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13/03/2024 | FRANCE | N°22/01157

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 13 mars 2024, 22/01157


Pôle social - N° RG 22/01157 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4RA

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [5]
- CPAM DES PYRENEES ORIENTALES
- Me Olivier DEMANGE
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE MERCREDI 13 MARS 2024



N° RG 22/01157 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4RA
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [5]
En la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Olivier DEMANGE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant



DÉFENDEUR :

CPAM DES PYRENEES ORIENTALES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2...

Pôle social - N° RG 22/01157 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4RA

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Société [5]
- CPAM DES PYRENEES ORIENTALES
- Me Olivier DEMANGE
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE MERCREDI 13 MARS 2024

N° RG 22/01157 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4RA
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

Société [5]
En la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Olivier DEMANGE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant

DÉFENDEUR :

CPAM DES PYRENEES ORIENTALES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par M. [E] [H] [A] muni d’un pouvoir spécial
non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Bertille BISSON, Juge Placée statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 29 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 13 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 22/01157 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4RA

EXPOSE DU LITIGE :

Le 08 décembre 2021, la société S.A.S [5] a déclaré auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie (ci-après CPAM ou la caisse) des Pyrénées-Orientales un accident survenu le 07 décembre 2021 à 09h40 concernant son salarié, monsieur [Z] [K], né le 01 avril 1981 et embauché le 10 avril 2018 comme CHAUFFEUR/LIVREUR.

La déclaration d'accident du travail indiquait : « Nature de l'accident : Douleur au niveau du dos » « Objet : FUX (sic) » « Siège des lésions : Dos » « Nature : douleur ».

Le certificat médical initial daté du 07 décembre 2021, établi par le docteur [O] [T], faisait état d’une « lombalgie aiguë hyperalgique avec diminution de la force musculaire des MI suite au port de charges lourdes » et prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 15 décembre 2021.

Après enquête et par courrier daté du 06 avril 2022, la caisse a informé la société de sa décision de prendre en charge l'accident du travail de monsieur [Z] [K] au titre de la législation sur les risques professionnels.

En désaccord avec cette décision et par courrier réceptionné le 09 juin 2022, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse.

Par requête réceptionnée au greffe le 07 octobre 2022, la société a saisi le pôle social du Tribunal judiciaire de Versailles en contestant de cette décision de prise en charge.

Après renvois à la mise en état, l’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 29 janvier 2024, le tribunal statuant à juge unique conformément à l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire, après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, la liste des assesseurs du pôle social étant en cours de renouvellement et les anciens mandats expirés.

À cette date, la société [5], représentée par son conseil, développe oralement les termes de ses conclusions, sollicitant du Tribunal :
- À titre principal, de déclarer inopposable à la société la décision du 06 avril 2022 de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 07 décembre 2021 ;
- À titre subsidiaire, d’ordonner une expertise médicale sur pièces relative à la hernie discale diagnostiquée au salarié le 27 novembre 2021 pour y voir un état pathologique préexistant et dire si l'ensemble des arrêts de travail et soins prescrits depuis le 07 décembre 2021 sont directement et uniquement imputables à l'accident du travail ;

- En tout état de cause,
- de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 CPC ;
- de réserver les dépens.

À l’appui de ses prétentions, sur le contexte professionnel, la société indique qu’à partir du mois de novembre 2021, monsieur [K] a émis le souhait de vivre dans les Pyrénées-Orientales et a obtenu un entretien le 17 novembre 2021 en vue d’une rupture conventionnelle, à l’issue duquel aucun accord n’a été trouvé. La société précise que 17 mars 2022, le salarié a notifié une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, débouté par jugement du Conseil de prud’hommes de Versailles rendu le 1er décembre 2022. Sur le fait accidentel, la société indique avoir interdit au salarié de transporter des fûts après avoir pris connaissance d’une hernie discale détectée chez lui le 27 novembre 2021 et relève que l'accident litigieux survient 1 heure après l’enregistrement d’une vidéo à l'instigation du salarié, dans laquelle il y effectue des manœuvres interdites par l'employeur. Sur le moment de l'accident litigieux, la société relève que le salarié ne respectait pas les mesures de sécurité imposées et ne portait pas ses Équipements de protection individuelle (EPI).

En défense, la CPAM des Pyrénées-Orientales, représentée par son mandataire muni d’un pouvoir spécial, reprend oralement les termes de ses conclusions, sollicitant du Tribunal de débouter la société [5] de l’ensemble de ses demandes.

En substance, la caisse fait valoir que la présomption s'applique en l’espèce dans la mesure où la connaissance à l'employeur et la constatation de la lésion sont intervenus le jour même du fait accidentel déclaré. En outre, elle relève que les déclarations de l'assuré corroborent les constatations médicales, soulignant qu’il appartient à l’employeur s’il entend contester le caractère professionnel d’un accident et de remettre en cause la présomption d’imputabilité, de démontrer que la lésion a été provoquée par un état pathologique préexistant, abstraction faite de toute cause en rapport avec le travail, ce qu’il ne fait pas. Elle indique qu’en tout état de cause, l’accident peut être pris en charge en cas d’aggravation d’un état antérieur.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 13 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, il convient de rappeler que les rapports entre un assuré et une caisse primaire d’assurance maladie sont indépendants des rapports entre l’employeur de cet assuré et la caisse. Dès lors, la présente décision est sans incidence sur l’existence de la décision du 06 avril 2022 de prise en charge par la caisse de l’accident, cette décision restant définitivement acquise à monsieur [Z] [K].

Sur les demandes tendant à juger :

Il sera rappelé que les demandes tendant à ce qu’il soit « juger » ne constituant pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur la demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident :

L'article L 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

Il incombe à la caisse dans ses rapports avec l'employeur de rapporter la preuve de la matérialité du fait dommageable ainsi que sa survenance aux temps et lieu de travail. Cette preuve ne peut résulter des seules déclarations de la victime. Les allégations du salarié doivent en effet être corroborées par des éléments objectifs ou par des présomptions graves, précises et concordantes.

En l’espèce, il résulte de la déclaration d'accident du travail le 08 décembre 2021, que le 07 décembre 2021 à 09h40, monsieur [Z] [K] a ressenti : « Nature de l'accident : Douleur au niveau du dos » « Objet : FUX (sic) » « Siège des lésions : DOS » « Nature : douleurs ». Ces éléments sont repris par le certificat médical initial daté du 07 décembre 2021, établi par le docteur [O] [T], faisant état d’une « lombalgie aiguë hyperalgique avec diminution de la force musculaire des MI suite au port de charges lourdes ».

C’est également ce que relate le salarié dans le cadre de l’enquête menée par la Caisse, qui décrit : « Le mardi 07 décembre 2021 j'avais 4 futs de 200 litres à livrer dans 2 points de livraisons différents. La manipulation de ces fûts étaient effectuées sans aide mécanique et la livraison avec des camions sans hayon !! (vidéo) disposition si besoin) JM j’ai livré les 2 premiers fûts dans un premier point de livraison (tant bien que mal ). C'est au moment de charger les 2 autres fûts dans mon camion et en manipulant le fût qu'une vive douleur est apparue au niveau du dos (sic) ».

Ces éléments sont enfin corroborés par plusieurs témoignages :
- le témoignage de monsieur [G] [S], qui atteste : « Témoin de l'accident du mardi 07 décembre 2021 vers 9h30. J'étais sur le chariot élévateur pour charger un fut dans le véhicule de livraison de Mr [K]. Normalement les futs sont toujours chargés dans les véhicules avec un chariot élévateur par l'équipe des réceptionneurs (moi-même et [V] [U]). Ce jour du 07 décembre j'ai été étonné que Mr [K] tourne le fut à la main au sol alors que le fut était à l'endroit il le voulait à l'envers pour que je puisse lui charger. Manipulation que n'effectué jamais Mr [K]. On ne porte jamais les futs à la main il n'y a jamais eu le moindre problème lié à la livraison des futs (sic) ».

- une attestation de madame [C] [F] : « (…) Le 07/12/2021 vers 9h45 M. [K] est monté les deux étages, pour déclarer son Accident du travail, j'ai fait les démarches à suivre et je lui ai proposé de se faire accompagner aux urgences à [Localité 3] par quelqu'un de la société, il a refusé me disant qu'il pouvait aller tout seul (...) ».

Ainsi, il en résulte de l’ensemble de ces éléments que la matérialité du fait accidentel survenu au temps et lieu de travail est établie par la caisse autrement que par les seules affirmations du salarié dès lors que, tant les faits déclarés, la connaissance de l'employeur, que la constatation médicale sont intervenus le 07 décembre 2021 et concordent avec les déclarations de l'assuré telles que résultant du questionnaire renseigné par ses soins.

Dès lors, la présomption du caractère professionnel de l'accident trouve à s'appliquer.

Il appartient à l'employeur qui conteste le caractère professionnel de l'accident de renverser la présomption d'imputabilité s'attachant à toute lésion survenue brusquement au temps et au lieu du travail, en apportant la preuve que cette lésion ou l'arrêt de travail a une cause totalement étrangère au travail et est imputable à une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte.

Pour renverser la présomption, la société invoque que le salarié aurait mis en scène cet accident pour rompre la relation professionnelle et partir vivre dans les Pyrénées-Orientales ; que le salarié a commis une faute dans l’exercice de ses missions en ne respectant pas les règles de sécurité, faute à l’origine du sinistre et que le salarié a évoqué avoir souffert, dès le 27 novembre 2021, d’une hernie discale, de sorte que les lésions constatées par certificat médical initial procéderaient d’un état antérieur.

En l’espèce, le témoignage de monsieur [G] [S], versé aux débats par la société, indique : « (...) Normalement les futs sont toujours chargés dans les véhicules avec un chariot élévateur par l'équipe des réceptionneurs (moi-même et [V] [U]). Ce jour du 07 décembre j'ai été étonné que Mr [K] tourne le fut à la main au sol alors que le fut était à l'endroit il le voulait à l'envers pour que je puisse lui charger. Manipulation que n'effectué jamais Mr [K]. On ne porte jamais les futs à la main il n'y a jamais eu le moindre problème lié à la livraison des futs (sic) ».

Toutefois, si ce témoignage fait état d’une possible faute commise par le salarié, l’employeur ne rapporte pas la preuve du non-respect des règles de sécurité par monsieur [K] au moment du fait accidentel et que celle-ci a été à l’origine du sinistre.

En tout état de cause, il convient de rappeler que le non-respect par le salarié des règles de sécurité n’est pas de nature à empêcher la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident dès lors qu’au moment de l'accident, elle ne fait pas disparaître le lien de subordination (Cass. Soc. 11 mars 2003, n°00-21385).

Du reste, l'employeur ne produit aucun élément permettant de confirmer l’hypothèse d’une supercherie à l’instigation de l’assuré, pas plus qu’il n’est établi un état pathologique antérieur, affirmation qui n'est corroborée par aucun élément médical probant.

Ainsi, la présomption d'imputabilité n'est pas renversée.

Dès lors, la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle sera déclarée opposable à la société [5].

Sur la demande subsidiaire d’expertise :

Aux termes de ses conclusions oralement reprises, la société sollicite du tribunal, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise médicale sur pièces relative à la hernie discale diagnostiquée au salarié le 27 novembre 2021 pour y voir un état pathologique préexistant et dire si l'ensemble des arrêts de travail et soins prescrits depuis le 07 décembre 2021 sont directement et uniquement imputables à l'accident du travail.

Sur l’état pathologique préexistant :

Les mesures d'instructions ne peuvent être ordonnées que si le juge ne dispose pas suffisamment d’éléments pour statuer et ne peuvent pas être ordonnées en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l’espèce, la société ne verse aux débats aucun élément médical permettant de caractériser l’existence d’un état antérieur indépendant à l’origine des lésions constatées par certificat médical initial établi le 07 décembre 2021.

Le Tribunal dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer.

Sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail :

En vertu de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité qui s’applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident pendant toute la période d’incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement à toutes les conséquences directes de l’accident, fait obligation à la caisse de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail les dépenses afférentes à ces lésions.
Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire.

En l’espèce, le certificat médical initial établi le 07 décembre 2021 par le docteur [O] [T] prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 15 décembre 2021. Cependant, société S.A.S [5] ne produit aucun élément médical probant permettant de remettre en cause l’imputabilité des soins et arrêts prescrits à l’accident du travail.
La société S.A.S [5] sera déboutée de sa demande subsidiaire tendant à ce que soit ordonnée une expertise.
Sur les dépens :

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société S.A.S [5], succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe le 13 mars 2024 :

DÉCLARE OPPOSABLE à la société S.A.S [5] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales prenant en charge au titre de la législation professionnelle l’accident du travail survenu le 07 décembre 2021, au préjudice de monsieur [Z] [K] ;

DÉBOUTE la société S.A.S [5] de sa demande subsidiaire d’expertise ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE la société S.A.S [5] aux entiers dépens.

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification de la présente décision.

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Bertille BISSON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/01157
Date de la décision : 13/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-13;22.01157 ?
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