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21/03/2024 | FRANCE | N°20/03858

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 21 mars 2024, 20/03858


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
21 MARS 2024


N° RG 20/03858 - N° Portalis DB22-W-B7E-PQLM
Code NAC : 51D




DEMANDERESSE :

La société CONFORAMA FRANCE, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MEAUX sous le numéro 414 819 409 dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postu

lant au barreau de VERSAILLES et par Maître Amélie PINÇON de la SELARL ADVENT ALTANA, avocat plaidant au barreau de PARIS.


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Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
21 MARS 2024

N° RG 20/03858 - N° Portalis DB22-W-B7E-PQLM
Code NAC : 51D

DEMANDERESSE :

La société CONFORAMA FRANCE, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MEAUX sous le numéro 414 819 409 dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Amélie PINÇON de la SELARL ADVENT ALTANA, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDERESSE :

La SOCIETE ANONYME IMMOBILIERE DE VILLEMILAND-WISSOUS
(SIV SA), société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 324 421 205 dont le siège social est situé au [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Valérie PANEPINTO de la SCP GUILLEMAIN PANEPINTO, avocat plaidant au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL du 15 Juillet 2020 reçu au greffe le 20 Juillet 2020.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 08 Février 2024, Madame GARDE, Juge, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions
de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame LOPES
DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au
21 Mars 2024.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Par actes sous seing privé en date des 17 et 24 novembre 2008, la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous, venant aux droits de la société Importation et distribution de produits exotiques, a donné à bail en renouvellement à la société Conforama France divers locaux situés [Adresse 3] (94), pour une durée de neuf années à compter du
1er décembre 2008, moyennant un loyer annuel en principal de 1.645.400 €.

Arrivé à échéance, le bail s’est poursuivi par tacite prolongation.

Saisi à l’initiative de la société Conforama France, le juge des loyers commerciaux de Créteil a, par jugement mixte rendu le 28 mai 2019, constaté le renouvellement du bail liant les parties au 1er juillet 2018 et ordonné une expertise judiciaire. Le montant du loyer provisionnel a été fixé, pendant la durée de l’instance, à la somme de 1.444.000 € en principal.

Par courrier en date du 19 mars 2020, la société Conforama France a informé la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous que, compte tenu des mesures gouvernementales visant à freiner la propagation du Covid-19, elle était contrainte de fermer l’ensemble de ses magasins en France et se voyait notamment contrainte de décompter des règlements à venir le montant des loyers et charges correspondant à la durée de la fermeture administrative des magasins et pour un mois a minima.

Par courriel en réponse du 6 avril 2020, la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous s’est opposée à toute dérogation aux modalités de paiement prévues par le bail, soit un règlement trimestriel et d’avance. Elle a en revanche proposé la suspension du règlement d’une quote-part du loyer provisionnel équivalente à 30 % et le report de son exigibilité au terme de la période de confinement.

Reprochant à la société Conforama France d’avoir unilatéralement décidé
de suspendre le paiement de ses loyers pendant l’épidémie de Covid-19 et,
plus particulièrement, de ne pas s’être acquittée des sommes dues entre le
1er juin et le 31 août 2020, la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous lui a fait signifier, par acte extrajudiciaire du 18 juin 2020, un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à payer la somme de 484.813,13 € (frais inclus).

C’est dans ces conditions que, par exploit introductif d’instance signifié le
15 juillet 2020, la société Conforama France a fait assigner la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous devant le tribunal judiciaire de Versailles en opposition au commandement de payer.

Puis elle s’est acquittée, le 16 juillet 2020, de la somme de 220.717,04 €, dont 51.204 € de taxe sur les bureaux et les emplacements de stationnement.

Aux termes d’un jugement rendu le 20 juillet 2023, rectifié par décision du
21 novembre 2023, le juge des loyers commerciaux de Créteil a fixé le montant du loyer du bail renouvelé, à compter du 1er juillet 2018, à la somme annuelle en principal de 1.395.200 €.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 17 octobre 2023, la société Conforama France demande au tribunal de :

- Juger les demandes de la société Conforama France recevables et bien fondées, et en conséquence y faire droit,

A titre principal, sur l’annulation du commandement de payer :

- Juger nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 18 juin 2020,

A titre subsidiaire, sur l’annulation des loyers :

- Réviser le contrat de bail afin d’annuler le loyer relatif au bail pour la période du 15 mars 2020 jusqu’au 10 mai 2020 inclus,
- Juger en conséquence que la société Conforama France n’était pas redevable du loyer et charges et tous accessoires à compter du 15 mars 2020 jusqu’au 10 mai 2020 inclus,

En conséquence,

- Ordonner à la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous la restitution de la somme de 223.663,04 € HT, à parfaire suivant la décision définitive à intervenir du juge des loyers commerciaux, à la société Conforama France, assorti du paiement des intérêts de retard au taux d’intérêt légal à compter de l’assignation avec capitalisation,

A titre plus subsidiaire, sur la demande de paralysie des effets de la clause résolutoire :

- Constater que les versements effectués par la société Conforama France ont soldé les loyers qui étaient provisionnellement dus,
- Accorder à la société Conforama France rétroactivement des délais de paiement,
- Ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire dont l’acquisition ne sera pas constatée,
- Constater que la clause résolutoire est réputée n’avoir jamais joué,

En tout état de cause :

- Rejeter toutes les demandes de la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous,
- Condamner la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous à payer à la société Conforama France la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec distraction au profit de Maître Thierry Voitellier, avocat au barreau de Versailles, conformément à l’article 699 du même code, ainsi qu’à supporter les entiers dépens de la présente instance,
- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel.

La société Conforama France se prévaut, à titre principal, de la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré. Elle explique, au visa de l’article L. 145-41 du code de commerce, que les informations figurant sur le commandement litigieux étaient contradictoires puisqu’il était fait sommation au preneur de s’acquitter immédiatement et sans délai des sommes dues puis précisé, quelques lignes après, que ce dernier disposait d’un délai d’un mois afin de régulariser sa situation. Elle relève aussi que le commandement et son annexe ne lui permettaient ni de vérifier la nature de la créance litigieuse, ni sa périodicité, les numéros de facture étant, sur ce point, insuffisants. Elle ajoute que le commandement de payer a été signifié quelques jours seulement après la date d’exigibilité de l’échéance trimestrielle, dans un contexte particulier, marqué par l’épidémie de Covid-19.

Elle argue, à titre subsidiaire, de la révision pour imprévision. Elle rétorque que le maintien de sa demande de renégociation n’est pas contraire au principe de l’estoppel, ce d’autant que le bailleur a toujours maintenu sa demande de paiement des sommes litigieuses. Elle soutient que l’épidémie de Covid-19, de nature imprévisible, l’a privée de l’exploitation de son fonds de commerce pendant plusieurs mois (sans que le service d’achat en ligne n’ait suffi à pallier ses pertes) et a rendu le paiement de ses loyers excessivement onéreux en l’absence de franchise et/ou de propositions adaptées de la part du bailleur. Elle réplique que la condition tendant à la renégociation amiable est établie par les courriers versés aux débats et que la poursuite du paiement des loyers après la phase de renégociation n’est pas exigée par l’article 1195 du code civil. Elle en conclut que les conditions d’une révision judiciaire du bail sont réunies, du moins pour ce qui concerne la période courant du 15 mars au 10 mai 2020.

Elle sollicite, à titre infiniment subsidiaire, des délais de paiement rétroactifs. Elle explique, au visa des articles L. 145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil, que sa situation financière était obérée au jour de la délivrance du commandement de payer. Elle indique néanmoins avoir procédé à un règlement partiel d’un montant de 220.717,04 € le 16 juillet 2020 et s’être acquittée du solde restant dû le 8 juillet 2022, après avoir pris acte des arrêts rendus par la Cour de cassation.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 18 septembre 2023, la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous demande au tribunal de :

Sur le commandement

- Juger le commandement délivré le 18 juin 2020 valable en la forme et au fond,

En conséquence, débouter la société Conforama France de ses demandes tendant à voir prononcer sa nullité,

- Constater le jeu de la clause résolutoire à compter du 18 juillet 2020 par l’effet du commandement signifié le 18 juin 2020,
- Ordonner l’expulsion de la société Conforama France, ainsi que celle de tous occupants de son chef, des locaux sis à [Adresse 3], avec le concours de la force publique si besoin est,
- Ordonner la séquestration des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux, soit dans l’immeuble, soit dans un garde-meubles, au choix des demandeurs, aux frais, risques et périls de la locataire,
- Condamner la société Conforama France au paiement d’indemnités d’occupation correspondant au loyer contractuel charges et accessoires en sus, à compter de la date d’effet du commandement de payer et jusqu’à parfait délaissement,

Sur la demande de révision judiciaire du contrat

- Juger irrecevable sa demande tendant à obtenir la révision judiciaire du contrat sur le fondement de l’article 1195 du code civil,

Subsidiairement,

- La débouter,

En toute hypothèse,

- Débouter la société Conforama France de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société Conforama France, qui par sa carence a rendu obligatoire la signification d’un commandement visant la clause résolutoire et contraint la concluante a assuré la défense de ses intérêts dans le cadre de la présente instance, au paiement d’une somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement, avec distraction au profit de Maître Oriane Dontot, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

La société anonyme immobilière Villemiland-Wissous réplique que les mentions du commandement doivent être analysées et appréciées en fonction des circonstances propres à chaque espèce. Elle explique que la confusion alléguée n’est pas démontrée, la société Conforama France n’ayant réglé l’intégralité des causes du commandement ni dans l’immédiat, ni dans le délai d’un mois. Elle ajoute que le preneur avait même anticipé la cessation du paiement de ses loyers, sa position ayant été diffusée à ses bailleurs par une lettre type en date du 19 mars 2020. Elle rétorque, en parallèle, que le justificatif du solde annexé au commandement mentionne les factures concernées avec leur date, leur numéro ainsi que leur montant, ce qui exclut toute ambiguïté.

Elle admet que le solde restant dû a été acquitté le 8 juillet 2022. Elle souligne, cependant, que ce paiement est intervenu plus de deux ans après la délivrance du commandement. Elle fait grief à la société Conforama France d’avoir délibérément décidé de cesser de payer ses loyers et d’avoir maintenu sa position, par principe, jusqu’aux arrêts pilotes rendus par la Cour de cassation. Elle considère que les difficultés financières alléguées ne sont pas démontrées et que, même si elles l’étaient, elles ne seraient pas en lien de causalité direct et certain avec l’épidémie de Covid-19. Elle rappelle que le preneur a pu bénéficier d’aides et de prêts garantis pour faire face à ses obligations. Elle ajoute avoir formulé une proposition d’accompagnement à laquelle la société Conforama France n’a pas donné suite. Elle relève, enfin, que malgré les mesures d’interdiction de réception du public, la société Conforama France a pu bénéficier de son service d’achat en ligne.

Elle soulève l’irrecevabilité de la demande en révision au regard du principe de l’estoppel. Elle explique qu’à partir du moment où la société Conforama France a reconnu l’exigibilité des loyers dits “Covid”, elle ne peut en solliciter l’annulation. Elle fait valoir, sur le fond, que le statut des baux commerciaux déroge au droit commun et que l’article 1195 du code civil n’est, en l’espèce, pas applicable. Elle estime, en toute hypothèse, que les conditions d’une telle révision ne sont pas vérifiées. Elle indique que la renégociation alléguée n’a jamais eu lieu, le courrier adressé étant un courrier type imposant des conditions de façon unilatérale. Elle ajoute que la société Conforama France ne s’est pas conformée à ses obligations contractuelles puisqu’elle n’a pas acquitté l’intégralité des sommes dues et que le caractère excessivement onéreux de l’exécution n’est pas établi. Elle observe, enfin, que la révision du contrat ne vaut, le cas échéant, que pour l’avenir.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2023.

Par conclusions d’incident notifiées le 18 janvier 2024, la société Conforama France a demandé le rabat de l’ordonnance de clôture, à laquelle la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous s’est opposée. Après avoir recueilli les observations du défendeur, le juge de la mise en état a considéré, dans une décision motivée rendue le 2 février 2024, que les conditions édictées par l’article 803 du code de procédure civile n’étaient pas vérifiées et a rejeté la demande présentée.

A l’issue de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 8 février 2024, le tribunal a demandé aux parties de produire, sous quinzaine et par voie de RPVA, une note en délibérée sur sa compétence pour statuer sur l’irrecevabilité de la demande de révision.

Dans une note adressée par voie de RPVA le 22 février 2024, la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous a indiqué que l’irrecevabilité soulevée à titre reconventionnel ne devait pas être qualifiée de fin de non-recevoir mais de moyen de défense au fond, pour lequel le tribunal est compétent.

MOTIFS

Les dispositions issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations étant applicables aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, il sera fait référence, dans le présent jugement, à l’ancienne numérotation du code civil.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire du bail

Selon l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées doivent être négociées, formées et exécutées de bonne foi.

L’article L. 145-41, alinéa 1, du code de commerce, dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

La condition résolutoire ne pouvant être mise en oeuvre que pour un manquement à une stipulation expresse du bail, ce manquement doit être contractuellement sanctionné par la clause résolutoire et les conditions d’application d’une telle clause doivent être interprétées strictement. Il appartient au bailleur d’établir la persistance de l’infraction aux clauses du bail après l’expiration du délai de mise en demeure.

En tout état de cause, le commandement visant la clause résolutoire doit, pour produire effet, être suffisamment clair et précis sur ses causes et le délai donné au débiteur pour s’exécuter.

En l’espèce, la clause résolutoire stipulée au bail est libellée dans les termes suivants :

“A défaut de paiement à son échéance de tout ou partie d’un seul terme de loyer, ou des charges et remboursements divers qui sont payables en même temps que ceux-ci ou de toutes sommes qui en constituent l’accessoire, et un mois après un commandement demeuré sans effet, le présent bail sera résolu de plein droit si bon semble au bailleur. Il en sera de même si bon semble au bailleur à défaut d’exécution de l’une quelconque des clauses du présent bail et un mois après une mise en demeure restée sans effet (...)”

Il est établi par les pièces versées aux débats que le bail en renouvellement consenti à effet du 1er décembre 2008 l’a été moyennant le paiement d’un loyer annuel de 1.645.400 € hors taxes et hors charges.

Toutefois, depuis le jugement mixte rendu par le juge des loyers commerciaux de Créteil le 28 mai 2019 pour la fixation du loyer du bail renouvelé à effet du
1er juillet 2018, la société Conforama France était redevable d’un loyer provisionnel annuel de 1.444.000 € en principal, soit 361.000 € hors taxes et hors charges par trimestre.

En sus du paiement du loyer, la société Conforama France était également tenue du paiement de tous impôts, contributions et taxes lui incombant, dont la taxe sur les bureaux et le stationnement.

Le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 18 juin 2020 intime à la société Conforama France de payer “immédiatement et sans délai entre les mains de [son] bailleur, les loyers et charges impayés qui s’établit (sic)” à hauteur de 484.404 € (déduction faite du coût de l’acte).

Il est indiqué, quelques lignes en dessous, “qu’aux termes du bail précité, il est prévu, dans sa clause résolutoire que ledit bail sera résilié de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme de loyers ou charges”. Puis, à la page suivante, il est fait mention, en caractère gras, qu’à défaut de paiement des causes du commandement dans le délai d’un mois, le propriétaire se réserve le droit de se prévaloir de la clause résolutoire stipulée au bail et d’exiger le paiement des sommes dues au titre de l’occupation des lieux.

Sont annexés au commandement de payer une copie de la clause résolutoire stipulée au bail ainsi qu’un document difficilement lisible intitulé “Justificatif de solde”, mentionnant des dates, numéros de factures et montants :

- 13/05/2020 ; CONFORAMA ; 0001900717 ; 433.200 €,
- 04/06/2020 ; CONFORAMA ; 0001900761 ; 51.204 €.

S’agissant, en premier lieu, des causes du commandement de payer, il convient de relever que le justificatif de solde annexé à l’acte est particulièrement concis puisqu’à part les numéros de factures concernées (sans que lesdites factures ne soient annexées à l’acte), ni la nature de la créance réclamée (loyer / taxes), ni sa périodicité (exemple : 1er juin 2020 - 31 août 2020) ne sont précisées.

Or, si les explications apportées par la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous dans le cadre du présent litige sont claires, précises et permettent d’identifier, avec certitude, les causes du commandement délivré, celles-ci ne peuvent, a posteriori, régulariser les conditions dans lesquelles l’acte a été signifié, étant au surplus observé qu’au mois de juin 2020, l’activité des entreprises était fortement perturbée par les mesures de police administrative prises pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.

S’agissant, en second lieu, du délai consenti au preneur pour s’exécuter, les mentions portées sur le commandement de payer sont effectivement contradictoires, la première page intimant à la société Conforama France de s’exécuter sur-le-champ, tandis que la seconde page rappelle les dispositions de l’article L. 145-41 du code de commerce et le délai d’un mois applicable.

Or, la sanction automatique attachée à l’acquisition de la clause résolutoire du bail suppose que le commandement délivré soit suffisamment clair et précis afin de permettre au preneur d’agir en toute connaissance de cause et ce, indépendamment du règlement ou non des sommes dues.

Dans ces conditions, le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré par la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous à la société Conforama France sera déclaré nul et de nul effet.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En vertu de l’article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

La société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous, qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens de l’instance avec droit de recouvrement au profit de Maître Thierry Voitellier, avocat postulant, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

La société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous, partie tenue aux dépens, sera condamnée à payer à la société Conforama France la somme qu’il est équitable de fixer à hauteur de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

DECLARE nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré par la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous à la société Conforama France le 18 juin 2020 pour les locaux situés [Adresse 3] (94),

CONDAMNE la société anonyme immobilière de Villemiland-Wissous à payer à la société Conforama France la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés,

CONDAMNE la société immobilière de Villemiland-Wissous aux entiers dépens de l’instance avec droit de recouvrement au profit de Maître Thierry Voitellier, avocat postulant, en application de l’article 699 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes des parties,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 MARS 2024 par Madame GARDE, Juge, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 20/03858
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;20.03858 ?
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