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08/03/2024 | FRANCE | N°22/02812

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Deuxième chambre, 08 mars 2024, 22/02812


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 08 MARS 2024

N° RG 22/02812 - N° Portalis DB22-W-B7G-QR36


DEMANDEUR :

Monsieur [Z] [D] [Y] [E], né le 24 mai 1975 à [Localité 5], de nationalité française, exerçant la profession de chef d’entreprise, demeurant [Adresse 2],
représenté par Me Fanny LE BUZULIER, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Marine SAUCIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


DEFENDERESSE :

PROMOTION PICHET, Société par actions simplifiée unip

ersonnelle enregistrée au RCS de Bordeaux sous le n°B 415 235 514 et dont le siège social est sis [Adresse 1], agissan...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 08 MARS 2024

N° RG 22/02812 - N° Portalis DB22-W-B7G-QR36


DEMANDEUR :

Monsieur [Z] [D] [Y] [E], né le 24 mai 1975 à [Localité 5], de nationalité française, exerçant la profession de chef d’entreprise, demeurant [Adresse 2],
représenté par Me Fanny LE BUZULIER, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Marine SAUCIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

PROMOTION PICHET, Société par actions simplifiée unipersonnelle enregistrée au RCS de Bordeaux sous le n°B 415 235 514 et dont le siège social est sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.,
représentée par Me Marie-laure TESTAUD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, La SCP CORNILLE – FOUCHET - MANETTI, Avocats au Barreau de Bordeaux
et de Paris, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 14 Avril 2022 reçu au greffe le 22 Avril 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 10 Octobre 2023, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame RODRIGUES, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l‘article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame SOUMAHORO Greffier, puis l’affaire a été mise en délibéré au 08 Décembre 2023, prorogé au 30 janvier 2023, puis au 08 Mars 2024.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame LUNVEN, Vice-Présidente
Madame RODRIGUES, Vice-Présidente
Madame ANDRIEUX, Juge

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Z] [E] est propriétaire de bâtiments situés [Adresse 2] édifiés sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 3] et [Cadastre 4] d’une contenance totale de 1.383 m².

Par courrier en date du 23 septembre 2019, la société par actions simplifiée unipersonnelle PROMOTION PICHET a adressé une offre d’acquisition portant sur les biens immobiliers précités, dans laquelle il était expressément indiqué que la société PROMOTION PICHET envisageait de réaliser sur les parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 4] classées en zones UB et UC du PLU en vigueur une opération de standing pour environ 1.840 m² de surface de plancher exclusivement en accession à la propriété avec un dépôt de la demande de permis de construire envisagé en décembre 2019 sous réserve d’une signature rapide de la promesse unilatérale de vente.

Cette offre a été acceptée par Monsieur [E] et par acte authentique en date du 7 novembre 2019, les parties ont régularisé une promesse unilatérale de vente au prix de 1.565.000 euros, consentie sous diverses conditions suspensives et expirant le 7 octobre 2020 à 17 heures.

Cette promesse prévoyait une indemnité d’immobilisation de 78.250 euros exigible à défaut de levée d’option d’achat par le bénéficiaire de la promesse alors que toutes les conditions suspensives seraient réalisées.

Au titre des conditions suspensives figurait notamment celle que le bénéficiaire de la promesse obtienne un permis de construire valant permis de démolir exprès, définitif et purgé de tout recours, du droit de retrait administratif et de déféré préfectoral autorisant la démolition des bâtiments existants ainsi que la construction d'un ensemble immobilier collectif composé d'un ou plusieurs bâtiments à usage principal d’habitation, ainsi que les places de stationnement réglementaire y afférentes sur l'assiette foncière constituée sur la parcelle, objet de la promesse, d'une surface minimum de plancher de 1.840 m².

La promesse de vente prévoyait le dépôt de la demande de permis de construire dans les deux mois de sa signature, soit le 7 janvier 2020 au plus tard.

Il était toutefois, prévu, en page 17 de la promesse de vente, une dispense de dépôt de la demande de permis de construire dans le cas où, à la suite de la présentation informelle de l'avant-projet sommaire à la mairie, celle-ci émettait un avis défavorable, de telle sorte que la bénéficiaire de la promesse pourrait, si bon lui semble, renoncer à la poursuite de l'acquisition et serait dispensée de déposer la demande de permis de construire, la condition suspensive étant considérée comme définitivement défaillie.

Préalablement à cette signature, Monsieur [E] a déposé le 27 septembre 2019 en mairie, une demande de permis d’aménager en son nom, afin de tenter de garantir la cristallisation pour 5 ans des droits à construire résultant de la réglementation d’urbanisme applicable à la date de délivrance du permis d’aménager sur les parcelles de terrain qu’il envisageait de vendre.

Par acte notarié en date du 7 janvier 2020, les parties ont régularisé un avenant à la promesse de vente initiale du 7 novembre 2019 pour proroger la date de dépôt de la demande de permis construire au 31 mars 2020 à 16 heures, les autres clauses de la promesse initiale demeurant inchangées.

Lors du conseil communautaire du 16 janvier 2020, le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) a été approuvé pour entrer officiellement en vigueur le 21 février 2020 et a été rendu opposable à compter de cette date à toutes les nouvelles demandes d’autorisation d’urbanisme à instruire.

Or, ce PLUi a eu des conséquences sur le projet de construction de la société PROMOTION PICHET en ce qu'il ne permettait plus que la construction de 20 lots avec 1.090 m² de surface de plancher au lieu de 30 lots avec 1.840 m² de surface de plancher minimum, dont 35 % de logements locatifs sociaux à intégrer au projet, en lieu et place d’un projet exclusivement en accession libre à la propriété.

La demande de permis d’aménager de Monsieur [E] a fait l'objet d'un refus le 23 janvier 2020.

En conséquence, en raison de l'adoption du PLUi et du refus de la demande du permis d'aménager, la société PROMOTION PICHET a fait le choix de ne présenter aucune demande de permis de construire, considérant qu'elle était inévitablement vouée à l'échec.

Par courrier en date du 15 mai 2020, Monsieur [E] a interrogé la société PROMOTION PICHET afin de connaître le sort donné à la promesse de vente.

Par courriel en date du 1er juillet 2020, la société PROMOTION PICHET a indiqué à Monsieur [E] qu’elle étudiait une nouvelle proposition de charge foncière sur son terrain établie sur la constructibilité offerte par le PLUi et selon les rapports des études géotechniques.

Par courrier en date du 5 octobre 2020, la société PROMOTION PICHET a informé Monsieur [E] de la caducité de la promesse de vente en raison de l’impossibilité d’escompter obtenir un permis de construire valant permis de démolir pour une surface de plancher minimum de 1 840 m² en accession libre.


Reprochant à la société PROMOTION PICHET d’avoir eu connaissance de la teneur du PLUi avant la signature de la promesse et de ne pas avoir déposé la demande de permis de construire, Monsieur [E] a réclamé le versement de l’indemnité d’immobilisation, demande à laquelle la société PROMOTION PICHET a refusé de faire droit invoquant la caducité de plein droit de la promesse unilatérale de vente.

Aux termes d'une mise en demeure de son conseil en date du 6 août 2021, Monsieur [E] a réclamé une nouvelle fois le versement de l’indemnité d’immobilisation.

La société PROMOTION PICHET ayant maintenu sa position, Monsieur [E] l'a fait assigner en paiement devant la présente juridiction le 14 avril 2022.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 29 mars 2023, Monsieur [E] demande au tribunal de :

Vu l’adage « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » ;
Vu l’article 1304-3 du Code civil ;
Vu les articles 1103, 1221 et 1231-5 du Code civil ;
Vu l’article 1170 du Code civil ;
Vu l’article 768 du Code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence visée ;
Vu les pièces versées aux débats ;

DECLARER recevable et bien-fondé Monsieur [E] en ses demandes ;

DIRE ET JUGER que la société PROMOTION PICHET avait une parfaite connaissance de l’entrée en vigueur du PLUI du Conseil communautaire du Grand Paris Seine et Oise avant la signature de la promesse unilatérale de vente du 7 novembre 2019 ;

DIRE ET JUGER que la société PROMOTION PICHET a par sa négligence empêché l’accomplissement de la condition suspensive qui était stipulée dans son intérêt exclusif ;

DIRE ET JUGER que le bien de Monsieur [E] a été immobilisé du 7 novembre 2019 au 5 octobre 2020 ;

DIRE ET JUGER que la société PROMOTION PICHET n’a pas motivé, ni en fait ni en droit, sa demande de dommages et intérêts ;

En conséquence,
DECLARER la condition suspensive relative à l’obtention du permis de construire prévue à la promesse de vente, signée entre les parties, accomplie ;

CONDAMNER la société PROMOTION PICHET à verser à Monsieur [E] la somme de 78.250 € correspondant à l’indemnité d’immobilisation prévue à la promesse de vente signée entre les parties, cette somme étant productive d’intérêt à taux légal depuis le 5 octobre 2020 ;

DEBOUTER la société PROMOTION PICHET de toutes ses demandes à l’égard de Monsieur [E] ;

CONDAMNER la société PROMOTION PICHET à verser une somme de 5.000 € à Monsieur [E] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction directe au profit de Maître Fanny LE BUZULIER, avocat au barreau de Versailles, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2023, la société par actions simplifiée unipersonnelle PROMOTION PICHET sollicite de voir :

Vu les articles 1103, 1104, 1113, 1240, 1176, 1186, 1187, 1192, 1304-6 du Code civil,
Vu les articles L 442-14 et R 442-18 c) du Code de l’urbanisme,
Vu les articles 515, 696 et 700 du Code de Procédure Civile,
Vu les jurisprudences visées,
Vu la Promesse de vente authentique en date du 5 février 2019,
Vu les autres pièces versées au débat,

- RECEVOIR l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la Société PROMOTION PICHET.

En conséquence,
- DÉBOUTER Monsieur [E] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- JUGER que la promesse unilatérale de vente notariée conclue le 7 novembre 2019, prorogée par avenant du 7 janvier 2020, est caduque ;

- CONDAMNER Monsieur [E] à verser la somme de 5 000 € à la Société PROMOTION PICHET à titre de dommages-intérêts ;

- CONDAMNER Monsieur [E] à verser la somme de 5 000 € à la Société PROMOTION PICHET au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en sus des dépens ;

- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir, sauf si par impossible il était fait droit aux demandes de Monsieur [E].

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 juin 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 10 octobre 2023 et mise en délibéré au 8 décembre 2023 prorogé au 30 janvier 2024 puis au 8 mars 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que :
- d’une part, en vertu de l’article 768 du Code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion,
- d’autre part, les demandes tendant à voir donner acte ou constater ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, de sorte qu'elles ne donnent pas lieu à statuer.

Sur la caducité de la promesse de vente et le sort de l’indemnité d’immobilisation :

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [E] fait valoir que l’existence du PLUi et son entrée en vigueur prochaine étaient connues de la société PROMOTION PICHET avant même la signature de la promesse du 7 novembre 2019 et de sa prolongation par avenant ; qu'en effet, le PLUi a été voté, le 11 décembre 2018, par le Conseil communautaire du Grand Paris Seine et Oise, information qu'il avait communiqué en toute transparence à la société PROMOTION PICHET, a minima, le 21 septembre 2019.

Il affirme, ainsi, que la société PROMOTION PICHET, qui avait une connaissance parfaite de la situation, a délibérément accepté ce risque, si bien qu'elle ne peut se prévaloir du défaut de réalisation de la condition suspensive relative à l’obtention d’un permis de construire correspondant à son projet.

Il reproche à la société PROMOTION PICHET, alors qu'elle avait parfaitement conscience que le projet qu’elle envisageait était irrémédiablement compromis par l’entrée en vigueur du PLUi, d'avoir signé la promesse devant notaire et de l’avoir prorogée dans les mêmes conditions.

Il souligne que le bien a été immobilisé, a minima, du 7 novembre 2019 au 5 octobre 2020, date à laquelle la société PICHET PROMOTION l'a libéré de ses engagements ; que la promesse prévoit, qu’en pareil cas le bénéficiaire de la promesse serait redevable d’une indemnité d’immobilisation équivalente à 5% du montant du prix de vente soit à la somme de 78.250 euros.

En réplique, la société PROMOTION PICHET fait valoir que la non-réalisation d’une condition suspensive dans le délai imparti par une promesse de vente a pour conséquence la caducité de la promesse, peu important que les formalités prévues au sein de la promesse de vente afin de constater la caducité aient été accomplies ou non ; qu'en l’espèce, la promesse unilatérale de vente comportait notamment la condition suspensive tenant à l'obtention par le bénéficiaire de la promesse d'un permis de construire valant permis de démolir exprès et définitif et purgé de tout recours et du droit de retrait administratif et de déféré préfectoral autorisant la démolition des bâtiments existants ainsi que la construction d'un ensemble immobilier collectif composé d'un ou plusieurs bâtiments à usage principal d’habitation, ainsi que les places de stationnement réglementaire y afférentes sur l'assiette foncière constituée sur la parcelle objet des présentes d'une surface minimum de plancher de MILLE HUIT CENT QUARANTE (1.840,00) m².

Elle souligne, encore, que cette promesse prévoyait que le bénéficiaire serait dispensé de déposer la demande de permis de construire susvisée dans le cas où la Mairie ou toute autre autorité administrative compétente émettrait, à la suite de la présentation de l’avant-projet de construction sommaire, un avis défavorable, étant précisé que la clause relative à cette dispense de dépôt de permis de construire n’était enfermée dans aucun délai.

Elle affirme, encore, qu'il est constant qu'elle n'a pu obtenir un tel permis alors même que la réalisation de la vente et son engagement étaient expressément subordonnés à la possibilité pour elle d’obtenir un permis de construire en vue de la mise en œuvre de l’opération spécifiquement mentionnée dans la promesse de vente; qu'elle n'a commis aucune faute en ce que le projet de construction a pas été refusé parce que le PLUi, postérieur à la signature de la promesse et à celle de l’avenant, ne permet plus la création d’une surface de plancher de 1840 m² en accession libre, contrairement au PLU en vigueur au moment de la signature des actes.

Elle rappelle également qu'il est de jurisprudence constante que le bénéficiaire d’une promesse de vente ne peut être réputé avoir fait volontairement défaillir la condition suspensive d’obtention de permis de construire en ne déposant pas à l’instruction une demande impossible à obtenir.

Elle considère, ainsi, que le non-accomplissement de la condition suspensive relative à l’obtention d’un permis de construire ne lui est pas imputable puisqu'elle n'a pas manqué à l’obligation mise à sa charge par la promesse ; qu'en effet, tant au jour de la signature de la promesse unilatérale de vente qu’à la date de régularisation de l’avenant, les parties étaient dans l’incertitude de la date exacte d’entrée en vigueur des dispositions du PLUi.
A ce propos, elle souligne que les parties s'étaient entendues sur ce que, préalablement à la signature de la promesse, Monsieur [E] dépose le 27 septembre 2019 en mairie, une demande de permis d’aménager en son nom, afin de tenter de garantir la cristallisation pour 5 ans des droits à construire résultant de la réglementation d’urbanisme applicable à la date de délivrance du permis d’aménager sur les parcelles de terrain qu’il envisageait de vendre, conformément aux prévisions de l’article L442-14 du code de l’urbanisme ; qu'en effet, les parties avaient bien conscience que les règles du PLUi en cours d’approbation à la date de la formalisation des accords étaient moins favorables ; qu'eu égard au refus de permis d’aménager opposé à Monsieur [E], il était vain de déposer la demande de permis de construire pour le projet initialement envisagé conçu à l’aune du seul PLU et qui n’intégrait pas les nouvelles contraintes fixées par le PLUi puisque le permis ne pouvait de fait qu’être refusé.

S'agissant de l'indemnité d'immobilisation, la société PROMOTION PICHET rappelle que l’indemnité d’immobilisation est seulement destinée à compenser l'indisponibilité du bien en cas d’absence de levée d’option, et non à assurer l’exécution de la promesse; qu'en aucun cas l’indemnité d’immobilisation prévue à la promesse de vente n’est destinée à sanctionner un manquement du bénéficiaire dans la réalisation de la vente ou à indemniser le promettant du préjudice qu’il prétend subir en raison du défaut d’exécution d’une obligation d’acquérir.

Elle souligne que la condition suspensive stipulée n’étant pas réalisée, sans faute ou négligence de sa part, l’indemnité d’immobilisation lui restera acquise.

***

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Et selon l’article 1104 de ce même code, ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Selon les articles 1188 et suivants du code civil, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes, que les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier, que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et qu'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

Aux termes de l'article 1124 du même code, la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

Ce droit d'option est le plus souvent consenti pour un délai déterminé.

Dans une promesse unilatérale de vente, ce délai de réalisation correspond toujours à un terme extinctif, lequel peut être prorogé d’un commun accord entre les parties.

Ainsi, si à cette date, la vente n'a pas été conclue (ou l'option levée), la promesse de vente sera caduque, même si les conditions suspensives restaient pendantes.

En outre, selon l’article 1304-3 du code civil, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Ainsi, il est de jurisprudence établie que pour échapper à l'application de cet article, il appartient au bénéficiaire de la promesse qui n'a pas effectué la démarche requise d'établir que celle-ci aurait été de toute façon vaine et vouée à l'échec.

L'indemnité d'immobilisation constitue le prix de l'exclusivité consentie au bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente par le promettant qui est seul obligé. Le versement effectué par le bénéficiaire de la promesse représente le prix de l'option, et non une clause pénale qui a pour objet de faire assurer par l'une des parties l'exécution de l'obligation, en fixant une indemnité forfaitaire en cas de violation de celle-ci.

Lorsqu'une indemnité d'immobilisation a été stipulée et que les conditions de sa mise en jeu sont réunies, le juge ne dispose d'aucun pouvoir modérateur. Son versement est automatique, du seul fait de la non levée d'option par le bénéficiaire, et sans que le promettant n'ait à justifier d'un quelconque préjudice

***

En l'espèce, la promesse de vente litigieuse a été rédigée comme suit :

« DUREE ET MODE DE REALISATION DE LA PROMESSE
 
La réalisation de la présente promesse pourra être demandée par le BENEFICIAIRE jusqu'au 07 octobre 2020 à 17h00 inclusivement.
 
Si à cette date, les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte authentique de vente n'étaient pas encore obtenus par le notaire chargé de sa rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé ainsi qu'il est précisé ci-après.
 
Passé ce délai sans que le notaire chargé de dresser l'acte ait reçu, de la part du BENEFICIAIRE, la déclaration d'intention d'acquérir l'immeuble ci-dessus désigné, la présente promesse sera considérée comme caduque, sans que le PROMETTANT ait besoin de faire aucune mise en demeure, ni de remplir aucune formalité judiciaire.
 
Le BENEFICIAIRE pourra lever l'option soit par exploit d'huissier, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit par écrit remis contre récépissé. L'écrit contenant la levée d'option devra être adressé ou remis au notaire et lui parvenir au plus tard le jour d'expiration du délai.

 
Pour être valable, la levée de l'option devra être accompagnée de la consignation par le BENEFICIAIRE entre les mains du notaire chargé de dresser l'acte d'une somme suffisante pour, avec le montant de l'indemnité d'immobilisation et le montant des prêts, le cas échéant, assurer le paiement total du prix et des frais de l'opération, indiquée par ledit notaire, au moyen d'un virement bancaire exclusivement. A défaut de cette consignation, l'option sera considérée comme non levée par le BENEFICIAIRE
 
(…)

CONDITIONS SUSPENSIVES
 
La présente promesse est soumise aux conditions suspensives suivantes ci-après, étant observé que la non réalisation d'une seule de ces conditions entraînera la caducité des présentes sauf dans les hypothèses ci-après où le BENEFICIAIRE pourra renoncer à se prévaloir de celle-ci.
(…)
OBTENTION D'UN PERMIS DE CONSTRUIRE
 
Que le BENEFICIAIRE obtienne un permis de construire valant permis de démolir et définitif purgé de tout recours et du droit de retrait administratif ou déféré préfectoral autorisant la démolition des bâtiments existants ainsi que la construction d'un ensemble immobilier collectif composé d'un ou plusieurs bâtiments à usage principal d'habitation, ainsi que les places de stationnements réglementaires y afférentes sur l'assiette foncière constituée par la parcelle objet des présentes d'une surface minimum de plancher de MILLE HUIT CENT QUARANTE (1.840,00) m2.

(…)

Dispense de dépôt de la demande de permis de construire 

Dans le cas où, à la suite de la présentation, informelle mais néanmoins d'usage, de l'avant-projet sommaire que fera le BENEFICIAIRE à la mairie ou toute autre autorité administrative compétente, cette dernière émettrait à bon droit ou non un avis défavorable audit projet de construction, le BENEFICIAIRE pourra, si bon lui semble, invoquer cette défaveur et renoncer à la poursuivre l'acquisition objet des présentes.
 
Dans une telle occurrence, le BENEFICIAIRE serait dispensé de déposer la demande de permis de construire susvisée et la présente condition suspensive sera considérée comme définitivement défaillie.
 
L'objet de la présente clause est d'éviter pour le BENEFICIAIRE, si bon lui semble, d'exposer des frais inutiles d'architecte et d'études dans le cas où l'autorité administrative aurait émis un avis défavorable avant même tout dépôt de demande de permis de construire.

INDEMNITE FORFAITAIRE D'IMMOBILISATION

En considération de la promesse formelle faite au BENEFICIAIRE par le PROMETTANT, et en contrepartie du préjudice qui pourrait en résulter pour ce dernier, en cas de non signature de la vente par le seul fait du BENEFICIAIRE, dans le délai ci-dessus fixé, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, par suite de la perte qu'il éprouverait du fait de l'obligation dans laquelle il se trouverait de rechercher un nouvel acquéreur, les parties conviennent de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation à la somme de SOIXANTE-DIX-HUIT MILLE DEUX CENT CINQUANTE EUROS (78.250,00 €) représentant 5% du montant du prix de vente objet des présentes.
Le versement de l'indemnité d'immobilisation due au PROMETTANT par le BENEFICIAIRE au cas de non réalisation sera garanti par la remise au plus tard le jour du dépôt de la demande de permis de construire, entre les mains de Maître [F], Notaire soussigné, pour le compte du PROMETTANT, d'un engagement de caution d'un établissement financier, ledit établissement financier devant s'engager par cette caution, en renonçant aux bénéfices de division et de discussion, à verser au PROMETTANT au cas de défaillance du BENEFICIAIRE l'indemnité d'immobilisation.
 
(...)
 
Le sort de l'indemnité d'immobilisation sera le suivant selon les hypothèses ci-après envisagées si elle venait à être versée aux lieu et place de la caution :
a) Elle s'imputera purement et simplement et à due concurrence sur le prix en cas de réalisation de la vente promise.
b) Elle sera restituée purement et simplement au BENEFICIAIRE dans tous les cas où la non réalisation de la vente résulterait de la défaillance de l'une quelconque des conditions suspensives sus-énoncées et auxquelles le BENEFICIAIRE n'aurait pas renoncé.
c) Elle sera versée au PROMETTANT, et lui restera acquise à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible faute par le BENEFICIAIRE ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais ci-dessus, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées.
 
Nature
 
La présente indemnité d'immobilisation ne constitue pas des arrhes, mais le prix forfaitaire de l'indisponibilité du BIEN objet des présentes. En conséquence, le PROMETTANT renonce à se prévaloir des dispositions de l'article 1590 du Code civil.
 (...) ».

Il résulte, par ailleurs, des débats que, suivant acte des 6 et 7 janvier 2020, les parties ont convenu « de proroger jusqu'au 31 mars 2020 la condition suspensive pour le dépôt du permis de construire » les autres clauses de la promesse de vente demeurant inchangées et que, par arrêté municipal du 23 janvier 2020, la demande présentée par Monsieur [Z] [E], en vue d'obtenir l'autorisation de diviser en 2014 à bâtir une parcelle sise [Adresse 2] [Cadastre 4] et [Cadastre 3] d'une superficie totale de 1383 m², a été rejetée.

Il est constant que la condition relative à l'obtention du permis de construire ne s'est pas réalisée, la société PROMOTION PICHET ayant fait le choix de ne pas déposer de demande de permis de construire, soutenant qu'en toute état de cause, eu égard au refus de permis d’aménager opposé à Monsieur [E], le permis de construire pour le projet initialement envisagé, conçu à l’aune du seul PLU et qui n’intégrait pas les nouvelles contraintes fixées par le PLUi, ne pouvait de fait qu’être refusé.

Il est acquis aux débats que l'ensemble des parties avait connaissance, avant la signature de la promesse de vente, à la fois de la date d'entrée en vigueur du PLUi et des conséquences sur l'acceptation du permis de construire qu'entendait obtenir la société PROMOTION PICHET.

Pour autant, il résulte de l'échange des écritures des parties et des pièces qu'elles produisent que, conscient des exigences de la société PROMOTION PICHET quant au nombre et à la nature des logements qu'elle entendait édifier sur la parcelle cédée, Monsieur [E], préalablement à la signature de la promesse de vente litigieuse, avait tenté de cristalliser les droits à construire résultant de la réglementation d’urbanisme antérieure à l'adoption du PLUi, en déposant, en son nom, une demande de permis d’aménager.

Cette commune volonté des parties ressort notamment du courriel adressé par Monsieur [E] à la société PROMOTION PICHET le 21 septembre 2019, dans lequel il indiquait :

« Pour votre information, Mme [J], responsable du service urbanisme, m'a confirmé qu'un CUO ne garantissait plus les droits à construire contrairement à un permis d'aménager (division en zone ABF) avec nécessité de réaliser les travaux (s'il y en a) avant janvier date d'entrée en vigueur du PLUI. Sous cette condition, il y a cristallisation des droits à construire pour 5 ans. ».

Ce faisant, Monsieur [E] ne peut valablement soutenir que la société PROMOTION PICHET ne saurait invoquer la modification du PLU comme cause de la défaillance de la condition suspensive.

Il apparaît, en effet, que l'obtention du permis de construire a été érigée en condition suspensive en considération de l'espoir de faire prévaloir les dispositions du PLU sur celles du PLUi nouvellement adopté.
Or, la demande de permis d'aménager ayant fait l'objet d'un refus du maire de Conflans Saint Honorine le 23 janvier 2020, la société PROMOTION PICHET était contrainte d'inscrire son projet de construction dans les prescriptions du PLUi et ce, alors même qu'il n'est pas contestable, ni contesté d'ailleurs par Monsieur [E], que ces prescriptions bouleversaient en profondeur l'économie du projet précisément décrit dans la promesse de vente, au risque de compromettre sa rentabilité.

En outre, compte tenu de l'adoption de ce PLUi, la présentation d'une demande de permis de construire correspondant au projet décrit dans la promesse de vente était, à l'évidence, parfaitement illusoire en ce qu'au regard des dispositions administratives en vigueur, elle était nécessairement vouée à être refusée.

Il s'ensuit que la condition suspensive est défaillie pour une cause qui n'est pas imputable à la société PROMOTION PICHET.

La défaillance de la condition suspensive ayant entraîné la caducité de la promesse unilatérale de vente, en l'absence de faute de la société PROMOTION PICHET, Monsieur [E] doit être débouté de sa demande de condamnation de la bénéficiaire de la promesse au paiement de l'indemnité d'immobilisation.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

La société PROMOTION PICHET, invoquant la mauvaise foi de Monsieur [E] et de son comportement, sollicite la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.

En défense, Monsieur [E] reproche à la société PROMOTION PICHET de ne pas fonder et de ne pas motiver sa demande alors que l’article 768 du code de procédure civile impose que les prétentions des parties doivent être exposées en fait et en droit, de telle sorte qu'elle sera déboutée de sa demande.
***
Il résulte de l'article 768 du code de procédure civile que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Toutefois, aucune sanction n'est expressément prévue en cas de non-respect de ces dispositions.

Au demeurant, et en tout état de cause, il est constant qu'aux termes de l'article 12 du même code, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En l'espèce, quand bien même la société PROMOTION PICHET n'a pas précisé le fondement textuel de sa demande de dommages et intérêts, il apparaît qu'à l'évidence, elle reproche à Monsieur [E] d'avoir introduit la présente instance en faisant preuve, selon elle, de mauvaise foi.

Or, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, outre le fait que la mauvaise foi de Monsieur [E] n'est nullement démontrée, la seule faute pouvant objectivement lui être reprochée est d'avoir effectué une appréciation inexacte de ses droits.
Cette faute étant en soi insusceptible de fonder une demande de dommages et intérêts, la société PROMOTION PICHET doit être déboutée de ce chef de prétention.

Sur les autres demandes :

Il y a lieu de condamner Monsieur [E], qui succombe aux dépens.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Au regard des faits de l'espèce, il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu'elle a pu engager dans la présente instance.

Enfin, il convient de rappeler que selon les dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le présent jugement est donc assorti de l'exécution provisoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

- REJETTE l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [Z] [E] ;

- REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par la société par actions simplifiée unipersonnelle PROMOTION PICHET ;

- CONDAMNE Monsieur [Z] [E] aux dépens de l’instance ;

- DIT n'y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

- RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

REJETTE le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Prononcé par Madame LUNVEN, Vice-Présidente, assistée de Madame SOUMAHORO greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22/02812
Date de la décision : 08/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-08;22.02812 ?
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