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13/03/2024 | FRANCE | N°22/01149

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 13 mars 2024, 22/01149


Pôle social - N° RG 22/01149 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4MG

Copies certifiées conformes et exécutoires délivrées,
le :

à :
- CPAM DES YVELINES

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Me Stéphanie GIRAUD
- S.A.S. HOUDIS
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE MERCREDI 13 MARS 2024



N° RG 22/01149 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4MG
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

S.A.S. [5]
[Adresse

3]
[Localité 2]

représentée par Me Stéphanie GIRAUD, avocat au barreau de LYON, dispensée de comparution



DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adre...

Pôle social - N° RG 22/01149 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4MG

Copies certifiées conformes et exécutoires délivrées,
le :

à :
- CPAM DES YVELINES

Copies certifiées conformes délivrées,
le :

à :
- Me Stéphanie GIRAUD
- S.A.S. HOUDIS
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
PÔLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE MERCREDI 13 MARS 2024

N° RG 22/01149 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4MG
Code NAC : 89E

DEMANDEUR :

S.A.S. [5]
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Me Stéphanie GIRAUD, avocat au barreau de LYON, dispensée de comparution

DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 4]
[Localité 1]

représentée par M. [O] [J] muni d’un pouvoir régulier

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame [U] BISSON, Juge Placée statuant à juge unique après avoir reçu l’accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l’article L. 218-1 du code de l’organisation judiciaire.

Madame Laura CARBONI, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 29 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 13 Mars 2024.
Pôle social - N° RG 22/01149 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q4MG

EXPOSE DU LITIGE :

Le 19 mai 2021, Madame [H] [Z] [M], employée au sein de la S.A.S [5], a effectué auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (ci-après CPAM ou la caisse) une déclaration de maladie professionnelle indiquant « discopathie L5-S1 hernie discale postéro latérale gauche opérée le 12/12/2016 », sur la base d’un certificat médical initial en date du même jour faisant état d’une « hernie discale postéro latérale gauche L5-S1 » et mentionnant la date du 27 octobre 2016 comme première constatation de la pathologie.
Une enquête a été diligentée par la Caisse et le médecin-conseil retenait une « sciatique par hernie discale L5-S1 », fixant la date de première constatation médicale au 27 octobre 2016.
Par décision du 09 février 2022, notifiée à l’employeur le même jour, la CPAM des YVELINES a décidé de la prise en charge de la pathologie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels, correspondant à une hernie discale L5-S1 inscrite dans le tableau n°98 « affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes ».
La date de consolidation a été fixée au 09 août 2022.
Contestant cette décision, la société S.A.S [5] a saisi la Commission médicale de recours amiable, qui a rendu une décision implicite de rejet.
Par requête reçue au greffe le 06 octobre 2022, la société S.A.S [5] a saisi le Pôle social du Tribunal judiciaire de Versailles, afin de solliciter l'inopposabilité de la décision de la Caisse acceptant de prendre en charge la maladie déclarée le 19 mai 2021 par Madame [H] [Z] [M].

À défaut de conciliation possible et après plusieurs renvois, l’affaire a été évoquée à l’audience du 29 janvier 2024, le tribunal statuant à juge unique conformément à l'article L.218-1 du code de l'organisation judiciaire, après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, la liste des assesseurs du pôle social étant en cours de renouvellement et les anciens mandats expirés.
La société S.A.S [5], dispensée de comparution, à transmis ses écritures au Pôle social du Tribunal judiciaire de Versailles le 29 janvier 2024. Elle demande au tribunal de lui déclarer inopposable la décision du 09 février 2022 de la Caisse acceptant la prise en charge de la maladie de Madame [H] au titre de la législation sur les risques professionnels. Elle sollicite à titre subsidiaire d’imputer au compte spécial la maladie de Madame [H] du 25 mai 2019. En tout état de cause, elle demande la condamnation de la Caisse à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Au soutien de ses prétentions, la société S.A.S [5] indique que les conditions du tableau n°98 ne sont pas réunies car d’une part, les constatations médicales ne font pas apparaitre « une atteinte radiculaire de topographie concordante », que la condition tenant à la durée de l’exposition au risque n’est pas remplie puisque Madame [H] n’était employée que depuis 14 mois au sein de la société avant la première constatation de la maladie le 27 octobre 2016, et que Madame [H] n’effectuait pas de travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes. Elle soutient par ailleurs que Madame [H] ayant effectué d’autres emplois dans d’autres sociétés avant son embauche au sein de la société S.A.S [5], la Caisse ne rapporte pas la preuve que c’est au sein de la société S.A.S [5] que l’employée a été exposé au risque qui a provoqué sa maladie.

En défense, la CPAM des YVELINES, représentée par son mandataire, sollicite l’opposabilité de la décision de prise en charge à la société S.A.S [5] et le débouté des demandes du demandeur. Elle demande en outre la condamnation de la société S.A.S [5] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens. A l’appui de ses prétentions, la Caisse développe que les conditions du tableau n°98 sont remplies, les documents médicaux faisant bien état d’une atteinte radiculaire de topographie concordante. Elle indique en outre qu’en cas de pluralité d’employeurs, concernant le délai de prise en charge, la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale sauf à cet employeur d’en rapporter la preuve contraire. Enfin, elle explique que Madame [H] manipulait des charges lourdes, en tractant notamment des palettes. S’agissant de sa demande visant à rejeter la demande d’inscription au compte spécial, la Caisse indique qu’il est de jurisprudence constante que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale sauf à cet employeur d’en rapporter la preuve contraire, et que lorsque cette preuve contraire n’est pas rapportée, il n’est pas possible de retirer du compte de cet employeur les conséquences financières de la maladie professionnelle pour les affecter au compte spécial.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures, par application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2023 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il convient de rappeler que les rapports entre un assuré et une caisse primaire d’assurance maladie sont indépendants des rapports entre l’employeur de cet assuré et la caisse. Dès lors, la présente décision est sans incidence sur la décision en date 09 février 2022 de prise en charge par la caisse de la maladie professionnelle, cette décision restant définitivement acquise pour Madame [H]. L’objet du présent jugement sera uniquement de déterminer si la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Madame [H] est opposable à l’employeur.

Sur le caractère professionnel de la maladie et les conditions du tableau :

Aux termes de l'article L.461-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau.

En cas de recours de l'employeur, il incombe à l'organisme social qui a décidé d'une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau.

Le tableau n°98, correspondant aux « affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes » est ainsi rédigé :
DÉSIGNATION DES MALADIES
DÉLAI de prise en charge
LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX SUSCEPTIBLES de provoquer ces maladies
Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante. Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.
6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)
Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués : - dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ; - dans le bâtiment, le gros œuvre, les travaux publics ; - dans les mines et carrières ; - dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ; - dans le déménagement, les garde-meubles ; - dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ; - dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ; - dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ; - dans le cadre du brancardage et du transport des malades ; - dans les travaux funéraires.

Dès lors qu'il est constaté que le libellé de la maladie mentionnée au certificat médical initial est différent de celui figurant au tableau n° 98, la juridiction doit rechercher si l'avis du médecin-conseil favorable à la prise en charge de cette pathologie est fondé sur un élément médical extrinsèque.

En l'espèce, le certificat médical initial fait état d'une « hernie discale postéro latérale gauche L5-S1 opérée le 12/12/2016 ; latéralité : gauche ».

Le tableau n°98 des maladies professionnelles précité regroupe les sciatiques par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante et les radiculalgies crurales par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

Le certificat médical initial ne mentionne ni sciatique ni atteinte radiculaire de topographie concordante.

Le colloque médico-administratif mentionne le code syndrome 098AAM51B, soit une « sciatique par hernie discale L5/S1 », mais ne mentionne pas l'atteinte radiculaire. Il fait cependant référence à une première constatation médicale du 27 octobre 2016, correspondant, au regard des autres pièces versées au dossier et notamment de lettre accompagnant la demande de reconnaissance de maladie professionnelle rédigée par Madame [H] le 22 novembre 2021, à une radio du rachis lombaire du 27 octobre 2016.

En conséquence, il importe peu que le colloque médico-administratif n'ait pas précisé l'existence d'une atteinte radiculaire de topographie concordante, dès lors que le médecin conseil affirme que les conditions médicales réglementaires du tableau sont remplies, au vu d'une radiographie du rachis lombaire du 27 octobre 2016, qui a permis de fixer la date de première constatation médicale de la maladie déclarée. Dans la mesure où l'avis du médecin-conseil favorable à la prise en charge de la pathologie était fondé sur un élément médical extrinsèque, le recours en inopposabilité de la société doit être rejeté sur ce fondement.
Le tableau 98 des maladies professionnelles vise aux termes d'une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la pathologie en cause.
En l'espèce, il ressort de l'enquête administrative diligentée par la caisse, et en particulier du descriptif du poste occupé par l'intéressée, que Madame [H], en sa qualité d’hôtesse de caisse, était amenée à effectuer de la manutention de charges lourdes, dont des liquides, notamment lors du réassort ou réapprovisionnement des rayons en magasin, de l’enregistrement et de l’encaissement des articles dont des packs d’eau de 9kg ou de lait de 6kg qu’il convenait de soulever, de l’étiquetage des articles, des inventaires et de la gestion des stocks, et de l’utilisation d’un tir-palette manuel, d’échelles, d’escabeau et d’une autolaveuse manuelle du sol.

Il résulte de ces éléments que Madame [H] a été exposée au risque visé au tableau 98 des maladies professionnelles.

L'employeur ne produit aucun élément contraire s'agissant de la condition relative à l'exposition au risque. La condition relative à l'exposition au risque est ainsi remplie.
Selon le tableau 98 des maladies professionnelles, le délai de prise en charge est de 6 mois sous réserve d'une durée d'exposition au risque de 5 ans.

Il y a lieu de rappeler que la maladie est considérée comme étant contractée au service du dernier employeur pour lequel la victime a été exposée au risque sauf preuve contraire.

En outre, il est de jurisprudence constante qu’en cas d’exposition au risque chez plusieurs employeurs, les conditions de délai de prise en charge de l’affection exigés par les tableaux de maladies professionnelles s’apprécient au regard de la totalité de la durée d’exposition au risque considéré.

Il ressort de l'enquête diligentée que Madame [H] a été exposée au risque au sein de la société S.A.S [5] depuis le 19 août 2015, en sa qualité d’hôtesse de caisse. Il n’est en outre pas contesté que l’assurée a occupé, avant cet emploi, plusieurs autres emplois similaires dans d’autres sociétés auquel elle a pu être exposée à un risque similaire, démontrant ainsi une période d’exposition de plus de 5 ans en cumulé. Or, la première date de constatation, non contestée par les parties, est fixée au 27 octobre 2016 tel que mentionné sur les documents médicaux. Ainsi à cette date, Madame [H] avait bien été exposée, au sein de la société S.A.S [5], à un risque pendant une période supérieure à 06 mois, au sein, d’une durée d’exposition totale résultant du cumul des divers emplois, de plus de 05 ans.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de juger remplie la condition relative à la durée d'exposition au risque.
Dès lors, il convient de déclarer opposable à la société S.A.S [5] la décision de la CPAM des YVELINES en date du 09 février 2022, de prise en charge de la pathologie déclarée par Madame [H] le 19 mai 2021 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Sur la demande d’inscription en compte spécial :

Il est de jurisprudence constante que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à ce que cet employeur en apporte la preuve contraire.
En outre, il est constant que lorsque l’employeur ne rapporte pas la preuve que la maladie du salarié résultait du travail chez d’autres employeurs, il n’est pas possible de retirer du compte de cet employeur les conséquences financières de la maladie professionnelle pour les affecter au compte spécial.
En l’espèce, la société S.A.S [5] ne rapporte pas la preuve que la maladie de Madame [H] résultait du travail chez les autres employeurs mentionnés pendant l’enquête.
Dès lors, sa demande de retrait au profit d’un compte spécial sera rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société S.A.S [5], succombant à l’instance, sera tenue aux entiers dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la CPAM des YVELINES les frais qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts. Il y a lieu de condamner la société S.A.S [5] à payer à la CPAM des YVELINES la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La demande formulée sur ce fondement par la S.A.S [5] sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire mis à disposition au greffe le 13 mars 2024 :

DECLARE OPPOSABLE à la Société S.A.S [5] la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES du 09 février 2022 de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la maladie déclarée par Madame [Z] [M] [H] le 19 mai 2021 ;

DEBOUTE la Société S.A.S [5] de sa demande visant à l’inscription au compte spécial la maladie de Madame [H] ;

DEBOUTE la Société S.A.S [5] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la société S.A.S [5] à verser à la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE la société S.A.S [5] aux dépens.

La GreffièreLa Présidente

Madame Laura CARBONIMadame Bertille BISSON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/01149
Date de la décision : 13/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-13;22.01149 ?
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