’adresse indiquée étant fausse, ils subissent un grief du fait de l’impossibilité d’exécuter la décision rendue et celle à intervenir.

Or, il est constant que les dispositions de l’article 648 du code de procédure civile sont sans application lorsque la contestation porte sur la véracité des mentions exigées.

Dès lors, le domicile de la requérante étant bien mentionné sur le procès-verbal de saisie attribution en date du 23 mai 2023, la véracité de cette adresse est sans incidence sur la validité de l’acte.

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur le moyen tiré de l’absence de titre exécutoire

Aux termes de l’articles L.111-2 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en

poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

Selon l’article L111-10 du code des procédures civiles d’exécution, sous réserve des dispositions de l'article L. 311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.

En l’espèce, les époux [L] font valoir que le procès-verbal de saisie attribution mentionne que la saisie est pratiquée « en vertu de l’expédition en forme exécutoire d’une ordonnance de référé réputée contradictoire en premier ressort rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris le 31 mars 2023 », alors que cette ordonnance aurait été infirmée par la cour d’appel de Paris le 21 décembre 2023.

Or, il est constant qu’une ordonnance de référé constitue un titre exécutoire, peu important qu'elle ne soit qu'un titre provisoire auquel ne s'attache pas l'autorité de chose jugée, dès lors que c'est seulement en raison de sa nature que la loi lui confère force exécutoire pour permettre son exécution malgré le risque de remise en cause de la chose jugée.

Ainsi, à la date où la saisie attribution a été pratiquée, soit le 23 mai 2023, la décision de la cour d’appel n’était pas encore intervenue et l’ordonnance de référé constituait bien un titre exécutoire valable.

En tout état de cause, il est erroné de considérer que l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 21 décembre 2023 a infirmé l’ordonnance de référé du 31 mars 2023, la cour d’appel précisant au contraire qu’elle confirme l’ordonnance rendue, sauf en ce qu’elle a alloué des dommages-intérêts, et sur le fond, alloue les mêmes sommes à Madame [C] [R] en les qualifiant de provision sur dommages et intérêts. Dès lors, la rectification de la cour d’appel ne porte pas sur le fond, mais seulement sur la dénomination des sommes allouées.

Le moyen tiré de l’absence de titre exécutoire sera donc rejeté.

En conséquence, la demande de nullité du procès-verbal de saisie attribution en date du 23 mai 2023 sera rejetée.

Sur la demande de mainlevée de la procédure de saisie attribution

Sur la demande de compensation

L’article 1347 du code civil dispose que « la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ». Elle « n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Sont fongibles les obligations de somme d'argent, même en différentes devises, pourvu qu'elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre ».
Selon les articles 1348 et suivants du code civil, la compensation peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision. Le juge ne peut refuser la compensation de dettes connexes au seul motif que l'une des obligations ne serait pas liquide ou exigible. Dans ce cas, la compensation est réputée s'être produite au jour de l'exigibilité de la première d'entre elles. Dans le même cas, l'acquisition de droits par un tiers sur l'une des obligations n'empêche pas son débiteur d'opposer la compensation. Les parties peuvent librement convenir d'éteindre toutes obligations réciproques, présentes ou futures, par une compensation ; celle-ci prend effet à la date de leur accord ou, s'il s'agit d'obligations futures, à celle de leur coexistence.

Selon l’article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le Code du travail. »

Selon l’article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution : « le juge de l'exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »

En l’espèce, les demandeurs se prévalent d’une exception de compensation. Monsieur [L] argue qu’au titre de l’ordonnance de référé du 29 juillet 2022, Madame [C] [R] lui doit la somme de 7.399,58 euros correspondant à sa dette de loyer. Il soutient que cette dette serait connexe avec sa propre dette et qu’elles découlent toutes deux de l’exécution du même contrat.

En défense, Madame [C] [R] s’oppose à la compensation des créances arguant que la connexité n’est pas établie entre les deux dettes. En effet, elle soutient que les deux créances ne prennent pas leur source dans un seul et même ensemble contractuel, sa créance reposant sur l’engagement de la responsabilité délictuelle de Monsieur [L] tandis que la créance de ce dernier résulte de loyers impayés au titre du contrat de bail.

Il ressort des décisions de justice produites qu’aux termes de l’ordonnance de référé du juge des contentieux de la protection de Paris en date du 29 juillet 2022, Madame [C] [R] a été condamnée au paiement de provisions sur l’arriéré de loyers et de charges découlant du contrat de bail conclu entre les parties, et qu’aux termes de l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 21 décembre 2023, Monsieur [G] [L] a été condamné au paiement de sommes indemnitaires provisionnelles au titre de l’expulsion irrégulière de la défenderesse, de la privation illicite de ses biens et effets personnels et en raison de sa résistance abusive à lui délivrer les quittances de loyer.

Ainsi, les sommes auxquelles Monsieur [G] [L] a été condamné découlent du contrat de bail conclu entre les parties, support nécessaire à l’engagement de la responsabilité délictuelle du bailleur.

Or, il est constant qu’il y a connexité entre des obligations réciproques dérivant de l’exécution d’un même contrat, notamment entre la créance de dommages-intérêts née à l’occasion de l’exécution d’un contrat qui en a été la condition nécessaire et celle qui résulte du contrat au profit de l’auteur des agissements délictueux.

Dès lors, il y a lieu de considérer que les créances réciproques en présence sont connexes et que chacune des parties dispose d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

Par conséquent, il convient d’ordonner la compensation des sommes.

Aux termes du dispositif de l’ordonnance du juge des contentieux de la protection de Paris du 29 juillet 2022, du décompte locatif produit arrêté au mois d’octobre 2021 et des justificatifs des dépens produits, la dette de Madame [C] [R] s’établit comme suit :
4.505,65 au titre des loyers et charges, terme du mois d’octobre 2021 inclus ;800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; 153 euros au titre des frais de commandement de payer en date du 7 août 2021 ;176,45 euros au titre des frais de procès-verbal de recherches infructueuses du 6 septembre 2021 pour signification du commandement ;177,20 euros au titre des frais d’assignation en date du 10 mars 2022 ;Soit la somme totale de 5.812,30 euros.

Compte tenu de l’absence de production de décompte concernant les charges à compter du mois d’octobre 2021, la somme réclamée par Monsieur [L] au titre des factures EDF du 16 octobre 2021 au 8 juillet 2022 ne sera pas retenue aux fins de compensation des sommes, le caractère certain de cette dette n’étant pas établi.

En conséquence, la saisie sera cantonnée à la somme de 10.280,62 – 5.812,30 = 4.468,32 euros.

La demande de compensation ayant été accueillie, il ne sera pas statué sur la demande relative à l’insaisissabilité des sommes formulée à titre infiniment subsidiaire.

Sur la demande de condamnation pour saisie abusive

Selon le quatrième alinéa de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l'exécution est compétent concernant les demandes relatives à des dommages et intérêts fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée.

Selon l’article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution, il peut également condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.

En l’espèce, Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] arguent que la défenderesse aurait commis une faute en pratiquant une saisie attribution sur un compte joint leur appartenant alors que la dette est personnelle à Monsieur [G] [L]. En outre, ils reprochent à Madame [C] [R] de ne pas avoir limité l’effet de la saisie au compte personnel de Monsieur [L] et d’avoir omis de dénoncer la saisie à Madame [L].

Il est constant que le défaut de dénonciation de saisie-attribution au co-titulaire d’un compte joint n’entraîne pas la caducité de la mesure d’exécution forcée.

En tout état de cause, la saisie doit être considérée comme régulière, et Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] qui échouent à rapporter la preuve d’une faute de Madame [C] [R] ne démontrent pas qu’ils auraient subi un préjudice.

En conséquence, leur demande d’indemnisation pour saisie abusive sera rejetée.

Sur la demande d’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L], parties perdantes, succombent à l’instance, ils seront condamnés aux dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile et leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, en premier ressort,

Vu les articles L. 211-1 à L. 211-15, R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

DECLARE recevable en la forme la contestation de Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] ;

REJETTE la demande de nullité de la saisie-attribution diligentée par Madame [C] [R] contre Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] selon procès-verbal de saisie du 23 mai 2023 dénoncé le 30 mai 2023 ;

REJETTE la demande de mainlevée de la saisie-attribution diligentée par Madame [C] [R] contre Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] selon procès-verbal de saisie du 23 mai 2023 dénoncé le 30 mai 2023 ;

CANTONNE cette saisie à la somme de 4.468,32 euros et DIT qu'elle ne produira effet qu'à concurrence de cette somme ;

ORDONNE la mainlevée partielle immédiate pour le surplus ;

DEBOUTE Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] de leur demande en indemnisation pour saisie abusive ;

DEBOUTE Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;

CONDAMNE Monsieur [G] [L] et Madame [P] [V] épouse [L] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, le 22 Mars 2024. Le présent jugement a été signé par le Juge et le Greffier.

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXECUTION

Emine URER LLORET-GARCIA Loic


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 23/06409
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;23.06409 ?
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