Pôle social - N° RG 21/00945 - N° Portalis DB22-W-B7F-QGR3
Copies certifiées conformes  délivrées,
le :
à :
- S.A.S. HOPITAL PRIVE DE L’[5]
- CPAM DES YVELINES
- Me Michel PRADEL
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX MEDICAL DE LA SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE MARDI 19 MARS 2024
N° RG 21/00945 - N° Portalis DB22-W-B7F-QGR3
Code NAC : 88L
DEMANDEUR :
S.A.S. HOPITAL PRIVE DE L’[5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Michel PRADEL, avocat au barreau d’ANGERS,
substitué par Me Nadia CHEHAT, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant
DÉFENDEUR :
CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Mme [H] [K], munie d’un pouvoir régulier
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Sophie COUPET, Vice-Présidente, statuant à juge unique après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire
Madame Marie-Bernadette MELOT, Greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 23 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mars 2024.
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FAITS ET PROCÉDURE
Par décision en date du 22 mars 2021, la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES (ci-après la caisse) a attribué à madame [U] [M], salariée ou ancienne salariée de l’HÔPITAL DE L’[5], un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 15 %, suite à la maladie professionnelle de l’épaule droite constatée par certificat médical
du 13 décembre 2018.
A la suite du recours de l’HÔPITAL DE L’[5] , la commission médicale de recours amiable a, par décision du 06 octobre 2021, maintenu à 15% le taux d’IPP opposable à l’employeur.
Par requête expédiée le 14 septembre 2021, l’HÔPITAL DE L’[5] a formé un recours devant le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, spécialement désigné en application de l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire, suite à la décision de la commission médicale de recours amiable susvisée.
L’affaire a été appelée une première fois à l’audience de mise en état du 29 septembre 2023. Y a été jointe l’affaire enrôlée sous le RG 21/01176, qui avait le même objet. Par décision du
20 octobre 2023, le juge de la mise en état du pôle social du tribunal judiciaire de VERSAILLES a ordonné une consultation sur pièces, le consultant ayant pour mission, en se plaçant à la date de consolidation à savoir le 30 décembre 2020, de proposer le taux médical d’incapacité permanente partielle de Madame [U] [M] imputable à la maladie professionnelle de l’épaule droite prise en charge selon le barème indicatif d’invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles, annexé au livre IV du code de la sécurité sociale.
L’expert a déposé son rapport le 19 novembre 2023 et a proposé la fixation du taux à 10%.
L’affaire a été rappelée à l’audience du 23 janvier 2024. Le tribunal statue à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.
A cette audience, l’HÔPITAL DE L’[5], représentée par son conseil, a demandé la fixation à 8% du taux d’IPP de l’assurée. Elle a également sollicité l’annulation des conclusions de l’expertise et une nouvelle expertise médicale judiciaire, avec consignation à sa charge.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que les conclusions de la consultation confiée à madame [O] sont dépourvues de clarté et de précisions, puisque la caisse n’a pas communiqué l’entier dossier médical à l’expert ; étaient notamment manquants les éléments sur l’accident du travail du 29 mars 2019. Elle souligne que la caisse n’a transmis que le rapport d’évaluation des séquelles établi par son médecin-conseil, ce qui est trop succinct pour avoir une appréciation globale de la situation. Elle précise que la carence de la caisse l’a privée d’un réel débat médical contradictoire.
Sur le fond, elle précise que l’examen clinique du médecin conseil a eu lieu après la consolidation de l’accident du travail survenu le 29 mars 2019, ce qui interfère nécessairement dans la situation.
En défense, la caisse, représentée par son mandataire, a sollicité la confirmation de la décision de la commission médicale de recours amiable fixant à 15% le taux d’incapacité suite à la maladie professionnelle de l’épaule droite de madame [M] et a conclu au débouté de la demande de nouvelle expertise.
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Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que le rapport de consultation doit être écarté, puisque le consultant a, à tort, pris en compte un état antérieur. Elle souligne :
- d’une part, que l’accident du travail du 29 mars 2019 a été consolidé au 17 février 2021, mais avec un taux d’incapacité à 0%, puisqu’il a été considéré qu’il avait aggravé temporairement la maladie professionnelle, mais que les séquelles de l’accident étaient nécessairement comprises dans les séquelles de la maladie professionnelle,
- d’autre part, contrairement à ce qu’indique le consultant, la notion d’état antérieur est peu contributive en matière de maladie professionnelle, qui se définit par essence comme une pathologie dégénérative qui s’installe au fur et à mesure devant la réalisation de gestes répétés entraînant des micro-traumatismes. Ainsi, elle précise que l’existence d’un acromion conflictuel ne peut à lui seul expliquer la rupture des tendons de la coiffe, qui cèdent sous l’effet des micro-traumatismes en lien avec les gestes répétés au travail. Elle souligne également que la maladie professionnelle a été datée du 09 janvier 2017 pour des raisons administratives mais que le médecin conseil avait positionné la date de première constatation médicale au 19 juillet 2016, date de l’IRM retrouvant la rupture transfixiante du tendon du supra-épineux.
Enfin, elle note que le consultant propose un taux de 10% sans expliciter et sans tenir compte du coefficient de synergie du fait de l’atteinte controlatérale.
La caisse souligne que le médecin conseil de l’employeur commet une erreur en ce sens que l’assurée est droitière et non gauchère.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la non-communication par la caisse du dossier médical de l’assurée :
La communication, par la caisse à l’employeur, des éléments médicaux dont elle dispose est prévu à deux stades de la procédure :
- soit lors de la saisine de la commission médicale de recours amiable , par l’article R.142-8-3 du code de la sécurité sociale qui dispose que, lorsque le recours préalable est formé par l'employeur, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l'introduction du recours, par tout moyen conférant date certaine, le rapport mentionné à l'article L. 142-6 accompagné de l'avis au médecin mandaté par l'employeur à cet effet.
- soit lors de la mesure d’instruction ordonnée par la juridiction, par l’article R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale, qui dispose que le greffe demande par tous moyens, à la caisse, de transmettre à l'expert ou au consultant désigné l'intégralité du rapport médical mentionné à l'article L. 142-6 et du rapport mentionné au premier alinéa de l'article L. 142-10 ou l'ensemble des éléments ou informations à caractère secret au sens du deuxième alinéa de l'article L. 142-10 ayant fondé sa décision. Dans le délai de dix jours à compter de la notification, à l'employeur de la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, lorsque ce dernier est partie à l'instance, de la décision désignant l'expert, celui-ci peut demander, par tous moyens conférant date certaine, à l'organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin, qu'il mandate à cet effet, l'intégralité des rapports précités. S'il n'a pas déjà notifié ces rapports au médecin ainsi mandaté, l'organisme de sécurité sociale procède à cette notification, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l'employeur.
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En l’espèce, ainsi qu’il ressort du rapport de consultation, l’expert n’a eu connaissance que de la décision relative au taux d’IPP en date du 22 mars 2021; les autres éléments médicaux lui ont été apportés par la note du médecin conseil de l’employeur (docteur [R] [Y]) et par le recours de la société elle-même. L’expert n’a donc eu connaissance directement ni du rapport d’évaluation des séquelles, ni du rapport de la commission médicale de recours amiable, ni des éléments médicaux.
Cette absence de communication de la caisse n’a pas permis au consultant d’avoir une connaissance complète du dossier. Ainsi, le consultant n’a pas pu avoir accès à l’information selon laquelle le médecin traitant avait fixé, initialement, la date de première constatation médicale au 19 juillet 2016 mais que cette date avait été modifiée ensuite par la caisse pour être fixée au 09 janvier 2017 (deux ans avant la réception du certificat médical initial). Dès lors, le consultant a considéré que l’IRM du 19 juillet 2016 et l’arthroscanner du 15 décembre 2016 étaient antérieurs à la première manifestation de la maladie professionnelle.
Par ailleurs, de la même façon, la caisse n’a pas transmis les observations médicales du 09 août 2023 qui permettent de comprendre comment le médecin-conseil de la caisse a tenu compte des séquelles de l’accident du travail, nécessairement interférent.
Aussi, la caisse n’a pas respecté l’obligation qui était mise à sa charge de transmettre à l’expert tout document médical utile.
En application de l’article 11 du code de procédure civile, il appartient au juge de titrer toute conséquence de l’abstention ou du refus d’une partie d'apporter son concours aux mesures d'instruction ordonnées par ses soins.
Dans le cas présent, la mesure de consultation n’a pas été parfaitement pertinente en raison des manquements de la caisse. Or, ainsi qu’il était précisé dans l’ordonnance du juge de la mise en état du 20 octobre 2023, le tribunal ne peut, sans consultation médicale, apprécier la pertinence des éléments médicaux apportés par la société demanderesse. Aussi, il convient, faute d’éléments supplémentaires, de retenir le taux médical proposé par l’employeur, à savoir 8%.
Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire tendant à obtenir une nouvelle expertise.
Sur les frais d’expertise et les dépens :
Par application des dispositions de l’article L142-11 du code de la sécurité sociale, les frais résultant des consultations ordonnées par les juridictions compétentes en application notamment de l'article L142-1 5° sont pris en charge par la caisse nationale de l’assurance maladie.
Par application de l’article 696 du code de procédure civile, la caisse restera tenue aux entiers dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024,
Vu l’ordonnance du juge de la mise en état du 20 octobre 2023,
Vu le rapport de l’expert, madame [O],
INFIRME la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES en date du 22 mars 2021 et celle de la commission médicale de recours amiable en date du 06 octobre 2021,
FIXE, dans les rapports caisse-employeur, le taux d’incapacité permanente de madame [U] [M] à la suite de la maladie professionnelle de l’épaule droite, à 8%,
INVITE la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES à en tirer toutes conséquences,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,
RAPPELLE que les frais de consultation sont supportés par la caisse nationale de l’assurance maladie,
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES aux entiers dépens.
La GreffièreLa Présidente
Madame Marie-Bernadette MELOTMadame Sophie COUPET