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22/03/2024 | FRANCE | N°23/01291

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 22 mars 2024, 23/01291


Pôle social - N° RG 23/01291 - N° Portalis DB22-W-B7H-RTNR

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [5]
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE
- Me Olivia COLMET DAÂGE
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE VENDREDI 22 MARS 2024



N° RG 23/01291 - N° Portalis DB22-W-B7H-RTNR
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [5]
PRISE EN LA PERSONNE DE SON REPRESENTANT LEGAL
[Adresse 3]
[Localité 4]r>
représentée par Me Olivia COLMET DAÂGE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Thomas KATZ, avocat au barreau de PARIS



DÉFENDEUR :

CPAM DES BOUCHES ...

Pôle social - N° RG 23/01291 - N° Portalis DB22-W-B7H-RTNR

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [5]
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE
- Me Olivia COLMET DAÂGE
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE VENDREDI 22 MARS 2024

N° RG 23/01291 - N° Portalis DB22-W-B7H-RTNR
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [5]
PRISE EN LA PERSONNE DE SON REPRESENTANT LEGAL
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Olivia COLMET DAÂGE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Thomas KATZ, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEUR :

CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Contentieux général - Le Patio
[Adresse 2]
[Localité 1]

dispensée de comparution

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Sophie COUPET, Vice-Présidente statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 26 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 22 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 23/01291 - N° Portalis DB22-W-B7H-RTNR

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [B] [P], né le 1er juin 1959, a été embauché par la Société SAS [5] en qualité de chaudronnier soudeur.

Le 08 juin 2022, monsieur [B] [P] a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône (ci-après la caisse) une déclaration de maladie professionnelle faisant état d’une “surdité neuro sensible due au travail”.
Cette déclaration était accompagnée d’un certificat médical initial en date du 11 mai 2022 et faisait mention d’une “surdité neurosensorielle bilatérale sévère chez un ancien chaudronnier-soudeur” et d’une date de première constatation médicale au 11 mai 2022.

Par courrier en date du 03 mai 2023, la caisse des Bouches du Rhône (ci-après la caisse) a notifié à la Société SAS [5], après avis du comité régional de reconnaissance des maladie professionnelles (CRRMP), la décision de prise en charge de la maladie “hypoacousie de perception” inscrite au tableau n°42 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par un courrier en date du 29 juin 2023, la société SAS [5], par l’intermédiaire de son conseil, a saisi la commission de recours amiable de la caisse. Lors de sa séance du 1er août 2023, la commission a rejeté le recours de la société.

Par lettre recommandée expédiée le 02 octobre 2023, la société SAS [5], par l’intermédiaire de son conseil, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles afin de contester la décision explicite de la commission de recours amiable.

A défaut de conciliation et après un renvoi, l’affaire a été évoquée à l’audience du 26 janvier 2024. Le tribunal, après avoir obtenu l’accord des parties présentes, a statué à juge unique en l’absence des deux assesseurs en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

A cette audience, la société SAS [5], représentée par son conseil, a demandé au tribunal de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie de monsieur [B] [P], d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir et de condamner la caisse aux entiers dépens de l’instance.
Elle fait valoir plusieurs moyens d’inopposabilité :
- que le dossier constitué par la caisse et mis à sa disposition ne comportait pas l’audiogramme du 21 septembre 2022,
- que la caisse a méconnu le principe du contradictoire en mettant à sa disposition un dossier incomplet,
- que la caisse ne rapporte pas la preuve que les conditions posées par la tableau n°42 des maladies professionnelles étaient bien remplies,
- qu’elle n’a pas bénéficié des 30 jours prévus à l’article R461-10 du code de la sécurité sociale puisqu’elle ne s’est vue reconnaître par la caisse la possibilité de consulter et de compléter le dossier que pendant 29 jours.

Aux termes de ses écritures reçues au greffe le 24 janvier 2024, la caisse des Bouches du Rhône dispensée de comparution, demande au tribunal :
- d’entériner l’avis du CRRMP de la région PACA Corse du 25 avril 2023, reconnaissant le caractère professionnel de la maladie “hypoacousie de perception” inscrite au tableau n°42 dont souffre monsieur [B] [P] et retenant un lien direct entre la pathologie déclarée et la profession exercée,
- de confirmer la décision de la commission de recours amiable du 1er août 2023 confirmant la régularité de l’avis rendu par le CRRMP et la décision de reconnaissance par la caisse du caractère professionnel de l’affection en cause et de son caractère opposable à la société requérante,
- de débouter la société de l’ensemble de ses demandes.
Elle considère qu’elle a bien respecté le principe du contradictoire, ainsi que son obligation d’information préalable de l’employeur dans la mesure où l’employeur a, par le biais du service internet dédié, consulté les pièces du dossier le 18 janvier 2023 à 12h18. Elle estime que l’ensemble des conditions prévues par le tableau n°42 des maladies professionnelles sont réunies, que les avis du service médical et du CRRMP apportent la preuve que les conditions posées par le tableau n°42 sont bien réunies. Elle ajoute que seul un manquement au délai de consultation de 10 jours francs (et non pas à celui de 30 jours) pourrait conduire à l’inopposabilité puisqu’il constitue le seul délai au cours duquel l’employeur peut accéder à l’entier dossier et discuter du bien-fondé de la demande de son salarié.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 22 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, il convient de rappeler que les rapports entre un assuré et une caisse primaire d’assurance maladie sont indépendants des rapports entre l’employeur de cet assuré et la caisse.

Sur l’inopposabilité de la maladie déclarée résultant du non-respect du contradictoire en raison de la non-transmission des audiogrammes :

Il résulte de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Il est indiqué au titre de la désignation de la maladie du tableau n° 42: “Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes.
Cette hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées.
Le diagnostic de cette hypoacousie est établi :
- par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ;
- en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel.
Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.
Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hertz.
Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel.”

Les articles R. 461-9 et suivants du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, organisent la procédure d’information de l’employeur par la caisse préalablement à sa décision sur la reconnaissance ou non du caractère professionnel de la maladie déclarée par un salarié.
L’ensemble de ces règles a pour but de garantir le caractère contradictoire de la procédure aux différentes étapes de l’instruction du dossier par la caisse, afin notamment de permettre à l’employeur de faire valoir ses observations préalablement à la décision à intervenir de l’organisme de sécurité sociale. Le non-respect de ces règles est sanctionné par l’inopposabilité de la décision de la caisse à l’égard de l’employeur.

L’article R 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige dispose que : “ Le dossier mentionné aux articles R. 441-8 et R. 461-9 constitué par la caisse primaire comprend ;
1°) la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l'employeur ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.
Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur.
Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire.”

En ce qui concerne les documents médicaux, ils ne doivent figurer dans le dossier d’instruction et donc être communiqués à l’employeur que s’ils constituent une condition de reconnaissance de la maladie.
Ainsi, les examens médicaux complémentaires sont des éléments de diagnostic et non pas des éléments constitutifs de la maladie professionnelle. Ils n'ont donc pas à être communiqués à l'employeur, sauf dans le cadre d'une expertise.
En revanche, si la pièce est une condition fixée par le tableau pour que soit reconnue la maladie, elle doit figurer dans le dossier d'instruction. Ainsi, doivent être communiqués les examens audiométriques exigés pour la reconnaissance de la surdité dans le cadre du tableau n° 42 (Cass. 2e civ., 11 octobre 2018, n° 17-18.901).

En l’espèce, la concertation médico-administrative maladie en date du 08 novembre 2022 mentionne : “audiométrie tonale et vocale du 21 septembre 2022 Centre de santé polyvalent [6], par Dr [R] [H]”.

Or, il ressort des pièces constitutives du dossier de l’assuré soumis à consultation de l’employeur que la caisse n’a pas mis à disposition de l’employeur les audiogrammes qui sont un élément indispensable permettant de vérifier si les conditions du Tableau n° 42 sont remplies.

Dès lors, la caisse, qui ne produit pas les audiogrammes, a violé le principe du contradictoire auquel elle était soumise.
En conséquence, la décision de prise en charge ne pourra donc qu’être déclarée inopposable à l’employeur, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres moyens d’inopposabilité.

Sur l’infirmation de la décision de la commission de recours amiable :

Si l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale subordonne la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale devenu pôle social à la mise en œuvre préalable d'un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme social en application de l'article R. 142-1 du même code, ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur le bien-fondé de cette décision qui revêt un caractère administratif. 

Aussi, il n’y a pas lieu d’infirmer ou de confirmer la décision de la commission de recours amiable.

Sur les dépens :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La caisse des Bouches du Rhône , succombant à l’instance, sera tenue aux entiers dépens.

Sur l’exécution provisoire de la décision :

N’apparaissant pas nécessaire, l’exécution provisoire de la décision ne sera pas ordonnée.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant à juge unique par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 22 mars 2024 :

DÉCLARE INOPPOSABLE à la société SAS [5] la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône en date du 03 mai 2023 concernant la maladie professionnelle déclarée par monsieur [B] [P], à savoir “surdité neurosensorielle bilatéral sévère” ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Sophie COUPET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/01291
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;23.01291 ?
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