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22/03/2024 | FRANCE | N°14/01219

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 22 mars 2024, 14/01219


Pôle social - N° RG 14/01219 - N° Portalis DB22-W-B66-ONDE

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [6]
- CPAM DES YVELINES
- Me Corinne POTIER
- Me Claire COLLEONY
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE VENDREDI 22 MARS 2024



N° RG 14/01219 - N° Portalis DB22-W-B66-ONDE
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [6]
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Lo

calité 3]

représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Clotilde MICHELET, avocat au barreau de PARIS



DÉFENDEUR :

CPAM DES...

Pôle social - N° RG 14/01219 - N° Portalis DB22-W-B66-ONDE

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [6]
- CPAM DES YVELINES
- Me Corinne POTIER
- Me Claire COLLEONY
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE VENDREDI 22 MARS 2024

N° RG 14/01219 - N° Portalis DB22-W-B66-ONDE
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [6]
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Clotilde MICHELET, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Me Claire COLLEONY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Sophie COUPET, Vice-Présidente statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 26 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 22 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 14/01219 - N° Portalis DB22-W-B66-ONDE

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 21 janvier 2014, la société [6] a souscrit une déclaration d’accident du travail mentionnant que Monsieur [F] [S], salarié depuis le 1er janvier 1982 au sein du service développement accessoire, a été victime d’un accident le 16 janvier 2014 à 10H30 dans les circonstances suivantes : « l'intéressé déclare : suite à un échange de mail tendu avec Madame X, j'ai ressenti une vive douleur dans la poitrine et me suis rendu au service médical - volets remis le 16/01/14 » « Nature des lésions : malaise » ; « la victime a été transportée à l’hôpital [5] ».

Le jour-même, la société [6] a adressé une lettre de réserves à la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (ci-après CPAM).

Le certificat médical initial établi le 18 janvier 2014 par le docteur [W] fait état d'une « douleur thoracique sur stress professionnel ».

Le 16 avril 2014, la caisse a reconnu le caractère professionnel de l’accident, après instruction du dossier, et informé la société de la prise en charge de l'accident déclaré par Monsieur [F] [S] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 08 novembre 2016, la caisse a informé que la date de consolidation était fixée au 30 novembre 2016.

En l'absence de réponse de la commission de recours amiable saisie par courrier en date du 13 juin 2014, la société [6] a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2014 afin de solliciter l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident survenu le 16 janvier 2014 à son salarié, Monsieur [F] [S] et, à défaut, l’inopposabilité des soins et arrêts à compter du 14 février 2014.

A défaut de conciliation entre les parties et après un renvoi, l’affaire a été plaidée à l'audience du 21 mars 2019 devant le pôle social du tribunal de grande instance de Versailles nouvellement constitué, conformément aux dispositions de la loi 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle et du décret n°2018-772 du 04 septembre 2018, le tribunal, après avoir reçu l'accord des parties dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, statuant à juge unique après avoir recueilli l'avis de l'assesseur présent, en application des dispositions de l'article 17 VIII du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018.

Par un jugement contradictoire et rendu en premier ressort en date du 17 mai 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Versailles a notamment :
- Dit que la décision du 16 avril 2014 de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident dont a été victime Monsieur [F] [S] le 16 janvier 2014 est bien fondée et opposable à la société [6] ;
- Ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces et désigné en qualité d'expert, le Docteur [V] [Y], avec pour mission notamment de fixer la durée des soins et arrêts de travail en relation directe et exclusive avec l'accident du travail du 16 janvier 2014 dont a été victime Monsieur [F] [S].

Par déclaration du 18 juin 2019, la société [6] a interjeté appel du jugement du 17 mai 2019.
Par un arrêt du 07 mai 2020, la cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement rendu le 17 mai 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Versailles, en toutes ses dispositions, et a déclaré inopposable à la société [6] la décision de la CPAM relative à la prise en charge de l'accident survenu à Monsieur [F] [S] le 16 janvier 2014.
La CPAM a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Les parties ont de nouveau été convoquées à l'audience du 06 novembre 2020 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles nouvellement constitué conformément aux dispositions de la loi 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et du décret n°2019-912 du 30 août 2019.

Par un jugement en date du 18 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a notamment sursis à statuer sur toutes les demandes jusqu’à la décision définitive rendue par le Cour de cassation dans l’instance d’inopposabilité opposant la société [6] à la CPAM des Yvelines.

Par un arrêt du 07 avril 2022, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 07 mai 2020 par la cour d’appel de Versailles et a remis l’affaire et les parties dans l’état où elle se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée.
Par arrêt du 16 novembre 2023, la cour d’appel de VERSAILLES a confirmé le jugement du 17 mai 2019 en ce qu’il a déclaré opposable à l’employeur la décision du 16 avril 2014 de prise en charge de l’accident professionnel de monsieur [F] [L] en date du 16 janvier 2014 et en ce qu’il a ordonné une expertise médicale sur pièces.

Par ordonnance de changement d’expert du 03 mai 2023, le docteur [O] [B] a été désigné en remplacement du docteur [Y] [V].

Le 07 novembre 2023, le docteur [O] [B] a rendu son rapport qui a été transmis aux parties.

L’affaire a été rappelée à l’audience du 26 janvier 2024, le tribunal, après avoir obtenu l’accord des parties présentes, a statué à juge unique en l’absence des deux assesseurs en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

A cette audience, la société [6], représentée par son conseil, a demandé au tribunal de lui déclarer inopposables les soins et arrêts de travail prescrits à monsieur [F] [S] à compter du 14 février 2014, de condamner la CPAM des Yvelines au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la CPAM des Yvelines aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Elle précise qu’elle ne conteste plus le caractère professionnel de l’accident du travail et qu’elle demande l’entérinement du rapport d’expertise concernant l’inopposabilité des soins et arrêts à compter du 14 février 2014.

En défense, la CPAM des Yvelines, représentée par son conseil, demande au tribunal de rejeter les conclusions du docteur [O] [B], de dire opposable à la société [6] la prise en charge de l’ensemble des soins et arrêts de travail au titre de l’accident du travail dont a été victime monsieur [F] [S] et de débouter la société [6] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Elle estime que l’expert n’a pas tiré les conclusions de son analyse médicale, qu’il n’ y a pas d’état dépressif caractérisé, qu’il existe un état antérieur avéré, que l’accident a aggravé cet état antérieur et les soins et arrêts doivent être pris en charge par la CPAM.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 22 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l’inopposabilité des soins et arrêts :

En vertu de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité qui s’applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident pendant toute la période d’incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement à toutes les conséquences directes de l’accident, fait obligation à la caisse de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail les dépenses afférentes à ces lésions.

Il en résulte que la présomption d’imputabilité des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, c’est-à-dire de démontrer que les soins et arrêts sont dus à une cause totalement étrangère au travail ou à un état antérieur préexistant évoluant pour son propre compte.

En l’espèce, le certificat médical initial prescrit un arrêt de travail à compter du 18 janvier 2014, arrêt qui a été renouvelé jusqu’au 30 novembre 2016, date de la consolidation. Il s’en suit que la présomption d’imputabilité s’applique sur toute la période considérée.

Dans son rapport d’expertise, le docteur [O] [B] estime que les symptômes liés à l’accident du travail de l’assuré consistaient uniquement en une douleur thoracique, puisque la première référence à un trouble psychiatrique est datée du 14 février 2014 (syndrome dépressif sévère sur les problèmes professionnels). L’expert précise que les symptômes en lien avec l’accident du travail (douleur thoracique) avaient totalement disparu lors de l’examen de l’assuré par le médecin conseil de la caisse le 14 avril 2014. L’expert retient un état antérieur qui a pu favoriser les troubles survenu le jour de l’accident mais que cela n’est pas objectivement établi, et que ces troubles ont pu aggraver l’état antérieur “mais cette relation reste, dans l’état actuel du dossier, hypothétique”.
Ainsi, l’expert en conclut qu’ “en l’absence de document objectif dans l’état actuel du dossier : douleur thoracique isolée, ayant justifié une hospitalisation de 24h en service de soins intensifs cardiologique et des explorations cardiologiques jusqu’au 03 févier 2014. Aucun état dépressif signalé avant le 14 février 2014. Etat antérieur avéré, ayant pu favoriser l’accident et ayant pu être aggravé par ce dernier, mais il ne s’agit que d’hypothèses dans l’état actuel du dossier. Soins et arrêts de travail à dater du 14 février 2014 non imputables à l’accident, dans l’état actuel du dossier”.

Pour contester les conclusions de l’expertise, la CPAM des Yvelines produit l’avis du docteur [H] [I]. Cette dernière indique que : “...même s’il existe un état antérieur psychologique (mais sans notion de diagnostic de syndrome dépressif caractérisé avant l’AT), cet état antérieur a été largement décompensé et aggravé par le fait accidentel du 16 janvier 2014. Il faut rappeler que toute l’aggravation de l’état antérieur doit être prise en charge en accident de travail... Le CMI mentionne “douleur thoracique sur stress professionnel”, la douleur thoracique correspond à la première manifestation psychosomatique suite à l’exposition à un facteur de stress aigu. L’évolution s’est ensuite faite dans les semaines qui ont suivi vers l’installation d’un syndrome dépressif sévère”.

Le médecin-conseil de la caisse confirme donc la position de l’expert, lorsqu’il est considéré qu’il existait un état antérieur. Reste à déterminer si l’accident du travail a décompensé et aggravé cet état antérieur (auquel cas les soins et arrêts sont tous imputables à l’accident du travail) ou si l’accident du travail n’a eu aucun impact sur cet état antérieur qui a alors évolué pour son propre compte (ce qui permet de renverser la présomption d’imputabilité).

L’expert indique, sur ce point “à la suite de l’événement du 16 janvier 2014, un traitement antidépresseur a bien été ajouté, mais à une date inconnue (peut-être le 14 février). Cela pouvait certes être le signe d’une aggravation, mais tout aussi bien une meilleure prise en compte de l’état antérieur, auparavant non traité, qui évoluait pour son propre compte. Aucun document, comme écrit ci-dessus, ne vient appuyer l’une ou l’autre hypothèse”.

Toutefois, en droit, il convient de rappeler qu’il existe une présomption d’imputabilité des soins et arrêts. Ce n’est qu’avec la preuve que les soins et arrêts sont imputables à un état antérieur évoluant pour son propre compte que ces soins et arrêts peuvent être déclarés inopposables. Or, l’expert note bien qu’une telle preuve ne ressort pas du dossier.

Dès lors, il convient donc de déclarer opposables à l’employeur l’ensemble des soins et arrêts à prescrits à monsieur [F] [S] en lien avec son accident du travail du 16 janvier 2014.

Sur les dépens :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société [6], succombant à l’instance, sera tenue aux entiers dépens, qui comprennent le coût de l’expertise médicale judiciaire, s’agissant d’une expertise ordonnée par jugement du 17 mai 2019.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer, à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

La société [6], tenue aux dépens, sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant à juge unique après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe le 22 mars 2024 :

DÉCLARE OPPOSABLES à la société [6] les décisions de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, des soins et arrêts de travail prescrits à monsieur [F] [S] en lien avec son accident du travail survenu le 16 janvier 2014, à compter du 16 janvier 2014 et jusqu’au 30 novembre 2016, date de la consolidation ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples ;

CONDAMNE la société [6] aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise confiée au docteur [B].

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Sophie COUPET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 14/01219
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;14.01219 ?
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