La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°23/03438

France | France, Tribunal judiciaire de Valenciennes, Première chambre, 30 mai 2024, 23/03438


N° RG 23/03438 - N° Portalis DBZT-W-B7H-GEW4

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES


PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 23/03438 - N° Portalis DBZT-W-B7H-GEW4
N° minute : 24/112
Code NAC : 5AG
LG/AFB


LE TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDERESSE

S.A.R.L. GARAGE [P], Société à Responsabilité Limitée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Valenciennes sous le numéro 519 460 778, dont le siège est sis [Adresse 9],
prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,
repré

sentée par Maître Caroline LEMER, avocat au barreau de VALENCIENNES, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. 2.V.M, Sociét...

N° RG 23/03438 - N° Portalis DBZT-W-B7H-GEW4

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES

PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 23/03438 - N° Portalis DBZT-W-B7H-GEW4
N° minute : 24/112
Code NAC : 5AG
LG/AFB

LE TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDERESSE

S.A.R.L. GARAGE [P], Société à Responsabilité Limitée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Valenciennes sous le numéro 519 460 778, dont le siège est sis [Adresse 9],
prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Maître Caroline LEMER, avocat au barreau de VALENCIENNES, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. 2.V.M, Société à Responsabilité Limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VALENCIENNES sous le numéro 822 824 975, dont le siège social est sis [Adresse 10], prise en la personne de représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Maître Vincent DUSART HAVET membre de la SCP SPEDER DUSART FIEVET, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

* * *

Jugement contradictoire , les parties étant avisées que le jugement sera prononcé par mise à disposition au greffe, et en premier ressort par Madame Leïla GOUTAS, Première Vice-Présidente, assistée de Madame Sophie DELVALLEE, Greffier.

Débats tenus à l'audience publique du 18 Avril 2024 devant :

- Madame Leïla GOUTAS, Première Vice-Présidente,
- Madame Aurélie DESWARTE, Juge,
- Madame Nathalie REGULA, Magistrat à titre temporaire,

assistées de Madame Sophie DELVALLEE, Greffier.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte notarié en date du 15 novembre 2016 établi à [Localité 8] en l’étude de Maître [I] [S], la société 2VM a, pour une durée de neuf ans et moyennant un loyer annuel de 30 000 euros hors charges, donné à bail à la SARL GARAGE [P], à compter du 4 novembre 2016, un local à usage commercial, situé rue des vieux près, zone industrielle numéro 4, ladite zone étant implantée sur les communes de [Localité 11] et [Localité 7].

L’immeuble concerné par le bail était cadastré comme suit :
- sur la commune de [Localité 11] :
* section AK [Cadastre 1] pour 97 centiares
* section AK [Cadastre 3] pour 14 ares et 72 centiares
* section AK [Cadastre 4] pour 1 are et 2 centiares

- sur la commune de [Localité 7] :
* section AV n°[Cadastre 2] pour 33 ares et 8 centiares.

Dans le contrat de bail, il était stipulé que le local commercial donné à bail comprenait :
- Au rez-de-chaussée : un petit bureau dans le prolongement donnant sur le magasin pièces détachées, une partie magasin pièces détachées, atelier, petite pièce au fond pour compresseur et réserve d’huile ;
- A l’étage : bureau de gauche, jouissance de la moitié de la réserve à partager avec le locataire de l’autre partie commerciale ;
- Partie extérieure : parties communes avec le locataire de l’autre partie commerciale, une partie macadamisée avec terrain grillagé à l’arrière de l’atelier ;

Au cours de l’année 2021, la SARL 2VM a entrepris l’édification d’un bâtiment à usage de bureaux au fond de la parcelle cadastrée AV [Cadastre 2].
Elle a déposé le 21 octobre 2022, une demande de permis de construire auprès de la marie de [Localité 7], qui lui a été accordé, le 20 janvier 2023 ;
Dans le cadre de cette opération, la parcelle AV [Cadastre 2] a été divisée en deux parcelles désormais numérotées [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

Le 7 juillet 2023, la SARL GARAGE [P], invoquant une atteinte portée à ses droits de locataire et une entrave au bon fonctionnement de son activité de réparation de véhicules liée à l’édification du bâtiment, a, par l’intermédiaire de son conseil, adressé un courrier de mise en demeure à la SARL 2VM afin que celle-ci remette les lieux en l’état où ils se trouvaient antérieurement.

N’obtenant pas satisfaction, la SARL GARAGE [P] a alors sollicité auprès du président du tribunal judiciaire de Valenciennes l’autorisation d’assigner à jour fixe son bailleur afin, notamment, d’obtenir la démolition de l’immeuble ainsi que le paiement de diverses sommes et indemnités.

Cette autorisation lui a été accordée suivant ordonnance en date du 20 novembre 2023 et l’assignation a été délivrée le 24 novembre 2023 pour une audience fixée au 14 décembre 2023.

L’affaire, après divers renvois accordés pour garantir le principe du contradictoire, a pu être plaidée à l’audience du 18 avril 2024.

Se référant à ses dernières conclusions (conclusions récapitulatives n°3) la SARL GARAGE [P] demande au tribunal, au visa des articles 1720 et 224 du code civil, 145-40-2 du code de commerce de :

- déclarer bien fondée son action ;
- condamner la SARL 2VM à procéder à la destruction de l’immeuble construit sur la parcelle AV [Cadastre 2] devenue la parcelle [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 7], ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
-condamner la SARL 2VM à remettre en l’état antérieur la parcelle antérieurement numérotée AV [Cadastre 2] devenue parcelle [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 7] ;
- condamner la SARL 2VM à lui verser la somme de 400 euros par jour en réparation de son préjudice de jouissance ;
- fixer à la somme de 86000 euros, sauf à parfaire, le montant de l’indemnité due au titre du trouble de jouissance entre le 7 juillet 2023 et le 7 février 2024 et condamne la SARL 2VM à lui payer cette somme ;
- l’autoriser à séquestrer, à compter du jugement à intervenir, les loyers entre les mains du compte séquestre ouvert au nom de Maître Caroline LEMER à la CARPA des Hauts de France ;
-condamner la SARL 2VM à lui rembourser la somme de 15 616,64 euros HT au titre des loyers trop versés compte tenu de l’impossibilité d’utiliser la parcelle [Cadastre 2] ;
- condamner la SARL 2VM à lui rembourser la somme de 14 400 euros au titre des charges indûment payées ;
Subsidiairement, si par impossible le tribunal n’entendait pas faire droit à la demande en démolition de la construction édifiées sur la parcelle n0 [Cadastre 2], objet du bail, il demande à la juridiction de :
Fixer le loyer révisé à la somme mensuelle hors taxe de 992,53 euros HT ;Débouter la SARL 2VM de sa demande de résiliation de bail à ses torts ;Condamner la SARL 2VM à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;La condamner aux entiers frais et dépens de l’instance, en ce compris le coût des procès-verbaux de constat de Maître [D] des 15 juin et 21 décembre 2023 dont distraction au profit de Maître Caroline LEMER, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes principales, la demanderesse expose que la société 2VM en faisant construire un immeuble sur le terrain qui lui a été donné à bail et dont elle a la jouissance exclusive, a manqué gravement à ses obligations contractuelles, dans la mesure où la société bailleresse l’a privé de toute possibilité de jouir d’une partie du terrain loué alors qu’elle est tenue sur ce point de lui délivrer un bien conforme à ce qui a été initialement convenu. Elle indique, qu’en outre, la présence de la construction litigieuse nuit au bon fonctionnement de son exploitation. Elle explique, à cet effet, qu’elle ne peut plus utiliser la parcelle pour y entreposer les véhicules en attente de réparation ou d’expertise comme les véhicules non roulants déclarés épaves qui lui sont confiés et ne peut davantage faire retirer ceux-ci, cette manœuvre supposant

l’intervention d’engins d’envergure qui ne disposent désormais plus de la place nécessaire pour circuler.
Elle en conclut que l’atteinte portée à ses droits de locataire doit conduire le tribunal à ordonner la démolition du bâtiment.
A ce titre et en réponse à l’argumentation adverse, elle soutient que le bail est clair quant au fait que l’intégralité de la parcelle cadastrée AV [Cadastre 2] est concernée par la location consentie à son profit.
Elle affirme qu’indépendamment de l’atteinte illégitime faite à ses droits du fait même de l’existence de la construction sur la parcelle nouvellement cadastrée [Cadastre 5], elle subit un trouble de jouissance depuis le début des travaux et de la présence d’engins de chantier, entravant l’accès au lieu de stationnement des véhicules qu’elle est censée prendre en charge. Elle précise avoir, à deux reprises, fait constater la situation par un commissaire de justice.
Elle considère dès lors qu’elle est bien fondée à demander en justice le rétablissement de ses droits.
Elle précise travailler essentiellement avec des compagnies d’assurances et rappelle qu’une partie importante de son activité consiste à prendre en charge des véhicules accidentés non roulants. Elle fait valoir que les difficultés évoquées ont eu des répercussions sur le volume de son activité et sur son chiffre d’affaires et ajoute que certains de ses clients l’ont informé de leur intention de mettre fin de leurs relations commerciales en raison des problèmes de stockage des véhicules.
Elle estime que la diminution de la surface donnée à bail qu’elle évalue à 67,35% du fait de l’édification de la construction, justifie une réduction du loyer avec effet rétroactif à compter du mois de juillet 2023, date de l’achèvement des travaux de construction.
Elle sollicite en conséquence, sur la base d’un loyer mensuel de 2851,70 euros HT en 2023 et de 3039,89 euros HT en 2024, le remboursement de la somme de 15 616, 64 euros.
Elle soutient par ailleurs que depuis le début du bail, la société 2VM lui a facturé des charges mensuelles sans jamais lui produire de justificatifs, ce, en violation des dispositions de l’article 145-40-2 du code de commerce. Elle considère que cette situation légitime une demande en répétition des charges indûment versées dans la limite du délai de prescription quinquennal, ce qui représente une somme globale de 14 400 euros.
S’agissant de sa demande subsidiaire, elle expose que si le tribunal n’entendait pas ordonner la démolition de l’ouvrage, elle est bien fondée à réclamer une réduction du montant du loyer puisqu’elle ne peut plus utiliser l’intégralité du terrain, objet du bail. Elle demande en conséquence qu’une réduction à raison de 67,35% du loyer soit appliquée, ce qui doit conduire à fixer celui-ci à la somme de 992,53 euros HT.
S’agissant de la demande reconventionnelle aux fins de résiliation du bail en raison du non-respect des dispositions contractuelles relatives à son activité, elle avance pour s’y opposer, qu’elle n’exerce aucunement une activité d’épaviste mais assure le gardiennage de véhicule dans l’attente de leur prise en charge par un épaviste.
Elle ajoute qu’au surplus, la réparation des véhicules non roulants fait partie intégrante de son activité de garagiste, telle que décrite dans le contrat de bail.

Aux termes de ses conclusions, auxquelles elle se réfère à l’audience, la SARL 2VM demande au tribunal, au visa des articles 544 et 1728 du code civil de :

Débouter la SARL GARAGE [P] de l’intégralité de ses demandes ;Prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SARL GARAGE [P] ; En conséquence,
Ordonner l’expulsion de la SARL GARAGE [P] ainsi que de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique ;Condamner la SARL GARAGE [P] à lui payer une indemnité d’occupation due à la date de la résiliation jusqu’au départ effectif des lieux et égale à la somme mensuelle de 4000 euros ;Condamner la SARL GARAGE [P] à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Ecarter l’exécution provisoire de droit ;Condamner la SARL GARAGE [P] aux entiers dépens ;
Pour sa part, elle indique, à titre liminaire, qu’elle a acheté, en fin d’année 2016, l’immeuble concerné par le litige auprès de la SCI CHOPARD-[P] dans laquelle était associé Monsieur [T] [P], gérant de la SARL GARAGE [P].
Elle précise qu’à cette époque la société GARAGE [P] occupait déjà les lieux, ce qui a donné lieu, compte tenu du changement de propriétaire, à la signature d’un bail notarié le 15 novembre 2016.
Elle fait valoir que contrairement à ce que soutient la demanderesse, aucune violation dudit contrat n’est caractérisée à son endroit dans la mesure où la construction qu’elle a fait édifier se situe en fond de parcelle anciennement cadastrée AV [Cadastre 2], sur une zone non concernée par la location et correspondant avant les travaux, à un terrain en friche, inexploitable.
A ce titre, elle relève que la SARL GARAGE [P] fait une lecture erronée du contrat de bail, lequel comporte une désignation de l’ensemble immobilier concerné par le contrat mais mentionne également que le bien loué à la demanderesse comprend un local ainsi qu’une partie extérieure macadamisée avec terrain grillagé à l’arrière de l’atelier, ce qui ne peut s’entendre de la totalité de la parcelle.

Elle soutient que la SARL GARAGE [P], qui n’établit pas la réalité de ses droits sur la parcelle construite, ne démontre à aucun moment l’atteinte qu’elle dénonce ni l’existence d’un trouble de jouissance.
Sur ce point, elle considère que la requérante est mal fondée à invoquer un quelconque préjudice lié à des problèmes de stockage des véhicules en l’état d’épaves alors qu’une telle activité ne rentre pas dans le champ du contrat de bail et contrevient à celui-ci.
Elle souligne ainsi que la locataire avait déclaré, lors de la signature du contrat de location, une activité consacrée exclusivement au négoce et à l’entretien de tous véhicules légers et relève qu’elle a manifestement élargi par la suite son activité à des missions d’épavistes en prenant la liberté d’entreposer certains véhicules au-delà de la partie macadamisée concernée par la location, ce qui est établi par un constat de commissaire de justice qu’elle produit aux débats.

Elle considère qu’en tout état de cause, l’entrave au transport ou à la circulation des véhicules n’est aucunement établie et que les photographies jointes aux différents constats produits attestent de la présence de nombreuses places de stationnement au droit de l’atelier.
S’agissant de la demande de démolition de la construction, elle fait observer qu’outre son caractère infondé, une telle demande est disproportionnée par rapport à l’atteinte alléguée par la SARL GARAGE [P].
Elle expose par ailleurs que la demanderesse a attendu l’achèvement des travaux pour réclamer la démolition du bâtiment ce qui démontre sa mauvaise foi et l’absence de trouble flagrant, auquel cas, elle aurait réagi bien plus tôt.
S’agissant de l’action en répétition du trop perçu de loyers, et en réduction du loyer, elle estime que ces demandes sont fantaisistes et ne prennent en compte que la valeur du terrain nu en faisant abstraction des locaux et services s’y trouvant.
S’agissant de la demande en remboursement des charges mensuelles, elle indique que le paiement des charges alléguées par la partie adverse n’est étayé par aucune pièce et ne correspond à aucune réalité dans la mesure où elle n’a jamais ni réclamé ni facturé de provisions pour charges à l’endroit de la locataire.
Elle considère enfin, qu’elle est en droit de solliciter la résiliation du bail sur le fondement des dispositions de l’article 1728 du code civil puisque la SARL GARAGE [P] s’est, en réalité, essentiellement livrée à une activité d’épavistes qui n’est nullement prévue au contrat et qui est, de ce fait, prohibée.

A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 30 mai 2024 par décision mise à disposition au greffe.

SUR CE :

Sur la violation par le bailleur du contrat de bail commercial, la demande en démolition de la construction et sur l’atteinte invoquée :

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, il est constant que la société 2VM a fait construire, au cours du premier semestre 2023, un bâtiment à usage de bureaux sur la parcelle anciennement cadastrée AV [Cadastre 2] dont elle est propriétaire.
Il résulte du contrat signé par les parties que le local donné à bail à la SARL GARAGE [P] situé sur ladite parcelle comprend :
« -Au rez-de-chaussée : un petit bureau dans le prolongement donnant sur le magasin pièces détachées, une partie magasin pièces détachées, atelier, petite pièce au fond pour compresseur et réserve d’huile ;
- A l’étage : bureau de gauche, jouissance de la moitié de la réserve à partager avec le locataire de l’autre partie commerciale ;
- Partie extérieure : parties communes avec le locataire de l’autre partie commerciale, une partie macadamisée avec terrain grillagé à l’arrière de l’atelier ; »

Il s’évince de ces indications que le bien loué ne s’étend pas à l’ensemble de la parcelle mais est circonscrit aux lieux décrits.

Il est à relever d’ailleurs que les parties en cause ont chacune leur siège social implanté à la même adresse, ce qui vient exclure la possibilité d’une jouissance exclusive de l’intégralité de la parcelle au profit de la SARL GARAGE [P].

Il s’ensuit que la seule présence de la construction litigieuse sur la parcelle AV [Cadastre 2] ne suffit pas à démontrer une atteinte faite aux droits de la demanderesse de jouir intégralement et paisiblement du bien pris à bail.

Il est établi en procédure par les différents procès-verbaux de constat, et ce point n’est pas discuté, que l’immeuble qu’a fait édifier la société 2VM se situe au fond de la parcelle litigieuse.

Or, la SARL GARAGE [P] ne démontre pas disposer, au titre du bail commercial, d’un droit d’usage sur cette portion de terrain alors que les photographies produites de part et d’autre permettent de constater que la construction repose sur un sol à l’état brut, non recouvert de macadam.

En conséquence, faute pour elle d’établir la réalité de l’empiètement allégué, il ne saurait être retenu une atteinte à ses droits ou un trouble de jouissance lié à l’impossibilité d’utiliser cette portion de parcelle pour les besoins de son activité de garagiste.

Les manquements contractuels dénoncés, qui n’auraient, en tout état de cause, pas pu conduire à la démolition de l’ouvrage en considération des intérêts en présence, ne sont ainsi pas établis.

Les demandes de démolition sous astreinte de la construction, d’indemnisation, de remboursement de loyers et de réduction de loyers en raison de la présence du bâtiment à usage de bureaux seront dès lors rejetées.

Sur la demande en remboursement de charges :

L’article 1353 du code civil énonce que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, la SARL GARAGE [P] ne démontre pas, par les pièces qu’elle transmet, avoir réglé les charges dont elle sollicite le remboursement sur le fondement de l’article 145-40-2 du code de commerce.
De son côté, la Société 2VM soutient n’avoir jamais facturé de charges et provisions sur charges à sa locataire et transmet des factures couvrant la période de mai 2017 à janvier 2024 confirmant ses dires.

Ces constatations conduisent en conséquence à débouter la SARL GARAGE [P] de sa demande de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle en résiliation du bail :

Il résulte des dispositions combinées des articles 1217 et 1224 du code civil que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement peut, notamment, provoquer la résolution du contrat.

L’inexécution doit cependant être suffisamment grave pour justifier la cessation de la relation contractuelle.

En l’espèce, la société 2VM invoque le non-respect par la société demanderesse de la destination des lieux loués au regard des mentions figurant sur le bail notarié quant à l’activité du preneur décrite comme portant uniquement sur du « négoce et entretien de tous véhicules légers », ce qui exclut, selon elle, toute autre activité et notamment celle d’épavistes.
Il convient toutefois de relever que la SARL GARAGE [P] a une activité de garagiste, ce qui suppose la réparation et l’entretien des véhicules mais également la réception de véhicules accidentés non roulants ou à l’état d’épaves. Les missions de stockage de véhicules non roulants se situent dès lors dans le prolongement de l’activité principale et ne constituent pas un changement de la nature de l’activité déclarée et de la destination des lieux loués.
Au surplus, il est à souligner que le siège social de la société 2VM se situe sur la parcelle anciennement cadastrée AV [Cadastre 2]. Au regard de la configuration des lieux, cette dernière ne pouvait pas ignorer l’activité de stockage de véhicules non roulants assurée par sa locataire. Or, cette situation, qui perdure depuis plusieurs années, n’a pas fait obstacle à la poursuite du bail et n’a, avant la mise en œuvre de la présente procédure judiciaire, suscité aucune réaction de la part du bailleur, ce qui tend à démontrer que celui-ci n’a pas considéré à l’époque que cette situation présentait un caractère de gravité suffisant pour justifier la rupture du contrat.

Il conviendra en conséquence de débouter la Société 2VM de sa demande en résiliation du bail et de ses demandes subséquentes aux fins d’expulsion et de condamnation de la SARL GARAGE [P] au paiement d’indemnités d’occupation.

Sur les dépens et les frais non répétibles

En vertu de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, la SARL GARAGE [P] qui est à l’initiative de la présente procédure et qui succombe principalement à l’instance, sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la Société 2VM la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ses demandes sur ces mêmes fondements seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE la SARL GARAGE [P] de l’intégralité de ses demandes ;

DÉBOUTE la société 2VM de ses demandes reconventionnelles en résiliation du bail, expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation ;

CONDAMNE la SARL GARAGE [P] aux entiers dépens de l’instance ;

LA CONDAMNE à régler à la société 2VM la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Valenciennes
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23/03438
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;23.03438 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award