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08/03/2024 | FRANCE | N°23/04667

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Jex, 08 mars 2024, 23/04667


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 08 MARS 2024


DOSSIER : N° RG 23/04667 - N° Portalis DB22-W-B7H-RRCU
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDERESSE

Madame [E] [R] (Nom d’usage [I])
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 8] (USA)

Représentée par Me Stéphanie TERIITEHAU, avocat postulant de la SELARL MINAULT TERIITEHAU, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 619 et Me Véronique DEVILLIERES, avocat plaida

nt de la SELARL DELPEYROUX ET ASSOCIES au Barreau de PARIS


DÉFENDERESSE

MADAME LA COMPTABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT S...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 08 MARS 2024

DOSSIER : N° RG 23/04667 - N° Portalis DB22-W-B7H-RRCU
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDERESSE

Madame [E] [R] (Nom d’usage [I])
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 8] (USA)

Représentée par Me Stéphanie TERIITEHAU, avocat postulant de la SELARL MINAULT TERIITEHAU, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 619 et Me Véronique DEVILLIERES, avocat plaidant de la SELARL DELPEYROUX ET ASSOCIES au Barreau de PARIS

DÉFENDERESSE

MADAME LA COMPTABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE (PRS) DES YVELINES, situé au [Adresse 2]

Représentée par Me Pascale REGRETTIER, avocat de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 98
Substituée par Me Betty WOLFF

ACTE INITIAL DU 23 Août 2023
reçu au greffe le 23 Août 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Mélanie MILLOCHAU, Juge placée, déléguée aux fonctions de Juge de l’Exécution par ordonnance du Premier Président de la Cour d’Appel de VERSAILLES, assistée de Madame Emine URER, Greffier

jugement contradictoire
premier ressort

Copie exécutoire à : Me Regrettier
Copie certifiée conforme à : Me Teriitehau + Parties + Dossier + Commissaire de Justice
Délivrées le : 8 mars 2024

DÉBATS

À l’audience publique tenue le 24 janvier 2024 en conformité avec le Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 et des articles L213-5 et L213-6 du code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2024.

◊ ◊ ◊

EXPOSÉ DU LITIGE

Sur ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles en date du 27 avril 2023, une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire a été inscrite sur deux biens immobiliers le 12 juin 2023 et une saisie conservatoire a été réalisée le 13 juin 2023 sur deux comptes bancaires appartenant à Madame [E] [R], à la demande de Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines.

C’est dans ces conditions que par acte de commissaire de justice en date du 18 juillet 2023, Madame [E] [R] a assigné Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de :
_ constater que Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines ne justifie pas du bien fondé de sa créance à l’encontre de Madame [E] [R] qu’elle estime à 340.421 euros ;
_ en conséquence, annuler les mesures conservatoires prises par Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines, à savoir :
une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur les biens immobiliers lui appartenant soit, un ensemble immobilier sis [Adresse 10]) cadastré ZC [Cadastre 4] à [Cadastre 5], un appartement sis [Adresse 7]) cadastré CK [Cadastre 11] lot 27, un appartement sis [Adresse 9]) cadastré BL [Cadastre 6] lots 33 à 34 ;la saisie conservatoire des sommes inscrites sur les comptes bancaires ouverts au nom de Madame [E] [R] dans les établissements bancaires suivants : Crédit Lyonnais, agence BP PARIS Mozart, [Adresse 3] ; Société Générale SA agence [Adresse 12] ;_ à titre subsidiaire, limiter les mesures conservatoires aux seuls hypothèques prises sur les biens immobiliers et ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées dans les établissements bancaires suivants : Crédit Lyonnais, agence BP PARIS Mozart, [Adresse 3] ; Société Générale SA agence [Adresse 12] ;
_ condamner Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines à verser à Madame [E] [R] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 novembre 2023 et renvoyée à la demande du défendeur au 24 janvier 2024.

À l’audience du 24 janvier 2024, Madame [E] [R] a maintenu ses demandes.

En réponse, aux termes de ses conclusions visées à l’audience, Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines demande au juge de l'exécution de :
- confirmer l’ordonnance rendue le 27 avril 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles ;
- débouter Madame [E] [R] de l’ensemble de ses demandes.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées, soutenues oralement à l'audience, ainsi qu'aux prétentions orales.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

À titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de constatations, dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais recèlent en réalité les moyens des parties.

Sur la demande de mainlevée des mesures conservatoires

Aux termes de l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

L’article R.512-1 du code des procédures civiles d’exécution précise qu’il incombe au créancier de prouver que les deux conditions cumulatives sont remplies.

Conformément à l’article L.512-1 du code des procédures civiles d’exécution, « le juge peut, à tout moment, au vu des éléments qui sont fournis par le débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L.511-1 ne sont pas réunies ».

Le juge, auquel est déférée une mesure conservatoire, se place dans la même position que le juge qui a autorisé la mesure : il examine au jour où il statue d'une part l'apparence du principe de créance - et non la certitude, la liquidité, l'exigibilité ou le montant de la créance - et évalue d'autre part la menace qui pèse sur le recouvrement.

Sur la créance fondée en son principe

Madame [E] [R] conteste le bien-fondé de la créance revendiquée par Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines. Madame [E] [R], qui est de nationalité franco-américaine, fait valoir que l’allégation de Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines selon laquelle elle ne s’acquitterait pas de ses impôts aux Etats-Unis et qu’elle aurait sollicité le bénéfice de crédit d’impôts en France à tort serait erroné.

À l’appui de son argumentation, elle produit ses déclarations de revenus aux Etats-Unis pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021, et réfute toute anomalie entre le montant des crédits identifiés et les revenus portés sur les déclarations de revenus.

Elle ajoute que les infractions commises par les administrateurs de son trust, qui n’ont pas souscrit les déclarations annuelles de ce dernier, ne peuvent lui être reprochés.

Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines fait valoir que la procédure de vérification est toujours en cours et que les investigations revêtent un caractère complexe compte tenu de l’origine américaine des revenus de Madame [E] [R], les autorités américaines devant être sollicitées par le biais de demandes d’assistance administratives internationales.

Il est constant que la détermination du montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est envisagée n'étant prescrite que pour l'autorisation par le juge de l'exécution de cette mesure conservatoire, il ne lui appartient pas, pour statuer sur une demande de mainlevée de saisies conservatoires, d'établir la preuve d'une créance liquide et exigible et encore moins d'en apprécier le quantum.

Il ressort d’un courrier adressé par lettre recommandée avec accusé de réception daté du 10 janvier 2023 que Madame [E] [R] a été avisée que sa situation personnelle et fiscale faisait l’objet d’un contrôle.

En outre, il est établi que des anomalies ont été constatées par le service vérificateur, que les administrateurs du trust de Madame [E] [R] n’ont pas souscrit les déclarations exigées, et que la procédure de contrôle fiscal est toujours en cours, le service vérificateur devant procéder à des investigations complémentaires auprès des autorités américaines.

Dès lors, et sans qu’il ne soit préjugé de l’issue de la procédure fiscale, la créance paraît bien fondée en son principe.

Sur la menace du recouvrement

Pour contester toute menace de recouvrement, Madame [E] [R] argue qu’une convention d’assistance à recouvrement a été signée entre la France et les Etats-Unis, ce qui permettrait d’écarter le risque du Trésor Public français de ne pas être payé.

Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines fait valoir qu’elle suspecte la demanderesse d’organiser son insolvabilité en France. Elle explique qu’alors que Madame [E] [R] a été informée du contrôle fiscal le 10 janvier 2023, elle a déménagé aux Etats-Unis, faisant réexpédier son courrier vers ce pays en février 2023, qu’elle a procédé à des donations à ses enfants le 24 février 2023 et qu’elle a fait l’acquisition d’un bien immobilier aux Etats-Unis le 20 mars 2023.

Il ressort des éléments produits au débats que Madame [E] [R] a sollicité la réexpédition définitive de son courrier vers les Etats-Unis par contrat conclu avec La Poste le 18 février 2023, qu’elle a déclaré avoir réalisé un don manuel à son fils [O] [I] le 24 février 2023 pour un montant de 100.000 euros et à son fils [P] [I] le même jour pour un montant de 51.865 euros et qu’elle a acquis une propriété situé [Adresse 8] (Etats-Unis) le 23 mars 2023 pour un montant de 5.100.000 dollars.

Dès lors, il ressort de l’ensemble de ses éléments qu’ils ont été réalisés consécutivement à l’avis de contrôle fiscal adressé à Madame [E] [R] et ce dans un temps très court.

Il y a donc raisonnablement lieu de considérer que le recouvrement de l’éventuelle créance du Trésor public est menacé.

Par conséquent, les deux conditions fondant les mesures conservatoires étant bien remplies au jour de l’ordonnance, la demande de mainlevée des mesures conservatoires autorisées par l’ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles en date du 27 avril 2023 sera rejetée.

Sur la demande de limitation des mesures conservatoires

Selon l’article L. 111-7 du code des procédures civiles d’exécution, « le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ».

Madame [E] [R] fait valoir que Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines a procédé à de multiples mesures conservatoires, à savoir des hypothèques sur trois biens immobiliers et deux saisies conservatoires sur des comptes bancaires alors que sa créance alléguée n’est que de 340.421 euros. Elle fait valoir que la totalité de son patrimoine immobilier a une valeur de 950.000 euros qui couvre largement la créance supposée du Trésor Public et sollicite la levée des saisies sur les deux comptes bancaires.

Madame la comptable du Pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines relève que la saisie conservatoire autorisée et pratiquée sur les comptes bancaires de Madame [E] [R] n’a permis d’appréhender que la somme de 21.184,10 euros, soit 6% de la créance évaluée, et que les inscriptions d’hypothèques pourraient perdre de leur valeur.

Il ressort des éléments au débat que la créance alléguée du Trésor public est conséquente, qu’elle s’élève à 340.421 euros et que la saisie conservatoire sur deux comptes bancaires a permis d’appréhender la somme de 21.184,10 euros.

Si Madame [E] [R] allègue que son patrimoine immobilier s’élèverait à 950.000 euros, de sorte que les saisies conservatoires pratiquées seraient disproportionnées, elle n’apporte aucun élément permettant d’attester cette évaluation, hormis la cession d’un bien de surface moindre à son bien, situé dans la même rue à [Localité 14], qui aurait été vendu pour la somme de 717.400 euros.

Cependant, ce seul élément est insuffisant pour évaluer la consistance réelle des biens objets des hypothèques judiciaires provisoires et considérer que les mesures conservatoires autorisées seraient disproportionnées au regard de la créance alléguée.

Par conséquent, la demande de limitation des mesures conservatoires autorisées par l’ordonnance du juge de l'exécution de Versailles en date du 27 avril 2023 sera rejetée.

Sur la demande d’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Madame [E] [R], partie perdante, a succombé à l’instance, elle sera condamnée aux dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, en premier ressort,

Vu les articles L. 211-1 à L. 211-15, R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

REJETTE la demande de mainlevée des saisies conservatoires autorisées par l’ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 27 avril 2023 ;

REJETTE la demande de limitation des saisies conservatoires autorisées par l’ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 27 avril 2023 ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;

DEBOUTE Madame [E] [R] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [E] [R] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, le 08 Mars 2024. Le présent jugement a été signé par le Juge et le Greffier.

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXECUTION

Emine URER Mélanie MILLOCHAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 23/04667
Date de la décision : 08/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-08;23.04667 ?
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