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22/03/2024 | FRANCE | N°22/00970

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 22 mars 2024, 22/00970


Pôle social - N° RG 22/00970 - N° Portalis DB22-W-B7G-QZWB

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Mme [X] [L] [S]
- CPAM DES YVELINES
- Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT
- Me Claire COLLEONY

N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE VENDREDI 22 MARS 2024



N° RG 22/00970 - N° Portalis DB22-W-B7G-QZWB
Code NAC : 89A

DEMANDEUR :

Mme [X] [L] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée pa

r Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT, avocat au barreau de VERSAILLES



DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Me Cl...

Pôle social - N° RG 22/00970 - N° Portalis DB22-W-B7G-QZWB

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Mme [X] [L] [S]
- CPAM DES YVELINES
- Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT
- Me Claire COLLEONY

N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE VENDREDI 22 MARS 2024

N° RG 22/00970 - N° Portalis DB22-W-B7G-QZWB
Code NAC : 89A

DEMANDEUR :

Mme [X] [L] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT, avocat au barreau de VERSAILLES

DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Me Claire COLLEONY, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Sophie COUPET, Vice-Présidente statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 26 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 22 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 22/00970 - N° Portalis DB22-W-B7G-QZWB

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame [X] [L] [S], née le 09 mai 1979, a été embauchée en mai 2017 par la société [5] SAS en qualité d’agent de service hospitalier.

Le 20 août 2021, Madame [X] [L] [S] a déclaré une maladie professionnelle au titre d’une “ Ténosynovite+ rupture du ligament scopholunaire gauche poignet”.
Le certificat médical initial joint et établi le 22 avril 2021, faisait état d’une “Ténosynovite poignet gauche + rupture du ligament scapholunaire- opération chirurgicale 03/2021”, et mentionnait comme date de première constatation médicale le 26 novembre 2020.

La caisse a ouvert deux dossiers :
- un dossier portant le numéro de sinistre 210429759 pour la lésion concernant la “rupture du ligament scapholunaire”,
- un dossier portant le numéro de sinistre 212429757 pour la lésion “Ténosynovite poignet gauche”.

Par lettre datée du 14 février 2022, la Caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (ci-après la caisse) a informé Madame [X] [L] [S] que, dans le dossier du sinistre 210429759 pour la lésion concernant la “rupture du ligament scapholunaire”, la maladie qu’elle avait déclarée n’est pas référencée dans les tableaux de maladies professionnelles et que le médecin conseil de la caisse a considéré que son taux d’incapacité permanente partielle prévisible est inférieur à 25%, ce qui ne permet pas de transmette son dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Madame [X] [L] [S] a saisi la commission de recours amiable et la commission médicale de recours amiable de la caisse afin de contester la décision du 14 février 2022.

Lors de sa séance du 02 juin 2022, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté le recours de Madame [X] [L] [S], estimant que la maladie déclarée n’était répertoriée dans aucun tableau et que le taux prévisible avait été évalué à moins de 25%.

Lors de sa séance du 09 novembre 2022, la commission médicale de recours amiable de la caisse a confirmé le taux d’incapacité prévisible de Madame [X] [L] [S] comme étant inférieur à 25%.

Par lettre recommandée expédiée le 10 août 2022, Madame [X] [L] [S] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, aux fins de contester les décisions explicites de rejet de la commission de recours amiable et de la commission médicale de recours amiable.

A défaut de conciliation et après un renvoi, l’affaire a été évoquée à l’audience du 26 janvier 2024.
Le tribunal, après avoir obtenu l’accord des parties présentes, a statué à juge unique en l’absence des deux assesseurs en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

A cette audience, Madame [X] [L] [S] représentée par son conseil demande au tribunal :
- à titre principal de désigner un expert afin de déterminer son taux d’incapacité prévisible,
- à titre subsidiaire, de fixer son taux d’incapacité prévisible comme étant supérieur à 25%,
- de condamner la caisse au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- d’ordonner l’exécution provisoire.
Elle fait valoir que son médecin a évalué son taux d’incapacité prévisible à plus de 25% et que la caisse n’a pas pris en compte tous les éléments médicaux, notamment les interventions chirurgicales des 31 mars 2021 et 07 juillet 2021. Elle souligne qu’elle n’a toujours pas recouvré la mobilité de son poignet. Elle précise que son état de santé continue à évoluer et qu’elle a dû subir une nouvelle intervention chirurgicale le 09 novembre 2023. Elle expose que, sans la réévaluation de son taux d’incapacité prévisible, elle ne pourra bénéficier d’un examen de sa pathologie par le CRRMP et de la présomption d’imputabilité au travail de l’affection, sa pathologie ne figurant pas dans les tableaux des maladies professionnelles.

En défense, la caisse des Yvelines représentée par son conseil demande au tribunal de confirmer sa décision du 14 février 2022 ayant refusé la prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie déclarée par Madame [X] [L] [S], et de débouter Madame [X] [L] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Elle considère que l’affection de Madame [X] [L] [S] n’est pas référencée dans le tableau des maladies professionnelles, que son médecin conseil a estimé que le taux d’incapacité prévisible de Madame [X] [L] [S] était inférieur à 25%, ce qui a été confirmé par la commission médicale de recours amiable. Elle précise que Madame [X] [L] [S] n’apporte aucun élément postérieur à l’avis de la commission médicale de recours amiable de nature à remettre en cause sa décision.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 22 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le taux d’IPP prévisible :

A titre liminaire, le tribunal rappelle que la présente décision concerne la lésion “rupture du ligament scapholunaire”. Les parties ne contestent pas que cette pathologie ne figure dans aucun tableau des maladies professionnelles.
La contestation de Madame [X] [L] [S] porte sur l’évaluation de son taux d’incapacité permanente partielle prévisible pour une transmission de son dossier au CRRMP.

Il convient de rappeler que la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles après avoir recueilli, notamment, le rapport du service du contrôle médical qui, aux termes de l'article D. 461-29, contient, le cas échéant, le taux d'incapacité permanente de la victime.

Ainsi, le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie hors tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service du contrôle médical au jour de la constitution du dossier en vue de la saisine éventuelle du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, c’est-à-dire dans les temps voisins de la déclaration de la maladie professionnelle. Ce taux est différent du taux d'incapacité permanente fixé après consolidation de l'état de la victime pour l'indemnisation des conséquences de la maladie.

En application des dispositions de l’article L. 461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, “Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé” (25 %).

Aux termes de la “concertation médico-administrative maladie professionnelle” en date du 12 janvier 2022, le docteur [V] [J], médecin conseil de la caisse a décidé d’orienter le dossier de l’assurée vers un refus pour maladie hors tableau avec une évaluation du taux d’incapacité prévisible inférieur à 25%.

Lors de sa séance du 09 novembre 2022, la commission médicale de recours amiable a confirmé un taux d’incapacité prévisible inférieur à 25% en ces termes: “Compte tenu des constatations du médecin conseil, des documents présentés, du terrain et de la profession exercée, de la réglementation, la Commission décide : refus reconnaissance MP du 29/04/2021”.

Madame [X] [L] [S] verse aux débats les éléments médicaux suivants :
- le compte rendu opératoire de l’intervention du 31 mars 2021 consistant en une réparation scapholunaire, qui n’apporte aucun élément sur la question de l’IPP prévisible,
- le rapport médical initial sur pièces du médecin conseil de la caisse pour une demande de reconnaissance de maladie professionnelle en date du 12 janvier 2022 et qui a rendu l’avis motivé suivant : “Au total, selon le barème IP prévisible (blocage en rectitude du poignet non dominant + atteinte maximale prono supination) = 22% au maximum (alors que intervention réparatrice effectuée). IP inférieur à 25%”,
- un courrier du docteur [N] [I] en date du 12 janvier 2023, qui reprend les symptômes de l’assurée “s’inscrivant dans la cadre du syndrome épaule main algodystrophie avec raideur de la main et de l’épaule gauche et les deux doigts (auriculaire et annulaire) flexim très limitée, douleur permanentes et limitation du mouvement du poignet (...) Actuellement, elle souffre d’une tendinite du supra-épineux qui s’installe sévèrement avec une névralgie cervico-brachiable. Elle est déprimée avec un traitement (...) J’estime que son taux d’incapacité est bien supérieur à 25% de handicap permanent” : compte tenu de la multiplicité des symptômes évoqués dans ce courrier (poignet, main, dépression, épaule), le taux d’IPP prévisible évalué ne peut être attribué au seul poignet qui intéresse la pathologie dont le tribunal est saisi ; il s’agit d’un taux d’IPP global évalué à distance de la déclaration de maladie professionnelle. Il sera donc considéré que cette évaluation n’est pas de nature à remettre en cause les éléments du dossier médical de la caisse.
- une lettre du docteur [Z] adressé au docteur [P] [U] en date du 13 juillet 2023, portant sur la consultation du 11 juillet 2023 et qui reprend l’historique médicale de l’assurée, indique qu’elle a “développé une importante raideur du poignet, des douleurs du poignet, des doigts irradiant vers le coude, de l’épaule gauche extrêmement handicapantes et également de l’épaule droite. Les deux doigts ulnaires de la main gauche sont repliés dans la paume” : ce document permet de confirmer que les symptômes en lien avec la maladie déclarée sont une raideur du poignet. Le reste des symptômes (épaule et doigts) n’est pas en lien avec la maladie objet du litige.
- un compte rendu opératoire du docteur [Z] en date du 09 novembre 2023 pour ténotomie intramusculaire de la main gauche et un compte rendu de consultation du 28 novembre 2023 rédigé par le docteur [Z] le 30 novembre 2023, qui mentionne que l’assurée est suivie depuis l’été 2023 pour un problème de doigts ulnaires : ces éléments très postérieurs à la date d’évaluation de l’IPP prévisible concernent la main gauche de l’intéressée et non son poignet. Ces éléments seront donc exclus.

Il résulte de ces éléments qu’au jour de la déclaration de la maladie professionnelle, madame [X] [L] [S] souffrait des symptômes suivants sur son poignet :
- une raideur du poignet,
- des douleurs,
- évocation d’un repli des deux doigts ulnaires, sans que les documents médicaux ne permettent de dater exactement ce symptôme.

Or, à considérer que l’on retienne le taux d’IPP maximal du barème (ce qui est l’hypothèse la plus favorable pour madame [X] [L] [S], s’agissant d’un taux uniquement prévisible à ce stade) :
- le blocage total du poignet non dominant en rectitude et en flexion est évalué au maximum à 10% (paragraphe 1.1.2 du barème)
- l’atteinte associée de la prono-supination est évaluée, au maximum, pour un poignet non dominant à 12% (paragraphe 1.1.2 du barème)
- le blocage des annulaire et auriculaire du côté non dominant n’est pas chiffré (paragraphe 1.2.2 du barème)

En conséquence, le taux d’IPP concernant la seule pathologie évoquée dans le présent dossier ne peut excéder 22%, même si on retient des symptômes exacerbés à leur maximum. Dès lors, le taux d’IPP prévisible pour la maladie concernée ne peut être supérieur à 25% (étant rappelé qu’il ne s’agit pas du taux d’IPP global de toutes les pathologies de l’intéressée, ce handicap général relevant d’une autre procédure). Madame [X] [L] [S] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir fixer à plus de 25% le taux d’IPP prévisible.

Sur la demande d’expertise :

L’article R 142-16 du code de la sécurité sociale dispose que “la juridiction peut ordonner toute mesure d'instruction, qui peut prendre la forme d'une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l'audience, par un consultant avisé de sa mission par tous moyens, dans des conditions assurant la confidentialité, en cas d'examen de la personne intéressée.”
Toutefois, cet article est à considérer dans les limites posées par l’article 144 du code de procédure civile, c’est-à-dire que les mesures d'instruction ne se justifient que si le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer. En l’espèce, il s’avère que le taux d’IPP prévisible pour la maladie en cause ne peut, mathématiquement, pas être supérieur à 25%. Dès lors, une mesure d’expertise n’apparaît pas nécessaire.

Sur les dépens :

L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Madame [X] [L] [S], succombant à l’instance, sera tenue aux entiers dépens.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Madame [X] [L] [S], tenue aux dépens, sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire :

N’apparaissant pas nécessaire, l’exécution provisoire ne sera pas ordonnée.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant à juge unique par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 22 mars 2024 :

DEBOUTE Madame [X] [L] [S] de toutes ses demandes ;

CONFIRME la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES en date du 14 février 2022 ayant refusé la prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie déclarée par Madame [X] [L] [S] “rupture du ligament scapholunaire” (sinistre 210429759) ;

CONDAMNE madame [X] [L] [S] aux entiers dépens ;

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Sophie COUPET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/00970
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;22.00970 ?
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