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14/03/2024 | FRANCE | N°21/05574

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 14 mars 2024, 21/05574


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
14 MARS 2024



N° RG 21/05574 - N° Portalis DB22-W-B7F-QILQ
Code NAC : 72A
A.G.



DEMANDEUR :

Le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier [Adresse 2] représenté par son syndic, la société TIFFEN COGE, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 652 009 705 dont le siège social est situé [Adresse 1], prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette quali

té audit siège,

représenté par Maître Mélina PEDROLETTI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Philomène CONR...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
14 MARS 2024

N° RG 21/05574 - N° Portalis DB22-W-B7F-QILQ
Code NAC : 72A
A.G.


DEMANDEUR :

Le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier [Adresse 2] représenté par son syndic, la société TIFFEN COGE, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 652 009 705 dont le siège social est situé [Adresse 1], prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représenté par Maître Mélina PEDROLETTI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Philomène CONRAD, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDEUR :

Monsieur [O] [S]
né le 17 Mai 1964 à [Localité 3] (75),
demeurant [Adresse 2],

représenté par Maître Catherine PODOSKI, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Banna NDAO, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

ACTE INITIAL du 02 Septembre 2021 reçu au greffe le 22 Octobre 2021.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 16 Janvier 2024, après le rapport de Madame GARDE, Juge désigné par le Président de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
M. JOLY, Vice-Président
Madame GARDE, Juge
Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

M. Gilles Khaïat, avocat au barreau de Paris, est propriétaire, depuis le
14 mars 2008, des lots n° 55 et 57 de l’ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété situé [Adresse 2] à [Localité 4] (75), correspondant à un appartement au rez-de-chaussée et à une cave.

La copropriété a pour syndic, depuis le 9 mai 2022, le cabinet Tiffen Coge.

Faisant grief à M. [O] [S] de ne pas s’acquitter de ses charges courantes, le syndicat des copropriétaires l’a, par acte du 3 février 2012, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris en recouvrement des sommes dues. Eu égard à la profession exercée par M. [O] [S], l’affaire a été dépaysée et renvoyée devant le tribunal de grande instance de Versailles qui, dans un jugement rendu le 30 octobre 2015, a :

- condamné M. [O] [S] à payer au syndicat des copropriétaires les sommes de 9.916,69 € au titre des charges et appels provisionnels de charges de copropriété échus au 2 octobre 2014, 4ème trimestre inclus ; 4,35 € au titre des frais exposés pour le recouvrement de la créance ; 2.000 € à titre de dommages et intérêts ; 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [O] [S] de l’ensemble de ses demandes,
- ordonné l’exécution provisoire,
- condamné M. [O] [S] aux dépens.

Constatant qu’au 31 décembre 2020, M. [O] [S] demeurait redevable de la somme de 29.459,10 € au titre des charges de copropriété, appel provisionnel du 1er trimestre 2021 non compris, le syndicat des copropriétaires l’a, par exploit du 5 février 2021, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Fontainebleau. Une nouvelle décision de dépaysement au profit du tribunal judiciaire de Versailles a alors été rendue le 2 septembre 2021.

Par ailleurs, dans un jugement rendu le 13 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a annulé la résolution n° 13 votée par l’assemblée générale des copropriétaires du 9 avril 2015 et ordonné la désactivation du digicode situé
à l’entrée de l’ensemble immobilier entre 19h et 8h. Après avoir rejeté les
autres demandes des parties, il a condamné le syndicat des copropriétaires
aux dépens et dispensé M. [O] [S] des frais exposés par le syndicat conformément aux dispositions de l’article 10-1, alinéa 2, de la loi du
10 juillet 1965.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 19 mai 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, le cabinet Tiffen Coge, demande au tribunal de :

- Dire et juger le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions devant le tribunal judiciaire de Fontainebleau (sic),
- Condamner M. [O] [S] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] la somme de 39.995,70 €, appel du premier trimestre 2023 inclus, au titre des appels de fonds des charges communes générales et des appels de fonds travaux,
- Débouter M. [O] [S] de toutes ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions,
- Dire et juger fautif et abusif le comportement de M. [O] [S] qui cause de nouveau au syndicat des copropriétaires un évident préjudice,
- Condamner M. [O] [S] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts,
- Condamner M. [O] [S] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens avec application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 pour tous les frais engagés par le syndicat,
- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur tous les chefs.

Le syndicat des copropriétaires explique que sa créance est certaine, liquide et exigible, tous les appels provisionnels de charges et appels travaux depuis le 4ème trimestre 2017 ainsi que les régularisations individuelles de charges de l’immeuble pour les exercices 2017 à 2022 étant versés aux débats. Il prétend que les convocations et procès-verbaux des assemblées générales approuvant les comptes et budgets prévisionnels ont été dûment adressés à M. [O] [S], que ce dernier n’a pas la qualité de copropriétaire opposant et que ces assemblées sont aujourd’hui définitives.

Il fait grief à M. [O] [S] de n’avoir procédé à aucun règlement depuis le mois de juillet 2022 et d’être désormais redevable de la somme de 39.995,70 €.

Il expose que les frais engagés au sens de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, dont le défendeur a été dispensé par décision du tribunal judiciaire de Paris, sont détaillés dans le décompte arrêté au 14 mars 2022, pour un montant total de 937,30 € (lequel correspond aux tantièmes détenus par M. [O] [S], à hauteur de 37/630èmes).

Il réplique que les parties communes sont en parfait état et que M. [O] [S] n’a à se plaindre d’aucun trouble ni d’aucune baisse de standing de l’immeuble. Il observe que, dans son jugement du 30 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Versailles a déjà purgé nombre d’allégations soulevées par le défendeur pour s’opposer au paiement de ses charges, dont l’entreposage des poubelles dans la cour de l’immeuble. Il indique, au demeurant, que le trouble de jouissance allégué n’est pas démontré (les photographies prises en pleine grève ponctuelle des éboueurs n’étant pas probantes et le bruit généré par le tri du verre étant un inconvénient normal de la vie en collectivité) et qu’il n’a fait l’objet d’aucune saisine de l’assemblée générale des copropriétaires. Il reproche à M. [O] [S] de ne procéder à aucune démarche autre que procédurale, y compris pour des motifs fallacieux comme devant le juge de l’exécution.

Il souligne que l’offre de consignation alléguée n’est pas justifiée et qu’en raison des impayés de M. [O] [S], il a été contraint de procéder à un appel de fonds exceptionnel de 15.000 € représentant une somme de 381 à 1.095 € par copropriétaire en sus de leurs charges courantes. Il considère que le comportement de M. [O] [S] nuit gravement au fonctionnement de la copropriété et justifie une condamnation aussi coercitive qu’exemplaire.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 26 mai 2023, M. [O] [S] demande au tribunal de :

-Dire et juger M. [O] [S] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,
- Débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Ce faisant,

- Donner sommation au syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] représenté par son syndic de produire un décompte conforme avec les justificatifs,
- Evaluer le préjudice de M. [S] aux sommes de 300 € par mois depuis août 2013 concernant le trouble de jouissance et 100.000 € concernant la perte de valeur du bien immobilier,
- Donner injonction, sous astreinte définitive de 200 € par jour de retard et par infraction à compter de la décision à intervenir, au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice la société Tiffen Coge, de procéder au déplacement des poubelles dans un endroit hors de la vue des fenêtres des locaux de M. [O] [S], et hors de la cour intérieure de l’immeuble,
- Constater, dire et juger que le syndicat des copropriétaires viole les dispositions de la page 24, 3°/ du règlement de copropriété en organisant le stockage et toutes les opérations afférentes aux poubelles dans la cour de l’immeuble où sont strictement prohibées toutes opérations, et condamner le syndicat des copropriétaires à payer à M. [O] [S] la somme de 20.000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et mauvaise foi à violer les dispositions du règlement de copropriété, sans discontinuer depuis 2013,

- Constater, dire et juger que le syndicat des copropriétaires est de mauvaise foi en s’abstenant de faire une quelconque proposition quant au stockage et aux opérations afférentes aux poubelles, et en conséquence condamner le syndicat des copropriétaires à des dommages intérêts de ce chef au profit de M. [O] [S] ,
- Constater, dire et juger que M. [S] subit un trouble anormal de jouissance, et atteinte à l’image ouvrant droit à réparation et indemnisation, et qu’il convient d’évaluer à la somme forfaitaire de 10.000 €,
- S’entendre condamner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] représenté par son syndic à payer à M. [O] [S] les sommes de 300 € par mois à compter de la première mise en demeure en date du 29 août 2013 correspondant au préjudice lié au stockage des poubelles, 100.000 € à titre provisionnel et 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont il sera ordonné la distraction au profit de Maître Ndao conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
- Constater, dire et juger que M. [O] [S] réserve l’intégralité de ses droits quant à l’indemnisation de la perte de valeur du bien immobilier, mais d’ores et déjà dire et juger que le syndicat des copropriétaires sera tenu à indemnisation de ce chef lors de la vente du bien à intervenir,
- Donner acte de ce que M. [O] [S] se propose de consigner le montant des charges qui pourrait être réellement dues expurgées de toutes les erreurs du syndicat des copropriétaires,
- Dire et juger satisfactoire l’offre de consignation sur le compte séquestre CARPA de la somme rectifiée de toutes les erreurs stigmatisées par M. [O] [S],
- Dire et juger que M. [O] [S] sera dispensé du paiement des frais engendrés par la présente procédure en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- Ne pas prononcer l’exécution provisoire du jugement sauf en ce qui concerne la demande d’astreinte.

M. [O] [S] reproche au syndicat des copropriétaires de lui faire subir une situation matérielle aussi illicite qu’inacceptable constitutive d’un harcèlement moral. Il explique que les poubelles de l’immeuble, autrefois situées dans un local fermé (désormais occupé par des poussettes), sont placées depuis le mois d’août 2013 dans la cour intérieure de l’immeuble, devant ses fenêtres, ce qui nuit à son exercice professionnel (deux bureaux ayant vue directe sur la cour) et lui cause un trouble de jouissance (pollution sonore, olfactive et visuelle). Il considère que cette décision a été prise en violation du règlement de copropriété et témoigne de la volonté du syndicat des copropriétaires de lui nuire. Il ajoute que cette situation a une incidence sur la valeur vénale de ses lots, la perte induite étant évaluée à 1.000 € / m2 soit 100.000 € pour l’ensemble. Il conclut, in fine, au bien-fondé de l’exception d’inexécution soulevée, l’indemnisation de ses préjudices le rendant créancier du syndicat des copropriétaires.

Il dit avoir réitéré à plusieurs reprises dans ses jeux de conclusions une offre de consignation des charges susceptibles d’être dues, sans réaction de la part du syndicat des copropriétaires. Il reproche à ce dernier d’avoir, bien au contraire, voulu engager une procédure de saisie immobilière à son endroit, en le maintenant dans une situation de discrimination.

Il reconnaît que le décompte présenté par le syndicat des copropriétaires a été corrigé pour tenir compte du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 13 janvier 2022. Il considère néanmoins comme surprenant qu’une somme de 937,30 € puisse recouvrir tous les frais d’huissier, débours et autres honoraires d’avocat concernant une entière procédure, a fortiori en l’absence de justificatifs. Il ajoute que tous les frais divers (dont les frais de relance) engagés en parallèle de la procédure judiciaire doivent être déduits du solde restant dû comme étant dépourvus de cause.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2023.

L’affaire a été initialement fixée à l’audience juge unique du 21 septembre 2023 à 09h30.

M. [O] [S] a néanmoins sollicité le renvoi de l’affaire devant la formation collégiale, raison pour laquelle le dossier a été fixé, par décision du
11 juillet 2023, à l’audience du 16 janvier 2024 à 14h.

Par message notifié par voie électronique le 29 décembre 2023, M. [O] [S] a saisi la présente juridiction de conclusions aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture afin d’admettre deux nouvelles pièces (n° 18 et 19) ainsi que de nouveaux développements relatifs au harcèlement qu’il subirait de la part du syndicat des copropriétaires. Le syndicat des copropriétaires s’est opposé au rabat, considérant qu’aucune cause grave, au sens de l’article 803 du code de procédure civile, n’était démontrée.

A l’audience du 16 janvier 2024, le tribunal a considéré que M. [O] [S] ne rapportait pas la preuve d’une cause grave au sens de l’article 803 du code de procédure civile. Il a donc rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture avant d’ouvrir les débats sur le fond de l’affaire.

MOTIFS

Sur la demande de production de pièces

En application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

Si le tribunal doit statuer en fonction des pièces qui lui sont soumises et en tirer toutes les conséquences de fait et de droit, il ne lui appartient pas de sommer une partie de produire, au stade du jugement, des pièces supplémentaires.

La demande tendant à la production d’un décompte actualisé sera, dès lors, rejetée.

Sur les demandes en paiement

Sur les charges et dépenses pour travaux

Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement communs en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot. Ils sont également tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives dans leurs lots.

L'approbation des comptes du syndic par l'assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat des copropriétaires relative à chaque quote-part de charges. Les assemblées générales des copropriétaires sont exécutoires tant qu'elles n'ont pas été annulées. Les provisions pour charges sont exigibles le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour fixé par l'assemblée générale et les sommes afférentes aux dépenses pour travaux sont exigibles selon les modalités votées en assemblée générale.

Pour établir sa créance, le syndicat des copropriétaires verse aux débats les pièces suivantes :

- la fiche immeuble établissant la qualité de copropriétaire de M. [O] [S],
- des relevés de compte courant du 31 décembre 2003 au 1er avril 2022, du
1er janvier 2019 au 10 décembre 2020, du 31 décembre 2019 au 14 mars 2022 puis du 1er janvier 2022 au 3 mars 2023 pour un solde restant dû de
39.995,70 € ;
- les procès-verbaux des assemblées générales du 27 avril 2017,
27 septembre 2018, 5 juin 2019, 2 juillet 2021 et 9 mai 2022 ayant
approuvé les comptes des exercices 2016, 2017, 2018, 2020 et 2021 puis
voté les budgets prévisionnels des exercices 2017, 2018, 2019, 2020, 2022
et 2023 ;
- les régularisations de charges pour les exercices 2017, 2018 et 2019 ;
- les appels de fonds courant du 4ème trimestre 2017 au 1er trimestre 2023
inclus ;
- les appels de fonds travaux.

Le tribunal entend souligner les difficultés d’analyse engendrées par l’absence de relevé de compte unique sur la période litigieuse avec mention du solde restant dû cumulé et distinction entre les charges, appels de fonds et frais nécessaires au sens de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

M. [O] [S] n’émet aucune contestation utile sur les charges et dépenses de travaux mises à sa charge sur la période, appel du 1er trimestre 2023 inclus, à l’exception du remboursement de sa quote-part d’honoraires et dépens
en exécution de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Paris le
13 janvier 2022 et des frais de relance.

S’agissant des dispositions de l’article 10-1, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, M. [O] [S] ne démontre pas que la somme remboursée, à hauteur de 937,33 €, soit inférieure aux débits effectués, étant observé que cette somme n’a trait qu’aux honoraires d’avocats et n’inclut pas les actes de commissaires de justice.

Pour le surplus, il convient de déduire du solde restant dû les frais de relance facturés le 28 septembre 2020 (62,40 €) et le 18 novembre 2020 (62,40 €) ainsi que les frais d’assignation en date du 26 mars 2021 (55,18 €), ces frais relevant des dispositions des articles 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, 696 du code de procédure civile ou n’étant pas justifiés.

La créance est ainsi établie, déduction faite des frais de recouvrement, à hauteur de :

= 39.995,70 - 62,40 - 62,40 - 55,18
= 39.815,72 € selon décompte arrêté au 1er trimestre 2023 inclus.

Sur les frais nécessaires

Aux termes de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes d'huissiers de justice et le droit au recouvrement et d'encaissement à la charge du débiteur.

Ne relèvent donc pas des dispositions de l'article 10-1 précité, les honoraires du syndic pour constitution, transmission du dossier à l’avocat ou à l’huissier et suivi de procédure qui font partie des frais d'administration courante entrant dans la mission de base de tout syndic et répartis entre tous les copropriétaires au prorata des tantièmes, les frais d'assignation en justice, qui feront l'objet des dépens de l'instance, les frais d'avocat qui sont arbitrés dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les relances postérieures à la délivrance de l'assignation.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires ne chiffre pas la demande qu’il formule. Il verse aux débats un unique courrier de mise en demeure adressé à M. [O] [S] le 20 novembre 2020.

Les frais nécessaires s’élèvent ainsi à la somme de 62,40 € selon décompte arrêté au 1er trimestre 2023 inclus.

Sur le trouble de jouissance et l’exception d’inexécution soulevée

En vertu de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

En l’espèce, le règlement de copropriété stipule que la cour ne pourra servir ni au lavage, ni à l’étendage du linge, ni au battage des tapis, ni au cardage des matelas et d’une façon générale, à aucune opération d’aucune sorte. Cette stipulation, qui prohibe l’usage personnel de la cour commune pour des activités d’entretien ménager, n’exclut pas pour autant que les conteneurs poubelles de la copropriété y soient entreposés.

Au soutien du trouble de jouissance allégué, M. [O] [S] produit un
procès-verbal de constat en date du 20 mai 2022 dont il ressort que :

- cinq conteneurs poubelles sont disposés contre un mur situé dans l’alignement de deux de ses fenêtres donnant sur cour (à quelques mètres),
- des plantes sont disposées sur les tablettes d’appui des fenêtres pour dissimuler la vue sur ces conteneurs,
- l’intensité acoustique moyenne, lorsque le bureau est vide, est de 55,8 dB (avec un maximum de 81 dB lorsqu’une personne pénètre dans la cour),
- l’intensité acoustique moyenne, lors de la mise au rebut de bouteilles, est de 95,8 dB (avec un maximum de 104,8 dB lorsque les bouteilles sont jetées dans les conteneurs).

Le référentiel produit, extrait d’un site internet, indique qu’un niveau sonore de 80 dB correspond aux bruits urbains et peut avoir un impact après huit heures d’exposition, tandis qu’un niveau sonore de 95 dB correspond à un concert et peut avoir un impact après quinze minutes d’exposition.

Il est constant que la présence de conteneurs poubelles à proximité de fenêtres peut être source de nuisances visuelles, olfactives et sonores. Toutefois, ces nuisances doivent être appréciées in concreto, par rapport à l’activité exercée par M. [O] [S] et l’environnement dans lequel elle s’inscrit.

En l’occurrence, les conteneurs poubelles (avec couvercles) sont situés à plusieurs mètres des fenêtres du cabinet de M. [O] [S] et les plantes, posées sur les tablettes d’appui des fenêtres, limitent les vues directes sur eux. Les nuisances sonores liées au tri du verre, dont le caractère récurrent n’est pas démontré, s’inscrivent en cohérence avec les désagréments de la vie en copropriété dans un milieu urbain dense, comme la capitale parisienne. S’agissant des nuisances olfactives, seules deux photographies, dont l’une prise pendant la grève des éboueurs du printemps 2023, sont versées aux débats. Si ces photographies montrent un conteneur débordant de sacs poubelles, l’existence de déchets cartonnés et ménagers à même le sol et le déplacement des poubelles sous les fenêtres du cabinet, leur caractère exceptionnel (pour les conséquences de la grève des éboueurs) et isolé (pour l’autre photographie) ne permettent pas, en l’absence de tout autre élément, de retenir l’existence d’un trouble de jouissance au détriment de l’activité professionnelle exercée.

En outre, il convient de souligner qu’en dépit de ses protestations, M. [O] [S] n’a jamais soumis à l’assemblée générale des copropriétaires les troubles allégués pour qu’une solution alternative soit trouvée, ni payé ses charges de copropriété pour que des travaux soient financés.

Dès lors, à défaut de rapporter la preuve qui lui incombe, M. [O] [S] sera débouté de l’intégralité de ses demandes, y compris au titre de la dispense de participation aux frais de la dépense commune.

En toute hypothèse, il convient de rappeler que le paiement des charges de copropriété et dépenses pour travaux ne trouve pas sa source dans le contrat mais dans les dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965. Un copropriétaire ne peut donc valablement se prévaloir d’une exception d’inexécution, au sens des dispositions de l’article 1219 du code civil, pour s’y soustraire.

Sur les dommages et intérêts

Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, le retard apporté au paiement d'une somme d'argent est indemnisé par l'allocation de l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, mais “le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire”.

Entre le mois de juin 2018 et le mois de mars 2023, soit près de cinq années,
M. [O] [S] n’a procédé qu’à un règlement partiel de ses charges et dépenses travaux, pour un montant de 5.920,69 €.

Les manquements systématiques de M. [O] [S] à ses obligations essentielles à l'égard de la copropriété de régler ses charges et dépenses travaux aux échéances depuis plusieurs années et ce, malgré de précédentes décisions judiciaires, sont constitutifs d'une faute qui cause à la collectivité des copropriétaires, privée de sommes importantes nécessaires à la gestion et à l'entretien de l'immeuble, un préjudice financier, direct et certain, distinct de celui compensé par les intérêts moratoires, comme en témoigne l’appel de fonds exceptionnel de 15.000 € qui a dû être diligenté au mois d’avril 2022.

M. [O] [S] , qui persiste à ne pas vouloir exécuter spontanément ses obligations sans faire état de circonstances financières particulières auprès de la copropriété, sera donc condamné à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

M. [O] [S], qui succombe en ses demandes, sera condamné aux dépens de l’instance.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

M. [O] [S], tenu aux dépens, sera condamné à payer au syndicat des copropriétaires la somme qu’il est équitable de fixer à 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits.

Sur l’exécution provisoire et l’offre de consignation

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

Selon l’article 521 du même code, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Eu égard à la nature du litige, son ancienneté et son incidence sur le fonctionnement de la copropriété, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit en autorisant M. [O] [S] à procéder à la consignation des sommes dues sur un compte CARPA.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

CONDAMNE Monsieur [O] [S] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, le cabinet Tiffen Coge, les sommes suivantes :

- 39.815,72 €, appel provisionnel du premier trimestre 2023 inclus, au titre des appels de fonds des charges communes générales et des appels de fonds travaux,
- 62,40 € au titre des frais nécessaires selon décompte arrêté au
3 mars 2023,
- 8.000 € à titre de dommages et intérêts,
- 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés,

CONDAMNE Monsieur [O] [S] aux dépens de l’instance,

REJETTE les autres demandes des parties,

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit et à ordonner la consignation des sommes dues.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 MARS 2024 par M. JOLY, Vice-Président, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 21/05574
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;21.05574 ?
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