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02/09/2024 | FRANCE | N°23/03143

France | France, Tribunal judiciaire de Valenciennes, Première chambre, 02 septembre 2024, 23/03143


N° RG 23/03143 - N° Portalis DBZT-W-B7H-GDGX

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES


PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 23/03143 - N° Portalis DBZT-W-B7H-GDGX
N° minute : 24/181
Code NAC : 88D
LG/AFB


LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE


DEMANDERESSE

[4] DU [Localité 5], établissement public, dont le siège se situe [Adresse 2], pris en la personne de son représentant légal
représenté par Maître Stéphane DOMINGUEZ de la SCP TRUSSANT-DOMINGUEZ, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats postulants, Maître Antoine

PAVEAU, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant

DÉFENDEUR

M. [T] [M]
né le 06 Juillet 1971 à [Localité 7], demeu...

N° RG 23/03143 - N° Portalis DBZT-W-B7H-GDGX

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES

PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 23/03143 - N° Portalis DBZT-W-B7H-GDGX
N° minute : 24/181
Code NAC : 88D
LG/AFB

LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDERESSE

[4] DU [Localité 5], établissement public, dont le siège se situe [Adresse 2], pris en la personne de son représentant légal
représenté par Maître Stéphane DOMINGUEZ de la SCP TRUSSANT-DOMINGUEZ, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats postulants, Maître Antoine PAVEAU, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant

DÉFENDEUR

M. [T] [M]
né le 06 Juillet 1971 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]
n’ayant pas constitué avocat

* * *

Jugement réputé contradictoire, les parties étant avisées que le jugement sera prononcé le 04 Juillet 2024 prorogé à la date de ce jour, par mise à disposition au greffe, et en premier ressort par Madame Leïla GOUTAS, Première Vice-Président, en présence de Monsieur François MILLET, Auditeur de Justice, et assistée de Madame Sophie DELVALLEE, Greffier.

Débats tenus à l'audience publique du 28 Mars 2024 devant Madame Leïla GOUTAS, Première Vice-Présidente qui en a fait rapport et en a rendu compte au Tribunal en cours de délibéré, conformément aux dispositions des articles 785 et 786 du Code de Procédure Civile, les avocats ne s'y étant pas opposés,
assisté(e) de Madame Madame Sophie DELVALLEE, Greffier.

Composition du Tribunal lors du délibéré

- Madame Leïla GOUTAS, Première Vice-Présidente,
- Madame Nathalie REGULA, Magistrat à titre temporaire.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [T] [M] et Madame [B] [P] ont contracté mariage, le 7 novembre 1997, par devant l’officier d’état civil de la commune de [Localité 6].
De leur union sont issus deux enfants :
[J], née le 15 janvier 1998, [W], née le 19 novembre 2001.Le couple s’est séparé et leur divorce par consentement mutuel a été prononcé par jugement du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg en date du 3 février 2011.
Cette décision stipulait que Monsieur [T] [M] devait verser la somme de 1 000 euros jusqu'au mois du prononcé du divorce inclus, puis 600 euros par la suite, à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants.
Monsieur [T] [M] a par la suite déménagé sur la commune d’[Localité 3], Madame [B] [P] est quant à elle restée vivre au [Localité 5] avec ses filles.
Monsieur [T] [M] ne s'acquittant pas régulièrement de la pension alimentaire mise à sa charge, Madame [B] [P] a, le 24 juillet 2012, comme la loi luxembourgeoise du 26 juillet 1980 le permet, saisi le [4] du [Localité 5] (établissement public chargé de servir différentes prestations sociales et les avances sur pensions alimentaires) d'une demande d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires impayées par son ex-époux.
Dans ce cadre, l’établissement a consenti à Madame [B] [P] une prise en charge directe de la pension alimentaire, ce, de façon rétroactive.
Subrogé dans les droits de cette dernière, le [4] du [Localité 5] a entrepris, en parallèle, une procédure de recouvrement à l'encontre de Monsieur [T] [M].
Après une mise en demeure en date du 15 février 2023 adressée à Monsieur [T] [M] et demeurée infructueuse, le [4] du [Localité 5] a, par acte de commissaire de justice en date du 23 octobre 2023, attrait Monsieur [T] [M] devant le Tribunal Judiciaire de VALENCIENNES.
Il demande au tribunal de :
Condamner Monsieur [T] [M] à lui payer la somme de 80 394,17 euros au titre de la subrogation légale, en remboursement des sommes versées ;Dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 février 2023, date de la mise en demeure ; Condamner Monsieur [T] [M] à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les frais et dépens de l’instance.Au soutien de ses prétentions, il expose que la juridiction doit ici appliquer la loi luxembourgeoise du 26 juillet 1980, ce, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui désigne la législation nationale de l’état membre auquel appartient l’organisme payeur, comme régissant les règles en matière de prescription ou de répétition de l’indu.
Il précise que sa demande en paiement n’encourt pas la prescription puisque l'article 2262 du Code Civil luxembourgeois fixe un délai à trente ans pour agir. Se référant aux articles 1 et 5 de la loi Luxembourgeoise du 26 juillet 1980, il rappelle qu’étant subrogé dans les droits de Madame [B] [P] pour les sommes avancées au titre de la pension alimentaire, il est dès lors légitime dans son action en paiement. A ce titre, il précise que Monsieur [T] [M] qui a effectué un seul versement de 50 euros, reste redevable de la somme de 73 131,06 euros en principal, ladite somme devant être majorée de 10 % conformément à l'article 9 de la même loi, ce qui vient porter sa créance à la somme totale de 80 394,17 euros après déduction du règlement partiel effectué.
Il demande enfin à ce que soit appliqué les intérêts au taux légal à la créance réclamée, ce, à compter du 15 février 2023, date du courrier de mise en demeure adressé à Monsieur [T] [M].

Régulièrement assigné, Monsieur [T] [M] n’a pas constitué avocat.
En application des dispositions de l'article 473 du code de procédure civile, le présent jugement sera réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024 pour fixation de l’affaire à l’audience du 28 mars 2024.
La décision sera mise en délibéré au 04 Juillet 2024, prorogée au 02 septembre 2024 en raison de la charge de travail du magistrat en charge du dossier.

DISCUSSION :
En application de l’article 472 du Code de Procédure Civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la compétence juridictionnelle :
Conformément à l'article 3 du Règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008, relatif aux obligations alimentaires au sein de l'Union européenne, le demandeur a la possibilité de saisir soit la juridiction du lieu de résidence habituelle du défendeur, soit celle du lieu de résidence habituelle du créancier.
En l’espèce, le litige oppose le [4] du [Localité 5], agissant en subrogation des droits de Madame [B] [P], à Monsieur [T] [M], débiteur résidant en France.
Dès lors, le [4] peut choisir de saisir les juridictions françaises (résidence du débiteur) ou les juridictions luxembourgeoises (résidence du créancier).
Le [4] ayant opté pour la saisine du Tribunal Judiciaire de VALENCIENNES, il conviendra de dire que celui-ci est compétent, étant donné qu'il se situe dans le ressort de la résidence habituelle du créancier.
Sur le droit applicable :
Conformément à l'article 3 du Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 relatif à la loi applicable aux obligations alimentaires, en vigueur au sein de l'Union européenne, c'est généralement la loi de l'État de la résidence habituelle du créancier qui s'applique.
En outre, l'article 4 de ce même Protocole prévoit que si le créancier ne peut obtenir satisfaction selon la loi de son État de résidence habituelle, la loi de l'État de résidence habituelle du débiteur peut alors être appliquée.
Par ailleurs, selon l'article 7 du Protocole, les parties ont la possibilité de choisir la loi applicable sous certaines conditions.
De surcroît, l'article 10 du Protocole de La Haye de 2007 stipule qu'en cas de subrogation, la personne ayant acquitté la dette à la place du créancier peut exercer les droits du créancier initial. La loi applicable reste celle qui régissait l'obligation alimentaire entre le créancier initial et le débiteur.
En l’espèce, le [4] agit en qualité de subrogé des droits de Madame [B] [P].
Résidant au Luxembourg, Madame [P] est concernée par un jugement de divorce du 3 février 2011 prononcé par le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg, lequel fixait les obligations alimentaires de Monsieur [T] [M] envers ses enfants.
En application de l'article 10 du Protocole de La Haye, la loi luxembourgeoise, régissant l’obligation alimentaire initiale, reste applicable.
Par conséquent, le litige sera tranché conformément aux dispositions du droit luxembourgeois.

Sur la recevabilité de la demande en paiement au regard de la prescription :
En application de l’article 2262 du Code Civil luxembourgeois, les actions en recouvrement des créances alimentaires sont soumises à un délai de prescription de trente ans. Ce délai commence à courir à partir du moment où le créancier aurait pu raisonnablement demander le paiement de la créance, c’est-à-dire lorsque la créance devient exigible.
En l’espèce, les créances alimentaires ont été établies par un jugement de divorce en date du 3 février 2011. Madame [B] [P] a sollicité le [4] du [Localité 5] le 24 juillet 2012 pour des impayés de pension alimentaire à compter de février 2012. La demande de recouvrement a été formée par le [4] en 2023, d’abord par une mise en demeure en date du 15 février, suivie d’un acte de commissaire de justice en octobre de la même année.
Il est donc établi que le délai de prescription de trente ans n'est pas encore écoulé.
Par conséquent, en application de la législation luxembourgeoise, il convient déclarer recevable la demande de recouvrement présentée par le [4].

Sur le bien fondé de la demande en paiement  :
En application de l’article 1 de la loi du 26 juillet 1980 concernant l'avance et le recouvrement de pensions alimentaires par le [4], « Toute pension alimentaire due à un conjoint, un ascendant ou un descendant est payée, sur demande, au créancier qui remplit les conditions prévues à l'article 2, par le [4], désigné ci-après le Fonds, et recouvrée par celui-ci ».
En outre, en application de l’article 5 de la loi précitée, « Pour les sommes qu'il doit recouvrer, le Fonds est subrogé dans les actions et garanties dont dispose le créancier pour le recouvrement de sa pension alimentaire ».
Enfin, l’article 9 de la même loi prévoit que « Le montant des sommes à recouvrer est majoré de dix pour cent au profit du Fonds à titre de frais de recouvrement. Les frais de poursuite sont mis à charge du débiteur ».
En l’espèce, la créance du [4] du [Localité 5] à l’égard de Monsieur [T] [M] est établie dans son principe et dans son quantum au regard des pièces transmises à savoir le jugement en date du 3 février 2011 fixant le montant de la pension alimentaire, la demande d’avance et de recouvrement déposée par Madame [P] le 20 juillet 2012, le courrier adressé par le [4] du Luxembourg à la requérante faisant état de l’acceptation de sa demande de prise en charge à effet au 1 février 2012, les différentes lettres de réclamation adressées à Monsieur [T] [M], la reconnaissance de dette émanant du débiteur proposant de verser 100 euros par mois et mentionnant une baisse significative de ses revenus en France, un décompte détaillé des sommes restant à lui devoir arrêté au 12 juin 2023 faisant ressortir sur un montant total de 80 394,17 euros d’impayés ( incluant la majoration de 10%) et mentionnant un versement de 50 euros effectué le 2 mars 2022.
En conséquence, au vu de ces éléments, il conviendra de condamner Monsieur [T] [M] à régler au [4] du [Localité 5], soit la somme totale de 80 394,17 euros.

Sur l’intérêt au taux légal :
En application de l’article 12 de la loi luxembourgeoise du 26 juillet 1980, les créances alimentaires impayées sont majorées d'un intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.
Cette disposition législative vise à compenser le créancier pour le retard dans le paiement des pensions alimentaires, par la majoration de la somme par des intérêts calculés au taux légal tel qu’applicable au Luxembourg.
En l’espèce, le [4] du [Localité 5], agissant en subrogation des droits de Madame [B] [P], justifie avoir adressé le 15 février 2023, une mise en demeure à Monsieur [T] [M], laquelle n’a pas été suivi d’effets.
Il conviendra dès lors de faire courir les intérêts légaux à compter de cette date.
Sur les dépens :
Aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, “La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie”.
Monsieur [T] [M] succombant à l’instance, sera condamné aux entiers frais et dépens de l’instance.
Sur les frais irrépétibles :
En application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Le [4] du [Localité 5] a dû exposer des frais d’avocat pour faire valoir ses droits de sorte que Monsieur [T] [M] sera condamné à lui régler une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article précité.
Sur l’exécution provisoire :
Conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile issues du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, il convient de rappeler que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
En la cause, aucun élément ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire , en premier ressort , par décision mise à disposition au greffe.

SE DÉCLARE compétent pour connaître du présent litige conformément à l'article 3 du Règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 ;

DIT que le droit applicable en l'espèce est le droit luxembourgeois, en application de l'article 10 du Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 ;

DÉCLARE la demande de recouvrement effectuée par le [4] du [Localité 5], établissement public dont le siège se situe [Adresse 2] à [Localité 6], recevable ;

CONDAMNE Monsieur [T] [M], à payer au [4] du [Localité 5], subrogé dans les droits de Madame [B] [P], la somme de 80 394,17 euros correspondant au montant des pensions alimentaires avancées et non remboursées depuis le 1er février 2012 , ce, avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2023, en application de l'article 12 de la loi luxembourgeoise du 26 juillet 1980 ;

CONDAMNE Monsieur [T] [M] aux frais et dépens de la présente instance ;

CONDAMNE Monsieur [T] [M] à payer au [4] du [Localité 5] la somme de 2 500 euros, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit ;

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Valenciennes
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23/03143
Date de la décision : 02/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-02;23.03143 ?
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