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08/03/2024 | FRANCE | N°23/00740

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Deuxième chambre, 08 mars 2024, 23/00740


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 08 MARS 2024

N° RG 23/00740 - N° Portalis DB22-W-B7H-REF3


DEMANDERESSE :

Madame [Y], [M] [X], née le 2 juillet 1988 à [Localité 6] ([Localité 6]) Célibataire, non liée par un PACS, de nationalité française, résidente au sens de la réglementation fiscale, attachée de presse, demeurant [Adresse 1] à [Localité 6],
représentée par Me Anne-sophie CHEVILLARD-BUISSON, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant


DEFENDERESSES :

So

ciété GAH IMMOBILIER, SAS immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 813 347 200, ayant son siège social à [Adress...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 08 MARS 2024

N° RG 23/00740 - N° Portalis DB22-W-B7H-REF3


DEMANDERESSE :

Madame [Y], [M] [X], née le 2 juillet 1988 à [Localité 6] ([Localité 6]) Célibataire, non liée par un PACS, de nationalité française, résidente au sens de la réglementation fiscale, attachée de presse, demeurant [Adresse 1] à [Localité 6],
représentée par Me Anne-sophie CHEVILLARD-BUISSON, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

DEFENDERESSES :

Société GAH IMMOBILIER, SAS immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 813 347 200, ayant son siège social à [Adresse 5] Prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualité audit siège,
représentée par Me Agathe MONCHAUX-FIORAMONTI, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

SOCIETE GENERALE S.A., ayant pour numéro unique d’identification : 552 120 222 RCS PARIS, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de sa Direction Commerciale Régionale d’HOUILLES, représentée par son Directeur domicilié audit siège,
représentée par Me Sandrine BEZARD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Dominique FONTANA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 30 Janvier 2023 reçu au greffe le 30 Janvier 2023.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 10 Octobre 2023, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame RODRIGUES, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l‘article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame SOUMAHORO Greffier, puis l’affaire a été mise en délibéré au 08 décmebre 2023, prorogé au 30 janvier 2024, puis au 08 Mars 2024.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame LUNVEN, Vice-Présidente
Madame RODRIGUES, Vice-Présidente
Madame ANDRIEUX, Juge

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 3 novembre 2017 reçu par Maître [B] [J], notaire, un compromis de vente a été conclu entre la société par actions simplifiée (SAS) GAH IMMOBILIER, vendeur, et Madame [Y] [X], acquéreur, portant sur un appartement constituant le lot n°1 et une cour constituant le lot n° 7 d’un ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété, situé [Adresse 3] à [Localité 4], moyennant le prix de 183.000 euros.

Selon offre de prêt datée du 26 décembre 2017 et acceptée le 7 janvier 2018, la société anonyme SOCIETE GENERALE (ci-après la SOCIETE GENERALE) a consenti à Madame [Y] [X], un prêt d’un montant de 139.950,32 euros remboursable au taux de 1,40 % l’an sur une durée de 240 mois, afin de financer cette acquisition.

La vente a été réitérée par acte authentique reçu en date du 6 février 2018 par Maître [S] [H], notaire.

Après la vente, Madame [Y] [X] a constaté l'existence de désordres affectant l'immeuble et s'est rapprochée de la société GAH IMMOBILIER.

Les parties sont convenues d'organiser une réunion d'expertise amiable contradictoire, laquelle s'est tenue le 29 juin 2018.

A la suite de cette réunion d'expertise, au cours de laquelle divers désordres ont été constatés, la société GAH IMMOBILIER a proposé à Madame [Y] [X] de lui racheter l'immeuble litigieux.

Par acte authentique du 14 septembre 2018 reçu par Maître [S] [H], notaire, un compromis de vente a été conclu entre les parties, portant sur le bien ci-dessus mentionné, au prix de 177.000 euros.

Ce compromis de vente a été conclu pour une durée expirant le 1er avril 2019 à 16 heures et a été assorti d'une condition suspensive de vente, par l'acquéreur, d'un bien immobilier lui appartenant situé 1 rue Michelet à Plaisir (78370), la mise en vente devant intervenir au plus tard le 1er novembre 2018.

L'immeuble objet de la condition suspensive n'a pas été vendu avant l'expiration de la durée du compromis de vente.

Parallèlement, la société GAH IMMOBILIER a fait réaliser des travaux dans l'immeuble vendu à Madame [Y] [X] dans le but de mettre fin au désordres constatés.

Les travaux ont été achevés le 25 octobre 2018 et Madame [Y] [X] a fait réaliser une seconde expertise amiable, le 26 octobre 2018, au cours de laquelle l'existence de désordres a été constatée.

Puis, par actes des 26 et 29 novembre 2018, Madame [Y] [X] a fait assigner la société GAH IMMOBILIER et la SOCIETE GENERALE devant le présent tribunal, aux fins de voir, principalement, prononcer l'annulation de la vente du 6 février 2018 et celle du prêt, et voir condamner la venderesse au paiement des sommes de 183.000 euros en restitution du prix de vente, 14.318,85 euros au titre des frais de notaire et 20.768,85 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel.

Par ordonnance rendue en date du 20 octobre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Versailles a :
ordonné une expertise judiciaire,désigné Monsieur [S] [G] en qualité d'expert judiciaire avec pour mission, notamment, de relever les désordres et malfaçons affectant l'immeuble, donner tous éléments permettant de déterminer si les travaux réalisés par la société GAH IMMOBILIER, achevés le 25 octobre 2018 l’ont été dans la conformité aux règles de l’art et s’ils ont mis fin aux désordres, et donner tous éléments permettant d’apprécier la pertinence des griefs formulés par Madame [Y] [X] à l’encontre des travaux exécutés à la diligence de la société GAH IMMOBILIER ;ordonné la radiation de l'affaire du rôle jusqu'à son rétablissement par conclusions de la partie la plus diligente.
L'expert a déposé son rapport le 17 novembre 2022.

L'affaire a été rétablie au rôle par ordonnance du 6 février 2023.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2023, Madame [Y] [X] demande au tribunal de :

Vu l’article 1641 du code civil,

A titre principal, vu les articles 1641 et 1648 du code civil,
- Dire et juger que le bien vendu à Mme [X] par la société GAH IMMOBILIER le 6 février 2018 est affecté de vices cachés qui rendent le bien impropre à l'habitation ;
- En conséquence, prononcer l’annulation de la vente en date du 6 février 2018 ;
- Condamner la société GAH IMMOBILIER à rembourser à Mme [X] la somme de 183.000 euros correspondant au prix d’achat du bien, outre la somme de 14.318,85 euros au titre des frais de notaire ;
- Condamner la société GAH IMMOBILIER à verser à Mme [X] la somme de 73.600 euros sauf à parfaire à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi ;
- Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 1er juin 2018 ;
- Dire et juger que Mme [X] devra restituer à la banque la somme de 139.950,35 euros au titre du capital, cette restitution étant subordonnée à celle du prix, et la SOCIETE GENERALE à restituer à Mme [X] les échéances déjà payées, ces créances et dettes se compensant entre elles ;

A titre subsidiaire, vu le contrat de vente :
- Condamner la société GAH IMMOBILIER à verser à Mme [X] la somme de 110.218 euros sauf à parfaire, à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de chance subie ;

En tout état de cause,
- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- Condamner la société GAH IMMOBILIER à verser à Mme [X] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux dépens, dont distraction au profit de Maître CHEVILLARD BUISSON, Avocat aux offres de droit, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 31 mars 2023, la SAS GAH IMMOBILIER sollicite du tribunal de :

Vu l’article 1641 du code civil,
Vu l’article 514-1 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées au dossier,

- Débouter Mme [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Rejeter l’exécution provisoire ;
- Condamner Mme [X] à payer à la SAS GAH IMMOBILIER la somme de 7.224,01 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [X] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 mars 2023, la SA SOCIETE GENERALE demande au tribunal de :

Vu l’article 1240 du code civil,
- DONNER ACTE à la SOCIETE GENERALE de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur le fond du litige opposant Mme [Y] [X] à la société GAH IMMOBILIER ;

Dans l’hypothèse où le tribunal prononcerait la nullité ou la résolution de la vente et considérerait que celle-ci entraîne la nullité ou la résolution du prêt consenti par la SOCIETE GENERALE à Mme [Y] [X],
- CONDAMNER Mme [Y] [X] à payer à SOCIETE GENERALE, la somme de 139.950,32 euros ;
- AUTORISER la SOCIETE GENERALE à conserver les intérêts payés par Mme [Y] [X] jusqu’au remboursement des sommes prêtées ;

Subsidiairement,
- CONDAMNER Mme [Y] [X] à payer à la SOCIETE GENERALE les intérêts au taux légal à compter de la date de décaissement des sommes prêtées jusqu’au remboursement ;

Dans tous les cas,
- ORDONNER la compensation entre la créance de la SOCIETE GENERALE à l’encontre de Mme [Y] [X] et des sommes auxquelles la banque pourrait être tenue au titre des échéances perçues dans le cadre de l’exécution du contrat de prêt ;
- CONDAMNER la société GAH IMMOBILIER à se libérer des sommes dues à Mme [Y] [X] directement entre les mains de la SOCIETE GENERALE à concurrence des sommes dues par l’emprunteur à la banque ;
- CONDAMNER la société GAH IMMOBILIER à garantir la banque du paiement des sommes dues au titre du prêt ;
- DEBOUTER Mme [Y] [X] de sa demande de condamnation de la SOCIETE GENERALE à lui restituer les cotisations d’assurance et les frais de garantie CREDIT LOGEMENT ;
- CONDAMNER la société GAH IMMOBILIER à payer à la SOCIETE GENERALE à titre de dommages - intérêts la somme de 20.635,50 euros représentant les intérêts conventionnels échus (8.776,78 euros au 7 février 2023) et à échoir (11.858,72 euros), ainsi que la somme de 900 euros au titre des frais de dossier ;
- DEBOUTER Mme [Y] [X] de sa demande tendant à voir subordonner la restitution des sommes prêtées par la SOCIETE GENERALE au remboursement du prix de vente par la société GAH IMMOBILIER ;
- CONDAMNER tout succombant à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens au titre de l’article 696 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 juin 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 10 octobre 2023 et mise en délibéré au 8 décembre 2023, prorogé au 30 janvier 2023, puis au 8 mars 2023 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préliminaire, il est rappelé que :
- d’une part, en vertu de l’article 768 du Code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion,
- d’autre part, les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 de ce même code.

- Sur les vices cachés

Madame [Y] [X] expose que l'immeuble objet de la vente est affecté de désordres le rendant impropre à l'habitation et constituant des vices cachés ; que les deux expertises amiables ont constaté des taux d'humidité anormalement élevés ; que l'expert mandaté par la venderesse a conclu à la nécessité de traiter les murs extérieurs afin d'assurer une barrière hydrofuge empêchant les remontées capillaires, de doubler toutes les parties des murs de façade existant et d'installer une VMC conforme à la réglementation.

Elle affirme que la venderesse a fait procéder à des travaux avant la vente, dans le but de camoufler les traces d'humidité visibles par de l'enduit et de la peinture et qu'aucune trace d'humidité n'était visible lors de la vente ; que, toutefois, l'importance du taux d'humidité et l'apparition d'infiltrations et de taches d'humidité après la vente attestent de l'antériorité du vice à la vente.

Elle soutient que les travaux réalisés en octobre 2018 par la société GAH IMMOBILIER pour la somme de 2.970 euros HT n'ont pas permis de remédier aux désordres puisque, notamment, l'étanchéité des murs n'est pas assurée ; qu'ainsi, un relevé de l'humidité dans l'immeuble a été réalisé en octobre 2019, soit un an après les travaux, qui a permis de constater une persistance de l'humidité.

Elle produit un devis de travaux concernant l'étanchéité des murs, évalués à la somme de 30.515 euros HT.

La société GAH IMMOBILIER réplique que les vices allégués ne sont pas démontrés.

Elle constate que l'expert judiciaire n'a pas relevé d'humidité dans l'immeuble, hormis sous les meubles de la cuisine, où une fuite a été constatée.

Elle en déduit qu'il n'existe pas de désordres à l'intérieur de l'immeuble. Elle explique que les seules traces d'humidité ont été relevées à l'extérieur du logement, sur les parties communes qui n'appartiennent pas à Madame [Y] [X].

***
L'article 1641 du Code civil dispose que : « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

Le vice caché se définit comme le défaut qui existait antérieurement à la vente, que l'acheteur ne pouvait déceler compte tenu de la nature de la chose vendue, et dont il n'a pas eu connaissance au moment de la vente.

En application de l'article 1641 du Code civil, seul le vice rendant le bien impropre à l'usage auquel on le destine, ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur, s'il l'avait connu, n'aurait pas acquis ledit bien à ce prix, justifie la mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés.
Et l'article 1642 du même code ajoute que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même, tandis qu'aux termes de l'article 1643, il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Néanmoins, cette exonération ne s'applique pas lorsque le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, ou s'il est réputé ou s'est comporté comme tel, ou lorsque le vendeur est de mauvaise foi et avait en réalité connaissance des vices cachés.

L'acheteur qui agit contre son vendeur en raison des vices cachés de la chose vendue dispose à son choix de l'action rédhibitoire ou estimatoire.

Aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Il découle, ainsi, de l’application combinée de cet article avec les articles 1641 et suivants du Code civil que pèse sur l’acquéreur la charge de rapporter la preuve de l’existence du vice caché et de ses différents caractères.

Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d’un vice :

- inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,
- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,
- existant antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe,
- n'étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même conformément à l'article 1642 du Code civil.

Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, notamment par le biais d’un rapport d’expertise judiciaire.

A cet égard, il est constant qu'un rapport d'expertise amiable est opposable aux tiers, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

Ce rapport constitue alors un élément de preuve qui pourra être pris en compte dans la mesure où il est corroboré par d'autres pièces, la décision du juge ne pouvant se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une seule des parties.

Enfin, il est constant que l'acheteur d'un bien affecté d'un vice caché qui accepte que le vendeur procède à la remise en état de ce bien ne peut plus invoquer l'action en garantie dès lors que le vice a disparu.

- Sur la caractérisation des vices cachés

En l'espèce, des désordres sont apparus après la vente et ont été constatés au cours d'une expertise amiable contradictoire, à la suite de laquelle la venderesse a fait réaliser, en octobre 2018, des travaux pour remédier à ces désordres.

Pour autant, au cours des opérations d'expertise judiciairement ordonnées réalisées le 9 février 2021, Monsieur [S] [G], expert judiciaire, a relevé l'existence des désordres suivants :
dans l'appartement :des infiltrations d'eau au niveau du seuil de la porte d'entrée,une ventilation non optimale,un taux d'humidité anormal sous les meubles de la cuisine en raison d'une fuite de l'évier de la cuisine et d'une réparation inadaptée,à l'extérieur de l'appartement :d'importantes traces d'humidité sur l'ensemble des façades extérieures de l'immeuble (enduits des façades saturés d'eau, présence de salpêtre, de fissures et de faïençages d'enduit),des remontées capillaires non traitées efficacement,l'absence de barrière d'étanchéité et de drain horizontal et vertical.
L'expert judiciaire précise que « […] les murs extérieurs présentant d'importantes traces d'humidité sont directement en contact avec le bien de Mme [Y] [X]. D'autre part les murs de la cour privative de Mme [Y] [X] présentent également des symptômes importants notamment au niveau des embrasures des portes fenêtres d'accès. ».

Monsieur [S] [G], ès qualités, conclut que « […] les désordres observés sont suffisamment importants pour compromettre la pérennité, la durabilité du bâti et également la salubrité du logement. »

Dès lors, il y a lieu de considérer que l'existence de désordres inhérents à l'immeuble vendu est démontrée.

Ces désordres, en raison de leur importance, étant de nature à compromettre la salubrité du logement, leur gravité est suffisante pour porter atteinte à la destination attendue du bien, à savoir son habitabilité.

Par ailleurs, il convient de relever que le compromis de vente signé entre les parties le 3 novembre 2017 faisait état de travaux réalisés par le vendeur avant la vente, à savoir le ravalement de façades, remplacement des menuiseries, remplacement des volets bois à l'identique et de trois vélux à l'identique, création d'un velux.

Or, des désordres liés à l'humidité ont été constatés, par procès-verbal de constat d'huissier, dès le 25 mai 2018.

Et le rapport d'expertise amiable dressé le 30 octobre 2018 par Monsieur [B] [L], expert missionné par Madame [Y] [X], énonce que :
« Les désordres repris lors de l'intervention de la société GAH IMMOBILIER seront amenés à réapparaître très rapidement.
Plus généralement, il est considéré que la réhabilitation des locaux a partiellement consisté à masquer des désordres préexistants sans prendre la moindre mesure de ces désordres ; aucun traitement de la cause des désordres n'est réputé avoir été entrepris. »

Ce rapport d'expertise, dressé non contradictoirement, ne suffit pas à lui seul à prouver l'antériorité des désordres.

Pour autant, il est constant que la société GAH IMMOBILIER a fait réaliser d'importants travaux de rénovation, portant notamment sur le ravalement de la façade peu avant la vente et l’apparition de désordres importants, liés à des infiltrations peu après la vente n'est pas davantage contestée.

Ainsi, l'ensemble de ces éléments suffisent à rapporter la preuve de l'antériorité de ces désordres à la vente et de leur caractère non apparent, la venderesse ayant, à l'évidence, cherché à les masquer lors de la vente.

En conséquence, l'existence d'un vice caché est démontrée.

- Sur la garantie des vices cachés

La demanderesse rappelle que la société GAH IMMOBILIER est un marchand de bien, de sorte qu'elle a la qualité de professionnel de l'immobilier et ne peut invoquer la clause exonératoire de la garantie des vices cachés prévue au contrat.

La venderesse objecte que le bien n'est pas impropre à sa destination et souligne au reste qu'il a été mis en location par l'acquéresse et qu'il est habité. Elle estime qu'aucune réduction de l'usage du bien n'est davantage démontrée.

Elle s'oppose donc à la demande de réparation de Madame [Y] [X], en l'absence de préjudice. Elle souligne notamment que l'appartement est loué, de sorte que l'acquéresse pourrait tout à fait vivre dans l'immeuble litigieux. Elle s'oppose donc au remboursement des frais de déménagement et des loyers payés, qui résultent d'un choix de la demanderesse.

La SOCIETE GENERALE s'en rapporte quant à la demande d'annulation de la vente.

***
Aux termes de l'article 1644 du code civil, « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. »

Selon l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
Il est constant que le vendeur professionnel est présumé connaître les défauts affectant la chose qu'il vend.

- Sur l'applicabilité de la clause exonératoire de garantie et l'annulation de la vente

En l'espèce, la société GAH IMMOBILIER exerce, selon son extrait Kbis au 11 novembre 2018, l'activité de marchand de biens, de sorte qu'elle a la qualité de professionnel de l'immobilier.

La clause exonératoire de garantie des vices cachés doit par conséquent être écartée.

Madame [Y] [X] est donc fondée à solliciter l'annulation de la vente du 6 février 2018 et la restitution par la venderesse du prix de vente, soit la somme de 183.000 euros.

L'acquéresse est également fondée à solliciter le paiement de la somme de 14.318,85 euros correspondant aux frais de notaire qu'elle justifie avoir supportés lors de la vente.

En conséquence, la société GAH IMMOBILIER sera condamnée à verser à Madame [Y] [X] les sommes de 183.000 euros en restitution du prix de vente et de 14.318,85 euros en remboursement des frais de notaire qu'elle a supportés.

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, et au regard du fait que le courrier recommandé du 1er juin 2018 par lequel le conseil de l'acquéresse invoque l'existence d'un dol et, subsidiairement, de vices cachés ne contient pas une interpellation suffisante pour constituer une mise en demeure, ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018, date de l'assignation.

- Sur la demande de dommages et intérêts

Madame [Y] [X] sollicite le remboursement de ses frais de déménagement à concurrence de 3.000 euros et le remboursement de ses frais de loyers à hauteur de 1.150 euros par mois depuis le mois de septembre 2018.

Toutefois, elle ne justifie pas du bienfondé des sommes réclamées.

En effet et d'une part, elle ne démontre ni avoir déménagé, ni du montant des frais exposés pour les deux déménagements successifs allégués.

D'autre part, elle ne fournit aucun élément justifiant qu'elle s'acquitte d'un loyer de 1.150 euros par mois.

La demande de dommages et intérêts de Mme [Y] [X] sera donc rejetée.

- Sur l'annulation du prêt consenti par la SOCIETE GENERALE et ses conséquences

Madame [Y] [X] explique que l'annulation du contrat de vente entraîne celle du contrat de prêt et qu'elle devra restituer la somme empruntée à la banque, en contrepartie de la restitution des échéances déjà payées et avec compensation des créances entre elles.

La banque objecte que l'annulation de la nullité du prêt est accessoire à celle de la vente. Elle considère que l'anéantissement du prêt entraîne l'exigibilité immédiate de la somme prêtée. Elle s'oppose à la restitution des frais liés aux cotisations d'assurance et à la garantie du prêt, dès lors qu'elle n'en est pas le bénéficiaire.

Dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande d'annulation du prêt, la SOCIETE GENERALE rappelle que le tiers à un contrat peut engager, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la responsabilité du contractant qui n'a pas correctement exécuté son obligation lorsque cette mauvaise exécution lui a causé un dommage.

Elle souligne avoir subi un préjudice en raison de l'anéantissement du prêt et consistant dans la perte des intérêts contractuels et des frais dont elle doit restitution à l'emprunteur, de telle sorte que la société GAH IMMOBILIER doit l'indemniser de sa perte de rémunération et des frais de dossier et de garantie supportés en pure perte.

La société GAH IMMOBILIER ne formule aucune observation sur les demandes de la banque.

***
- Sur l'annulation du contrat de prêt

En application du principe de l' interdépendance des contrats consacré par l'article L. 311-21 alinéa 1er du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi de 1993, devenu l'article L. 311-32 dans sa rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010 puis l'article L 312-55 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

En l'espèce, le prêt souscrit par Madame [Y] [X] auprès de la SOCIETE GENERALE, destiné à financer l'acquisition annulée, est expressément soumis aux dispositions des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation.

En l'occurrence, le contrat de vente étant annulé, le contrat de prêt conclu entre Madame [Y] [X] et la SOCIETE GENERALE doit être annulé.

- Sur les restitutions réciproques

Il résulte des dispositions combinées des articles 1352-6 et 1352-7 du code civil que la restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, lorsque celui qui a reçu cette somme est de bonne foi.

Madame [Y] [X] devra donc restituer à la SOCIETE GENERALE la somme de 139.950,32 euros remise par cette dernière dans le cadre du contrat de prêt mentionné ci-dessus.

Parallèlement, la SOCIETE GENERALE devra restituer à l'emprunteuse l'intégralité des échéances versées.

Les restitutions n'ont lieu qu'entre les parties, de sorte que les demandes de la banque en condamnation de la société GAH IMMOBILIER à se libérer des sommes dues à Madame [Y] [X] directement entre ses mains à concurrence des sommes dues par l’emprunteuse d'une part, et à la garantir du paiement des sommes dues au titre du prêt, d'autre part, seront rejetées.

De plus, les créances deviennent exigibles dès l'anéantissement du contrat de prêt. Dès lors, la demande de l'emprunteuse tendant à voir subordonner la restitution des sommes prêtées au remboursement du prix de vente par la société GAH IMMOBILIER, tout comme la demande de la SOCIETE GENERALE en conservation des intérêts payés par l'emprunteuse jusqu'au remboursement des sommes prêtées, seront rejetées.

Les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la demande, Madame [Y] [X] ayant formulé sa demande aux termes de son assignation délivrée le 26 novembre 2018 et la SOCIETE GENERALE aux termes de ses écritures notifiées par voie électronique le 5 avril 2019.

Il y a lieu d'ordonner la compensation des sommes dues respectivement par l'emprunteuse et par le prêteur entre elles.

- Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SOCIETE GENERALE

Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle lui a causé un dommage.

L'annulation du prêt cause nécessairement à la banque un préjudice en la privant de la rémunération qu'elle pouvait espérer obtenir par l'exécution du contrat.

En l'espèce, il est constant que l'annulation du contrat de prêt est la conséquence directe de l'annulation du contrat de vente en raison de vices cachés.

En conséquence, la demande d'indemnisation dirigée contre le vendeur est fondée en son principe.

Par ailleurs, le prêteur justifie que le montant des intérêts contractuels qu'il devait percevoir s'élève à 20.635,50 euros et qu'il a supporté des frais de dossier de 900 euros.

En conséquence, la société GAH IMMOBILIER sera condamnée à verser à la SOCIETE GENERALE la somme de 21.535,50 euros en réparation de la perte de la rémunération escomptée du prêt annulé.

- Sur les autres demandes

Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société GAH IMMOBILIER, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Elle sera en outre condamnée à verser la somme de 5.000 euros à Madame [Y] [X] et la somme de 1.000 euros à la SOCIETE GENERALE au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera corrélativement déboutée de sa demande de ce chef.

Enfin, il sera rappelé que selon les dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le présent jugement est donc assorti de l'exécution provisoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe,

PRONONCE l'annulation de la vente intervenue le 6 février 2018 entre la SAS GAH IMMOBILIER et Madame [Y] [X] ;

CONDAMNE la SAS GAH IMMOBILIER à payer à Madame [Y] [X] les sommes de :
183.000 euros en restitution du prix de vente,14.318,85 euros au titre des frais de notaire,assorties des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018 et jusqu'à parfait paiement ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par Madame [Y] [X] ;

ORDONNE l'annulation du prêt consenti par la SA SOCIETE GENERALE à Madame [Y] [X] ;

CONDAMNE Madame [Y] [X] à verser à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 139.950,32 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2019, en restitution de la somme prêtée ;

CONDAMNE la SA SOCIETE GENERALE à restituer à Madame [Y] [X] l'intégralité des échéances échues payées, assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2018 ;

ORDONNE la compensation des créances de Madame [Y] [X] et de la SA SOCIETE GENERALE entre elles ;

REJETTE la demande de Madame [Y] [X] tendant à voir subordonner la restitution des sommes prêtées au remboursement du prix de vente par la société GAH IMMOBILIER ;

REJETTE la demande de la SA SOCIETE GENERALE en condamnation de la SAS GAH IMMOBILIER à se libérer des sommes dues à Madame [Y] [X] directement entre ses mains à concurrence des sommes dues par l’emprunteuse ;

REJETTE la demande de la SA SOCIETE GENERALE en condamnation de la SA GAH IMMOBILIER à la garantir du paiement des sommes dues au titre du prêt ;

REJETTE la demande de la SA SOCIETE GENERALE en conservation des intérêts payés par l'emprunteuse jusqu'au remboursement des sommes prêtées ;

CONDAMNE la SAS GAH IMMOBILIER à payer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 21.535;50 euros en réparation de la perte de la rémunération escomptée du prêt annulé ;

CONDAMNE la SAS GAH IMMOBILIER aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SAS GAH IMMOBILIER à payer à Madame [Y] [X] la somme de 5.000 euros et à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit ;

REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires.

Prononcé par Madame LUNVEN, Vice-Présidente, assistée de Madame SOUMAHORO greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 23/00740
Date de la décision : 08/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-08;23.00740 ?
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