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25/07/2024 | FRANCE | N°22/01375

France | France, Tribunal judiciaire de Valenciennes, Première chambre, 25 juillet 2024, 22/01375


RG : N° RG 22/01375 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYGD

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES


PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 22/01375 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYGD
N° minute : 24/163
Code NAC : 50D
FG/SD


LE VINGT CINQ JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE


DEMANDEURS

M. [U] [G]
né le 22 Septembre 1980 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]
représenté par Maître Julie CAMBIER de la SCP LEMAIRE - MORAS & ASSOCIES, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant


Mme [V] [Y] épouse [G]
née le 14 Août 1981 à

[Localité 2], demeurant [Adresse 6]
représentée par Maître Julie CAMBIER de la SCP LEMAIRE - MORAS & ASSOCIES, avocats au barreau d...

RG : N° RG 22/01375 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYGD

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES

PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 22/01375 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYGD
N° minute : 24/163
Code NAC : 50D
FG/SD

LE VINGT CINQ JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDEURS

M. [U] [G]
né le 22 Septembre 1980 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]
représenté par Maître Julie CAMBIER de la SCP LEMAIRE - MORAS & ASSOCIES, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

Mme [V] [Y] épouse [G]
née le 14 Août 1981 à [Localité 2], demeurant [Adresse 6]
représentée par Maître Julie CAMBIER de la SCP LEMAIRE - MORAS & ASSOCIES, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

DEFENDERESSE

Mme [R] [N]
née le 04 Janvier 1957 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pierre-Jean COQUELET, avocat au barreau de VALENCIENNES, avocat plaidant

* * *

Jugement contradictoire, les parties étant avisées que le jugement sera prononcé le 25 juillet 2024 par mise à disposition au greffe, et en premier ressort par Madame Flore GOURCEROL, juge placée, affectée au tribunal judiciaire de Valenciennes par ordonnance du premier président de la cour d’appel de Douai en date du 19 décembre 2023, assistée de Madame Sophie DELVALLEE, greffier

Débats tenus à l'audience publique du 13 Juin 2024 devant Madame GOURCEROL qui en a fait rapport et en a rendu compte au Tribunal en cours de délibéré, conformément aux dispositions des articles 785 et 786 du Code de Procédure Civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, assistée de Madame DELVALLEE, greffier

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Composition du Tribunal lors du délibéré

- Madame GOURCEROL, juge placée,
- Madame REGULA, magistrat à titre temporaire,

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique en date du 10 juillet 2019, reçu par Maître [A] [S] [Z], notaire à [Localité 3], Monsieur [U] [G] et Madame [V] [Y] épouse [G] ont acquis une maison à usage d’habitation situé [Adresse 6] à [Localité 5], auprès de Madame [R] [N], ce, moyennant la somme de 675 000 euros.

S’agissant du gros œuvre, cette maison a été édifiée courant 2009 – 2010, sous la maîtrise d’œuvre de Madame [N], par la société France BATIMENT SARL dont le gérant, Monsieur [F], était le concubin de Madame [N]. Cette société a été liquidée en raison d’insuffisance d’actif le 26 juillet 2015 par le Tribunal de Commerce de Valenciennes.

A la suite de leur emménagement, les époux [G] ont fait état de désordres affectant la maison, leurs dépendances et les extérieurs, qu’ils ont fait constater par huissiers de justice.

Par exploit d’huissier en date du 13 décembre 2019, Monsieur et Madame [G] ont assigné Madame [N] devant le juge des référés près le tribunal judiciaire de Valenciennes aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Suivant ordonnance du 7 juillet 2020, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise et a désigné Monsieur [C] [M], ès qualité.

Par exploit délivré le 21 août 2020, Monsieur et Madame [G] ont assigné Madame [N] devant le tribunal judiciaire de Valenciennes.

Le juge de la mise en état, suivant ordonnance du 14 octobre 2021, statuant sur incident, a ordonné le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise de l’expert judiciaire.

Monsieur [C] [M] a procédé aux opérations d’expertise et a déposé son rapport le 16 novembre 2021.

Monsieur et Madame [G] ont sollicité, par conclusions notifiées par RPVA le 16 mai 2022, la réinscription au rôle de leur affaire les opposant à Madame [N].

Par ordonnance du 14 mars 2024, la juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et l’affaire a été fixée à l’audience du 13 juin 2024.

Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées par RPVA le 24 août 2023, les époux [G] sollicitent du tribunal, à titre principal, de dire que l’immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 5] est affecté de vices cachés et en conséquence :
Condamner Madame [N] à leur payer la somme de 100 387,27 € à titre de restitution d’une partie du prix de la vente, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019, date de l’acte authentique, intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;Condamner Madame [N] à leur payer la somme de 15 000 € à titre de préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019, date de l’acte authentique, intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;Condamner Madame [N] à leur payer la somme de 10 000 € à titre de préjudice de jouissance complémentaire, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019, date de l’acte authentique, intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;A titre subsidiaire,
Condamner Madame [N] à leur payer la somme de 100 387,27 € concernant les désordres par eux constatés, avec indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction, outre les travaux de reprise supplémentaire découverts au cours de la présente procédure ;Condamner Madame [N] à leur payer la somme de 15 000 € à titre de préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019, date de l’acte authentique, intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;Condamner Madame [N] à leur payer la somme de 10 000 € à titre de préjudice de jouissance complémentaire, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019, date de l’acte authentique, intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;En tout état de cause,
Condamner Madame [N] à leur payer la somme de 10 000 € à titre de réparation du préjudice relatif au manquement à son obligation d’information ;Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;Condamner Madame [N] à leur payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.Condamner Madame [N] au paiement des entiers frais et dépens de l’instance, qui comprendront notamment le coût de l’expertise (9734,63 €) et le coût des quatre constats d’huissiers, dont distraction au profit de la SCP LEMAIRE & MORAS, avocats aux offres de droit.
Au soutien de leurs demandes, Monsieur et Madame [G] font valoir, sur le fondement des articles 1641, 1643 et 1648 du code civil, que la maison acquise est affectée de vices cachés, en ce qu’ils ont pu constater de nombreux désordres dès leur emménagement, lesquels résultent de malfaçons en construction comme en aménagement. Ils soutiennent que la maison ayant moins de 10 ans, ils ne pouvaient suspecter l’existence de désordres affectant ce bien et nécessitant qu’ils mandatent des professionnels pour

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des investigations particulières ; qu’à ce titre, les visites qu’ils ont pu réaliser avaient pour seul but de découvrir le bien et que celles où ils étaient accompagnés de professionnels étaient en vue de travaux envisagés, et non pour vérifier l’état du bien et l’éventuelle présence de désordres apparents ou non. Ils allèguent en outre que Madame [N] ne pouvait ignorer l’existence de ces malfaçons puisque de multiples réparations sommaires avaient été réalisées et que des aménagements avaient été mis en place pour masquer les conséquences des infiltrations d’eau ; que la circonstance qu’elle n’a réalisé aucune déclaration de sinistre ne peut venir corroborer l’absence de désordres pendant le temps où elle habitait cet immeuble, car il apparaît clairement que des réparations ont été faites par leur soin, le conjoint de Madame [N] étant un professionnel du bâtiment. Les acquéreurs estiment que ce faisant, elle a été défaillante en son obligation d’information et, de fait de parfaite mauvaise foi en raison de sa connaissance des désordres affectant le bien. Ils concluent qu’il existe des vices cachés d’une importante gravité existants lors de la vente et portant atteinte à l’usage normal du bien, générant nécessairement un préjudice de jouissance, à hauteur du coût estimé des travaux outre les préjudices de jouissance en découlant.

A défaut de reconnaissance de vices cachés, les époux [G] soutiennent, sur le fondement de l’article 1792 du code civil, que ces désordres résultant de malfaçons devront être pris en charge par Madame [N], défaillante en son obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage, charge à elle d’exercer tout recours à l’encontre des assureurs en garantie décennale des entreprises ayant réalisés les travaux à reprendre.

Les acquéreurs invoquent, enfin et en tout état de cause, qu’en ne révélant pas les désordres dont elle avait nécessairement connaissance et en ne fournissant pas, lors de la vente, toutes les informations relatives aux travaux réalisés, notamment s’agissant de l’installation des panneaux solaires, Madame [N] a manqué à l’obligation d’information qui lui incombait et qu’en conséquence, ils ont subi une perte de chance de conclure un contrat à meilleur prix.

Suivant conclusions régulièrement notifiées par RPVA le 08 mars 2024, Madame [N] demande au tribunal de :
Débouter les époux [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;Reconventionnellement,
les condamner au paiement d’une indemnité de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.dire et juger que l’exécution provisoire de droit est incompatible avec la nature de l’affaire ;les condamner aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d’expertise.
Pour sa part, elle fait valoir, en réponse à la demande principale, que, si désordres il y avait, les acheteurs ont nécessairement pu constater leur existence avant la vente s’agissant du bâtiment piscine et de l’extérieur au regard de leurs multiples visites, certaines en présence de professionnels du bâtiment qui, selon la défenderesse, ne pouvaient passer outre de quelconque désordre. De même, les réparations effectuées par endroit étaient totalement visibles des acheteurs comme des professionnels qui les assistaient. S’agissant des désordres allégués liés aux infiltrations d’eau dans le hall d’entrée, Madame [N] estime que ce sont les tests effectués lors des opérations d’expertise, notamment l’utilisation d’un surpresseur pour déverser de l’eau en toiture, qui ont généré des dommages et engendrés ces infiltrations et dégâts des eaux, de sorte qu’ils ne peuvent lui être imputés. De même s’agissant de l’affaissement de sol extérieur, elle considère que ce sont les travaux engagés par les époux [G] dans cette zone et notamment l’utilisation d’engins générant de fortes vibrations qui ont causé les affaissements. Elle ajoute que l’affaissement ne concerne qu’une infime zone. Elle reproche également à l’expert d’avoir réalisé des sondages destructifs créant, de fait, des désordres d’ordre matériel que les époux [G] tentent de lui faire prendre en charge. Par ailleurs, elle conteste le résultat de l’expertise judiciaire considérant que l’expert judiciaire a été partial dans son étude et ses conclusions et n’a pas intégré les remarques et explications qu’elle pouvait fournir. Elle conclut que c’est en toute connaissance de cause que les époux [G] ont validé leur décision d’acheter le bien et que la garantie des vices cachés est donc inopérante, considérant en outre qu’aucun préjudice de jouissance n’est à leur allouer.

S’agissant du subsidiaire, elle s’oppose aux motivations des époux [G] s’agissant de la garantie dommages-ouvrage et des garanties décennales des artisans et entreprises étant intervenues sur le chantier considérant qu’en sa qualité de maître d’ouvrage, et non de constructeur de l’ouvrage, il ne lui revient pas de garantir les potentiels sinistres survenant pendant les 10 ans post réception des travaux. Elle précise également que ces garanties ne peuvent être mises en jeu puisque l’expert judiciaire indique lui-même que les désordres constatés n’altèrent pas la solidité de l’immeuble ni ne le rende impropre à sa destination.

En réponse à la demande fondée de l’obligation d’information, la défenderesse fait valoir qu’aucune faute ne peut lui être reprochée, les travaux concernant les panneaux solaires ayant été réceptionnés en 2009, période à laquelle elle pouvait légitiment ignorer que se poserait un jour un litige sur cette date de réception.

A l’audience du 13 juin 2024, la décision a été mise en délibéré au 25 juillet 2024.

SUR CE :

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Sur la demande en garantie des vices cachés

L’article 1625 du code civil dispose que « la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires ».

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Aux termes de l’article 1641 du même code, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
L’article 1642 du code civil ajoute que « le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ».
L’article 1643 précise que « il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. »

La mise en œuvre de la garantie des vices cachés suppose la réunion cumulative de plusieurs conditions : le défaut doit être inhérent à la chose vendue, antérieur à la vente, caché de l’acquéreur, et suffisamment grave pour compromettre l’usage ou la solidité de la chose acquise à cet effet.

L'action en garantie des vices cachés ouvre droit, pour l'acquéreur soit de solliciter la remise de la chose moyennant restitution de son prix, soit de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

En l’espèce, il est constant que, suivant acte authentique régularisé le 10 juillet 2019, Monsieur et Madame [G] ont acquis un bien d’habitation appartenant à Madame [R] [N] situé à [Adresse 6].

Sur l’existence de vices cachés

Monsieur et Madame [G] ont emménagé le 27 juillet 2019.
Dès leur emménagement, ils indiquent avoir fait le constat de nombreux désordres affectant le bien récemment acquis, notamment une infiltration d’eau au niveau du hall d’entrée et une autre dans l’espace de la piscine couverte.

Plusieurs constats d’huissier, établis à la demande des époux [G] les 31 juillet, 24 octobre, 13 décembre 2019 et 21 février 2020, mettent en évidence des désordres en plusieurs endroits (piscine, hall d’entrée, façade, 1er étage, extérieur) affectant leur bien.
Ces désordres sont de deux ordres :
Infiltrations d’eau et présence d’humiditéAffaissement de terrain en partie avant de la maison.
L’expert judiciaire mandaté aux fins d’expertise s’est rendu sur les lieux le 17 novembre 2020, les 20 avril et 28 juin 2021. Durant ces opérations, il a missionné plusieurs entreprises afin d’effectuer les tests et sondages nécessaires.

Sur ce, au terme de son rapport déposé le 16 novembre 2021, l'expert judiciaire conclut à l'existence d'un défaut d'étanchéité de la toiture de la piscine couverte et de la toiture en surplomb du hall d'entrée de l'habitation, faisant état d’infiltrations d’eau de pluie générant des dégâts dans l’isolation des murs, sur les placoplâtres, les matériaux de décoration.

Il estime que ces deux infiltrations d'eau sont la conséquence de malfaçons lors de la réalisation initiale des toitures, skydomes et gouttières ainsi que lors de la mise en place d’aménagements en toiture tels la pose de panneaux photovoltaïques et d’une parabole sur le toit terrasse de la piscine.

L'expert indique qu'en l'état de ses investigations, « ces désordres ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage mais nuisent à son utilisation, en particulier dans le hall de la maison et dans le bâtiment piscine », la réfection intégrale de la toiture de la piscine couverte étant nécessaire, de même que le colmatage des voies d’infiltrations de l’eau de pluie via les gouttières ou les interstices apparus par les mouvements de terrain extérieur.

Il existe donc des vices inhérents à la chose vendue.

S’agissant de l’infiltration au niveau du hall d’entrée, l’argument de Madame [N] selon lequel ce serait les opérations de test réalisées par l’expert et le sapiteur EUROFUITE DETECTION qui auraient causé les dommages en toiture en utilisant un surpresseur et non un simple tuyau d’arrosage, est inopérant. En effet, d’une part, elle ne démontre pas que c’est un tel outil qui a été utilisé alors que les pièces annexées au rapport d’expertise concourent elles à l’absence d’utilisation d’un surpresseur ; d’autre part, la 1ère infiltration est apparue le 27 juillet 2019 lors de l’emménagement des époux [G], ce qui a été constaté par Me [B] le 31 juillet 2019 lors de sa visite.

De même, l’argumentaire de la nécessité de reprendre le carrelage mural du bâtiment piscine comme des pavés extérieurs en raison des sondages destructifs opérés par l’expert judiciaire n’est pas plus opposable par Madame [N], ces opérations ayant en effet été rendues nécessaires pour confirmer l’existence des désordres, leur cause, leur ampleur et leur étendue et que les désordres préexistaient lors de la vente.

Il est donc inexact de conclure que les désordres constatés sont apparus du fait des opérations d’expertise. Leur ampleur et leur date d’apparition pour les acquéreurs démontrent au contraire, qu’ils préexistaient à la vente.

S’agissant de la question de savoir s’ils étaient connus des acquéreurs avant la vente. Il y a lieu de relever d’une part, que ces désordres relèvent d’aspect techniques de l’immeuble et d’autre part que leurs localisations, en couverture, les rendaient difficilement visibles par une simple visite des lieux.

Madame [N] prétend, sans pour autant le démontrer, que les époux [G], profanes en matière de construction immobilière, étaient accompagnés lors des visites par des Hommes de l’Art, de telle sorte qu’ils ne pouvaient ignorer l’existence des désordres et des réparations réalisées par le vendeur par l’intermédiaire de son conjoint, constructeur du bien. Cependant, pour un acheteur profane, si la présence d’un spécialiste à ses côtés lors de l’achat peut être de nature à rendre le vice apparent, il pourra toutefois être qualifié de vice caché s’il n’est pas en mesure d’en estimer l’ampleur et les conséquences. Or, ce sont bien les tests et sondages effectués par l’expert judiciaire qui ont pu mettre en lumière ces points.

Dès lors, l’ensemble des désordres relatifs aux fuites et infiltrations dans le bâtiment piscine et le hall d’entrée constituent des vices cachés, lesquels doivent être garantis par le vendeur.
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En revanche, les désordres allégués par les époux [G], s’agissant des mouvements de terrain extérieur, même s’ils existaient préalablement à la vente, ne peuvent être constitutifs de vices cachés justifiant la mise en jeu de la garantie à ce titre du vendeur.
D’une part, les mouvements de terrain sont des évènements naturels qui peuvent survenir indépendamment de toute intervention humaine et ne peuvent donc être reprochés à un vendeur. D’autre part, les mouvements de terrain qui sont survenus pendant le temps où Madame [N] occupait le bien, ainsi que leurs conséquences sur les extérieurs (terrasse, allée pavée, …) étaient visibles lors des visites des époux [G] et n’ont amené aucune question des futurs acquéreurs à ce sujet.

En conséquence, Madame [N] doit voir engager sa garantie vis-à-vis de ses acheteurs, les époux [G], au titre des vices cachés s’agissant des malfaçons en étanchéité et aménagements y afférents.

Au surplus, Madame [N] ne pourrait se prévaloir de l’éventuelle application d’une clause d’exonération de garantie, celle-ci n’étant pas applicable aux défauts de la chose dont le vendeur avait connaissance.

Or, en l’espèce, il est établi par les propres déclarations du vendeur tant lors de l’expertise judiciaire que dans le cadre du dossier contentieux, que Madame [N] connaissait l’existence des désordres affectant son bien.
Au regard des conclusions de l’expert, qui ne sont contredites par aucun élément probant versé aux débats, il ne peut valablement être soutenu par Madame [N] qu'aucun vice ne préexistait à la vente, puisque ceux-ci découlent de malfaçons dans la réalisation des clos (toiture espace piscine, tuile toiture, gouttière, …) et des aménagements (panneaux photovoltaïques, parabole, …). La circonstance qu’aucune déclaration de sinistre auprès de son assureur (qui n’a aucun caractère obligatoire), n’ait été faite par Madame [N] ne démontre pas plus l’absence de tout sinistre pendant la période où elle occupait le bien. Des réparations sommaires ont d’ailleurs été réalisées par ses soins, sans intervention d’entreprise extérieure.

Sur la demande en restitution d’une partie du prix de vente :

L’article 1644 du code civil dispose qu’en cas de vice caché, « … l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ».

En l’espèce, Monsieur et Madame [G] sollicite qu’au titre de la garantie des vices cachés, Madame [N] leur restitue une partie du prix payé, aux fins de réaliser les travaux de remise en conformité nécessaires.

L'expert indique qu'au vu des désordres constatés, il est nécessaire d’intervenir pour remédier à l’ensemble des défauts d’étanchéité et la reprise des embellissements intérieurs consécutifs aux infiltrations d’eau de pluie. Il a chiffré le coût total des réparations pour traiter l’ensemble des désordres liés au défaut d’étanchéité à la somme de 80 334,57 € TTC.

Les arguments de la défenderesse quant à l’imputabilité des défauts aux opérations d’expertise ne sauraient être pris en compte pour revoir à la baisse l’estimation budgétaire des travaux à engager établie par l’expert judiciaire.

De même, la circonstance de la négociation importante du prix lors des pourparlers menant à l’achat du bien ne saurait pas plus être prise en compte à titre de compensation pour revoir à la baisse l’enveloppe des travaux rendus nécessaires à l’existence de vices cachés affectant le bien.

La somme demandée au titre des travaux de revêtement ne sera pas allouée, les désordres y afférents ne relevant pas de la garantie des vices cachés.
Aussi, la somme sollicitée concernant les mesures conservatoires engagés pour l’étanchéité de la toiture ne sera pas non plus ajoutée, les calculs de l’expert comprenant un devis pour réparation conservatoire dans les mêmes termes que celui correspondant aux travaux effectivement réalisés.

Il convient donc de condamner Madame [N] à régler aux époux [G] la somme réclamée de 80334,57 € au titre de remboursement du prix correspondant aux coûts des travaux.

Sur les demandes indemnitaires

En application de l’article 1645 du même code, « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ».
L’article 1646 ajoute que « si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acheteur les frais occasionnés par la vente ».

En l’espèce, les acquéreurs sollicitent une indemnisation au titre du préjudice de jouissance.

S'il est exact que des désordres touchant principalement à l’étanchéité des toitures ont affectés le bien acquis par les époux [G], ceux-ci se sont essentiellement concentrés dans la zone piscine et le hall d’entrée et n’ont pas entraîné de risque sur la solidité du bien.
Aussi, les époux [G] n’ont aucunement été privés de la jouissance même de leur immeuble, puisqu’ils pouvaient aisément utiliser l'ensemble des pièces d’habitation de leur propriété, bien acquis à usage d’habitation.

S’agissant de la piscine, il s’agit d’une pièce annexe et accessoire, que des infiltrations n’empêchent pas d’utiliser. 

Il en résulte, dès lors, que la preuve de la privation de jouissance n’est pas apportée.

Monsieur et Madame [G] sont, en conséquence, déboutés de leur demande de ce chef.

Pour le surplus, Monsieur et Madame [G] sollicitent la réparation d’un préjudice de jouissance complémentaire, relatifs aux travaux à venir, sans toutefois démontrer que celui-ci présente une nature distincte de celle du préjudice de jouissance ni n’en justifier de l’étendue.

Dans ces conditions, il convient de les débouter de leur demande de ce titre.

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Sur le préjudice résultant du défaut d’information préalable du vendeur

Aux termes de l’article 1112-1 du code civil, il résulte que « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

En application de ces dispositions, le créancier de l'obligation d'information qui invoque un manquement à cette obligation doit prouver que :
-une information ne lui a pas été communiquée,
-celle-ci était déterminante de son consentement,
-son cocontractant avait connaissance de cette information et de son caractère déterminant pour son consentement,
-lui-même ignorait légitimement cette information.

En l'espèce, Madame [N] connaissait l’existence des désordres liés au défaut d’étanchéité en toiture et toit terrasse du bâtiment piscine et elle s’est volontairement abstenue d’en faire part aux acquéreurs. Elle ne pouvait ignorer que cette information était d’importance pour les acquéreurs qui, en leur qualité de profane, s’ils pouvaient constater quelques dégâts ou réparations réalisées, ne pouvaient en mesurer ni l’ampleur, ni la cause, ni les conséquences.
Le fait pour les époux [G] de connaître les désordres affectant un bien qu’ils s’apprêtaient à acheter est, sans aucun doute, une information indispensable pour leur permettre de prendre une décision, en toute connaissance de cause, quant à l’achat ou non du bien concerné.

Madame [N] a donc été défaillante en son obligation d’information préalable vis-à-vis des époux [G], la circonstance de la négociation du prix lors des pourparlers menant à l’achat du bien ne pouvant être prise en compte pour dédouaner Madame [N] de son obligation.

Il en résulte un préjudice pour les époux [G] que Madame [N] doit réparer.
En effet, l’information liée aux désordres pouvait ainsi leur permettre de négocier davantage le prix d’achat, par prise en compte des travaux futurs à leur charge pour y remédier.

Madame [N] sera donc condamnée à payer à Monsieur et Madame [G] la somme de 5000 euros au titre du manquement à l’obligation d’information.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire :

Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, Madame [R] [N], succombant à l’instance, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance en ce compris le coût de l’expertise, dont distraction au profit de la SCP LEMAIRE & MORAS, avocats aux offres de droit.

Sur les frais irrépétibles :
En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, l’équité commande de limiter à la somme de 2000 euros l’indemnité que Madame [N], partie perdante, devra verser à Monsieur et Madame [G] au titre des frais irrépétibles.
La demande de Madame [N] de ce chef sera rejetée en application des mêmes dispositions.
Sur l’exécution provisoire
Conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile issues du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, il convient de rappeler que les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En la cause, aucun élément ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe ;

CONDAMNE Madame [N] à payer à Monsieur [U] [G] et Madame [V] [G] née [Y] la somme de 80 334,57 euros en restitution d’une partie du prix de vente, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

DEBOUTE Monsieur [U] [G] et Madame [V] [G] née [Y] de leur demande au titre du préjudice de jouissance et du préjudice de jouissance complémentaire,

CONDAMNE Madame [N] à payer à Monsieur [U] [G] et Madame [V] [G] née [Y] la somme de 5000 euros au titre

RG : N° RG 22/01375 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYGD

du manquement à l’obligation préalable d’information,

CONDAMNE Madame [N] à payer à Monsieur [U] [G] et Madame [V] [G] née [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [N] aux dépens de l'instance en ce compris les dépens liés à l’instance d’incident et le coût de l’expertise, dont distraction au profit de la SCP LEMAIRE & MORAS, avocats aux offres de droit,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Valenciennes
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22/01375
Date de la décision : 25/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-25;22.01375 ?
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