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14/03/2024 | FRANCE | N°22/04456

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Quatrième chambre, 14 mars 2024, 22/04456


Minute n°



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
14 MARS 2024



N° RG 22/04456 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q2OS
Code NAC : 63A


DEMANDERESSE :

Madame [E] [X]
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Me Louis DELVOLVE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant


DEFENDEURS :

BPCE MUTUELLE
Mutuelle soumise aux dispositions du Livre II du Code de la mutualité, immatriculée au répertoire SIREN sous le numéro 77

6 466 963, agissant poursuites et diligences de son Président, domicilié au dit siège en cette qualité
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]

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Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
14 MARS 2024

N° RG 22/04456 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q2OS
Code NAC : 63A

DEMANDERESSE :

Madame [E] [X]
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Me Louis DELVOLVE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

DEFENDEURS :

BPCE MUTUELLE
Mutuelle soumise aux dispositions du Livre II du Code de la mutualité, immatriculée au répertoire SIREN sous le numéro 776 466 963, agissant poursuites et diligences de son Président, domicilié au dit siège en cette qualité
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représentée par Maître Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, Me Magali DELTEIL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Copie exécutoire à Maître Monique TARDY, Maître Thierry VOITELLIER, Me Louis DELVOLVE, Me Catherine LEGRANDGERARD, Maître Stéphanie TERIITEHAU
Copie certifiée conforme à l’origninal à
délivrée le

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCES MALADIE DES [Localité 13] (CPAM 78),
prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]

représentée par Me Catherine LEGRANDGERARD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

S.A. CLINIQUE [Localité 12],
immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 579 803 545, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, Maître Anaïs GUILLEMOT de la SELARL BOIZARD EUSTACHE GUILLEMOT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

Docteur [O] [J]
Domicilié c/o Clinique de [Localité 12]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représenté par Maître Anaïs FRANCAIS de la SCP CABINET WENGER-FRANCAIS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Maître Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant

PARTIE INTERVENANTE :

CAISSE GENERALE DE PREVOYANCE DES CAISSES D’EPARGNE,
institution de prévoyance régie par le Titre III du Livre IX du code de la sécurité sociale, agréée par arrêté ministériel, inscrite au répertoire SIREN sous le n°414 696 013, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représentée par Maître Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, Me Magali DELTEIL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 29 Août 2022 reçu au greffe le 29 Août 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 11 Janvier 2024, après le rapport de Monsieur BRIDIER , Juge désigné par le Président de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Mme DUMENY, Vice Présidente
Monsieur BRIDIER, Vice-Président
Madame BARONNET, Juge

GREFFIER :
Madame GAVACHE

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [X] est née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 7]. Elle travaillait à la Caisse d’Épargne de [Localité 12] et bénéficiait de ce fait du contrat d’assurance à adhésion obligatoire souscrite par son employeur auprès de la BPCE MUTUELLE permettant à ses salariés de bénéficier sous certaines conditions d'un remboursement de leurs frais de soins de santé.

Elle souffrait d’un névrome de Morton au pied droit et a subi une intervention effectuée le 16 janvier 2018 par le docteur [J], chirurgien orthopédique exerçant au sein de la clinique de [Localité 12].

Fin janvier 2018, l’infirmière intervenant à domicile a constaté que la plaie suppurait. Le 31 janvier 2018, Mme [X] est allée consulter son médecin traitant, le Docteur [L], qui a prescrit un prélèvement au niveau de la plaie ainsi que des antibiotiques (Augmentin), pour éviter une extension de l’infection.

Suite à une consultation postopératoire le 5 février 2018 par le Dr [J], ce dernier a repris Mme [X] au bloc opératoire, dès le lendemain, afin de procéder à un nettoyage de la plaie. Un prélèvement bactériologique postopératoire était effectué.

Le 7 février 2018, Mme [X] était autorisée à sortir de la clinique, et s’est vue prescrire la poursuite des soins infirmiers et la prise d’antibiotiques (AUGMENTIN).

Le 8 février 2018, les résultats bactériologiques des prélèvements effectués en per-opératoire ont mis en évidence la présence de nombreuses colonies de moganella [A] résistants à l’AUGMENTIN et de staphylococcus aureus sensibles à l’AUGMENTIN. Le docteur [J] a alors prescrit à Mme [X] l'ajout d'un antibiotique supplémentaire, le CIFLOX.

Le 19 février 2018, le docteur [J] a revu Mme [X] en visite postopératoire.

Le 20 février 2018, le docteur [J] a réalisé une nouvelle opération de Madame [X] et de nouveaux prélèvements biologiques.

Il lui était administré un traitement antibiotique par AUGMENTIN et OFLOXACINE qui était poursuivi en postopératoire.

Le docteur [J] a revu sa patiente le 22 février et les 1er, 7, 9, 15 et 22 mars,
5 avril et 19 avril 2018.
Dans le courant du mois de mars 2018, Madame [X] était prise en charge au sein du centre hospitalier de [Localité 12] où une cicatrisation guidée était réalisée.
A la fin du mois de mai 2018, la cicatrisation était acquise.

Les soins étaient prolongés par des séances de kinésithérapie. Souffrant encore des suites de l’opération de janvier 2018, tant sur le plan physique que psychologique et ayant perdu son emploi suite à un licenciement ayant succédé à un mi-temps thérapeutique, la patiente a saisi la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux qui s’est déclarée incompétente, les conditions posées par l’article L 1142-7 du code de la santé publique n’étant pas remplies, le seuil de gravité fixé par l’article D 1142-1 du même code n’étant pas atteint.

Mme [X] a alors assigné devant le présent tribunal la clinique de [Localité 12] et le docteur [J] le 27 novembre 2019. L’assignation a été dénoncée à la CPAM des [Localité 13] le 6 mars 2020, par acte d’huissier et à la BPCE par acte du 23 avril 2020.

Par un jugement du 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a ordonné une expertise judiciaire et l’a confiée aux docteurs [F] [T] et [K] [Y]. L’expertise judiciaire a été réalisée, et le rapport d’expertise rendu le 30 juillet 2022.

Suite à une plainte de Madame [X] du 21 juin 2019, la chambre disciplinaire de 1ère instance de l'ordre des médecins puis la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, a affirmé, dans sa décision du 12 décembre 2022, que le fait que le docteur [J] n’ait pas sollicité l’avis d’un tiers compétent, en l’espèce un infectiologue, lors de la prise en charge post-opératoire, constituait un manquement aux règles de l’art en violation des règles du code de déontologie médicale et plus précisément de l’article R.4127-32 du code de la santé publique.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 août 2022, Madame [E] [X] demande au tribunal de se fonder sur le Code Civil, et notamment les articles 1103 et suivants, le Code de la Santé Publique et notamment les articles L- 1142-1, L 1142-3-1, L 1142-15, afin de :

-Dire et juger que la clinique de [Localité 12] et le Dr [J] sont responsables des dommages consécutifs à son opération du pied droit atteint d’un syndrome de MORTON
Par voie de conséquence :
1°) Au titre du préjudice financier : 5530 €
2°) Au titre de la perte de revenus de janvier 2018 à décembre 2020 (date de son départ en retraite) : 28 994 €
Elle demande la condamnation de la clinique de [Localité 12] et du Dr [J] à lui verser cette somme, à ce titre.
3°) Au titre du déficit fonctionnel temporaire :
100 % : le 6/2/2018 et le 7 février, le 20 février 2018 : 300 €.
Du 8 au 19 février 2018 : 33 % avec aide d’une tierce personne pendant 1 H/ jour : 400 €.
33 % du 21 février au 28 mai 2018 avec aide d’une tierce personne pendant 1 H/ jour : 97 jours : 3.233,33 €.
25 % du 29 mai 2018 au 29/8/2018 : 92 jours : 2300 €.
10% du 30/8/2018 au 1 er juin 2019 : 276 jours : 2760 €
Soit un total de : 8 993,33 € (300+400+3233,33+2300+2760 = 8 993,33).
4°) Au titre des souffrances endurées : 3/7 Mme [X] demande à être indemnisée à hauteur de 25 000 €.
5°) Au titre du déficit fonctionnel permanent de 4 %. Mme [X] demande à ce titre 20 000 €.
6°) Préjudice esthétique temporaire, chiffrée par les experts à 2/7. Mme [X] demande 10 000 €, à ce titre.
7°) Préjudice d’agrément : Mme [X] réclame une somme de 2000 € à ce titre.
8°) Préjudice sexuel : Mme [X] réclame une somme de 1000 €, à ce titre.
9°) Préjudice esthétique permanent : 1/7 Mme [X] réclame à ce titre une somme de 3000 €.
10°) Au titre des médecins ayant assisté Mme [X] (Dr [U] et Dr [R]) : 6306 € : pièces 36, 37 et 44, cette somme correspond à des sommes payées par Mme [X].
11°) Au titre de l’article 700 du CPC : 6 000 €.

Le tout avec exécution provisoire, sans garantie ni caution, et ce nonobstant appel.

Le 16 janvier 2023 Monsieur [O] [J] a échangé ses dernières écritures par lesquelles il demande au tribunal de faire application des articles L.1142-1, L1142-1 II du Code de la santé publique et de :

-Constater son absence de faute dans la prise en charge de Madame [X]
-Prononcer dès lors sa mise hors de cause
-Débouter purement et simplement Madame [X] de ses demandes
-Débouter la Caisse Générale de Prévoyance des Caisses d’Épargne de l’intégralité de ses demandes
-Débouter la Clinique de [Localité 12] de son appel en garantie
-Condamner Madame [X] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Monique TARDY, membre de la SCP AVOCALYS
-Condamner Madame [X] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 12 janvier 2023, la clinique de [Localité 12], au visa des articles L 1142-1-I et R 431- 12 du Code de la santé publique, sollicite de :
-L'accueillir en ses présentes écritures et l’y déclarer bien fondée ;

A titre principal,
-Constater l’absence de faute imputable à l’établissement de soins,
-Constater l’absence d’infection nosocomiale contractée en son sein,
-Dire que sa responsabilité n’est pas engagée,
-Débouter Madame [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,
-Dire que le Docteur [J] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
-Condamner le Docteur [J] à la garantir à hauteur de 30% des éventuelles condamnations prononcées à son encontre,
-Débouter Madame [X] de sa demande de remboursement au titre des frais de santé engagés,
-Débouter Madame [X] de sa demande de remboursement au titre des frais divers,
-Limiter la demande d’indemnisation formulée au titre des pertes de gains professionnels à la somme de 2.693,28 euros,
-Limiter le montant de l’indemnisation à verser au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 1.822,40 euros,
-Limiter le montant de l’indemnisation à verser au titre des souffrances endurées à la somme de 3.700 euros,
-Limiter l’indemnisation allouée au titre du préjudice esthétique temporaire à la somme de 2.000 euros,
-Débouter Madame [X] de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice d’agrément,
-Débouter Madame [X] de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice sexuel,
-Limiter l’indemnisation allouée au titre du préjudice esthétique définitif à la somme de 1.000 euros -Ramener le montant de la condamnation au titre de l’article 700 à de plus justes proportions,
-Constater que la CPAM des [Localité 13], la BPCE MUTUELLE tout comme la CGP ne justifient pas des montants dont elles réclament le remboursement,
-Débouter la CPAM des [Localité 13], la BPCE MUTUELLE et la CGP de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
-Statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction au profit de la SELARL MINAULT TERIITEHAU agissant par Maître Stéphanie TERIITEHAU, Avocat.

Par des dernières conclusions échangées le 20 février 2023, la BPCE MUTUELLE présente les demandes suivantes visant les articles L.224-8 et L.224-9 du Code de la mutualité, 28 à 31 de la Loi du 5 juillet 1985 et 700 du Code de procédure civile :

-La déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions,
-condamner in solidum la Clinique de [Localité 12] et le Docteur [J] à lui rembourser toutes les sommes de nature indemnitaire versées à Madame [X] du fait de son opération chirurgicale du 16 janvier 2018, soit un montant total évalué au 16 juillet 2020 à 2.863,78 euros, à parfaire,
-condamne in solidum la Clinique de [Localité 12] et le Docteur [J] à lui verser une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamne la Clinique de [Localité 12] et le Docteur [J] aux entiers dépens.

Quant à la Caisse Générale de Prévoyance des Caisses d’Épargne (CGP), dans ses conclusions communiquées le 20 février 2023, elle demande au tribunal de se fonder sur les articles L.931-11 du Code de la sécurité sociale, 28 à 31 de la Loi n°85-677 du 5 juillet 1985 et 700 du code de procédure civile en vue de :
-La dire recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum la clinique de [Localité 12] et le docteur [J] à lui rembourser toutes les sommes de nature indemnitaire versées à Madame [X] du fait de son opération chirurgicale du 16 janvier 2018, soit un montant total évalué à 6.938,51 euros,
- condamner in solidum la clinique de [Localité 12] et le docteur [J] à lui verser une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner la clinique de [Localité 12] et le Docteur [J] aux entiers dépens.

Enfin, dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 octobre 2022, la CPAM des [Localité 13] demande au tribunal, au visa des dispositions de l’article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, de :
-La recevoir en toutes ses demandes et l’y déclarer bien fondée,
-Juger que Madame [X] a été victime d’une infection du site opératoire d’origine nosocomiale apparue le 28 janvier 2018 à la suite de l’intervention du 16 janvier 2018 réalisée par le docteur [J] au sein de la Clinique de [Localité 12],
-Condamner la Clinique de [Localité 12] à lui rembourser le montant de sa créance soit la somme définitive de 21 500,25 €,
-Dire que cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
-Condamner la Clinique [Localité 12] à lui payer l’indemnité forfaitaire de gestion codifiée à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale d’un montant revalorisé selon arrêté en date du 14 décembre 2021 de 1 114 €,
-Condamner la Clinique [Localité 12] au paiement de la somme de 1 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-La condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Catherine LEGRANDGERARD.

Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

La clôture a été prononcée le 21 mars 2023. L’affaire a été examinée à l’audience collégiale du 11 janvier 2024 et mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS

Sur les responsabilités

-Madame [X] soutient, au visa des articles 1103 du code civil et L.1142-1 du code de la santé publique, que les dommages qu'elle a subis sont les conséquences d'une infection nosocomiale qui engage la responsabilité de la clinique de [Localité 12] mais que la responsabilité du docteur [J] est également engagée en raison de la faute qu'il a commise.

Il convient donc de reprendre les arguments des parties sur les deux moyens, celui dirigé contre la clinique de [Localité 12] pour maladie nosocomiale et celui dirigé contre le docteur [J] pour faute.

-S'agissant de la maladie nosocomiale, [E] [X] se fonde sur les expertises réalisées par les docteurs [S] et [U] ainsi que sur le rapport des experts judiciaires, Messieurs [M] et [Y].
Elle soutient que les soins postopératoires ont été réalisés non par son ancien compagnon, mais par une infirmière diplômée. Selon elle, la présence de staphylocoques dorés et de [W] [A] ne peut trouver son origine que dans la clinique de [Localité 12], et dans son bloc opératoire.

Elle reconnaît avoir reçu la note d’information préalable à l’opération et qui est légalement obligatoire mais indique qu'elle n’avait reçu aucune information sur les risques anormaux ou extraordinaires qu’elle pouvait subir du fait de cette opération et en particulier aucune information sur le risque d’avoir à subir plusieurs opérations. Elle ajoute que ce ne sont pas les professionnels de santé de la clinique de [Localité 12] qui se sont inquiétés de l’évolution de son état de santé, mais l’infirmière qui était en charge des soins postopératoires, et son médecin traitant, le docteur [L].

Elle reproche au docteur [J] sa négligence en n'ayant pas voulu s’entourer de conseils d’autres confrères, et en particulier d’infectiologues, et son absence de réponse à ses appels alors qu'elle se plaignait de douleurs très vives et que du pus était apparu au droit de la cicatrice. Elle indique que cette négligence a conduit ce dernier à être sanctionné d'un avertissement par le conseil de discipline de l'ordre des médecins. Elle ajoute que le docteur [J], après 3 opérations, en avait préconisé une quatrième, ce qui n'a pas été de l'avis du docteur [D], infectiologue de l’hôpital de [Localité 12], ni du docteur [H] de l'hôpital de [10] et qu'elle a finalement subi des soins consistant en un grattage de la plaie profonde sur plusieurs semaines.

-La clinique de [Localité 12] rappelle que Madame [X], critiquant sa prise en charge au sein de l'établissement, a formulé une demande d’indemnisation auprès la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux de la région [Localité 8] le 6 août 2018, qu'une expertise était alors confiée au docteur [B], chirurgien orthopédiste, et au Professeur [V] [G], infectiologue, et que dans l’intervalle, Madame [X] sollicitait de sa propre initiative l’avis du docteur [U] rendu le 28 novembre 2018.

La clinique expose que les établissements de soins privés ne peuvent répondre des éventuelles fautes commises par les médecins libéraux qui exercent en leur sein, ce qui était le cas en l'espèce du docteur [J]. Ainsi, les différents experts missionnés par la CCI et par le tribunal et ayant examiné la requérante n’ont relevé aucun dysfonctionnement susceptible d'être reproché à la clinique et/ou à son personnel salarié.
Elle précise également que le devoir d’information comme le suivi post opératoire incombent exclusivement aux praticiens.

S'agissant de l'infection no socomiale, l’établissement considère que celle-ci ne peut être établie de façon certaine. Elle rappelle qu'il appartient au patient de démontrer que l'infection présente le caractère d'une infection nosocomiale et ce conformément aux dispositions des articles L.1142-1 et R 6111-6 du code de la santé publique et qu'il n'est pas possible de retenir la définition épidémiologique posée par le centre technique national des infections nosocomiales (CTIN en 2007).

Elle affirme qu’il convient de rapporter certes l’association à un acte de soins, mais également, et surtout, une infection contractée au sein de l’établissement de santé et la simple référence à une association à un acte de soins n’est pas suffisante. Il ne suffirait pas que l’infection soit apparue au cours ou au décours d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins puisque l’infection doit être de manière certaine directe et exclusive imputable à l’acte de soins.

Or selon la clinique, il existe un faisceau d’indices en faveur d’une infection survenue non pas au cours des soins réalisés en son sein, comme l’impose l’article R 6111-6 du Code de la Santé Publique, mais secondairement alors que la patiente avait regagné son domicile, en raison d’un défaut de cicatrisation consécutif aux soins réalisés à domicile : en effet, d'une part, les soins post opératoires auraient été réalisés par le compagnon de Madame [X] et non par une infirmière sans que la preuve du respect des conditions d’asepsie ne soit établie, d'autre part, il est objectivement tracé que ce n’est que le 30 janvier 2018, soit 15 jours après sa sortie, que Madame [X] a présenté les premiers signes d’une infection (écoulement au niveau de la cicatrice consécutif à un défaut de cicatrisation) et enfin, les photographies transmises attestent de l’existence d’une béance cicatricielle dès le postopératoire immédiat sans initialement d’écoulement purulent. Et la reprise chirurgicale pour lavage était réalisée le 16 février 2018.

Contestant le rapport de l'expert et de son sapiteur, la clinique affirme qu’une infection associée aux soins ne constitue pas nécessairement une infection nosocomiale, qu’une infection n’est pas de facto qualifiée de nosocomiale dès lors qu'elle apparaît dans les 30 jours suivant l'intervention. Selon elle, le rapport des docteurs [B] et [G], désignés par la CCI, mais également celui du docteur [S], sollicité par Madame [E] [X], précisent qu’en post-opératoire, la cicatrisation a été difficile et s’est compliquée d’une suppuration, le dernier rapport parlant ainsi à juste titre de surinfection.

Il existe donc davantage d’arguments en faveur d’un germe administré non pas à l’occasion d’un acte de soin en son établissement mais bien secondairement en raison d’un défaut de cicatrisation. Elle plaide, notamment compte tenu de l’absence de consensus entre les différents experts, que le caractère nosocomial de l’infection n’est pas certain.

-Le docteur [J] sollicite le rejet des demandes formulées à son encontre par Madame [X] et la Caisse en se fondant sur deux rapports d’expertise, concordants selon lui.
Le premier collège d’experts, désigné par la CCI, et composé du docteur [B] et du professeur [G], avait écarté tout manquement de sa part dans la prise en charge de la patiente qui a été victime d’une infection de désunion cutanée parfaitement prise en charge.
Le second collège d’experts composé des docteurs [Y] et [T] considère que Madame [X] a été victime d’une infection nosocomiale et valident l’intégralité de sa prise en charge.
En revanche le docteur [J] conteste le reproche qui lui est fait de ne pas avoir fait appel à un infectiologue et d'être ainsi à l’origine de souffrances endurées à hauteur de 1/7. Il précise que le professeur [G], expert infectiologue, a déduit des pièces versées aux débats que le diagnostic et le traitement de cette infection ont été conduits conformément aux règles de l’art et aux données acquises de la science, à l’époque où ils ont été dispensés. Il reprend la chronologie des faits, rappelle qu'il a effectué une reprise chirurgicale le 20 février 2018, que le 1er mars 2018, il a proposé à Madame [X] de prendre un second avis et que Madame [X] a ensuite été prise en charge, du 19 mars au 27 avril 2018, par le Docteur [D] qui n’a nullement modifié l’antibiothérapie qu'il avait prescrite.
Il affirme qu'il n’y a eu aucun retard de prise en charge, ni aucune souffrance endurée en lien avec l’absence d’avis à infectiologue entre la deuxième chirurgie et la prise en charge par le docteur [D]. Il ajoute que les chirurgiens se doivent de se rapprocher d'un infectiologue dans les infections ostéoarticulaires complexes, c'est-à-dire lorsqu'il ne s'agit pas des tissus mous mais de l'os ou d'une articulation profonde avec présence de matériel et qu'une infection au décours d'une chirurgie des parties molles du pied sur difficultés de cicatrisation reste le quotidien des chirurgiens.

S'agissant du suivi de sa patiente, le docteur [J] observe qu'il n'y a aucune traçabilité permettant de justifier de son absence alléguée de réponse aux appels téléphoniques. Il affirme à l'inverse, qu’informé des difficultés de cicatrisation présentées, il aurait immédiatement rappelé sa patiente et l’aurait vue en consultation au sein de la Clinique, même entre deux patients, qu'il l'a vue régulièrement et a décidé après l’en avoir informée, des reprises chirurgicales et des traitements antibiotiques ; il ajoute qu'il est passé la voir lors de son hospitalisation du 20 février 2019 afin d’autoriser sa sortie, telle qu’en atteste la note présente au sein du dossier médical puis qu'il l'a vue en consultation les 22 février, 26 février, 1er mars, 7, 9, 15 et 22 mars puis les 5 et 19 avril 2018, soit à 9 reprises en deux mois, que parallèlement, elle a été vue une fois par semaine du 19 mars au 27 avril 2018 à l’hôpital de [Localité 12] par le docteur [D], infectiologue puis par le docteur [H] les 23 avril et 28 mai 2018.

Il conclut qu'aucun manquement ne peut être retenu à son encontre, Madame [X] ayant été victime d’une infection sans faute, les préjudices sont donc en lien exclusif avec l’infection nosocomiale et non avec le prétendu non appel à un infectiologue.

-Selon la CGP et la BPCE, au regard du rapport des experts judiciaires, il est indéniable que la clinique de [Localité 12] est responsable de l’infection nosocomiale contractée lors de l’opération chirurgicale du 16 janvier 2018. Quant à la responsabilité du docteur [J], la CGP se joint à l’argumentation de Madame [X] ; elle souligne par ailleurs que la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, dans sa décision du 12 décembre 2022, affirme sans équivoque que le fait que le chirurgien n’ait pas sollicité l’avis d’un tiers compétent, en l’espèce un infectiologue, lors de la prise en charge post-opératoire constituait clairement un manquement aux règles de l’art en violation des règles du code de déontologie médicale et plus précisément de l’article R.4127-32 du code de la santé publique.

****

Sur la nature nosocomiale de l'infection

L'article L.1142-1 I du code de la santé publique dispose : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. »

Aux termes de l'article R.6111-6 du même code, les infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé sont dites infections nosocomiales.

Dans leur rapport définitif, les docteurs [T] et [Y] expliquent qu'il est fait état dans le rapport des docteurs [B] et [G] d'une désunion de la cicatrice en son tiers central à partir du 28 janvier 2018, soit à 12 jours de l'opération, alors qu'à l'inverse la photographie du 28 janvier 2018 montre bien la cicatrisation aux deux extrémités de l'incision. Les experts [T] et [Y] en concluent que cette désunion n'est pas due à une faillite de la suture et notent qu'au surplus le compte rendu opératoire du docteur [J] du 6 février 2018 fait état d'une nécrose des tissus mous en profondeur. Selon eux, tous ces arguments évoquent un processus primaire infectieux du site opératoire qui évolue de la profondeur jusqu'à la superficie et non le contraire, à savoir une désunion/déhiscence cicatricielle primaire avec colonisation bactérienne secondaire. Ils notent enfin sur le plan infectiologique que les prélèvements confirment la présence de Staphylococcus aureus et surtout de [W] [A] qui est un germe commensal du tube digestif de l'homme rencontré le plus souvent en milieu hospitalier.
Ils affirment que « l'infection contractée à la suite de l'intervention chirurgicale du
16 janvier 2018 est donc, jusqu'à preuve du contraire, une infection associée aux soins (IAS) de type infection de site opératoire (ISO) et nosocomiale (contractée dans un établissement de santé). »

La clinique de [Localité 12] reprend dans ses moyens les éléments développés dans un dire reçu par les experts judiciaires le 7 juillet 2022. Les docteurs [T] et [Y] y répondent en expliquant que les docteurs [B], [G] et [S] n'ont apporté aucune preuve et surtout explication à un retard de cicatrisation et/ou désunion primaire dont l'origine ne serait pas infectieuse. Ils précisent notamment qu'en cas d'infection postérieure à une désunion primaire par faillite de la suture, d'une part cette désunion aurait dû apparaître de façon précoce alors qu’en l'espèce la désunion est apparue au moins 10 jours après l'intervention initiale ; que d'autre part la photographie du site opératoire faite le 28 janvier 2018, soit plus de 10 jours après l'intervention initiale, montre une infection du site opératoire en profondeur sans infection cutanée superficielle.

Les experts judiciairement désignés ne se réfèrent pas dans leur démonstration à la définition épidémiologique posée par le centre technique national des infections nosocomiales (CTIN en 2007).

Enfin le tribunal comprend à la lecture des pièces produites que des soins post-opératoires ont été effectués entre les deux premières interventions chirurgicales par une infirmière les 18, 22, 27, 29, 30 janvier et les 1er, 3 et 5 février 2018 et non par le compagnon de Madame [X].

Il y a donc lieu de dire que l'infection présente bien le caractère d'une infection nosocomiale au sens des articles L.1142-1 et R 6111-6 du code de la santé publique.

Sur la faute du docteur [J]

Aux termes de l'article L.1142-1 I du code de la santé publique, les médecins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

L'article R.4127-32 du même code dispose  que « Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. »

Les experts judiciairement désignés notent que « les soins et actes ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science » par le docteur [J] lors des interventions chirurgicales des 16 janvier, 6 février et 20 février 2018.

Ils retiennent cependant un préjudice de souffrances endurées de 1/7 en lien avec le fait que ce praticien n'a pas pris l'avis d'un infectiologue après le 2ème ré-intervention. Il n'est donc pas mis en cause pour n'avoir pas pris l'attache d'un infectiologue dès la prise en charge de la patiente, ni même après la 1ère ré-intervention, mais pour avoir proposé une 4ème intervention de recouvrement qui selon eux n'était pas indiquée et sans recours à un tiers.

Cette position est corroborée par la décision du 29 janvier 2021 dans laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’[Localité 8] de l'ordre des médecins a considéré que « devant l'aggravation de la plaie constatée le 15 mars 2018, il convenait que le docteur [J], plutôt que d'envisager une quatrième intervention, sollicite l'avis d'un tiers notamment infectiologue, ou organise pour sa patiente une autre prise en charge, qu'en négligeant de faire appel à l'aide de tiers compétents, dans un contexte d'interventions répétées sans issue favorable, le Dr [J] a méconnu l'article R.4127 du code de la santé publique. »

Il ressort d'une synthèse établie par le docteur [J] le 26 avril 2018 que le 1er mars 2018, ce dernier aurait conseillé à la patiente de prendre un deuxième avis, ce qu’elle conteste en indiquant que le docteur [J] lui a reproché de ne plus lui faire confiance et lui a proposé d'aller voir un autre médecin. Ce document de synthèse établi par le docteur [J] lui-même, sans production des comptes-rendus des rendez-vous ayant eu lieu, ne peut avoir une valeur probatoire suffisante.

En revanche, il ressort du dossier patient de Madame [X], qu'elle a été prise en charge le 19 mars 2018 par le «centre de consultations urgentes de l'adulte », CCUA, du centre hospitalier de [Localité 11]-[Localité 12] et qu'elle a alors été prise en charge par le docteur [D], infectiologue..

C'est donc bien à l'initiative de Madame [X] que celle-ci s'est rendue auprès d'un infectiologue en raison de sa plaie qui ne cicatrisait pas suite à trois interventions pratiquées par le docteur [J] (tel qu'il ressort du dossier patient produit).

Cette absence de recours à un tiers infectiologue doit donc être considérée comme une faute du docteur [J], au sens de l'article L.1142-1 I du code de la santé publique, laquelle a participé au préjudice de souffrances endurées de Madame [X] à hauteur de 1/7.

Contrairement à la chambre disciplinaire de première instance d’[Localité 8] de l'ordre des médecins, le tribunal ne retient pas comme constitutive d'une faute la circonstance que le docteur [J] ait pu faire preuve de négligence en n'ayant pas organisé son service de façon à permettre à Madame [X] de le joindre fin janvier 2018 alors que celle-ci aurait cherché à le faire à plusieurs reprise, en l’absence de pièce attestant de ces appels répétés. Au demeurant, il n'est pas démontré de lien de causalité entre l'éventuelle absence de réponse du médecin aux appels téléphoniques et les préjudices invoqués par la patiente.

En conclusion, la responsabilité de la clinique de [Localité 12] est engagée au titre de la maladie nosocomiale contractée par Madame [X] au sein de l'établissement de soins.

La responsabilité du docteur [J] est engagée pour une faute ayant uniquement contribué aux souffrances endurées de la patiente à hauteur de 1/7 .

Sur les préjudices de Madame [X]

Compte tenu des responsabilités telles que déterminées, la clinique de [Localité 12] assumera seule les conséquences financières des préjudices évoqués par la demanderesse en lien de causalité avec les soins suivants son opération du pied droit atteint d'un syndrome de MORTON, à l’exception du préjudice des souffrances endurées qui sera pris en charge partiellement par le docteur [J] ; celui-ci sera donc tenu à indemniser ce seul poste à la victime mais les autres demandes de condamnation in solidum seront rejetées.

Il convient de rappeler que les experts judiciaires ont fixé la date de consolidation au 1er juin 2019.

Sur le préjudice dit « financier »

-Au titre des dépenses de santé, Madame [X] explique avoir dû subir des séances d’acupuncture, d’ostéopathie, de réflexologie et de pédicure. Des frais de cure thermale (3 séjours) sont selon elle à prévoir pour une somme de 1328x3 = 3 984 € correspondant donc à des dépenses de santé futures.

Au titre des frais divers, la demanderesse sollicite le remboursement des sommes payées par elle aux médecins conseils qui l'ont assistée, à savoir le docteur [U] et le docteur [R] pour un total de 6.306€, respectivement 4.110€ et 2.196€. Elle évoque également des frais d'avocat et des frais de transport dont le détail serait développé dans une de ses pièces et dont le montant totalisé avec les frais liés aux séances d’acupuncture, d’ostéopathie, de réflexologie et de pédicure s’élève à 1.546€.

-S'agissant des dépenses de santé, la clinique de [Localité 12] observe que certaines consultations auprès de l’ostéopathe ou de l’acupuncteur ont pu faire l’objet d’une prise en charge par la mutuelle de la patiente mais qu'aucun élément ne permet de vérifier ce point de telle sorte que Madame [X] ne justifie pas de la réalité de son préjudice.

S'agissant des frais divers, la clinique de [Localité 12] note que Madame [X] verse au débat une liste établie à la main sans le moindre justificatif correspondant, des sommes prétendument engagées et restées en partie à charge. Dans le même sens, aucun document officiel ne permet de vérifier la réalité des pertes de primes et/ou des frais de déplacement, seuls les justificatifs ayant trait aux frais de conseil sont produits à hauteur de 2.816 euros mais Madame [X] ne justifie aucunement de l’absence de prise en charge de ces frais par une protection juridique. La clinique conclut que la réalité de ce préjudice n’est pas rapportée.

Relativement à la créance des organismes tiers payeurs, la clinique considère qu’ils se doivent de satisfaire aux exigences des règles de preuve et disposent nécessairement de documents archivés dans leurs systèmes informatiques sous forme de relevés détaillés journaliers permettant de retrouver la trace matérielle des frais exposés. Il doit également être fourni toutes pièces de nature à corroborer les informations mentionnées sur ces relevés. Ainsi et pour les frais médicaux et pharmaceutiques, la simple mention sous l'intitulé "frais médicaux" d'une certaine somme d'argent ne permet pas de s'assurer de l'imputabilité des dépenses au fait générateur de responsabilité et de l'exactitude des montants réclamés.
Cette partie reproche tant à la CPAM des [Localité 13], qu'à la BPCE et à la CGP de ne fournir aucune pièce à l’appui de leurs demandes se contentant de verser aux débats un relevé des prestations versées ou encore une attestation définitive de débours. Elle explique qu'elle ne peut vérifier ni l’exactitude, ni l’imputabilité avec les faits de la cause et en conséquence, elle sollicite le rejet de leurs demandes.

La CPAM répond avoir réglé à l’assurée sociale 4.674,24 de frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et d’appareillage et elle produit la notification définitive des débours ainsi que l’attestation d’imputabilité établie par le médecin conseil du recours contre tiers de la direction du service médical d’[Localité 8] qui certifie l’imputabilité des prestations servies à l'occasion de 1’infection nosocomiale dont a été victime son assurée. Selon elle, la force probante de cette attestation d’imputabilité ne saurait être remise en cause car établie par un médecin conseil appartenant à un service autonome et extérieur aux Caisses Primaires d’Assurance Maladie qui n’a aucun lien de subordination avec la CPAM des [Localité 13]. Elle forme un recours subrogatoire pour ce montant.

-La BPCE expose avoir remboursé à Madame [X], au titre des frais occasionnés par l’infection qu’elle a contractée à la suite de sa première opération, des sommes évaluées au 16 juillet 2020 à un montant total de 2.863,78 euros composé de frais d’Hospitalisation pour 318,00 euros, d’Honoraires médecins pour 1065,54 euros et de Frais médicaux pour 1.480,24 euros. Elle demande la fixation de sa créance à cette somme globale.

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-Au titre des dépenses de santé, Madame [X] sollicite une indemnisation de 1.546€ cumulant des dépenses de santé et de frais divers qu'il convient de distinguer.

S'agissant des dépenses de santé, aucun élément n'est communiqué quant au détail des sommes prises en charge par la sécurité sociale. Par ailleurs aucun élément médical ne permet d'attester que ces séances sont en lien avec l'opération du pied litigieuse alors qu'il ressort du dossier qu'elle souffrait précédemment d'une hernie discale. Enfin, ces dépenses de santé n'ont à aucun moment été évoquées devant l'expert, ni au stade de l'examen ni ensuite dans le cadre d'un dire afin qu’il se prononce sur leur imputabilité aux faits et leur opportunité postérieurement à la consolidation.

Les demandes au titre des dépenses de consultations auprès de l’ostéopathe ou de l’acupuncteur seront donc rejetées, tout comme les dépenses d'achats de chaussure et de gel. Il sera retenu les séances de réflexologie plantaire (Shiatsu) de 60€ et 80€ ainsi que les dépenses de pédicure-podologue non contestées par la clinique de [Localité 12], soit 34€ + 34€ +38€ ; soit une somme de 246€.

Les demandes au titre des dépenses de cures thermales seront rejetées. En effet, il apparaît que la pièce produite relative à la cure thermale indique sa prise en charge par l’assurance maladie. Par ailleurs aucune prescription de cure thermale ne justifie la nécessité d’en faire d’autres.

Sur le recours des tiers payeurs

Aux termes de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, la CPAM dispose d'un recours subrogatoire contre l'auteur responsable.

En l'espèce, la CPAM verse aux débats une notification définitive de ses débours fixant ceux-ci à la somme de 4.674,24 € pour des hospitalisations les 6/7 février et
20 février 2018, des frais médicaux dispensés entre le 5 février 2018 et le 28 mai 2019, des frais pharmaceutiques entre le 31/01/2018 et le 30/04/2019 et des frais d’appareillage le 29/03/2018. Elle joint une attestation d'imputabilité de ces dépenses à l'acte médical du 16 janvier 2018 réalisé par le docteur [J] au sein de la clinique de [Localité 12], attestation établie par le médecin conseil du recours contre tiers de la direction du service médical d’[9].
Le tribunal considère ces pièces comme suffisamment probantes pour caractériser l’imputabilité des dépenses à la maladie nosocomiale contractée lors des soins à la clinique pour mettre à la charge de celle-ci les dépenses de santé ci-dessus listées.
La créance de la CPAM des [Localité 13] s’élève donc à la somme de 4.674,24 €.

Aux termes de l'article L.224-8 du code de la mutualité : « Les opérations relatives au remboursement de frais de soins, à la protection juridique et à l'assistance ont un caractère indemnitaire ; l'indemnité due par la mutuelle ou par l'union ne peut excéder le montant des frais restant à la charge du membre participant au moment du sinistre.» L'article L.224-9 du même code précise que : « Pour le paiement des prestations à caractère indemnitaire, mentionnées à l'article L. 224-8, la mutuelle ou l'union est subrogée jusqu'à concurrence desdites prestations, dans les droits et actions des membres participants, des bénéficiaires ou de leurs ayants droit contre les tiers responsables (…) ».

La BPCE MUTUELLE verse aux débats l'ensemble des justificatifs des sommes versées à [E] [X] entre le 10 janvier 2018 et le 18 mars 2020.
Cependant la maladie nosocomiale imputable à l’établissement de soins n’étant apparue que fin janvier 2018 et ayant été soignée au plus tard fin mai 2019, les dépenses de santé remboursées avant sont imputables à la première prise en charge opératoire, non fautive, de sorte qu’elles ne donneront pas lieu à créance pour l’organisme tiers payeur. Il en sera de même pour les dépenses postérieures ou celles dont l’imputabilité à la maladie n’est pas démontrée (consultation de spécialiste non précisée, acte technique et chirurgical fin 2018 non visé dans les rapports d’expertise ou pour des soins concernant d’autres personnes).

Après analyse, le tribunal retient une créance de la mutuelle de 743 euros que la seule clinique de [Localité 12] sera condamnée à lui payer.

-Au titre des frais divers, aucun justificatif n'est fourni pour les sommes de 100€ et 150€ réclamées respectivement pour les déplacements divers en voiture ou train pour les rendez-vous médicaux et les examens, pour les frais de parking lors des rendez-vous avec le docteur [J] et la cicatrisation dirigée. Aucun élément ne permet non plus de quantifier les distances et le nombre de trajets dont on peut penser que certains ne sont pas liés à l'infection nosocomiale mais au suivi normal de la patiente qui aurait eu lieu de toutes les façons.

Dans ces conditions, aucune indemnité ne lui sera allouée.

Il est constant que les frais d'assistance d'un médecin conseil à l'expertise médicale judiciaire ou amiable peuvent être indemnisés tout comme les frais de correspondance.

Ainsi, la note d'honoraires d'avocats de 216€ sera retenue, ces frais, qui ne sont pas ceux de son conseil s'étant constitué dans le présent contentieux, concernent essentiellement des frais d’échanges avec Madame [X] et les docteurs [U] et [B].

Madame [X] produit également les notes d'honoraires du docteur [U] d'un montant de 1.176€ et 1.020€ pour son assistance technique médico-légale, notes acquittées par chèque bancaire. Elle produit également la note d'honoraires du docteur [R] d'un montant de 4.110€ dans le cadre de son assistance en responsabilité médicale, dont il précise qu'elle est acquittée. Il ne ressort pas des conclusions de la BPCE MUTUELLE qu'elle ait pris en charge ces dépenses.
Dès lors, il sera fait droit à sa demande d'indemnisation à hauteur de la somme demandée soit 6.306€.

La clinique sera donc condamnée au versement d’une indemnité de 246 + 216 + 6.306 € = 6.768€ à Madame [X], de 4.674,24 € à la CPAM des [Localité 13] et de 743 € à la BPCE mutuelle.

Sur la perte de revenus de janvier 2018 à décembre 2020

-Mme [X] affirme avoir perdu une somme totale de 28.994 € au titre de ses salaires, de son intéressement et de sa participation. Elle explique que son licenciement est intervenu le 13 mars 2019 pour inaptitude professionnelle due au fait qu'elle ne pouvait plus se tenir debout, sans ressentir de douleur, et ne pouvait plus marcher qu’en s’appuyant sur une canne et que le médecin du travail a conclu à l’impossibilité de la reclasser.
Elle demande la condamnation de la clinique de [Localité 12] et du Dr [J] à lui verser cette somme.

-La clinique de [Localité 12] fait remarquer que les experts n’ont pas pris le soin de déterminer la période d’arrêt de travail strictement imputable à l’infection et rappelle que Mme [X] était en invalidité de classe 1 depuis 2005 pour ses problèmes de dos. De plus le motif du licenciement pour inaptitude n’a pas été précisé.
Elle ajoute que Madame [X] bénéficiait avant les faits d’une pension invalidité catégorie 1 en raison de ses problèmes de dos, qu'elle travaillait à 70% (3,5 jours par semaine) en raison de son invalidité consécutive à ses hernies. Elle considère qu'en l’état des pièces produites, l’arrêt des activités professionnelles ne peut être imputé de façon directe et certaine à l’infection et qu'une ventilation de ce poste de préjudice est dans tous les cas indispensable, en raison d’un état antérieur impactant déjà son activité professionnelle.
Elle propose de se référer au rapport d’expertise déposé par le Docteur [B] et le Professeur [G] lesquels prennent le soin d’indiquer que la période d’arrêt de travail imputable à la complication s’étend du 16 février au 30 mai 2018 et de considérer que l’arrêt de travail actuellement en cours et à l’origine d’une perte de salaire ne saurait être en lien avec l’infection présentée.

La clinique expose qu'à la lecture des pièces versées au débat, Madame [X] percevait, avant les faits litigieux, un salaire annuel moyen de 30.707 euros (base avis d’imposition 2018) soit 2.558,91 euros par mois et qu'en 2018 elle a perçu un salaire annuel moyen de 21.145 euros (base avis d’imposition 2019) soit, 1.762,08 euros par mois ; qu'il en résulte une perte mensuelle de 796,83 euros (2.558,91 – 1.762,08) ; soit, sur la période susvisée (3.38 mois) une perte de gains s’élevant donc à la somme de 2.693,28 euros (796,83 x 3.38).

Enfin la clinique soutient que les pièces versées au débat ne sont pas suffisantes pour statuer sur la demande d’indemnisation, aucune précision n’étant apportée quant aux revenus perçus durant l’année 2020.

-La CGPCE indique avoir versé à son assuré une rente d’incapacité temporaire d’un montant de 6.938,51 € du 11/05/2018 au 18/03/2019 pour l’incapacité temporaire suite à l’opération chirurgicale du 16 janvier 2018 et imputable à celle-ci comme à l’infection nosocomiale. Elle en demande le remboursement à l’établissement et au chirurgien, pris in solidum.
Elle ajoute que conformément à la nomenclature Dintilhac, la somme versée par la CGP à Madame [X] s’imputera sur le poste de préjudice « Perte de gains professionnels actuels », puis sur le poste de préjudice « Perte de gains professionnels futurs » le cas échéant.
Elle affirme que les pièces qu'elle verse aux débats présentent une valeur probatoire suffisante.

-La CPAM demande à la seule clinique le remboursement des indemnités journalières versées pour un total de 16.826,01 € sur la période du 15/02/2018 au 18/03/2019.

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Les experts judiciaires notent dans leur rapport que Madame [X] a été en arrêt de travail jusqu'à septembre 2018, qu'elle n'a repris son activité professionnelle qu'à 40%, a de nouveau été arrêtée un mois après et n'a jamais repris depuis. Il ressort des pièces produites qu'elle a été licenciée le 13 mars 2019 pour inaptitude professionnelle. Si elle était effectivement classée dans la 1ère catégorie d'invalidité du fait de ses problèmes de dos depuis juin 2005, cela ne l’a pas empêchée de travailler jusqu’en 2018.
Il doit s'en déduire que son licenciement pour inaptitude professionnelle prononcé le 13 mars 2019 est dû aux conséquences de la maladie nosocomiale ayant considérablement aggravé la situation de son pied. Elle affirme avoir pris sa retraite en décembre 2020.

Il est rappelé que la consolidation de son état de santé a été fixé au 1er juin 2019 et que le tribunal n’a imputé au chirurgien Dr [J] qu’une part de souffrances endurées et non une impossibilité de reprendre son activité professionnelle. Il ne sera donc pas tenu in solidum à l’indemnisation de ce poste.

Pour apprécier la perte financière, il y a lieu de considérer que les indemnités journalières et rentes d’incapacité temporaire doivent être déclarées au titre des revenus et sont soumises à l'impôt. Si Madame [X] a perçu de la CPAM des [Localité 13] une somme de 16.826,01 € au titre des indemnités journalières versées entre le 15 février 2018 et le 18 mars 2019 et une somme de 6.938,51 € de la part de CGP, ces sommes sont donc incluses dans les montants des salaires et autres revenus qui seront retenus pour calculer la perte de gains professionnels.

Au regard des avis d'imposition, la patiente a perçu en 2017, année pleine à prendre en référence, 30.707€ de salaires, et en 2018, année de la maladie, 28.287€, soit une perte annuelle de 30.707€ - 28.287€ = 2.420€.
En 2019 elle a perçu des salaires et autres revenus imposables à hauteur de 13.754€, soit une perte par rapport à l’année de référence de 30.707-13.754€ = 16.953€ et en 2020 un total de 18.666€, soit une perte de 30.707-18.666€ = 12.041€.

Il est donc possible de considérer que sa perte financière liée aux conséquences de la maladie nosocomiale entre sa première opération et son départ à la retraite s'élève à la somme de 2.420 + 16.953 + 12.041 = 31.414€.

Madame [X] demande une somme pour cette période de 28.994€ à laquelle il sera donc fait droit.

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La CPAM a versé à la victime des indemnités journalières du 15 février 2018 au
18 mars 2019 et selon son médecin-conseil, elles correspondent aux arrêts de travail imputables à l’infection nosocomiales pour la somme de 16.826,01 €, qui sera donc retenue au titre de la créance du tiers payeur.

Aux termes de l'article L. 931-11 du Code de la sécurité sociale, « Pour le paiement des prestations à caractère indemnitaire, les institutions de prévoyance sont subrogées jusqu'à concurrence desdites prestations dans les droits et actions du participant, du bénéficiaire ou de leurs ayants droit contre les tiers responsables. »

La CGPCE verse aux débats un décompte de prestations qui précise qu'à la suite de l’opération chirurgicale subie par Madame [X] le 16 janvier 2018, cette dernière a perçu de sa part une rente d’incapacité temporaire du fait de son arrêt maladie pour un montant total de 6. 938,51 euros :
Du 11 mai au 06 juin 2018 610,97 euros
Du 07 juin au 03 juillet 2018 611,79 euros
Du 04 juillet au 03 août 2018 709,90 euros
Du 04 août au 31 août 2018 641,20 euros
Du 1er au 11 septembre 2018 251,91 euros
Du 12 septembre au 30 novembre 2018 1.417,23 euros
Du 1er au 27 décembre 2018 676,64 euros
Du 28 décembre au 29 janvier 2019 827 euros
Du 30 janvier au 25 février 2019 676,64 euros
Du 26 février au 11 mars 2019 350,84 euros
Du 12 au 13 mars 2019 50,12 euros
Du 14 au 18 mars 2019 114,27 euros

Il s'agit bien selon la CGP d'une ainsi que d'une prestation à caractère indemnitaire au sens des textes les régissant.
S’agissant de l'imputabilité de son incapacité de travail à son opération chirurgicale du 16 janvier 2018 et à son infection nosocomiale y afférente pour la période postérieure à septembre 2018, la CGP se joint à l’argumentation de Madame [X]. Elle ajoute que la CPAM des [Localité 13] produit une attestation d'imputabilité établie par son service médical et qui certifie la stricte imputabilité des débours dont elle demande le remboursement à l’intervention du 16 janvier 2018 et qui fait bien apparaître des indemnités journalières du 15 février 2018 au 18 mars 2019.

Le tribunal considère comme imputables aux complications de la maladie nosocomiale contractée par Madame [X] l'ensemble de ses complications médicales ainsi que les arrêts de travail subis. Dès lors, les pièces produites par la CGP sont suffisantes pour justifier du montant versé au titre des indemnités journalières durant les arrêts de travail suite à la maladie nosocomiale, indemnisés par la CPAM et imputés par le médecin conseil de celle-ci aux conséquences de la maladie nosocomiale.

La créance du tiers payeur CGP contre la clinique de [Localité 12] sera donc de 6.938,51€.

Sur le déficit fonctionnel temporaire (DFT)

Sur la base des périodes de déficit fonctionnel temporaire fixées par l'expert, [E] [X] sollicite la somme de 100€ par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total tandis que la clinique demande de la fixer à 20€ par jour.

Ce chef de préjudice est destiné à compenser la gêne que rencontre la victime dans les actes de la vie courante pendant la maladie traumatique. Il correspond à l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation.

Compte tenu de la nature de l'infection et des conséquences engendrées sur la vie quotidienne, le déficit temporaire total sera suffisamment réparé par l’octroi de la somme quotidienne de 25 €.

L'expert a déterminé différentes périodes de déficit fonctionnel temporaire, non critiquées :

DFT à 100 % : les 6 et 7 février, le 20 février 2018 : 3x25€ = 75€
DFT à 33% du 8 au 19 février 2018 et du 21 février au 28 mai 2018 soit 109 jours x 25€ x 33% = 899,25€
DFT à 25% du 29 mai 2018 au 29 août 2018 soit 92 joursx25€x25% = 575€
DFT à 10% du 30 août 2018 au 1er juin 2019 soit 276 joursx25€x10% = 690€

Il sera donc alloué à Madame [X] au titre du déficit fonctionnel temporaire la somme de 75 + 899,25+575+690 = 2.239,25€.

Sur les souffrances endurées

-Sur la base de la cotation à 3/7 fixée par l'expert, Mme [X] demande à être indemnisée à hauteur de 25 000 € alors que la clinique offre une somme non supérieure à 3.700€.

Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

Les souffrances sont évaluées à 3/7 par l’expert, dont 1/7 imputable à la prise en charge du docteur [J].

Au regard des nombreuses interventions chirurgicales, de la longueur des soins postopératoires et des douleurs importantes, il convient de fixer l'indemnisation à ce titre à la somme de 8.000 € que les deux responsables seront condamnés in solidum à verser.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Madame [X] sollicite 20.000€ mais la clinique de [Localité 12] répond qu'une telle demande est surévaluée au regard de la jurisprudence en vigueur et propose de lui allouer 5.600 euros (1.400 euros du point).

Le déficit fonctionnel permanent correspond à un préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel après consolidation c'est à dire alors que l'état de la victime n'est plus susceptible d'amélioration par un traitement médical adapté.

Le déficit fonctionnel permanent est évalué à 4% par l'expert qui prend en compte la marche normale parfois douloureuse sans boiterie avec une gêne légère dans les mouvements complexes extrêmes, une modification des appuis plantaires sans hyperkératose et les conséquences psychologiques.

Au regard des référentiels habituellement utilisés, et s'agissant d'une femme âgée de 58 ans à la date de la consolidation, le déficit fonctionnel permanent justifie l'octroi de la somme de 5.600€ en réparation.

Sur le préjudice esthétique temporaire

Madame [X] entend obtenir 10.000 euros de dommages-intérêts pour ce poste évalué par les experts à hauteur de 2/7. La clinique de [Localité 12] propose une indemnisation à hauteur de 2.000€.

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'altération de l'apparence physique avant la consolidation.

Le préjudice esthétique temporaire subi par Madame [X] est évalué par l'expert à 2/7 du fait de l'aspect cicatriciel, des soins et de la boiterie. La proposition de la clinique de [Localité 12] sera déclarée satisfactoire de sorte qu’elle sera condamnée au paiement de la somme de 2.000€.

Sur le préjudice d'agrément

Madame [X] sollicite le versement de 2.000 euros quand la clinique conclut au débouté ; elle fait valoir que le rapport indique sans la moindre précision quant à l’imputabilité que Madame [X] ne pratique plus l’aquabiking ni le jogging en raison d’une gêne au niveau des pieds. Elle rappelle que celle-ci souffrait avant les faits d’hernies lesquelles empêchaient raisonnablement déjà la pratique de ces activités et sollicite le débouté de sa demande.

Le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.
Il convient de rappeler que les troubles dans les conditions d'existence ainsi que la perte de qualité de vie sont pris en compte dans l'évaluation du déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, il n'est versé aux débats aucune attestation, aucun justificatif confirmant la pratique régulière de certaines activités sportives ou de loisirs par Madame [X] qui sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur le préjudice sexuel

Madame [X] sollicite une somme de 1.000€ à ce titre. La clinique de [Localité 12] conclut au rejet, relevant que la demanderesse décrit une baisse de la libido en voie d'amélioration et ajoute que le préjudice sexuel est un préjudice définitif alors que celle-ci reconnaît qu'il s'agit dans son cas d'un préjudice temporaire.

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés cumulativement ou séparément, partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel et la fertilité.

Aux termes du rapport, Madame [X] décrit une baisse de la libido en voie d'amélioration sans décrire cette baisse et en notant que cela s'améliore. Dès lors il peut être considéré que cette baisse de libido est provisoire est n’a pas lieu d’être indemnisée dans le cadre d’un préjudice définitif.

La demande sera rejetée.

Sur le préjudice esthétique permanent

Madame [X] sollicite l’indemnisation de son préjudice esthétique définitif à hauteur de 3.000 euros alors que la clinique lui propose une indemnité de 1.000 euros.

Ce poste de préjudice vise à réparer l'altération de l'apparence physique de la victime. L'expert a évalué le préjudice esthétique permanent de Madame [X] à 1/7.

Compte tenu de la localisation de l'aspect cicatriciel et de l'absence de boiterie, ce préjudice justifie une indemnisation à hauteur de 1.500€.

****

Au total, la clinique de [Localité 12] sera seule condamnée à payer à Madame [X] les sommes suivantes :
6.768€ (dépenses de santé et frais divers)
28.994 (pertes de revenus)
2.239,25 € (au titre du déficit fonctionnel temporaire)
5.600€ au titre du déficit fonctionnel permanent
2.000€ au titre du préjudice esthétique temporaire
1.500€ au titre du préjudice esthétique permanent
Soit un total de : 47.101,25€

Sur les appels en garantie :

La clinique de [Localité 12] affirme qu'il est de jurisprudence constante que s'agissant de recours entre co-obligés solidaires, le fautif ne peut exercer de recours contre un non fautif et qu'inversement le recours du non fautif contre le fautif est intégral.

Le docteur [J] conclut qu'aucun manquement ne peut être retenu à son encontre, Madame [X] ayant été victime d’une infection sans faute, qu'à cet égard il ressort du rapport d’expertise que les préjudices sont en lien exclusif avec l’infection nosocomiale et non avec le prétendu non appel à un infectiologue (à l’origine selon les Experts de souffrances endurées à 1/7) de sorte que la clinique [Localité 12] ne pourra qu’être déboutée de son appel en garantie.

****

Dans les rapports entre co-obligés, un partage de responsabilité entre la clinique de [Localité 12], siège de l’infection nosocomiale, et le médecin ayant pris en charge la patiente apparaît envisageable, nonobstant qu'il s'agisse dans un cas d'une responsabilité pour faute et dans l'autre d'une mise en jeu d'une responsabilité dite « objective ».

Si la négligence fautive du docteur [J] a été reconnue, celle-ci n'est intervenue dans le préjudice de Madame [X] qu'en lien avec les souffrances endurées et à hauteur de 1/7, poste pour lequel tous deux ont été condamnés in solidum à réparer par une indemnité de 8.000 € ; l'intégralité des autres postes de préjudice relèvent de la seule responsabilité de la clinique.

Dès lors l’appel en garantie du docteur [J] fait par la clinique de [Localité 12] sera accueilli à hauteur de 30% de cette seule condamnation.

Le docteur [J] sera donc condamné à garantir la clinique à hauteur de la somme de 2.666,66€.

Sur les demandes accessoires

La CPAM des [Localité 13] sollicite la condamnation de la clinique de [Localité 12] à lui payer l’indemnité forfaitaire de gestion d’un montant de 1.114 , laquelle diffère de la demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile par sa nature et son objet distincts ; elle soutient qu’elles sont d’application cumulative. La clinique ne prend pas position sur cette demande.

Conformément aux dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 14 décembre 2021, la clinique de [Localité 12] sera condamnée à verser à la caisse la somme de 1.114€ à ce titre.

Compte tenu de la part minime de responsabilité incombant au docteur [J], la clinique de [Localité 12] qui succombe supportera seule les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Catherine LEGRANDGERARD et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

La clinique de [Localité 12] sera condamnée à payer au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile respectivement à la BPCE MUTUELLE la somme de 1.500€, à la CPAM des [Localité 13] celle de 1.000€, à la caisse Générale de Prévoyance des Caisses d’Épargne (CGP) celle de 1.500€, à Madame [E] [J] une indemnité de 2.500€.

Monsieur [O] [J] sera condamné à payer la somme de 500€, sur le même fondement, à la BPCE MUTUELLE, à la Caisse Générale de Prévoyance des Caisses d’Épargne (CGP) et à Madame [E] [X] la somme de 500€.

M. [J] et la clinique de [Localité 12] seront déboutés de leur demande de ce chef.

Enfin il convient de rappeler que l'exécution provisoire est de droit et qu’aucun motif ne s’y oppose.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,

Déclare Monsieur [O] [J] responsable d’une faute causant à Madame [E] [X] des souffrances endurées ;

Déclare la clinique de [Localité 12] responsable de l'ensemble de la maladie nosocomiale contractée en son sein;

Condamne la seule clinique de [Localité 12] à payer à Madame [E] [X] la somme de 47.101,25€ au titre de l'ensemble de ses préjudices, soit :
6.768,00 € au titre des dépenses de santé et frais divers,
28.994,00 € au titre de la perte de revenus,
2.239,25 € au titre du déficit fonctionnel temporaire
5.600,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
2.000,00 € au titre du préjudice esthétique temporaire,
1.500,00 € au titre du préjudice esthétique permanent ;

Déboute Madame [E] [X] de ses demandes au titre du préjudice sexuel et du préjudice d’agrément ;

Condamne in solidum la clinique et Monsieur [J] à verser à Mme [X] 8.000 euros de dommages-intérêts au titre des souffrances endurées et rejette les autres demandes in solidum,

Dit que le docteur [J] garantira la clinique de [Localité 12] à hauteur d’un tiers de la condamnation prononcée au titre des souffrances endurées et le condamne à lui verser la somme de 2.666,66 euros,,

Fixe la créance de la CPAM des [Localité 13] à la somme de 21.500,25 € au titre des débours et de 1.114,00 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion  et condamne la clinique de [Localité 12] à les payer,

Fixe la créance de la BPCE MUTUELLE à la somme de 743€ et condamne la clinique de [Localité 12] à lui payer,

Fixe la créance de la Caisse Générale de Prévoyance des Caisses d’Épargne (CGP) à la somme de 6.938,51 € et condamne la clinique de [Localité 12] à lui payer;

Condamne la clinique de [Localité 12] à payer une indemnité de procédure de 1.500€ à la BPCE MUTUELLE, de 1.000€ à la CPAM des [Localité 13], de 1.500€, à la caisse Générale de Prévoyance des Caisses d’Épargne (CGP) et de 2.500€ à Madame [E] [X] ;

Condamne Monsieur [O] [J] à payer une indemnité de procédure de 500€ à la BPCE MUTUELLE, à la Caisse Générale de Prévoyance des Caisses d’Épargne (CGP), et à Madame [E] [J] ;

Déclare le jugement commun aux organismes sociaux et tiers payeurs appelés en la cause ;

Déboute la clinique de [Localité 12] et le docteur [J] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la clinique de [Localité 12] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Catherine LEGRANDGERARD, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 MARS 2024 par Mme DUMENY, Vice Présidente, assistée de Madame GAVACHE, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 22/04456
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;22.04456 ?
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