La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2024 | FRANCE | N°21/03077

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 14 mars 2024, 21/03077


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
14 MARS 2024



N° RG 21/03077 - N° Portalis DB22-W-B7F-QAYK
Code NAC : 58E
A.G.



DEMANDEURS :

1/ Madame [R] [F]
née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 6] (78),
demeurant [Adresse 3],

2/ Monsieur [H] [Z]
né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 10] (78),
demeurant [Adresse 5],

représentés par Maître Olivier BERREBY, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Audrey GAILLARD, avocat postulant au barreau de VERSA

ILLES.



DÉFENDERESSE :

La société ALLIANZ IARD venant aux droits de la société CALYPSO à la suite d’une fusion à effet du 13 novembre 20...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
14 MARS 2024

N° RG 21/03077 - N° Portalis DB22-W-B7F-QAYK
Code NAC : 58E
A.G.


DEMANDEURS :

1/ Madame [R] [F]
née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 6] (78),
demeurant [Adresse 3],

2/ Monsieur [H] [Z]
né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 10] (78),
demeurant [Adresse 5],

représentés par Maître Olivier BERREBY, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Audrey GAILLARD, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDERESSE :

La société ALLIANZ IARD venant aux droits de la société CALYPSO à la suite d’une fusion à effet du 13 novembre 2020, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE
sous le numéro 542 110 291 ayant son siège social situé [Adresse 1],
[Adresse 7], représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Eric AZOULAY, membre de la SELARL FEDARC, avocat plaidant/postulant au barreau du VAL D’OISE.

ACTE INITIAL du 28 Mai 2021 reçu au greffe le 01 Juin 2021.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 16 Janvier 2024, Monsieur JOLY, Président de la Chambre a mis l’affaire en délibéré au 14 Mars 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
M. JOLY, Vice-Président
Madame GARDE, Juge
Madame VERNERET-LAMOUR,

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 avril 2016, Monsieur [H] [Z] a souscrit auprès de la société Calypso, exerçant sous le nom commercial All Secur, aux droits de laquelle se trouve, depuis une fusion-absorption à effet du 13 novembre 2020, la société Allianz, un contrat d’assurance auto formule tous risques n° 33463966 pour un véhicule Mercedes Classe GLE 350D Sportline 4Matic, immatriculé [Immatriculation 8], appartenant à Madame [R] [F], sa concubine.

Se prévalant du vol de son véhicule entre le 29 juillet et le 3 août 2019,
alors qu’elle se trouvait en congés, Madame [R] [F] s’est rendue,
le 5 août 2019, au commissariat de police de [Localité 10]. Sur place, elle a été informée que son véhicule avait fait l’objet d’une cession au profit de Madame [P] [G], selon déclaration faite auprès de la préfecture des Yvelines le 29 juillet 2019. Elle a, en conséquence, déposé plainte pour le vol du véhicule, du certificat d’immatriculation resté à bord et usurpation d’identité.

Monsieur [H] [Z] a sollicité, en parallèle, l’indemnisation de son sinistre par son assureur. Celui-ci lui a opposé un refus de prise en charge par courriel du 3 février 2021 au motif que le véhicule avait été cédé le 27 juillet 2019, soit antérieurement à la déclaration de vol.

C’est dans ces conditions que, par exploit introductif d’instance signifié le
28 mai 2021, Monsieur [H] [Z] et Madame [R] [F] ont fait assigner la société Calypso devant le tribunal judiciaire de Versailles en mobilisation de ses garanties et indemnisation des préjudices subis.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 9 mai 2023, Monsieur [H] [Z] et Madame [R] [F] demandent au tribunal de :

- Déclarer Allianz irrecevable et infondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

L’en débouter,

- Déclarer Madame [F] et Monsieur [Z] recevables et bien fondés en l‘ensemble de leurs demandes.

Les y recevant,

- Condamner la société Allianz à garantir le vol survenu entre le 29 juillet et le
3 août 2019 sur le véhicule Mercedes GLE 350 D immatriculé [Immatriculation 8],
- Condamner la société Allianz à payer à Madame [F] et/ou à Monsieur [Z] la somme de 64.357 € au titre de l’indemnisation de la valeur de remplacement de son véhicule Mercedes GLE 350 D immatriculé [Immatriculation 8], avec intérêt légal à compter de la mise en demeure du 22 avril 2020,

En tant que de besoin, et à toutes fins utiles,

- Donner acte à Monsieur [Z] de sa volonté de mettre fin au contrat d’assurance dès lors que son objet a disparu du fait du vol depuis le
3 août 2019,
- Condamner la société Allianz à rembourser à Madame [F] et/ou à Monsieur [Z] la somme de 4.070,65 € au titre des primes du 15 août 2019 au
15 mai 2021 indûment perçues, avec intérêt légal depuis la mise en demeure
du 22 avril 2020,
- Ordonner à Allianz de cesser d’adresser ses courriers de relances aux fins de reprise du paiement des primes tant à Monsieur [Z] qu’à Madame [F] et à leur conseil sous pénalité définitive de 1.000 € par courrier adressé en violation du jugement,

Vu l’article 1231-1 du code civil,
Vu les jurisprudences produites,

- Condamner la société Allianz à payer à Madame [F] et/ou à Monsieur [Z] la somme de 64,35 € par jour à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance à compter du 3 septembre 2019 et jusqu'au jour du paiement effectif de l’indemnisation du véhicule, avec intérêt légal à compter de l’assignation,
- Condamner la société Allianz à payer à Madame [F] et/ou à Monsieur [Z] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance vexatoire et préjudice moral avec intérêt légal à compter de la présente assignation,
- Condamner la société Allianz à payer à Madame [F] et/ou à Monsieur [Z] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Allianz en tous les dépens de la présente instance dont distraction au profit de Maitre Gaillard avocate aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur [H] [Z] et Madame [R] [F] exposent avoir acquis le véhicule litigieux à l’état neuf le 3 mars 2016 auprès de la société Iekom Auto, moyennant un prix de cession de 85.000 €, dont 45.000 € par virement bancaire et 40.000 € par espèces. Ils indiquent que ce véhicule, doté de multiples options, avait été commandé par la concession d’[Localité 9].

Ils considèrent que le contenu du rapport d’enquête produit par l’assureur n’a pas de valeur probante et ne peut, en l’absence d’élément objectif le corroborant, être utilement retenu par la juridiction pour fonder sa décision. Ils soulignent que cette enquête n’a pas été soumise à la contradiction et que la règle selon laquelle la preuve du sinistre est libre ne peut être invoquée par l’assureur.

Ils affirment que les plaintes pénales constituent des actes sacramentels auxquels se trouve attachée la présomption de bonne foi de l’article 2274 du code civil et attirent l’attention du tribunal sur le fait que ces actes établissent une cession du véhicule litigieux au 29 juillet 2019. Ils expliquent que la capture d’écran du site de la société Sulfy Pro est dénuée de valeur probante et que l’enquêteur a lui-même reconnu que les ventes alléguées étaient intervenues le 28 juillet 2019 au profit de la société Sulfy Pro et le 29 juillet 2019 au profit de Madame [G], ce qui exclut de facto une cession au 27 juillet 2019.

Ils soulignent que la société Sulfy Pro est, de notoriété publique, à l’origine de nombreuses escroqueries et qu’elle a pu, en lien avec Madame [P] [G], avoir un rôle dans la soustraction frauduleuse de leur véhicule. Ils indiquent, en tout état de cause, que la preuve de la cession alléguée du véhicule à Madame [P] [G] n’est pas rapportée, son attestation comportant de nombreuses incohérences et la description physique du couple à l’origine de la transaction ne leur correspondant pas. Ils relèvent, enfin, que l’enquêteur diligenté par l’assureur n’a pas daigné vérifier les allégations rapportées (cession, situation actuelle du véhicule, issue de l’enquête pénale, etc.)

Ils soulignent que, le véhicule volé n’ayant pas été retrouvé, l’article 2.2 des conditions générales du contrat relatif à l’exclusion de garantie en l’absence de traces d’effraction ne leur est pas opposable. Ils ajoutent que, la preuve du sinistre étant libre, toute clause du contrat limitant à des indices prédéterminés la preuve du sinistre doit être considérée comme abusive au sens de l’article 1170 du code civil.

Ils contestent la déchéance de garantie tirée des conditions d’acquisition du véhicule. Ils soutiennent qu’au 3 mai 2016, la société Iekom Auto avait une activité saine et florissante en lien avec le secteur automobile et qu’aucune conclusion utile ne peut être tirée des changements de gérants et déplacements de sièges intervenus après cette date. Ils ajoutent que le recours à des gérants de paille est courant et ne permet pas de remettre en cause les conditions d’acquisition du véhicule.

Ils réfutent également la déchéance de garantie tirée des modalités de paiement du prix d’achat. Ils expliquent qu’une telle sanction n’est pas encourue en cas de paiement en tout ou partie du prix d’achat par espèces. Ils indiquent par ailleurs, au visa des articles L. 561-1 et L. 561-10-2 du code monétaire et financier, que l’obligation de vigilance des assureurs afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et la lutte contre le terrorisme ne les autorise pas à décliner leur garantie de ce chef. Ils soulignent que la souscription du contrat d’assurance n’a été subordonnée ni à la justification du paiement du prix de vente par voie bancaire, ni à la démonstration de l’origine des fonds. Ils prétendent encore que l’augmentation frauduleuse du prix d’achat n’est pas démontrée, le coût des options corroborant, au contraire, le montant allégué de 85.000 €. Ils ajoutent qu’au 3 mai 2016, Monsieur [H] [Z] disposait des fonds nécessaires pour procéder à l’achat du véhicule, comme en témoigne le relevé de comptes versé aux débats.

Ils évaluent leur préjudice matériel à la cote Argus du véhicule au jour du vol, majorée de 35 %, soit 64.357 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 avril 2020. Ils expliquent avoir, à plusieurs reprises, mis en demeure la société Allianz de cesser les prélèvements de primes et rembourser celles indûment perçues depuis le vol. Ils considèrent être harcelés à ce sujet, alors même que ces prélèvements sont dépourvus de cause.

Ils rappellent qu’à défaut de mobiliser ses garanties dans les délais impartis, l’assureur engage sa responsabilité civile sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil et doit indemniser le trouble de jouissance qui en résulte. Ils indiquent que la valeur du véhicule litigieux s’élève à une somme comprise entre 270 et 700 € par jour et que l’indemnité de perte de jouissance d’un véhicule de tourisme est usuellement fixée à 1/1.000ème de la valeur de remplacement par jour. Ils demandent ainsi une indemnisation plancher de 64,35 € par jour, à compter du 3 septembre 2019.

Ils soutiennent, enfin, que la résistance vexatoire de leur assureur, le harcèlement subi pour le prélèvement des primes et l’état d’anxiété dans lequel ils ont été placés justifient l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 €.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 8 mars 2023, la société Allianz demande au tribunal de :

- Débouter Monsieur [Z] et Madame [F] de l’intégralité de leurs demandes,
- Condamner solidairement Monsieur [Z] et Madame [F] à payer la somme de 2.000 euros à la société Allianz au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner solidairement Monsieur [Z] et Madame [F] aux entiers dépens de l’instance,

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il serait fait droit aux prétentions des demandeurs,

- Ordonner que la décision à intervenir ne soit pas assortie de l’exécution provisoire.

La société Allianz rappelle que l’expertise extrajudiciaire, soumise au principe de la contradiction au stade de la discussion des parties, respecte les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile. Elle indique que le rapport d’enquête a été établi à partir d’éléments de preuve extérieurs à la société d’investigation, notamment sur des témoignages, parmi lesquels ceux des demandeurs.

Elle considère que la charge de la preuve de la matérialité du vol incombe à l’assuré, le dépôt de plainte et la déclaration de sinistre constituant certes un commencement de preuve par écrit du sinistre intervenu sans, cependant, que ces éléments puissent être considérés comme suffisants, particulièrement lorsqu’un élément objectif vient mettre en doute la réalité du vol. Elle observe, en l’espèce, que le véhicule a été vendu le jour-même du vol à Madame [P] [G], qu’il a été retrouvé, restitué et qu’il ne présente aucune effraction. Elle se prévaut donc de la déchéance de garantie de l’article 2.2 du contrat d’assurance, mais aussi de celle de l’article 2.7 dans la mesure où elle n’assure pas les faits intentionnels.

Elle reproche aux demandeurs leurs incohérences, ceux-ci ayant affirmé à deux reprises que le vol était intervenu le 3 août 2019, c’est-à-dire postérieurement à la mise en vente, sur le site de la société Sulfy Pro, du véhicule litigieux.

Elle fait valoir, sur le fondement de l’article L. 121-1 du code de la consommation, que l’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité et que l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. Elle prétend que les contradictions dans le mode d’acquisition du véhicule sont susceptibles d’entraîner une déchéance de garantie, le fait d’augmenter frauduleusement la valeur du véhicule étant de nature à empêcher la garantie de l’assureur. Elle souligne, en l’espèce, que la situation financière des demandeurs est incompatible avec le prix d’achat allégué et que son règlement effectif n’est pas établi. Elle note, d’ailleurs, qu’en application de l’article D. 112-3 du code monétaire et financier, les règlements en espèces sont limités à une somme de 1.000 € entre un particulier et un professionnel. Elle souligne, enfin, qu’en l’absence de justification de l’origine des fonds ayant permis l’achat du véhicule sinistré, l’assurance ne peut procéder au moindre versement afin d’être en conformité avec ses obligations issues du code monétaire et financier.

Elle argue, s’agissant des primes d’assurance, de l’article 8.6 des conditions générales selon lequel il appartient à l’assuré de notifier la résiliation du contrat par courrier recommandé adressé à l’assureur contre récépissé. Elle insiste, en l’espèce, sur le fait que Monsieur [H] [Z] n’a jamais sollicité la fin de son contrat, mais simplement l’indemnisation du vol de son véhicule et le remboursement des cotisations prélevées. Elle ajoute que l’accusé réception du courrier adressé le 22 avril 2020 n’est pas versé aux débats. Elle s’oppose ainsi aux demandes formées, chaque partie étant tenue de respecter ses obligations tant que le contrat demeure en vigueur.

Elle indique, à titre subsidiaire, que le loyer afférent à la location d’un véhicule est destiné à rendre viable une opération économique comprenant le remboursement d’un investissement sur le véhicule, les frais de fonctionnement de la société louant le véhicule et la réalisation d’une marge afin de dégager un bénéfice. Elle considère, dès lors, que doit être proscrite l’indemnisation forfaitaire proposée, ce d’autant que la valeur de remplacement du véhicule n’est pas justifiée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2023.

MOTIFS

Les dispositions issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations étant applicables aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, il sera fait référence, dans le présent jugement, à l’ancienne numérotation du code civil.

Sur la mobilisation des garanties de la société Allianz

Selon l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être négociées, formées et exécutées de bonne foi.

En vertu de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

En l’espèce, il appartient à Monsieur [H] [Z], souscripteur du contrat d’assurance, de prouver la matérialité du vol qu’il indique avoir subi entre le
29 juillet et le 3 août 2019, la réalité du sinistre étant contestée par son assureur.

Au soutien de ses prétentions, il verse aux débats :

- la facture d’achat du véhicule, en date du 3 mars 2016, au nom de Madame [R] [F], pour un montant de 70.833,33 € HT et 85.000 € TTC,
- un extrait de relevé de compte bancaire établissant un paiement par
virement de 45.000 € par Monsieur [H] [Z] au profit de la société Iekom le 3 mars 2016,
- le certificat d’immatriculation du véhicule au nom de Madame [R] [F],
- les procès-verbaux de plainte pour vol du véhicule, du certificat d’immatriculation et usurpation d’identité, déposées par Madame [R] [F] auprès du commissariat de police de [Localité 10] le 5 août 2019,
- une photographie de Madame [R] [F] et lui.

Il n’apporte cependant aucun élément probant sur son absence et celle de sa concubine entre le 29 juillet et le 5 août 2019, période au cours de laquelle le véhicule assuré, stationné devant chez Madame [R] [F], aurait été subtilisé.

Pour contester la réalité du sinistre dénoncé, la société Allianz produit, quant à elle :

- un rapport d’enquête de la société Ides Investigations,
- trois attestations de témoin, l’une établie par Madame [P] [G], l’autre par Madame [R] [F] et la dernière par Monsieur [H] [Z],
- une capture d’écran du site de la société Sulfy Pro portant mention d’une annonce pour un véhicule Mercedes GLE Coupé AMG immatriculé [Immatriculation 8], “déposé le lundi 27 juillet 2019 et vendu le 27 juillet 2019",
- une capture d’écran du site Signal Arnaques répertoriant de nombreux commentaires sur les pratiques commerciales trompeuses si ce n’est délictueuses de la société Sulfy Pro,
- un extrait de journal se faisant l’écho d’une procédure d’information judiciaire ouverte par le tribunal judiciaire de Versailles à l’endroit du gérant de la société Sulfy Pro,
- un extrait du site Autorigin faisant état de la cession du véhicule immatriculé [Immatriculation 8] à trois reprises en 2019 : à un “pro de l’auto” en Eure-et-Loire, à un particulier dans les Yvelines puis à une société dans l’Ain.

Le rapport d’enquête produit par la société d’assurance, qui se fonde sur des éléments objectifs et des témoignages recueillis en bonne et due forme, a été librement discuté par les parties et Monsieur [H] [Z], ès qualités de souscripteur du contrat d’assurance, a pu faire valoir toutes observations jugées utiles sur son contenu. Dans ces conditions, il ne saurait être écarté des débats comme violant le principe du contradictoire et constitue, comme l’ensemble des autres pièces versées aux débats, un élément de preuve soumis à l’appréciation du tribunal.

Aussi bien la capture d’écran du site Sulfy Pro que les déclarations de cessions successives auprès de la préfecture des Yvelines, les constatations des forces de l’ordre et l’attestation circonstanciée de Madame [P] [G] démontrent que le véhicule assuré, identifié par sa plaque d’immatriculation et les photographies de l’annonce publiée au mois de juillet 2019, a fait l’objet d’une cession, par l’intermédiaire de la société SulfyPro, au profit de Madame [P] [G]. Si la déclaration de cession a été effectuée, d’après les forces de l’ordre, le 29 juillet 2019, cette démarche a pu intervenir de manière différée par rapport à la transaction (actée le 27 juillet 2019 d’après le site de Sulfy Pro), le délai légal étant de 15 jours.

Monsieur [H] [Z], qui remet en cause la sincérité de l’attestation de Madame [P] [G], n’apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. En effet, la photographie de Madame [R] [F] et lui correspond à la description faite par Madame [P] [G], laquelle décrit “un homme de grande taille, musclé, type américain et une femme de petite taille”. Si la corpulence de Madame [R] [F] n’a pas été spécifiquement mentionnée par Madame [P] [G], cette seule circonstance n’est pas de nature à remettre en cause les termes de son attestation. En outre, il est confirmé par les résultats de l’enquête privée, et notamment par les informations recueillies auprès du site Autorigin, qu’après avoir été inquiétée en raison des conditions d’acquisition de ce véhicule, Madame [G] l’a revendu à un tiers.

Enfin, si Monsieur [H] [Z] fait grief à la société Allianz et à son enquêteur privé de ne pas avoir suffisamment approfondi leurs recherches, il convient de souligner que la charge de la preuve du sinistre appartient à l’assuré. Or, ses déclarations et celles de Madame [R] [F] ne peuvent suffire, a fortiori lorsque la matérialité du vol dénoncé ne résulte ni des conditions de sa découverte (dégradations, bris de verre, etc.) ni des investigations entreprises ultérieurement.

Les demandes en paiement des prestations d’assurance et dommages et intérêts qui y sont corrélés (préjudice de jouissance, préjudice moral, résistance vexatoire) seront donc rejetées.

Sur la demande de restitution des primes d’assurance

L’article L. 121-11 du code des assurances dispose qu’en cas d'aliénation d'un véhicule terrestre à moteur ou de ses remorques ou semi-remorques, et seulement en ce qui concerne le véhicule aliéné, le contrat d'assurance est suspendu de plein droit à partir du lendemain, à zéro heure, du jour de l'aliénation ; il peut être résilié, moyennant préavis de dix jours, par chacune des parties.
A défaut de remise en vigueur du contrat par accord des parties ou de résiliation par l'une d'elles, la résiliation intervient de plein droit à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'aliénation.
L'assuré doit informer l'assureur, par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, de la date d'aliénation.
Il ne peut être prévu le paiement d'une indemnité à l'assureur, dans les cas de résiliation susmentionnés.

Les articles 8.4 et 8.6 du contrat d’assurance encadrent la suspension de plein droit du contrat en cas de vente ou aliénation du véhicule assuré, mais également les conditions de sa résiliation.

En l’espèce, la matérialité du vol n’étant pas établie, Monsieur [H] [Z] ne peut valablement s’en prévaloir pour exiger la restitution des primes versées.

Les demandes présentées seront, par conséquent, rejetées.

En toute hypothèse, si Monsieur [H] [Z] considère que le véhicule a été aliéné ou a changé de propriétaire, il lui appartient de suivre la procédure édictée par l’article 8.4 du contrat de bail.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Monsieur [H] [Z], qui succombe ès qualités de souscripteur au contrat d’assurance, sera condamné aux dépens de l’instance.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Monsieur [H] [Z], tenu aux dépens, sera condamné à payer à la société Allianz la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

REJETTE l’intégralité des demandes de Monsieur [H] [Z] et Madame [R] [F],

CONDAMNE Monsieur [H] [Z] à payer à la société Allianz la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits,

CONDAMNE Monsieur [H] [Z] aux dépens de l’instance,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 MARS 2024 par M. JOLY, Vice-Président, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 21/03077
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;21.03077 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award