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14/03/2024 | FRANCE | N°21/03269

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 14 mars 2024, 21/03269


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
14 MARS 2024



N° RG 21/03269 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBGN
Code NAC : 51A
E.J.



DEMANDERESSE :

La société COMMERCES RENDEMENT, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 450 850 441 dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Maît

re Jérôme NORMAND du CABINET BRUN CESSAC & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Guillaume GOMBART, avocat postula...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
14 MARS 2024

N° RG 21/03269 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBGN
Code NAC : 51A
E.J.


DEMANDERESSE :

La société COMMERCES RENDEMENT, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 450 850 441 dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Jérôme NORMAND du CABINET BRUN CESSAC & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Guillaume GOMBART, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDERESSE :

La SOCIETE D’EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE venant aux droits de la société SUPER AZUR, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CAEN sous le numéro 319 730 339
ayant son siège [Adresse 4], représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître François PERRAULT de la SELARL MAYET & PERRAULT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Mathieu JACOB de la SELAS CABINET CONFINO, avocat plaidant au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL du 19 Mai 2021 reçu au greffe le 08 Juin 2021.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 21 Novembre 2023, après le rapport de Monsieur JOLY, Président de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au 11 Janvier 2024 prorogé au 09 Février 2024 et 14 Mars 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
M. JOLY, Vice-Président
Madame GARDE, Juge
Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 12 janvier 2005, la société COMMERCES RENDEMENT a donné à bail à la société SAS Ed aux droits de laquelle sont venues les sociétés DIA et SUPER AZUR puis la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (ci-après "la société SEAC") des locaux commerciaux situés au rez de chaussée du centre commercial [3] à [Localité 2] outre l'usage d'un parking de 350 places afin d'y exploiter un commerce d'alimentation générale.

Les sociétés Ed, SUPER AZUR et SEAC appartiennent toutes les trois au groupe CARREFOUR.

Le bail a été consenti pour 9 années entières et consécutives à compter du
11 octobre 2005.

Par acte extrajudiciaire du 8 avril 2014, la bailleresse a signifié à la société DIA venant aux droits de la société Ed un congé avec offre de renouvellement à effet du 1er janvier 2015 (étant relevé que les parties s'abstiennent de préciser à quelle date la société DIA est venue aux droits de la société Ed). En l'absence de contestation et de toute action dans le délai de deux ans, le bail s'est trouvé renouvelé à effet de cette date pour une nouvelle durée de 9 ans venant à expiration le 31 décembre 2023.

Le bail comporte une condition particulière N°17 qui prévoit des plafonds de charge. Cette clause est rédigée de la manière suivante :

« à titre exceptionnel et purement personnel, et par dérogation à toutes les stipulations de l'article 18 « charges communes » et à l'article 20 « paiement des charges communes et privatives », le Preneur devra régler une quote-part de charges communes plafonnées de la façon suivante :
- pour les trois premières années du bail à compter de sa prise d'effet, la quote-part de charges communes du Preneur sera plafonnée à la somme annuelle de 40.000,00 Euros H.T. (valeur indice INSEE du Coût de la construction du dernier indice publié à la date de signature des présentes) indexée dans les mêmes conditions que le loyer du présent bail,
- pour les années suivantes du présent bail, la quote-part de charges communes du Preneur sera plafonnée à la somme annuelle de 30.000,00 Euros H.T. (valeur indice INSEE du Coût de la construction du dernier indice publié à la date de signature des présentes) indexée dans les mêmes conditions que le loyer du présent bail. »

La société COMMERCES RENDEMENT n'a pas appliqué ces plafonds de charge à compter du renouvellement du bail prenant effet le 1er janvier 2015, considérant que le bail avait été renouvelé et que le plafonnement devait cesser de produire ses effets à la date du 31 décembre 2014.

De son côté, la société SUPER AZUR a retenu le paiement des provisions pour charges facturées au delà des plafonds prévus par la condition particulière N°17.

La société COMMERCES RENDEMENT a, par acte du 25 juillet 2018, fait assigner en référé la société SUPER AZUR afin d'obtenir le règlement à titre provisionnel de l'arriéré de charges et accessoires arrêté au 5 juillet 2018 pour un montant de 403.065,88 euros.

Le paiement des sommes réclamées dans cette instance devant le juge des référés a été effectué par la société SUPER AZUR et la société COMMERCES RENDEMENT s'est, en conséquence, désistée de l'action qu'elle avait engagée.

Arguant que ce paiement était intervenu à la suite d'une erreur consécutive à un changement de logiciel de comptabilité, la société SUPER AZUR a indiqué, par courrier officiel du 1er octobre 2019, à sa bailleresse qu'elle serait amenée à solliciter judiciairement la restitution des sommes ainsi acquittées.

La société SEAC, venant aux droits de la société SUPER AZUR, a, par lettre recommandée avec AR du 20 novembre 2019, mis en demeure la société COMMERCES RENDEMENT de lui fournir tous les justificatifs des charges facturées au cours des cinq dernières années et de procéder aux régularisations nécessaires.

La société COMMERCES RENDEMENT a, par acte du 31 août et 3 septembre 2020, fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur une somme de 378.494,26 euros.

Aux termes d'un acte prenant effet le 21 octobre 2021, les parties ont régularisé un nouveau bail. Celui-ci n'a pas eu pour effet de mettre un terme au contentieux en cours mais la bailleresse admet que la régularisation du nouveau bail emporte arrêté des comptes locatifs pour la présente instance à la date du 20 octobre 2021.

C'est dans ce contexte que a, par acte extrajudiciaire du 19 mai 2021, la société COMMERCES RENDEMENT a fait assigner la société SUPER AZUR.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 novembre 2023, la société COMMERCES RENDEMENT demande au Tribunal de :

Débouter la SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal,

Condamner la SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE à régler à la société COMMERCES RENDEMENT la somme 125.851,18 € TTC, en principal, sauf à parfaire, toutes taxes comprises en principal au titre des arriérés de loyers, charges et accessoires ;

A titre subsidiaire, et pour le cas où la Juridiction de céans venait à dire que le plafond de charges est applicable jusqu'à l'expiration du bail,

Condamner la SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE à régler à la société COMMERCES RENDEMENT la somme 112.726,30 € TTC, en principal, sauf à parfaire, toutes taxes comprises en principal au titre des arriérés de loyers, charges et accessoires ;

En tout état de cause,

Condamner la SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE à régler à la société COMMERCES RENDEMENT :
- une pénalité correspondant à 10% des frais de relance et de contentieux exposés par la société COMMERCES RENDEMENT ;
- les intérêts de retard calculé sur la base du taux d'intérêt légal majoré de 8 points à compter du commandement de payer des 31 août et 3septembre 2020, lesdits intérêts étant dus à la date d'exigibilité de chacune des sommes et devant, s'ils sont dus pour une année entière, eux même porter intérêt conformément aux disposition de l'article 1154 du Code Civil.

Condamner la SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE à régler à la société COMMERCES RENDEMENT la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE aux entiers dépens, en ce compris ceux liés à la présente assignation et au commandement de payer des 31 août et 3 septembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2023, la SOCIÉTÉ D'EXPLOTATION AMIDIS ET COMPAGNIE demande au Tribunal de :

1. DECLARER la société COMMERCES RENDEMENT mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'en DEBOUTER ;

2. DECLARER la société SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (venue aux droits de la société SUPER AZUR) recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles ;

En conséquence et y faisant droit :

CONDAMNER la société COMMERCES RENDEMENT à payer à la société SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (venue aux droits de la société SUPER AZUR)

- la somme de 509.006,97 € TTC à titre de restitution des sommes qui ont été facturées et payées au titre des appels trimestriels de provisions pour charges depuis le 1 er janvier 2017, arrêtés au 20 octobre 2021 ;

- ou, si par extraordinaire le présent Tribunal devait considérer que les pièces communiquées par la société COMMERCES RENDEMENT justifieraient (malgré l'incohérence des montants de charges invoqués par la bailleresse tout au long de la présente procédure), de toutes les charges refacturées et payées par la société SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (venue aux droits de la société SUPER AZUR) , la somme de 319.940,85 € TTC, arrêtée au 20 octobre 2021.

3. En tout état de cause,

CONDAMNER la société COMMERCES RENDEMENT à payer à la société SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (venue aux droits de la société SUPER AZUR) les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter des précédentes conclusions signifiées par la société SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE le 1er février 2022 et jusqu'au complet remboursement de cette dernière, et ce en vertu de l'article 1155 du code civil, et leur capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du même code pour les intérêts échus depuis plus d'un an ;

CONDAMNER la société COMMERCES RENDEMENT à payer à la société SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (venue aux droits de la société SUPER AZUR) une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société COMMERCES RENDEMENT aux entiers dépens dont distraction au profit du cabinet MAYET et PERRAULT, avocat au Barreau de Versailles, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 8 novembre 2023.

Les conclusions notifiées par la bailleresse le 9 novembre valent demande de révocation de clôture et n'ont pour objet que de modifier le nom de la défenderesse (société d'exploitation AMIDIS ET COMPAGNIE au lieu de société SUPER AZUR).

La révocation de l'ordonnance de clôture sera prononcée afin de permettre au Tribunal de prendre en compte ces conclusions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le plafonnement des charges prévu à la condition particulière N°17

La société COMMERCES RENDEMENT fait valoir que le plafonnement des charges a été octroyé au bénéfice de la société Ed exclusivement. Elle argue que lorsque les parties ont entendu stipuler que l'avantage devait bénéficier au signataire mais aussi à toute société du groupe CARREFOUR, elles l'ont indiqué de manière expresse comme c'est le cas dans les conditions particulières N°7 et N°11. Elle ajoute que le bénéfice des plafonnements ne pouvait perdurer dans le cadre du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2015.

La société SEAC soutient au contraire que les conditions particulières ont été stipulées intuitu personae en considération de la personne du locataire à savoir une société du groupe CARREFFOUR ce qui est le cas des sociétés SUPER AZUR et SEAC. Elle fait valoir que l'article 7 des conditions particulières
prévoit "cet allègement étant consenti à titre exceptionnel et purement personnel, sera considéré comme nul et non avenu en cas de cession, fusion ou toute autre mutation juridique intervenant en dehors des sociétés et/ou enseignes du groupe CARREFOUR ayant pour effet de modifier l'identité du preneur". Elle ajoute que dans le cadre du nouveau bail conclu entre les parties le 21 octobre 2021, il a été convenu d'étendre le bénéfice du plafond de charges aux sociétés appartenant au groupe CARREFOUR. Elle conteste que les plafonds ne s'appliquaient qu'au bail de 2005.

L'article 7 des conditions particulières ainsi invoqué par la société SEAC à l'appui de son argumentation est relatif à la franchise et à l'allègement de loyer accordé au locataire. Il n'est donc pas possible d'en déduire comme le fait la défenderesse que dans la commune intention des parties, seule une mutation pour une société en dehors du groupe CARREFOUR aurait pour effet de modifier l'identité du preneur dans le cas du plafonnement prévu à l'article 17 des conditions particulières.

Ainsi, la société COMMERCES RENDEMENT est bien fondée à soutenir que le fait que les parties aient convenu que les avantages prévus par la condition particulière N°7 seraient maintenus en cas de cession au profit d'une société du groupe CARREFOUR n'implique pas que les parties se soient accordées pour que tous les avantages consentis "à titre exceptionnel et purement personnel" bénéficient à toutes les sociétés du groupe CARREFOUR.

En effet, la condition particulière N°7 le précise expressément et il en va de même pour la condition particulière N°11 relative au dépôt de garantie . Or, ce n'est précisément pas le cas pour la condition particulière N°17.

Les clauses sont donc claires et la société preneuse ne saurait utilement invoquer l'intention des parties qu'elle interprète en l'occurrence dans un sens extensif et non conforme à la lettre des stipulations contractuelles. Le fait que le nouveau bail de 2021 le précise ne saurait permettre une interprétation en ce sens a posteriori du bail initial. Au contraire, c'est à juste titre que la société COMMERCES RENDEMENT soutient que la rédaction des clauses du nouveau bail vient confirmer qu'à défaut de mention spécifiquement prévue, l'avantage ne peut bénéficier qu'au preneur désigné dans l'acte.

Au surplus, la société COMMERCES RENDEMENT apparaît bien fondée à soutenir que les plafonnements de charges n'ont été consentis qu'au titre du bail en date du 12 janvier 2005 à l'exclusion de tout renouvellement ou prorogation de celui-ci. En effet, il résulte des termes du contrat que les plafonds de charges ont été consentis au titre "du présent bail". De plus, les parties ont précisé les dérogations particulières qu'elles entendaient proroger en cas de renouvellement du bail. Ainsi en est il pour la clause de non concurrence applicable pendant la durée du bail et ses renouvellements et de la franchise de loyer variable additionnel également consentie pendant la durée du bail et ses renouvellements. Enfin, la bailleresse a indiqué aux termes du congé avec offre de renouvellement que celui-ci s'opérerait aux mêmes clauses, charges et conditions que celles du bail expiré sauf accord dérogatoire et bilatéral.

La société SEAC sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 319.940,85 euros correspondant au dépassement du plafond contractuel.

Sur la demande de la société SEAC de remboursement des charges

Aux termes de l'article 20 des conditions générales du bail, la régularisation des charges de l'année écoulée, sur la base des dépenses réelles, sera effectuée chaque année. L'article 17 des conditions particulières précise que lors de la régularisation annuelle des charges en fonction de l'importance de la demande, le preneur soit pourra obtenir transmission des justificatifs de charges, soit pourra consulter auprès du gestionnaire du bailleur les justificatifs des charges en sa possession. Le preneur pourra lors de cette consultation faire toute photocopie qu'il souhaiterait.

La société SEAC fait valoir qu'elle a payé à compter du 1er janvier 2017 à la bailleresse au titres des charges la somme de 509.006,97 euros TTC, dont elle demande le remboursement dès lors que la société COMMERCES RENDEMENT ne justifie pas selon elle des charges correspondantes.

La société SEAC reproche ainsi à la bailleresse de ne jamais avoir procédé à la régularisation des charges. Elle fait valoir que la bailleresse n'a jamais fourni les justificatifs de charges alors que le preneur disposait aux termes du bail d'une option entre obtenir la transmission des justificatifs ou consulter auprès du gestionnaire du bailleur les justificatifs des charges. Elle considère que la bailleresse ne saurait prétendre qu'elle aurait rempli ses obligations au seul motif qu'elle a communiqué le 7 octobre 2022 l'ensemble des pièces comptables de chaque exercice. Elle soutient que la masse de pièces ainsi communiquées en vrac et sans explication ne saurait être considérée comme justifiant des charges refacturées par la bailleresse. Elle ajoute qu'après avoir procédé à certains rapprochements elle a constaté que les montants des factures communiquées ne correspondaient pas à ceux mentionnés dans les tableaux Excel établis pour chaque année par la bailleresse.

La société COMMERCES RENDEMENT s'oppose aux demandes formulées par la société SEAC. Elle fait valoir qu'elle a bien réalisé les régularisations annuelles de charges et qu'elle a proposé un rendez-vous à la société SUPER AZUR afin de pouvoir consulter les justificatifs sollicités. Elle rappelle que c'est bien dans le cadre des régularisations annuelles de charges qu'elle a adressé à sa locataire deux avoirs correspondant aux sommes devant venir au crédit du compte de celle-ci après régularisation des charges des exercices 2017 et 2018. Elle ne conteste pas ne pas avoir réalisé les redditions de charges de 2017 et 2018 annuellement mais en 2019, mais fait observer que ce retard n'est pas de nature à justifier que la société SUPER AZUR soit exonérée de ses obligations au titre des charges. Elle souligne à cet égard que la société SUPER AZUR n'a subi aucun préjudice alors que les redditions réalisées présentaient un crédit à son bénéfice et qu'elle s'abstient de payer ses appels de provision pour charges. Elle argue des pièces qu'elle a produites dans le cadre de la présente instance et fait notamment valoir que le 7 octobre 2022 elle a communiqué l'ensemble des pièces comptables à l'appui de chaque exercice. Elle rappelle qu'elle a proposé à la société SUPER AZUR d'organiser une réunion afin de consulter les justificatifs, proposition à laquelle il n'a été donné aucune suite. En réponse à la société SUPER AZUR qui soutient que la communication de ces pièces interviendrait sans la moindre explication ni le moindre recollement, que les tableaux de synthèse ne prévoiraient pas de clef de répartition et que les montants qui y sont répertoriés ne correspondraient pas aux montants répertoriés dans le cadre des détails d'apurement de charges et relevés individuels initialement communiqués, elle fait valoir qu'au contraire les justificatifs communiqués suffisent à procéder au recollement des sommes et qu'il n'existe aucune incohérence entre les différents tableaux qu'elle a versés aux débats.

En l'espèce, la société COMMERCES RENDEMENT produit :

-un tableau récapitulatif du détail d'apurement des charges au titre de l'exercice 2017 faisant apparaître un solde créditeur au bénéfice de la société SUPER AZUR pour un montant de 23.231,93 euros ;

-un tableau récapitulatif du détail d'apurement des charges au titre de l'exercice 2018 faisant apparaître un solde créditeur au bénéfice de la société SUPER AZUR pour un montant de 41.724,67 euros ;
-les relevés individuels d'apurement des charges en ce qui concerne les exercices 2019 et 2020 ;

-l'ensemble des pièces comptables de chaque exercice comportant un tableau répertoriant les factures reçues et précisant la nature de la dépense, le montant et la date de la facture, le nom de l'émetteur et le numéro de la facture ainsi que l'ensemble des factures et pièces comptables mentionnées dans le tableau.

Au regard de ces éléments, la société SEAC ne saurait utilement prétendre comme elle le fait dans ses écritures que la bailleresse n'a pas rempli son obligation de régularisation au motif qu'un montant de 176,65 euros a été rajouté à la main sans explication sur une facture et que deux factures n'ont pas été communiquées sur un ensemble de 1.400 documents. Ces éléments apparaissent au regard des pièces produites par la bailleresse notoirement insuffisants à établir sa carence sur le plan de la régularisation des charges et à justifier une demande de remboursement de provisions pour charges formée à hauteur de plus de 500.000 euros.

Enfin, la société SEAC reproche à la bailleresse de lui avoir facturé des charges de rénovation tandis que la bailleresse conteste qu'elles doivent être incluses dans le plafond dès lors que la condition particulière du bail N°18 en a exclu les grosses réparations de l'article 606 du Code civil. Outre que le débat est sans objet dès lors que le présent jugement exclut l'application des plafonds contractuels revendiquée par la société SEAC, il doit être rappelé à celle-ci, qui conteste la nature de grosse réparation des travaux en cause, que le bail met expressément à sa charge les dépenses exposées pour les rénovations et réparations. En tout état de cause, l'article 18 du bail met à la charge du preneur les dépenses de réparation en ce compris les réparations relevant des articles 605 ou 606 du Code civil.

La société SEAC sera donc déboutée de sa demande de remboursement des charges.

Sur la demande en paiement de la société COMMERCES RENDEMENT

La société COMMERCES RENDEMENT produit au soutien de sa demande en paiement au titre de l'arriéré de loyers, charges et accessoires un décompte locatif actualisé pour un montant de 125.851,18 euros non sérieusement contesté en défense. La créance de la bailleresse est donc certaine, liquide et exigible pour ce montant.

Sur les intérêts de retard

La société COMMERCES RENDEMENT sollicite l'application de la condition particulière N°9 du bail qui prévoit que toute somme non réglée par le preneur à sa date d'exigibilité, qu'il s'agisse du loyer, des charges ou de toute autre somme portera intérêt de plein droit 8 jours après une mise en demeure restée infructueuse, à compter de sa date d'exigibilité incluse jusqu'à son paiement effectif, au taux d'intérêt légal majoré de 8 points sans préjudice du droit pour le bailleur de faire jouer la clause résolutoire.

La société SEAC ne se prononce pas sur ce point mais la clause apparaît manifestement excessive. La bailleresse sera déboutée de sa demande à ce titre et il sera fait application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Sur les autres demandes

La société SEAC, partie perdante sera condamnée à payer à la société COMMERCES RENDEMENT la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En revanche la bailleresse ne justifie pas de la nature et du montant des frais de relance et de contentieux exposés par elle tels que prévus par l'article 8-2 du bail. Il ne sera en conséquence pas fait droit à la demande de condamnation à ce titre.

L'exécution provisoire est de droit en vertu de l'article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 8 novembre 2023 et prononce la clôture à la date de l'audience de plaidoirie ;

CONDAMNE la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE à
payer à la société COMMERCES RENDEMENT la somme de 125.851,18 euros au titre des loyers, charges et accessoires selon décompte arrêté au
20 octobre 2021 ;

DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du commandement de payer des 31 août et 3 septembre 2020 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE à payer à la société COMMERCES RENDEMENT la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE aux entiers dépens de l'instance ;

DÉBOUTE les parties de toute demande plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 MARS 2024 par M. JOLY, Vice-Président, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 21/03269
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;21.03269 ?
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