La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2024 | FRANCE | N°20/04251

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Première chambre, 21 mars 2024, 20/04251


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
21 MARS 2024



N° RG 20/04251 - N° Portalis DB22-W-B7E-PROZ
Code NAC : 28A

DEMANDEURS :

Monsieur [Z] [K] [S]
né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 23]
demeurant [Adresse 12]
[Localité 13]

Monsieur [X] [S]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 23]
demeurant [Adresse 17]
[Localité 18] (ESPAGNE)

Madame [M] [F] [S]
née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 23]
demeurant [Adresse 12]
[Localité 13]
>représentés par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Murielle-Isabelle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, avocat plai...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
21 MARS 2024

N° RG 20/04251 - N° Portalis DB22-W-B7E-PROZ
Code NAC : 28A

DEMANDEURS :

Monsieur [Z] [K] [S]
né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 23]
demeurant [Adresse 12]
[Localité 13]

Monsieur [X] [S]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 23]
demeurant [Adresse 17]
[Localité 18] (ESPAGNE)

Madame [M] [F] [S]
née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 23]
demeurant [Adresse 12]
[Localité 13]

représentés par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Murielle-Isabelle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

Madame [O] [U] veuve [S]
née le [Date naissance 6] 1938 à [Localité 15] (76)
demeurant [Adresse 5]
[Localité 19]

représentée par Me Patricia POULIQUEN-GOURMELON, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Francesca SATTA, avocat au barreau de SAINTES, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 24 Août 2020 reçu au greffe le 27 Août 2020.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 22 Janvier 2024, Madame DURIGON, Vice-Présidente, et Madame MARNAT, Juge siégeant en qualité de juges rapporteurs avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistées de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 21 Mars 2024.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame DAUCE, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge

EXPOSE DU LITIGE  
Monsieur [Z] [P] [B] [S] a vendu, le 27 juin 2012, son bien immobilier sis [Adresse 10] à [Localité 24] pour la somme de 1.200.000 euros.

Le produit de cette vente a été viré, le 29 juin 2012, sur le compte bancaire n°[XXXXXXXXXX02] [14].
Le même jour, Monsieur [Z] [S] a souscrit auprès de la banque [14] : 
 
Un contrat d’assurance vie n°0062126593,
Un contrat d’assurance vie n°0062126581,
Un contrat d’assurance vie n°0062126589. 
 
Le produit de la vente a été placé sur ces trois contrats d'assurance vie [14], le 10 juillet 2012.
 
Monsieur [Z] [P] [B] [S] est décédé le [Date décès 7] 2019 à [Localité 21], laissant pour lui succéder :
 
-         Madame [O] [A] [H] [U] veuve [S], sa seconde épouse survivante, née le [Date naissance 6] 1938 à [Localité 15] ;
-         Monsieur [Z] [K] [S], son fils issu d'une première union, né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 22] ;
-         Monsieur [X] [S], son fils issu d'une première union, né le [Date naissance 9] 1961 à [Localité 22] ;
-         Madame [M] [F] [S], sa fille issue d'une première union, née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 22].
 
Par courriel daté du 02 juin 2020, Maître [I], Notaire à [Localité 22], a indiqué à Maître [D], Notaire à [Localité 21] et en charge de la succession de Monsieur [Z] [P] [B] [S], la nécessité d’inscrire en compte de récompense due par la communauté à la succession la somme de 1.200.000 euros, correspondant au produit de la vente du 27 juin 2012 de l’immeuble situé au [Adresse 10]. Maître [I] a également précisé “Merci d'informer Mme [O] [U] des conséquences éventuelles d'un recel successoral”.
 
Cette demande est restée sans réponse.
 
C'est dans ce contexte que Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X]  [S] et Madame [M] [S] (ci-après les consorts [S]) ont, par acte d'huissier du 24 août 2020, fait assigner Madame [O] [U] veuve [S] devant le tribunal judiciaire de Versailles afin de notamment voir prononcer l'intégration de la somme de 1.200.000 euros en compte de récompense due par la communauté à la succession de Monsieur [Z] [P] [B] [S] d'une part, et de condamner Madame [O] [U] veuve [S] pour recel successoral d'autre part.
 
Par jugement du 5 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a ordonné la réouverture des débats, pour permettre aux parties de s'expliquer sur le moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence de demande de partage judiciaire. Le tribunal a relevé notamment : «(…) les demandes en rapport d’une libéralité dont aurait bénéficié un héritier et en application de la sanction du recel successoral ne peuvent être formées qu’à l’occasion d’une action en partage judiciaire.
En effet, la sanction du recel est intimement liée à l’existence même du partage puisqu’elle consiste à priver l’héritier receleur de sa part dans les biens ou les droits détournés ou recelés et à lui imposer, lorsque le recel a porté sur une donation rapportable, de rapporter celle-ci sans pouvoir y prétendre à aucune part. C’est donc bien au moment du partage que s’applique la sanction du recel successoral.
Or, en l’espèce, aucune des parties n’a sollicité l'ouverture judiciaire des opérations de compte liquidation partage.
 
Par conséquent, il convient de soulever d’office l’irrecevabilité de la demande et ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur ce point, ou de modifier leurs demandes."

Par dernières conclusions récapitulatives n°4 signifiées le 10 novembre 2022, les consorts [S] demandent au tribunal de :
 
« Vu les articles 1405 et 1433 du Code civil ; 
Vu les articles 1360 de procédure civile ; 
Vu l’article 126 du Code de procédure civile ; 
Vu l’article 778 du Code civil ; 
 
Vu l’article 126 du Code de procédure civile, 
 
-         ÉCARTER la demande d’irrecevabilité soulevée par la défenderesse ; 
 
Vu l’article 1360 du Code de procédure civile, 
 
-         ORDONNER l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Monsieur [Z] [P] [B] [S] décédé le [Date décès 7] 2019 ; 
 
-         CONSTATER la complexité des opérations et DESIGNER en conséquence, sur le fondement de l’article 1364 du Code de procédure civile un Notaire pour procéder aux opérations de partage ; 
 
-        COMMETTRE un juge pour surveiller ces opérations ; 
 
-         ORDONNER, si les biens immobiliers dépendant de la succession sont vendus pendant les opérations liquidatives, que le prix de vente du bien soit séquestré dans la comptabilité du Notaire désigné pour procéder aux opérations de liquidation jusqu’à ce que les opérations de liquidation aient pu être terminées ; 
 
-         ORDONNER l’actualisation des comptes de l’indivision issus de la succession de Monsieur [Z] [P] [B] [S] au jour du jugement à intervenir ; 
 
Vu l’article 778 du Code civil,
 
-         CONDAMNER Mme [U] pour recel successoral ;
 
-     PRONONCER l’intégration de la somme de 1 200 000 euros en compte de récompense due par la communauté à la succession de Monsieur [Z] [S] ;
 
-         ORDONNER la transmission depuis 2012 des relevés de comptes de Monsieur [Z] [S] ainsi que ceux de Mme [U] puisqu’ils étaient en communauté de bien. 
 
Par conséquent ;
 
-         CONDAMNER Mme [U] à la restitution de la somme de 197.000 euros
 
-         ORDONNER la réintégration des sommes restituées par Mme [U] dans la succession de M. [Z] [S] ; 
 
En tout état de cause, 
 
-         CONDAMNER Mme [U] au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
 
-         Ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Murielle CAHEN ; 
 
-      DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».
 

Ils font valoir que le tribunal judiciaire de Versailles est compétent pour connaître du litige, la succession du de cujus ayant été ouverte à [Localité 19], et que l’irrecevabilité soulevée par la défenderesse doit être écartée, en ce que sa cause a disparu au moment où le tribunal devra statuer, ces derniers précisant avoir sollicité l’ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Monsieur [Z] [P] [B] [S]. Ils ajoutent qu’ils ont accompli les diligences nécessaires en vue d’un partage amiable.
 
Ils exposent que le patrimoine à partager est notamment constitué de :
-         Une maison sise à [Adresse 20] (78) estimée à 180.000 euros ;
-       Un immeuble à [Localité 22] [Adresse 11] à [Localité 22] pour une valeur de 1.200.000 euros ;
-         Un compte courant au nom de Monsieur et Madame [S] auprès de la banque [16].
 
Ils expliquent le de cujus a hérité du bien sis [Adresse 10] à [Localité 22] au décès de ses parents en 1980 ; qu’il a contracté mariage avec Madame [O] [U] veuve [S] le 15 juin 1981; que cette dernière a procédé à des retraits sur les comptes bancaires durant ces huit dernières années ; que le bien immeuble ayant été acquis avant le mariage, Madame [O] [U] veuve [S] s'est enrichie au détriment du patrimoine propre de Monsieur [Z] [P] [B] [S] et est ainsi redevable d'une récompense égale à la somme de 1.200.000 euros. Ils ajoutent que le défunt a fait une donation d'un montant de 80.724 euros en mars 2018 à la défenderesse.
 
Ils soutiennent que le recel successoral est caractérisé notamment par :
-        L'émission des chèques suivants par Madame [O] [U] veuve [S] :  chèque n° 7024094 daté 22 novembre 2012 d'un montant de 50.000 euros, le chèque n° 7024092 daté 04 mars 2013 d'un montant de 10.000 euros, le chèque n° 7024096 daté 04 mars 2013 d'un montant de 50.000 euros, le chèque n° 7024097 daté du 06 novembre 2013 d'un montant de 50.000 euros et du chèque n° 7024098 daté du 29 mai 2014 d'un montant de 37.000 euros ;
-        Le placement de la somme de 200.000 euros issue de la vente du bien ;
-        Le refus, par la défenderesse, de rapporter les sommes à la succession ; 
-         Le rachat total de l’assurance vie d'un montant de 300.000 euros en janvier 2014 par la défenderesse ; 
-         La modification du contrat d’assurance vie n° 0062126593 par Madame [O] [A] [H] [U] veuve [S] pour en devenir la bénéficiaire ; 
-         Le rachat total de l’assurance vie, par la défenderesse, d'un montant de 400.000 euros en février 2018, un an après le premier accident vasculaire cérébral du défunt.
 
Les demandeurs font par ailleurs valoir que l'intention de Madame [O] [U] veuve [S] est caractérisée par les multiples refus de sa part de faire un rapport de la vente de l’immeuble à la succession. Ils ajoutent que son refus de se prononcer ou non sur ses intentions quant à la succession depuis son ouverture démontre une intention de dissimuler les sommes retirées au fur et à mesure sur les différents comptes bancaires. 
  
Les consorts [S] exposent subir un préjudice matériel résultant du blocage de la succession de leur père d'une part, et du détournement d'une partie de la succession par Madame [O] [U] veuve [S] à leur détriment d'autre part. Ils exposent qu'en cas de rejet de leur demande en réintégration des sommes recelées par la défenderesse, il serait porté atteinte à la réserve héréditaire.
 
Enfin, ils estiment que Madame [O] [U] veuve [S] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice moral.

Par dernières conclusions rectificatives et récapitulatives n°3 signifiées le 2 novembre 2022, Madame [O] [U] veuve [S] demande au tribunal de :
 
« Vu l’article 778 du code civil,
Vu la jurisprudence constante en matière de recel successoral,
Vu les pièces versées au débat,
 
A titre liminaire,
 
-      DECLARER irrecevable de plein droit la demande de Monsieur [S] [Z] [K],
Monsieur [S] [X] et Madame [S] [M] ;
 
-     REJETER la demande d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Monsieur [Z] [P] [B] [S] décédé le [Date décès 7] 2019 ;
 
Sur le fond,
 
-         DEBOUTER Monsieur [S] [Z] [K], Monsieur [S] [X] et Madame [S] [M] de l’ensemble de leurs demandes ;
 
En conséquence,
 
-         REJETER la demande d’intégration de la somme de 1.200.000 Euros en compte de récompense due par la communauté à la succession de Monsieur [Z] [S] ;
 
-         REJETER la demande de condamnation de Madame [U] pour recel successoral pour défaut d’élément matériel et intentionnel ;
 
-    CONDAMNER Monsieur [S] [Z] [K], Monsieur [S] [X] et Madame [S] [M] à payer à Madame [U] la somme de 70.000 Euros en dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
 
-         CONDAMNER Monsieur [S] [Z] [K], Monsieur [S] [X] et Madame [S] [M] à payer à Madame [U] la somme de 10.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
 
-         ORDONNER l’exécution provisoire de la présente decision. »
 
Elle précise qu’aucune demande de partage judiciaire n’a été formulée au terme de l’assignation qui lui a été délivrée et que les demandeurs ne justifient d’aucune tentative tendant à un partage amiable.
 
Elle conteste tout recel successoral. Ainsi, concernant le contrat d’assurance vie n°0062126589, la défenderesse soutient en être la seule bénéficiaire. Elle ajoute que les retraits mensuels effectués d’un montant de 900 euros sont valables, qu'ils ont bénéficié au défunt. Elle estime que l’intégralité de la somme restante sur ce contrat lui appartient.
S’agissant du contrat d’assurance vie n°0062126581, Madame [O] [U] veuve [S] fait valoir en être devenue l'usufruitière au décès de son époux tandis que les enfants de ce dernier en sont devenus les nus-propriétaires à parts égales entre eux. Elle déclare que ce compte a été racheté et que l’intégralité des sommes restantes a été versée sur le compte du défunt, qu’elle n’a jamais bénéficié directement de cette somme à des fins personnelles.  
 
Enfin, concernant le contrat d’assurance vie n°0062126593, elle soutient qu’il lui permettait de conserver uniquement les intérêts du capital ; qu'en sa qualité d'usufruitière, elle ne pouvait pas utiliser la somme de 400.000 euros placée sur ledit contrat ;  que le nouveau contrat prévoyait qu’en cas de décès de Monsieur [Z] [P] [B] [S], elle serait bénéficiaire de son compte en sa qualité d’épouse non séparée de corps ;  qu'en tout état de cause, ce compte a été clôturé et qu'un virement a été effectué sur son compte personnel.
 
Elle fait valoir que le consentement de Monsieur [Z] [P] [B] [S] était libre et éclairé lors de la souscription de l’ensemble des contrats d’assurance vie et lors des opérations de rachat partiel ou rachat total effectué à la demande de ce dernier.
 
Elle précise que la somme de 90.000 euros correspond en réalité à sa part sur la vente de la maison commune, cette somme ayant en tout état de cause intégré la communauté de biens afin que les héritiers de Monsieur [Z] [P] [B] [S] puissent en bénéficier.
Elle conteste avoir emporté des biens mobiliers à l’insu des enfants du défunt, et tous les comportements qui lui sont reprochés. Elle précise en outre que les retraits par émission de chèques d’un montant respectif de 50.000 euros, 10.000 euros, 50.000 euros, 50.000 euros et 37.000 euros lui ont permis à elle et son époux de réaliser des travaux dans leur maison outre des travaux du bien appartenant au de cujus situé au [Adresse 8] à [Localité 19].

Elle ajoute que la somme de 25.000 euros a permis à Monsieur [Z] [P] [B] [S] d’intégrer un EPADH de février 2019 à septembre 2019 suite à l’accident vasculaire cérébral dont il a été victime.
 
Elle précise par ailleurs ne pas être matériellement en mesure de fournir l’intégralité de ses relevés de comptes bancaires depuis 2012, en raison de leur ancienneté.
 
Enfin, Madame [O] [U] veuve [S] sollicite la condamnation solidaire de Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X] [S] et Madame [M] [F] [S] au paiement de la somme de 70.000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi.
 
Le tribunal renvoie expressément aux dernières conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. 
 
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2023.
 
L'affaire, appelée à l'audience le 22 janvier 2024, a été mise en délibéré au 21 mars 2024, date à laquelle la présente décision a été rendue.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes de Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X] [S] et Madame [M] [S]

Par jugement du 5 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a ordonné la réouverture des débats, pour permettre aux parties de s'expliquer sur le moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence de demande de partage judiciaire. Le tribunal a relevé notamment : «(…) rappeler que les demandes en rapport d’une libéralité dont aurait bénéficié un héritier et en application de la sanction du recel successoral ne peuvent être formées qu’à l’occasion d’une action en partage judiciaire.
En effet, la sanction du recel est intimement liée à l’existence même du partage puisqu’elle consiste à priver l’héritier receleur de sa part dans les biens ou les droits détournés ou recelés et à lui imposer, lorsque le recel a porté sur une donation rapportable, de rapporter celle-ci sans pouvoir y prétendre à aucune part. C’est donc bien au moment du partage que s’applique la sanction du recel successoral.
Or, en l’espèce, aucune des parties n’a sollicité l'ouverture judiciaire des opérations de compte liquidation partage.
 
Par conséquent, il convient de soulever d’office l’irrecevabilité de la demande et ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur ce point, ou de modifier leurs demandes."

Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X] [S] et Madame [M] [S] n’ont pas demandé l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage au terme de l’assignation délivrée le 24 août 2000.

L’article 1360 du code civil dispose : “A peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences en vue de parvenir à un partage amiable.”

Il est de principe que l’omission dans l’assignation en partage de tout ou partie des mentions prévues à l’article 1360 du code de procédure civile, sanctionnée par une fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée. Ainsi, l’irrecevabilité peut être écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Il doit être relevé que cette jurisprudence de principe a trait aux assignations en partage.

Or, les demandeurs n’ont pas fait délivrer d’assignation en partage de sorte que la question de la régularisation de l’assignation en partage ne se pose pas en l’espèce et la solution de principe concernant la régularisation de l’assignation telle que rappelée précédemment n’a pas vocation à s’appliquer.

Par ailleurs, en application de l’article 5 du code de procédure civile le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé.

Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X] [S] et Madame [M] [S] ont sollicité l’ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession du de cujus au terme de conclusions signifiées après le jugement ordonnant la réouverture des débats rappelant que les demandes formées au titre du recel successoral ne peuvent être formées qu’à l’occasion d’un partage judiciaire.
Il doit être relevé que l’irrecevabilité telle que soulevée au terme du jugement de réouverture des débats a trait à l’absence de demande en partage judiciaire formée dans l’assignation. Les conclusions, postérieures à l’assignation, contenant une demande en partage judiciaire, qui ne figurait pas au titre des demandes de l’assignation, ne peuvent donc permettre la régularisation de la fin de non-recevoir soulevée. En effet, l’assignation contenant uniquement une demande fondée sur le recel successoral ne pouvait faire l’objet d’une quelconque régularisation dans les conditions rappelées précédemment, le tribunal n’étant pas saisi d’une demande de partage judiciaire par assignation.

Les demandes de Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X] [S] et Madame [M] [S] seront donc déclarées irrecevables.

Sur les autres demandes

Compte-tenu du sens du présent jugement, l’exécution provisoire sera écartée.

Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X] [S] et Madame [M] [S] seront condamnés à payer les dépens.

Les circonstances de l’espèce tirées notamment du fait que le tribunal a soulevé d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité, tendent à justifier de rejeter les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe conformément à l’avis donné à l’issue de l’audience des plaidoiries,

Déclare irrecevables les demandes de Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X] [S] et Madame [M] [S],

Déboute les parties de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [Z] [K] [S], Monsieur [X] [S] et Madame [M] [S] à payer les dépens,

Ecarte l’exécution provisoire du présent jugement.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 MARS 2024 par Madame DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20/04251
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;20.04251 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award