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19/03/2024 | FRANCE | N°21/00601

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 19 mars 2024, 21/00601


Pôle social - N° RG 21/00601 - N° Portalis DB22-W-B7F-QA5U


Copies certifiées conformes délivrées, le :
à :
- S.A.S. [5]
- CPAM DE L’ISERE
- Me COLMET DAÅGE
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX MEDICAL DE LA SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE MARDI 19 MARS 2024



N° RG 21/00601 - N° Portalis DB22-W-B7F-QA5U

Code NAC : 88L


DEMANDEUR :

S.A.S. [5]
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]

représen

tée par Me Olivia COLMET DAÅGE, avocat au barreau de PARIS,
substituée par Me Cédric PUTANIER, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant



DÉFENDEUR :

CPAM DE L’IS...

Pôle social - N° RG 21/00601 - N° Portalis DB22-W-B7F-QA5U

Copies certifiées conformes délivrées, le :
à :
- S.A.S. [5]
- CPAM DE L’ISERE
- Me COLMET DAÅGE
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX MEDICAL DE LA SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE MARDI 19 MARS 2024

N° RG 21/00601 - N° Portalis DB22-W-B7F-QA5U

Code NAC : 88L

DEMANDEUR :

S.A.S. [5]
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Olivia COLMET DAÅGE, avocat au barreau de PARIS,
substituée par Me Cédric PUTANIER, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

DÉFENDEUR :

CPAM DE L’ISERE
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Mme [X] [V] munie d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Sophie COUPET, Vice-Présidente, statuant à juge unique après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire

Madame Marie-Bernadette MELOT, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 23 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 21/00601 - N° Portalis DB22-W-B7F-QA5U

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision en date du 08 octobre 2020, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère
(ci-après la caisse) a attribué à monsieur [L] [N], salarié ou ancien salarié de la société [5], un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 13 %
(6% de taux médical, 7% de coefficient socio-professionnel), suite à l’accident du travail constaté suivant certificat médical initial du 14 mars 2018 établi par le docteur [D].

A la suite du recours de la société [5], la commission médicale de recours amiable a, par décision du 16 février 2021, maintenu à 13 % le taux d’IPP opposable à l’employeur.

Par requête expédiée le 03 juin 2021, la société [5] a formé un recours, devant le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, spécialement désigné en application de l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire, suite à la décision de la commission médicale de recours amiable susvisée.

L’affaire a été appelée une première fois à l’audience de mise en état du 08 septembre 2023. Par décision du 19 septembre 2023, le juge de la mise en état du pôle social du tribunal judiciaire de VERSAILLES a ordonné une consultation sur pièces, le consultant ayant pour mission, en se plaçant à la date de consolidation à savoir le 19 février 2020 de proposer le taux médical d’incapacité permanente partielle (hors coefficient socio-professionnel) de Monsieur [L] [N] imputable à l’accident du travail pris en charge, selon le barème indicatif d’invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles, annexé au livre IV du code de la sécurité sociale.

L’expert a déposé son rapport le 02 novembre 2023.

L’affaire a été rappelée à l’audience du 23 janvier 2024, après un renvoi. Le tribunal statue à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

A cette audience, la société [5], représentée par son conseil, a demandé, à titre principal, une nouvelle mesure de consultation sur pièces, confiée à un médecin. A titre subsidiaire, elle a demandé à ce que le taux médical d’IPP octroyé à monsieur [L] [N] soit ramené à 3% et à ce que le coefficient socio-professionnel soit annulé ou, à défaut, ramené à 2%. En tout état de cause, elle a sollicité l’exécution provisoire de la décision et la condamnation de la caisse aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la consultation sur pièces a été effectuée par un kinésithérapeute, ce qui pose une difficulté au regard du secret médical et de la transmission des pièces par les médecins-conseils de la caisse et de l’employeur.

Sur le taux médical, la société [5] précise que le barème prévoit un taux compris entre 8 et 10% pour une limitation légère de TOUS les mouvements, tandis que l’examen clinique de monsieur [L] [N] permet d’établir qu’il s’agit ici d’indemniser une limitation discrète de quelques mobilités de l’épaule et non pas toutes, d’où un taux médical suggéré de 3%.

En ce qui concerne le coefficient socio-professionnel, la société [5] rappelle qu’elle ne se justifie qu’en cas de perte de salaire réelle, objectivée et évaluée au plus juste. Elle précise que la caisse ne produit aucun élément justifiant d’un éventuel préjudice économique pour l’assuré, d’autant plus qu’il est âgé de 63 ans et qu’il a peut-être liquidé ses droits à la retraite à la suite de la rupture de son contrat de travail.
Pôle social - N° RG 21/00601 - N° Portalis DB22-W-B7F-QA5U

En défense, la caisse, dispensée de comparution, a sollicité la confirmation du taux d’incapacité de monsieur [L] [N] à hauteur de 13% dans les rapports caisse-employeur. Elle a conclu au débouté de toutes les autres demandes.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que l’expert a confirmé le taux médical fixé par la caisse à hauteur de 6%.

En ce qui concerne le coefficient socio-professionnel, elle souligne que les éléments du dossier permettent de faire un lien entre la maladie professionnelle et l’avis d’inaptitude. Elle indique qu’à la suite de la maladie professionnelle, l’assuré a dû faire face à des difficultés pour se réinsérer et retrouver un emploi.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité du rapport de consultation :

L’article R. 142-16-1 du code de la sécurité sociale dispose que l’expert ou le consultant commis pour éclairer la juridiction saisie est choisi sur l’une des listes dressées en application de l’article 2 de la loi n°71-498 du 29 juin 1971 ou, à défaut, parmi les médecins spécialistes ou compétents pour l’affection considérée.

L’article 2 de la loi n°71-498 du 29 juin 1971 dispose qu’il est établi, pour l’information des juges :

1° Une liste nationale des experts judiciaires, dressée par le bureau de la Cour de cassation ;
2° Une liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d'appel.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le juge peut désigner comme consultant tout expert inscrit sur la liste dressée par la cour d'appel. Exiger que l'expert soit inscrit dans la rubrique F-09 intitulée “experts en matière de sécurité sociale (article L.141-1 et R.141-1 du code de la sécurité sociale)” - rubrique qui, au demeurant, a perdu toute pertinence depuis la suppression de l'expertise technique au 1er janvier 2022 - ou que l'expert ait la qualité de médecin revient à ajouter une condition aux textes. Ce n'est qu'à défaut d'expert disponible que le juge désigne un médecin spécialiste ou compétent pour l'affection concernée et c'est dans ce seul cas que la qualité de médecin est nécessaire.

Monsieur [C] [T], en charge de la mesure de consultation, est inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel et de la cour de cassation. Il est effectivement kinésithérapeute. Le litige portant sur la contestation du taux d’IPP attribué à la victime d’une tendinopathie de l’épaule non dominante est un litige pour lequel un expert kinésithérapeute est particulièrement compétent pour donner son avis et le juge de la mise en état pouvait donc le désigner pour effectuer la mesure. Par ailleurs, le kinésithérapeute est tenu au secret professionnel, en vertu de l’article L.1110-4 du code de la santé publique, comme tous les professionnels de santé que sont les médecins mais aussi les chirurgiens-dentistes, les infirmiers, les pharmaciens etc.

En outre, il ressort du rapport que le consultant a eu connaissance de l’avis du docteur [E] de sorte que la difficulté de transmission soulevée par la société n’est pas effective.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’expert a mené la mesure d’instruction conformément aux règles prescrites. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande d’une nouvelle mesure de consultation.

Sur le taux médical :

Aux termes de l’article L434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Aux termes de l’article R434-32 alinéas 1 et 2 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexes 1 et 2 du code). Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Le taux d’incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l’état séquellaire au jour de la consolidation de l’état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation et relève de l’appréciation souveraine et motivée des juges du fond.

En l’espèce, le barème d’invalidité suite à un accident du travail, concernant l’épaule, est ainsi rédigé (paragraphe 1.1.2) :

La mobilité de l'ensemble scapulo-huméro thoracique s'estime, le malade étant debout ou assis, en empaumant le bras d'une main, l'autre main palpant l'omoplate pour en apprécier la mobilité:

- Normalement, élévation latérale : 170° ;
- Adduction : 20° ;
- Antépulsion : 180° ;
- Rétropulsion : 40° ;
- Rotation interne : 80° ;
- Rotation externe : 60°.
La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne.
Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxilaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.

DOMINANT
NON DOMINANT
Blocage de l'épaule, omoplate bloquée
55
45
Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile
40
30
Limitation moyenne de tous les mouvements
20
15
Limitation légère de tous les mouvements
10 à 15
8 à 10
Il ressort clairement du rapport établi par monsieur [T] que le dossier médical de l’assuré permet d’établir qu’il existe une limitation légère à moyenne de 4 mouvements sur les 6 mouvements testés du côté non dominant, une perte de force de préhension dans la main droite et une conservation des amplitudes seulement dans 2 mouvements sur les 6.

Aussi, comme le suggère le consultant, il sera considéré que l’attribution d’un taux médical à hauteur de 6% est un taux qui tient déjà compte du fait que seule une partie des mouvements sont affectés.

Sur le coefficient socio-professionnel :

Une majoration du taux dénommée coefficient professionnel, tenant compte des conséquences de l'accident ou de la maladie sur la carrière professionnelle de la victime, peut lui être attribuée, notamment au regard du risque de licenciement consécutif à l’impossibilité de reclasser la victime, de difficultés de reclassement, de déclassement professionnel, de retard à l’avancement, ou de perte de gain.

Le coefficient socio-professionnel ne saurait résulter uniquement d’un licenciement pour inaptitude. Il peut également s’agir d’une perte de gain en relation avec l’accident du travail, d’un déclassement professionnel, de la perte d’une rémunération supplémentaire et, de manière plus générale, de la répercussion des séquelles sur la carrière professionnelle de la victime même si celle-ci retrouve après l’accident, chez son employeur et grâce à la bienveillance de celui-ci, une situation identique à celles qu’il avait auparavant.

Il est évoqué, dans le cadre du dossier d’instruction de la caisse, une inaptitude au poste de travail et un licenciement en découlant. Ce point est confirmé par la demande d’indemnité temporaire d’inaptitude, sur laquelle le médecin du travail confirme que l’avis d’inaptitude rendu est susceptible d’être en lien avec l’accident du travail du 14 mars 2018.

En conséquence, il convient de retenir l’attribution du coefficient socio-professionnel. Toutefois, aucun élément ne permet d’évaluer la perte de salaire réelle de monsieur [L] [N] tandis que sa situation au regard des droits à la retraite est ignorée, alors qu’il est âgé de 64 ans au jour de sa demande d’indemnité temporaire d’inaptitude. Il convient donc de réduire le coefficient socio-professionnel à 2%, en tenant compte de la proportionnalité entre le taux médical et le coefficient socio- professionnel.

Sur les frais d’expertise et les dépens :

Par application des dispositions de l’article L142-11 du code de la sécurité sociale, les frais résultant des consultations ordonnées par les juridictions compétentes en application notamment de l'article L142-1 5° sont pris en charge par la caisse nationale de l’assurance maladie.

Par application de l’article 696 du code de procédure civile, la caisse restera tenue aux entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024,

Vu l’ordonnance du juge de la mise en état du 19 septembre 2023,

Vu le rapport de l’expert, monsieur [T],

Pôle social - N° RG 21/00601 - N° Portalis DB22-W-B7F-QA5U

INFIRME la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de l’ISERE en date du 08 octobre 2020 et celle de la commission médicale de recours amiable en date du 16 février 2021,

FIXE, dans les rapports caisse-employeur, le taux d’incapacité permanente de monsieur [L] [N] à la suite de l’accident du travail du 14 mars 2018 à 8% (6% pour le taux médical et 2% pour le coefficient socio- professionnel),

INVITE la caisse primaire d’assurance maladie de l’ISÈRE à en tirer toutes conséquences,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,

RAPPELLE que les frais de consultation sont supportés par la caisse nationale de l’assurance maladie,

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de l’ISÈRE aux entiers dépens.

La GreffièreLa Présidente

Madame Marie-Bernadette MELOTMadame Sophie COUPET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/00601
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;21.00601 ?
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