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08/03/2024 | FRANCE | N°23/06549

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Jex, 08 mars 2024, 23/06549


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 08 MARS 2024


DOSSIER : N° RG 23/06549 - N° Portalis DB22-W-B7H-RXCX
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDERESSE

Madame [U] [F] [D]
née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Stéphanie ARENA, avocat postulant de la SELEURL ARENA AVOCAT, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 637 et Me Stéphane BOUDET, avocat plaidant de la SELKARL AXYS, avocats au Barr

eau de ANGERS


DÉFENDERESSE

SCI ADL, immatriculée au RCS DE BOBIGNY sous le numéro D 533 779 666 dont le siège soci...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 08 MARS 2024

DOSSIER : N° RG 23/06549 - N° Portalis DB22-W-B7H-RXCX
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDERESSE

Madame [U] [F] [D]
née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Stéphanie ARENA, avocat postulant de la SELEURL ARENA AVOCAT, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 637 et Me Stéphane BOUDET, avocat plaidant de la SELKARL AXYS, avocats au Barreau de ANGERS

DÉFENDERESSE

SCI ADL, immatriculée au RCS DE BOBIGNY sous le numéro D 533 779 666 dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Mohamad-Nadjiih MAHAMOUDOU, avocat postulant de la SELARL JURIS, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestaire : 377 et Me Julien BOUZERAND, avocat plaidant au Barreau de PARIS

ACTE INITIAL DU 21 avril 2023
reçu au greffe le 15 mai 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Mélanie MILLOCHAU, Juge placée, déléguée aux fonctions de Juge de l’Exécution par ordonnance du Premier Président de la Cour d’Appel de VERSAILLES, assistée de Madame Emine URER, Greffier

jugement contradictoire
premier ressort

Copie exécutoire à : Me Arena + Me Mahamoudou
Copie certifiée conforme à :Parties + Dossier + Commissaire de Justice
Délivrées le : 8 mars 2023

DÉBATS

À l’audience publique tenue le 31 janvier 2024 en conformité avec le Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 et des articles L213-5 et L213-6 du code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2024.


◊ ◊ ◊

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte notarié en date du 28 février 2013, Madame [U] [D] a cédé à la SCI ADL un bien immobilier sis [Adresse 1] pour la somme de 75.000 euros.

Par arrêt du 5 février 2021, la cour d’appel de Paris a notamment :
_ annulé l’acte de vente du 28 février 2013 entre Madame [U] [D] et la SCI ADL ;
_ ordonné la publication de l’arrêt à la requête de la partie la plus diligente au service de la publicité foncière aux frais de Madame [U] [D] ;
_ condamné in solidum Madame [U] [D] et Maître [S] [T] à payer à la SCI ADL la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’arrêt a été signifié à Madame [U] [D] le 8 mars 2021 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile et à Monsieur [T] le 4 mars 2021.

Un certificat de non pourvoi a été délivré par le greffe de la Cour de cassation le 13 décembre 2021.

Par acte de commissaire de justice en date du 16 mars 2023, un procès-verbal de saisie attribution a été dressé à la demande de la SCI ADL entre les mains de La Banque Postale Centre de Paris en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 février 2021 portant sur la somme totale de 84.394,63 euros en principal, intérêts et frais.

Ce procès-verbal de saisie attribution a été dénoncé par acte de commissaire de justice du 24 mars 2023 à Madame [U] [D] par dépôt à étude.

C’est dans ces conditions que par acte de commissaire de justice en date du 21 avril 2023, Madame [U] [D] a assigné la SCI ADL devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir prononcer la nullité de la saisie attribution du 16 mars 2023.

L’assignation a régulièrement été portée à la connaissance du commissaire de justice poursuivant le jour même par LRAR.

L’affaire a été appelée à l’audience du 12 juillet 2023 et renvoyée au 25 octobre 2023.

Compte tenu de la non comparution de la demanderesse à l’audience du 25 octobre 2023, l’affaire a été radiée par ordonnance du même jour.

Des conclusions aux fins de réinscription au rôle de l’affaire ont été adressées au greffe par la demanderesse le 14 novembre 2023.

L’affaire a été réinscrite au rôle par ordonnance du 29 novembre 2023 et renvoyée à l’audience du 31 janvier 2024.

À l’audience du 31 janvier 2024, les parties ont comparu.

Aux termes de ses conclusions responsives visées à l’audience, Madame [U] [D] sollicite du juge de l'exécution de :
_ à titre principal, prononcer l’annulation du procès-verbal de saisie attribution en date du 16 mars 2023 ;
_ à titre subsidiaire, fixer le montant de la saisie attribution à la somme de 57.963,31 euros ;
_ en tout état de cause, condamner la SCI ADL à verser à Madame [U] [D] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
_ condamner la SCI ADL aux entiers dépens.

En réponse, aux termes de ses conclusions visées à l’audience, la SCI ADL demande au juge de l'exécution de :
_ à titre principal, déclarer la société ADL recevable et bien fondé en ses demandes ;
_ déclarer l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Madame [U] [D] irrecevables ;
_ à titre subsidiaire, déclarer mal fondé l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Madame [U] [D] ;
_ en toute hypothèse, débouter Madame [U] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
_ condamner Madame [U] [D] à payer à la SCI ADL la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de sa résistance abusive ;
_ condamner Madame [U] [D] à verser la somme de 4.000 euros à la SCI ADL au titre des frais irrépétibles ;
_ condamner Madame [U] [D] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées, soutenues oralement à l'audience, ainsi qu'aux prétentions orales.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la contestation
Aux termes de l’article R. 211-11 code des procédures civiles d'exécution à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.

En l’espèce, la dénonce de la saisie-attribution est datée du 24 mars 2023, la contestation a été formée par assignation en date du 21 avril 2023 et la demanderesse justifie qu’une lettre recommandée avec accusé de réception a été adressée à l’huissier saisissant pour l’informer de sa contestation le 21 avril 2023, selon bordereau de suivi attestant de la date de remise à La Poste.

Par conséquent, la contestation de la saisie-attribution a été formée dans le mois suivant la date de la dénonce de la saisie et portée à la connaissance du commissaire de justice ayant pratiqué la saisie le même jour.

La contestation de Madame [U] [D] sera donc déclarée recevable.

Sur la demande de nullité de la saisie-attribution

Selon l’article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

L’article L.111-7 du même code dispose que « Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de cette obligation ».

Selon l’article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution : « le juge de l'exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »

En l’espèce, Madame [U] [D] conteste devoir la créance qui lui est réclamée par la SCI ADL. Elle fait valoir que la cour d’appel de Paris n’ayant qu’annulé l’acte de vente du 28 février 2013, elle n’a pas ordonné la restitution du prix, de sorte que le titre exécutoire n’est pas susceptible de fonder la saisie attribution.  

Or, il est constant que la nullité prononcée emporte effacement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur. Ainsi, l’annulation d’une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, les juges ne sont pas tenus d’ordonner la restitution du prix en même temps que la reprise des lieux.

Par conséquent, l’annulation du contrat de vente vaut restitution du prix, de sorte que l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 février 2021 constitue un titre exécutoire valable pour réclamer la restitution du prix de vente, soit la somme de 75.000 euros.

La demande d’annulation du procès-verbal de saisie attribution de ce chef sera donc rejetée.

Sur la demande de cantonnement de la somme saisie

L’article L.111-7 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de cette obligation ».

Selon l’article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution : « le juge de l'exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive ».

Selon l’article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

Aux termes de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision […] Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.

En l’espèce, Madame [U] [D] sollicite que le montant de la saisie attribution soit réduit de certaines sommes.

En effet, elle expose que la SCI ADL a perçu des loyers pour un montant estimé à la somme de 14.549 euros, qu’elle a réalisé des aménagements dans le logement pour un montant de 2.000 euros, et que ces sommes doivent être déduites du montant de la saisie attribution.

Or, la demanderesse n’apporte aucun élément à l’appui de ses allégations et ne démontre pas que les créances invoquées seraient certaines et exigibles. Il n’y a donc pas lieu à déduire ces sommes.

En outre, Madame [U] [D] soutient qu’elle se serait acquittée de la somme de 1.500 euros à laquelle elle a été condamnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par la cour d’appel de Paris solidairement avec Maître [T], dont celui-ci se serait déjà acquitté auprès de la SCI ADL, et sollicite la déduction de cette somme. Cependant, Madame [U] [D], qui ne justifie pas le fondement de sa demande, ne produit aucun élément attestant ses dires. Cette somme ne sera donc pas déduite.

Enfin, Madame [U] [D] conteste le montant des intérêts échus calculés par l’huissier et sollicite d’en être exonérée. Elle fait valoir qu’aucune responsabilité ne lui a été reconnue par la décision de la cour d’appel de Paris et qu’elle n’est que la victime des agissements de Maître [T].

Or, Madame [U] [D] ne justifie d’aucun élément relatif à sa situation permettant de l’exonérer de la majoration prévue par la loi, étant précisé que les dispositions prévoyant la majoration du taux d’intérêt ont pour finalité d'inciter le débiteur à exécuter sans tarder la décision le condamnant.

Madame [U] [D] ajoute qu’elle demande à tout le moins que le montant des intérêts soit réduit, ces derniers ayant été calculés à compter de la date du prononcé de l’arrêt et non à compter de sa notification.

Il ressort du procès-verbal de saisie attribution en date du 16 mars 2023 que l’huissier a calculé les intérêts au taux légal à compter du 5 février 2021 jusqu’au 7 mai 2021, puis les intérêts au taux majoré à compter du 8 mai 2021 jusqu’au 15 mars 2023.

Or, conformément aux dispositions de l’article 503 du code de procédure civile et de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, l’arrêt ayant été signifié le 8 mars 2021, les intérêts au taux légal ne pouvaient commencer à courir qu’à compter du 8 mars 2021, et les intérêts au taux majoré à compter du 8 mai 2021.

Dès lors, les intérêts au taux légal doivent être rectifiés comme suit pour la période du 8 mars 2021 au 7 mai 2021, soit 60 jours : (75000 x 60 X 0,79) / (100 x 365) = 97,39

Les intérêts échus s’élèvent donc à la somme de 8.300,37 euros.

Par ailleurs, sont comptabilisées des provisions sur frais de signification de non contestation, de certificat de non contestation et frais de mainlevée, lesquels n’ont pas lieu d’être puisque la saisie a été contestée. Ils seront donc déduits du montant de la saisie.

Par conséquent, la saisie sera cantonnée à la somme de 84.394,63 – 51,95 – 76,94 – 51,07 – 59,09 = 84.155,58 euros.

Sur la demande de condamnation pour résistance abusive

Selon l’article L.121-3 du code des procédures civiles d'exécution, « le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive ».

En l’espèce, la SCI ADL sollicite la condamnation de Madame [U] [D] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de sa résistance abusive.
Cependant, considérant que la SCI ADL ne rapporte pas la preuve d’un préjudice en lien avec la résistance de Madame [U] [D], distinct du préjudice financier résultant du retard de paiement lequel est réparé par les intérêts moratoires, il ne sera pas fait droit à la demande.
Par conséquent, la demande de condamnation pour résistance abusive sera rejetée.

Sur la demande d’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Madame [U] [D] qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

La SCI ADL ayant exposé des frais non compris dans les dépens, il y a lieu de faire droit à sa demande et de condamner la partie demanderesse à lui verser la somme de 1.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, en premier ressort,

Vu les articles L. 211-1 à L. 211-15, R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

DECLARE recevable en la forme la contestation de Madame [U] [D] ;

REJETTE la demande de nullité de la saisie-attribution diligentée par la SCI ADL contre Madame [U] [D] selon procès-verbal de saisie du 16 mars 2023 dénoncé le 24 mars 2023 ;

CANTONNE cette saisie à la somme de 84.155,58 euros et DIT qu'elle ne produira effet qu'à concurrence de cette somme ;

ORDONNE la mainlevée partielle immédiate pour le surplus ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la SCI ADL ;

DEBOUTE Madame [U] [D] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [U] [D] à payer à la SCI ADL la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;

CONDAMNE Madame [U] [D] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, le 08 Mars 2024. Le présent jugement a été signé par le Juge et le Greffier.

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXECUTION

Emine URER Mélanie MILLOCHAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 23/06549
Date de la décision : 08/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-08;23.06549 ?
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