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21/03/2024 | FRANCE | N°22/05196

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 21 mars 2024, 22/05196


Minute n°





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
21 MARS 2024


N° RG 22/05196 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q2IG
Code NAC : 30B



DEMANDERESSE :

La société SCI PLACE DU BEFFROI, société civile immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 401 238 530 dont le siège social est situé [Adresse 1], représenté par son gérant, Monsieur [F] [G], domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Elisa GUEILHERS de la SELEURL ELISA GUEILHERS A

VOCAT, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.



DÉFENDERESSE :

La société ATTIJARIWAFA BANK EUROPE, société anonyme im...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
21 MARS 2024

N° RG 22/05196 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q2IG
Code NAC : 30B

DEMANDERESSE :

La société SCI PLACE DU BEFFROI, société civile immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 401 238 530 dont le siège social est situé [Adresse 1], représenté par son gérant, Monsieur [F] [G], domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Elisa GUEILHERS de la SELEURL ELISA GUEILHERS AVOCAT, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDERESSE :

La société ATTIJARIWAFA BANK EUROPE, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 485 031 181 dont le siège social est situé [Adresse 3], prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Cédric GUYADER de la SELARL INTERVISTA, avocat plaidant au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL du 14 Septembre 2022 reçu au greffe le 26 Septembre 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 08 Février 2024, Madame GARDE, Juge, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions
de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame [I]
DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au
21 Mars 2024.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 24 mai 2012, la SCI Place du Beffroi
a donné à bail commercial à la société AWBE divers locaux situés [Adresse 2]
[Adresse 2] à [Localité 4] (78), pour une durée de neuf années à compter du
1er juin 2012, moyennant un loyer annuel de 26.400 € en principal.

Le 16 novembre 2020, la SCI Place du Beffroi a fait signifier à la société AWBE un congé avec offre de renouvellement à compter du 1er juin 2021.

A la suite de la délivrance de ce congé, la société AWBE a, par courrier en date du 25 novembre 2020, proposé à la SCI Place du Beffroi d’opter pour un nouveau bail dérogatoire de courte durée qui se terminerait le 31 décembre 2021. La SCI Place du Beffroi a accepté le principe du bail dérogatoire et adressé un projet de bail au preneur au mois de janvier 2021. Les discussions engagées sur ce point n’ont cependant pas abouti.

Les parties sont alors convenues de mettre un terme à leur relation contractuelle et la société AWBE a quitté les locaux donnés à bail le 29 mars 2022.

Toutefois, considérant que la société AWBE avait entravé le bon déroulement de la fin du bail et l’avait empêchée de procéder, rapidement, à la conclusion d’un nouveau bail, la SCI Place du Beffroi l’a, par exploit introductif d’instance en date du 14 septembre 2022, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Versailles en indemnisation du préjudice subi.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 26 septembre 2023, la SCI Place du Beffroi demande au tribunal de :

- Condamner la société AWBE à payer à la SCI Place du Beffroi la somme de 17.870,88 € correspondant à 6 mois de loyer, pour préjudice subi pour entrave à la relocation du bail,
- Débouter la société AWBE de l’ensemble de ses demandes,
- Acter que la SCI Place du Beffroi accepte de rembourser la somme de
405,16 €,

- Condamner la société AWBE à payer à la SCI Place du Beffroi la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société AWBE à payer aux entiers dépens (sic) dont distraction au profit de Maître Elisa Gueilhers, avocat.

La SCI Place du Beffroi soutient, au visa de l’article 11 du contrat de bail, qu’elle a donné congé au preneur pour le 31 mai 2021 et qu’un pré-état des lieux de sortie s’est tenu dès le mois de mars 2021. Elle souligne qu’à son issue, le preneur a décidé de procéder, par lui-même, aux travaux de remise en état des locaux, raison pour laquelle elle a accepté, à deux reprises, le report de la date de sortie des lieux, fixée au 30 septembre 2021.

Elle explique que la nature des travaux à accomplir, consignée dans le
compte-rendu de l’architecte, était connue depuis le 15 avril 2021 et fait
grief à la société AWBE de ne pas avoir suffisamment anticipé leurs
conditions d’exécution, ce qui a engendré des délais supplémentaires.

Elle considère, en effet, avoir perdu toute visibilité sur la date de restitution des locaux à compter du mois d’octobre 2021, ce qui l’a privée de la possibilité de faire visiter les locaux et d’envisager la régularisation d’un nouveau bail.

Elle reconnaît, en tout état de cause, avoir commis une erreur sur l’indice pour la revalorisation du loyer et ne conteste pas devoir rembourser à la société AWBE le trop-perçu de loyer qui en a résulté.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 11 septembre 2023, la société AWBE demande au tribunal de :

- Débouter la SCI Place du Beffroi de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- Ramener les dommages et intérêts accordés à la SCI du Beffroi à de plus justes montants,
- Ecarter l’exécution provisoire de droit sur l’ensemble des condamnations prononcées au bénéfice de la SCI du Beffroi,

En tout état de cause,
- Condamner la SCI du Beffroi à payer à la société AWBE la somme de
607,36 € au titre du remboursement de l’indu perçu sur le loyer,
- Condamner la SCI du Beffroi à payer à la société AWBE la somme de
4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société AWBE souligne, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, s’être maintenue dans les lieux jusqu’au 30 septembre 2021 pour procéder, avec l’accord du bailleur, aux travaux de remise en état des locaux. Elle considère qu’une telle situation doit être qualifiée d’occupation précaire et non de prolongation et/ou renouvellement du contrat de bail commercial.

Elle explique que la SCI Place du Beffroi a délibérément refusé la restitution des locaux le 6 octobre 2021 en exigeant des travaux de remise en état supplémentaires alors qu’elle était libre de récupérer les locaux et de procéder, par elle-même, aux travaux nécessaires. Elle réfute, par ailleurs, avoir commis la moindre faute dans la mesure où elle a fait preuve de diligences, permis les visites nécessaires (sauf incompatibilité horaire) et acquitté une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer, seule contrepartie légale à un hypothétique maintien sans droit ni titre dans les locaux.

Elle considère que le lien de causalité entre son maintien dans les lieux et le défaut de conclusion d’un nouveau bail n’est pas démontré et que la SCI Place du Beffroi ne justifie d’aucun préjudice autre que celui compensé par l’allocation d’une indemnité d’occupation. Elle observe, à titre subsidiaire, que le préjudice ne pourrait consister qu’en une perte de chance d’avoir pu relouer les locaux.

Elle relève, enfin, que la demande en remboursement du trop-perçu de loyer n’est pas contestée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2023.

MOTIFS

Les dispositions issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations étant applicables aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, il sera fait référence, dans le présent jugement, à l’ancienne numérotation du code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts pour entrave à la relocation

Selon l’article L. 145-9 du code de commerce, les baux commerciaux ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.

L’article L. 145-5-1 du code de commerce dispose que la convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.

En vertu de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, la SCI Place du Beffroi ne précise pas le fondement juridique de sa demande. Cela étant, les pièces versées aux débats établissent que le bail commercial liant les parties a pris fin au 31 mai 2021, date d’effet du congé délivré, et que le maintien dans les lieux du preneur, auquel le bailleur a consenti jusqu’au 30 septembre 2021, avait pour seul objet de permettre la remise en état des locaux conformément aux stipulations contractuelles.

Cette situation, souhaitée par les parties jusqu’au 30 septembre 2021 puis prolongée, compte tenu des circonstances, jusqu’au 29 mars 2022, date de la remise des clés, doit être qualifiée d’occupation sans droit ni titre, au sens des dispositions de l’article 1240 du code civil. En effet, la preuve de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties n’est pas rapportée.

Il est exact qu’en se maintenant dans les lieux pendant plusieurs mois, la société AWBE a privé la SCI Place du Beffroi de la libre disposition de son bien et de la perception d’éventuels revenus locatifs.

Néanmoins, cette situation a été générée par la SCI Place du Beffroi qui a non seulement accepté de confier à la société AWBE la réalisation des travaux de remise en état des locaux (alors que l’article 11 du contrat de bail lui permettait d’y procéder elle-même et de les facturer directement au preneur à l’issue du bail) mais aussi reporté, à plusieurs reprises, le délai pour les accomplir.

Il faut d’ailleurs relever, sur ce point, que le deuxième report a été accordé jusqu’au 30 septembre 2021, alors même que la SCI Place du Beffroi prétend avoir été empêchée de régulariser un bail avec un tiers au mois de mai 2021. En toute hypothèse, si la SCI Place du Beffroi n’a pas consenti au maintien dans les lieux de la société AWBE au-delà de cette échéance, elle a décliné la remise des clés proposée le 6 octobre 2021 et exigé la poursuite des travaux engagés ainsi que la levée des réserves formulées.

Aucune faute ne saurait donc être imputée à la société AWBE qui justifie, par les pièces versées aux débats, avoir procédé aux diligences nécessaires pour répondre aux attentes de la SCI Place du Beffroi et assurer la restitution des locaux dans les conditions prévues par le bail et ce, malgré un contexte économique déstabilisé par l’épidémie de Covid-19.

Au surplus, la SCI Place du Beffroi ne justifie d’aucun préjudice, le maintien dans les lieux de la société AWBE s’étant opéré moyennant le versement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer précédemment appelé.

S’agissant, enfin, des visites sur place, les courriels versés aux débats établissent que celles-ci ont toujours été permises, à l’exception d’une seule, pour des questions d’agenda. L’entrave alléguée n’est donc pas justifiée.

Dès lors, à défaut de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité, la SCI Place du Beffroi sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de remboursement du trop-perçu de loyer

Aux termes de l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, les parties s’accordent sur le remboursement d’un trop perçu de loyer consécutif à une erreur dans l’application de l’indexation contractuelle. Elles s’opposent, en revanche, sur la période à prendre en compte.

Si la société AWBE fonde son calcul sur le délai de prescription quinquennal, le bail commercial liant les parties est arrivé à échéance le 31 mai 2021. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner le remboursement du trop-perçu pour la période postérieure, l’indemnité d’occupation n’étant pas, sauf stipulation contraire, soumise à indexation.

La SCI Place du Beffroi sera donc condamnée à payer à la société AWBE la somme de 405,16 € au titre du trop-perçu de loyer entre le 1er février 2018 et le 31 mai 2021.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La SCI Place du Beffroi, qui succombe en ses demandes, sera condamnée aux dépens de l’instance.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

La SCI Place du Beffroi, partie tenue aux dépens, sera condamnée à payer à la société AWBE la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

CONDAMNE la SCI Place du Beffroi à rembourser à la société Attijariwafa
Bank Europe la somme de 405,16 € au titre du trop-perçu de loyer entre le
1er février 2018 et le 31 mai 2021 inclus,

CONDAMNE la SCI Place du Beffroi à payer à la société Attijariwafa Bank Europe la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits,

CONDAMNE la SCI Place du Beffroi aux dépens de l’instance,

REJETTE les autres demandes des parties,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 MARS 2024 par Madame GARDE, Juge, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/05196
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;22.05196 ?
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