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13/03/2024 | FRANCE | N°23/00168

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 13 mars 2024, 23/00168


Pôle social - N° RG 23/00168 - N° Portalis DB22-W-B7H-REUT

Copies certifiées conformes et exécutoires délivrées,
le :

à :
- S.A.S. [4]

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Me Philippe AXELROUDE
- CPAM DES YVELINES
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE MERCREDI 13 MARS 2024



N° RG 23/00168 - N° Portalis DB22-W-B7H-REUT
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

S.A.S. [4]
[Adresse 5]


Prise en la personne de son représentant légal
[Localité 2]

représentée par Me Philippe AXELROUDE, avocat au barreau de PARIS,*


DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Dép...

Pôle social - N° RG 23/00168 - N° Portalis DB22-W-B7H-REUT

Copies certifiées conformes et exécutoires délivrées,
le :

à :
- S.A.S. [4]

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Me Philippe AXELROUDE
- CPAM DES YVELINES
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE MERCREDI 13 MARS 2024

N° RG 23/00168 - N° Portalis DB22-W-B7H-REUT
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

S.A.S. [4]
[Adresse 5]
Prise en la personne de son représentant légal
[Localité 2]

représentée par Me Philippe AXELROUDE, avocat au barreau de PARIS,*

DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par M. [P] [D] [Y] muni d’un pouvoir régulier

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Bertille BISSON, Juge Placée statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 29 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 13 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 23/00168 - N° Portalis DB22-W-B7H-REUT

EXPOSE DU LITIGE :

Le 06 avril 2022, Monsieur [V] [K], employé au sein de la société [4] en qualité d’électromécanicien du 05 novembre 1979 au 31 janvier 2008, a formulé une déclaration de maladie professionnelle auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (ci-après CPAM ou Caisse), sur la base d’un certificat médical initial établi le 02 avril 2022, faisant état d’une “exposition à l’amiante pendant des années ; plaques pleurales calcifies bilatérales, légères opacités alvéolo-interstitielles sous pleurales postérieures des lobes inférieurs : maladie professionnelle tableau 30 avec syndrome restrictif (capacité vitale 65% de la théorique) ».

Par décision du 24 août 2022, la CPAM des Yvelines a admis la prise en charge de cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, correspondant au tableau n°30 : affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussière d’amiante.

Le 15 septembre 2022, la Société [4] a contesté cette décision devant la Commission de recours amiable, laquelle lors de sa séance du 08 décembre 2022 a rejeté ce recours.

Par requête reçue le 13 février 2023, la Société [4] a saisi le Pôle social du Tribunal judiciaire de Versailles, afin de solliciter l'inopposabilité de la décision de la Caisse acceptant de prendre en charge la maladie déclarée le 06 avril 2022 par son ancien salarié, monsieur [V] [K].

À défaut de conciliation possible et après plusieurs renvois, l’affaire a été évoquée à l’audience du 29 janvier 2024, le tribunal statuant à juge unique conformément à l'article L.218-1 du code de l'organisation judiciaire, après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, la liste des assesseurs du pôle social étant en cours de renouvellement et les anciens mandats expirés.
A l’audience, représentée par son conseil, la Société [4] a sollicité l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée le 06 avril 2022. Elle fait valoir d’une part que la caisse ne rapporte pas la preuve d’une exposition à l’amiante, que la déclaration de prise en charge est prescrite, le salarié n’ayant pas agi dans les deux ans à compter de son information du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle, et que le principe du contradictoire n’a pas été respecté, la caisse n’ayant pas produit à la CRA une éventuelle première déclaration de maladie professionnelle du 13 avril 2020. Elle sollicite en outre la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Caisse, représentée par son mandataire, a sollicité la confirmation de la décision de prise en charge, compte-tenu du fait que la décision est opposable à l’employeur puisque la preuve d’une exposition à l’amiante est rapportée et que les conditions du tableau 30 sont réunies, que l’assuré a eu connaissance d’un lien entre sa maladie et son travail à compter du 02 avril 2022 et que le principe du contradictoire a été respecté, la caisse ayant fait parvenir à l’employeur et à la CRA toutes les pièces en sa possession.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures, par application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2023 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il convient de rappeler que les rapports entre un assuré et une caisse primaire d’assurance maladie sont indépendants des rapports entre l’employeur de cet assuré et la caisse. Dès lors, la présente décision est sans incidence sur la décision en date 24 aout 2022 de prise en charge par la caisse de la maladie professionnelle, cette décision restant définitivement acquise pour Monsieur [V] [K]. L’objet du présent jugement sera uniquement de déterminer si la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [K] est opposable à l’employeur.

Sur la prescription de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle et la demande de mesure d’instruction :

Il résulte de la combinaison des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale que le point de départ du délai de deux ans pendant lequel la victime peut demander la prise en charge de la maladie au titre professionnel court de la date à laquelle elle est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle. Dans ces conditions, le point de départ du délai de prescription fixé à l'article L. 431-2, alinéa 1 du Code de la sécurité sociale est celui de la date du certificat médical informant la victime de l'origine professionnelle de son affection.

En l’espèce, le premier certificat médical informant la victime de la possibilité d’envisager une maladie professionnelle date du 02 avril 2022.

La maladie de monsieur [V] [K] avait été diagnostiquée bien antérieurement, le 04 décembre 2006, par un scanner réalisé par l’assuré. Toutefois, le diagnostic de la maladie n’emporte pas nécessairement information d’un éventuel lien entre la maladie et l’activité professionnelle. La société [4] fait valoir que Monsieur [V] [K] a formulé une déclaration de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels le 13 avril 2020 et qu’il avait donc connaissance d’un éventuel lien entre sa pathologie et son travail dès cette date. Cependant, et quand bien même la décision de la Commission de Recours Amiable du 21 octobre 2022 qui indique, comme objet du recours « demande aux fins de déclarer inopposable à votre société de prendre en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels la maladie déclarée par votre salarié le 13 avril 2020 et constatée le 04 décembre 2006 », cette précédente déclaration n’est produite ni par la caisse, ni par la société [4] qui n’en rapporte pas la preuve, et n’aurait, en tout état de cause, aucune incidence sur la prescription de l’action de Monsieur [V] [K], puisqu’elle viendrait seulement indiquer que la déclaration a été faite le 13 avril 2020 et que la décision de la caisse a été rendue le 24 aout 2022.
La société [4] ne produit aucun compte rendu d’examen, certificats médicaux ou autres pièces médicales établissant un lien entre la pathologie et l’activité professionnel de Monsieur [V] [K], antérieurs au certificat médical du 02 avril 2022.
Dès lors, il convient de constater que le délai de prescription n’a pas couru avant le 02 avril 2022, date du certificat médical.
L’action de Monsieur [V] [K], lors de sa déclaration, n’était donc pas prescrite au moment de celle-ci et ce moyen sera écarté.

Sur le respect du principe du contradictoire :

Comme jugé précédemment, la société [4] ne rapporte pas la preuve qu’une déclaration aurait été effectuée par Monsieur [V] [K] le 13 avril 2020 et que cette pièce existerait. Elle ne produit en outre aucun élément, échanges, communications, au sein desquels elle solliciterait, au moment de la communication du dossier par la Caisse, une déclaration en date du 13 avril 2020.
En l’état et au regard des éléments du dossier, la Caisse a communiqué l’entier dossier à l’employeur de Monsieur [V] [K] et n’a pas violé le principe du contradictoire.
Ce moyen sera ainsi écarté.

Sur le caractère professionnel de la maladie et les conditions du tableau :

Aux termes de l'article L.461-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau.

En cas de recours de l'employeur, il incombe à l'organisme social qui a décidé d'une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau.

Le tableau n°30B, correspondant aux affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussière d’amiante, est ainsi rédigé :

Désignation des maladies
Délai de prise en charge
Liste indicative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies
Cette liste est commune à l'ensemble des affections désignées aux paragraphes A, B, C, D et E
A. - Asbestose : fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, qu'il y ait ou non des modifications des explorations fonctionnelles respiratoires. Complications : insuffisance respiratoire aiguë, insuffisance ventriculaire droite.
35 ans (sous réserve d'une durée d'exposition de 2 ans)
Travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment : - extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères.

Manipulation et utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication suivantes : - amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile ; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d'amiante enduit ; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l'amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d'amiante et isolants.
B. - Lésions pleurales bénignes avec ou sans modifications des explorations fonctionnelles respiratoires :

Travaux de cardage, filage, tissage d'amiante et confection de produits contenant de l'amiante.

Application, destruction et élimination de produits à base d'amiante : - amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante ; démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage.

- plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique ;
40 ans
Travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante.

Travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante.

Conduite de four.

Travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante.
- pleurésie exsudative ;
35 ans (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)

- épaississement de la plèvre viscérale, soit diffus soit localisé lorsqu'il est associé à des bandes parenchymateuses ou à une atélectasie par enroulement. Ces anomalies constatées devront être confirmées par un examen tomodensitométrique.
35 ans (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)

C. - Dégénérescence maligne bronchopulmonaire compliquant les lésions parenchymateuses et pleurales bénignes ci-dessus mentionnées.
35 ans (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)

D. - Mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde.
40 ans

E. - Autres tumeurs pleurales primitives.
40 ans (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)

En l’espèce, aux termes du colloque médico-administratif du 27 avril 2022, le médecin conseil de la caisse a clairement relevé l’existence de plaques pleurales dont souffrait Monsieur [V] [K], déjà objectivé par un scanner du 04 décembre 2006 réalisé par le Docteur [F] [T].
Par ailleurs, il résulte du tableau 30B que les travaux susceptibles de provoquer cette pathologie sont : « Travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante ; Travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante ; Conduite de four ; Travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante ».
Il résulte du questionnaire rempli par l’assuré que Monsieur [V] [K] effectuait des missions de « dépannage en acier électrique protection des câbles électriques avec de l’amiante en gaine en plaque de remplacement des câbles brulés ». Il affirme avoir effectué des travaux d’isolation ou de calorifugeage avec des matériaux contenant de l’amiante (fours, chaudière, chauffe-eaux), avoir utilisé des protections en amiante contre la chaleur (vêtements, gants, tablier) et avoir été exposé à des poussières d’amiante durant son activité professionnelle.
Cependant, si l’existence d’une exposition à l’amiante est rapportée par le questionnaire assuré, celle-ci est contestée au sein du questionnaire employeur, qui indique que l’employé n’a jamais manipulé de l’amiante, du calorifugeage, ni effectué des travaux ou réparations avec des matériaux contenant de l’amiante. Compte-tenu des contradictions entre les déclarations de l’assuré et celles de la société, la Caisse aurait dû chercher à obtenir la preuve de cette exposition à travers une enquête approfondie. Or, en l’espèce et en l’absence de davantage d’enquête, cette exposition rapportée par l’assuré n’est corroborée par aucun témoignage d’anciens employés ou d’autres organismes. Or, la preuve de cette exposition, en cas de recours de l’employeur, incombe à la caisse.

Ainsi, il résulte de ces éléments que s’il n’est pas contestable que Monsieur [V] [K] souffre de plaques pleurables, probablement liées à une exposition à l’amiante, la preuve de cette exposition au sein de la société [4] n’est pas rapportée par la Caisse qui se fonde exclusivement sur les déclarations de l’assuré.
L’exposition au risque n’est ainsi pas démontrée.
Il convient dès lors de déclarer la décision de la Caisse inopposable à la Société [4].

Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
La CPAM des Yvelines, succombant à l’instance, sera tenue aux entiers dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Société [4] les frais qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts. Il y a lieu de condamner la CPAM des Yvelines à payer à la Société [4] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire mis à disposition au greffe le 13 mars 2024 :

DECLARE INOPPOSABLE à la Société [4] (Société [4]) la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES du 24 août 2022 de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la maladie déclarée par Monsieur [V] [K] le 06 avril 2022 ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES à verser à la Société [4] (Société [4]) la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES aux dépens.

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Bertille BISSON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00168
Date de la décision : 13/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-13;23.00168 ?
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