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30/05/2024 | FRANCE | N°20/03069

France | France, Tribunal judiciaire de Valenciennes, Première chambre, 30 mai 2024, 20/03069


N° RG 20/03069 - N° Portalis DBZT-W-B7E-FLFU

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES


PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 20/03069 - N° Portalis DBZT-W-B7E-FLFU
N° minute : 24//106
Code NAC : 58B
JPO/AFB


LE TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE


DEMANDERESSE

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, société d’assurance mutuelle inscrite au RCS de PARIS sous le n° 784.647.349, ayant siège social [Adresse 1] 17,prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège,
représentée par Maître Véronique

DUCLOY, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant


DÉFENDEURS

S.A.R.L. FINANCIERE ROLAND COUTEAU FINARCO, SARL unipers...

N° RG 20/03069 - N° Portalis DBZT-W-B7E-FLFU

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES

PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 20/03069 - N° Portalis DBZT-W-B7E-FLFU
N° minute : 24//106
Code NAC : 58B
JPO/AFB

LE TRENTE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDERESSE

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, société d’assurance mutuelle inscrite au RCS de PARIS sous le n° 784.647.349, ayant siège social [Adresse 1] 17,prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège,
représentée par Maître Véronique DUCLOY, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant

DÉFENDEURS

S.A.R.L. FINANCIERE ROLAND COUTEAU FINARCO, SARL unipersonnelle inscrite au RCS sous le n° 399731546 dont le siège social est [Adresse 9], prise en la personne de son gérant, domicilié ès qualité audit siège,
représentée par Maître Samuel VANACKER de L’AARPI 7 Avocats , avocats au barreau de LILLE, avocats plaidant

Société EDIFICES DE FRANCE, société à responsabilité limitée, immatriculée au RCS d’ARRAS sous le n° 449382407 dont le siège social est sis [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Maître Samuel VANACKER de L’AARPI 7 Avocats , avocats au barreau de LILLE, avocats plaidant

M. [N] [L]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 6], demeurant[Adresse 3]) (BELGIQUE)
n’ayant pas constitué avocat

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

Maître [O] [U] ès qualité de Mandataire judiciaire de la Société EDIFICES DE FRANCE par décision du Tribunal de Commerce en date du 12 février 2014, demeurant [Adresse 5]
représenté par Maître Samuel VANACKER de la SELARL SAMUEL VANACKER, avocats au barreau de LILLE, avocats plaidant

* * *
Jugement réputé contradictoire, les parties étant avisées que le jugement sera prononcé le 28 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe prorogé au 30 Novembre 2023 puis à la date de ce jour, et en premier ressort par Monsieur Jean-Philippe OTT, Vice-Président, assisté de Madame Anne Françoise BRASSART, Adjoint administratif faisant fonction de Greffier.

Débats tenus à l'audience publique du 06 Juillet 2023 devant Monsieur Jean-Philippe OTT, Vice-Président qui en a fait rapport et en a rendu compte au Tribunal en cours de délibéré, conformément aux dispositions des articles 785 et 786 du Code de Procédure Civile, les avocats ne s'y étant pas opposés,
assisté de Madame Laure HASDENTEUFEL, Greffier.

Composition du Tribunal lors du délibéré

- Monsieur Jean-Philippe OTT, Vice-Président,
- Madame Nathalie REGULA, Magistrat à titre temporaire.

* * *
EXPOSÉ DU LITIGE :

La société civile de construction-vente Malplaquet (ci-après la "SCCV Malplaquet") a procédé, en qualité de maître de l'ouvrage, à la construction d'un immeuble collectif à usage d'habitation, composé de 23 appartements, dénommé "[Adresse 8]" et situé [Adresse 4].

La société SARL Architectoni est intervenue en qualité de maître d'œuvre tandis que la société d'assurance Mutuelle des architectes français (ci-après "la MAF") a agi en qualité d'assureur de la responsabilité civile décennale du maître d'œuvre et au titre de la garantie dommage ouvrage. La société Qualiconsult a quant à elle assuré les missions de contrôleur technique. La société Allianz IARD était l'assureur de la société TDC pour la responsabilité civile décennale en matière de voierie.

Par acte authentique en date du 23 octobre 2009, la SCCV Malplaquet a vendu à Madame [X] [F] et à son époux, Monsieur [C] [R], un appartement et une place de parking au sein de la [Adresse 8], composant les lots 5 et 203, pour un prix de 234.507 euros.

Selon ses statuts, le capital social de la SCCV Malplaquet est détenu par trois associés : la société Edifices de France, à hauteur de 94%, la SARL Financière Roland Couteau Finarco et Monsieur [N] [L], chacun à hauteur de 3%.

Madame [X] [F] et Monsieur [C] [R] ayant subi un sinistre dans leur appartement le 18 janvier 2010, ils ont initié une série de procédures contentieuses devant le Tribunal de grande instance de Valenciennes ayant abouti, aux termes d'un jugement rendu le 15 janvier 2015 :
-à la condamnation in solidum de la SCCV Malplaquet, de la SARL Architectoni et de la MAF, à leur verser la somme de 30.107,59 euros en réparation de leur préjudice matériel, cette somme portant intérêt au double du taux légal conformément à l'article L. 241-1 alinéa 5 du code des assurances en ce qui concerne la compagnie d’Assurance,

- à la condamnation in solidum de la SCCV Malplaquet et de la SARL Architectoni à leur verser la somme de 76.754,06 euros en réparation de leur préjudice immatériel,
-à la condamnation de la SCCV Malplaquet et de la SARL Architectoni à verser à Monsieur [R] la somme de 100 euros en réparation de son préjudice moral,
-à la condamnation in solidum de la SCCV Malplaquet, de la SARL Architectoni, et de la MAF à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Tribunal de grande instance de Valenciennes a par ailleurs :
-condamné la SARL Architectoni et la MAF à verser in solidum à la société SA Allianz IARD et à la société Qualiconsult la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la SCCV Malplaquet, la SARL Architectoni et la MAF à verser in solidum à la société SARL Edifices de France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la SCCV Malplaquet, la SARL Architectoni et la MAF à verser in solidum à la société Financière Roland Couteau Finarco la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la SCCV Malplaquet, la SARL Architectoni et la MAF à verser in solidum à Monsieur [N] [L] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement du Tribunal de grande instance de Valenciennes du 15 janvier 2015 a été confirmé par un arrêt rendu le 7 juillet 2016 par la Cour d'appel de Douai. Celle-ci a en outre fixé le partage des condamnations prononcées à l'encontre de la SCCV Malplaquet d'une part et de la SARL Architectoni et de son assureur, la MAF, d'autre part respectivement à hauteur de 80% et de 20%. La Cour d'appel de Douai les a en outre condamnés à verser in solidum, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 8.000 euros à Madame [I] [F] et Monsieur [C] [R] et la somme de 1.000 euros à la société Qualiconsult.

Madame [X] [F] et Monsieur [C] [R] ont fait procéder à l'exécution de cette décision en dirigeant leur action intégralement à l'égard de la SARL Architectoni et de son assureur, la MAF, y compris au titre des 80% mis à la charge de la SCCV Malplaquet. Des règlements de la MAF sont ainsi intervenus à ce titre jusqu'en novembre 2016.

Par acte du 21 juin 2017, la MAF a fait délivrer à la SCCV Malplaquet un commandement aux fins de saisie-vente demeuré infructueux et portant sur la somme de 119.335,23 euros.

Le 4 juillet 2017, la MAF a fait procéder par huissier à une saisie attribution sur les comptes détenus par la SCCV Malplaquet auprès du CIC Nord Ouest de Lille, portant sur la somme de 119.937,16 euros. Cette saisie n'a pas davantage abouti, le compte de la SCCV Malplaquet ayant été clôturé.

Par trois lettres recommandées avec demandes d'avis de réception en date du 19 août 2019, la MAF, par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure la société Edifices de France, Monsieur [N] [L] et la SARL Financière Roland Couteau Finarco, en leur qualité d'associés de la SCCV Malplaquet, de lui rembourser les sommes qu'elle indique avoir ainsi avancées pour leur compte soit respectivement 112.175,17 euros, 3.580,06 euros et 3.580,06 euros.

Par acte délivré le 16 septembre 2020, la MAF a fait assigner la SARL Financière Roland Couteau Finarco, la SARL Edifices de France et Monsieur [N] [L] devant le Tribunal judiciaire de Valenciennes aux fins d'obtenir leur condamnation, en leur qualité d'associés de la SCCV Malplaquet, à lui rembourser les sommes exposées auprès de Madame [X] [F] et de Monsieur [C] [R] au titre des condamnations prononcées par la Cour d'appel de Douai.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 3 février 2023, la MAF sollicite :
-la condamnation de la SARL Edifices de France à lui verser :
- la somme de 112.175,17 euros, avec application des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019,
- la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-la condamnation de la SARL Financière Roland Couteau Finarco à lui verser :
- la somme de 3.580,06 euros, avec application des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019,
- la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-la condamnation de Monsieur [N] [L] à lui verser :
- la somme de 3.580,06 euros, avec application des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019,
- la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La MAF sollicite enfin leur condamnation in solidum à supporter les dépens avec distraction au profit de Maître Véronique Ducloy conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En réponse à la demande d'irrecevabilité de son action soulevée par les défendeurs, la MAF soutient, en se fondant sur l'article 1858 du code civil, qu'elle peut agir à l'encontre des associés de la SCCV Malplaquet, dès lors qu'elle a préalablement poursuivi la SCCV Malplaquet en exécution forcée de ses condamnations, lesdites tentatives étant demeurées infructueuses compte tenu de l'absence de compte bancaire ouvert au nom de la SCCV Malplaquet et d'actifs pouvant être saisis. Elle fait ainsi état d'un commandement aux fins d'une saisie-vente du 21 juin 2017 demeurée infructueuse, d'une saisie-attribution du 4 juillet 2017 également infructueuse et enfin de deux lettres du cabinet de détectives privés, le CEDE, constatant l'absence d'actifs saisissables de la SCCV Malplaquet.

Sur le fond, se fondant sur les articles 1346 et suivants du code civil, la MAF fait valoir qu'en ayant procédé au règlement de la part des condamnations mises à la charge de la SCCV Malplaquet par la Cour d'appel de Douai, dont elle fournit le décompte, elle dispose d'une action subrogatoire à l'égard de celle-ci qu'elle entend exercer afin d'obtenir le remboursement des sommes versées et qui ne correspondent pas à sa part de responsabilité dans le dommage causé.

Elle ajoute que la part de responsabilité de la SCCV Malplaquet ayant été fixée à hauteur de 80% par la Cour d'appel de Douai, celle-ci était redevable de la somme totale de 119.355,23 euros. Les demandes formulées par la MAF à l'égard des associés de la SCCV Malplaquet ont été calculées en tenant compte de la part de capital social qu'ils détenaient.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 02 Juin 2023, la SARL Financière Roland Couteau Finarco, la SARL Edifices de France et Maître [O] [U] ès qualité de mandataire judiciaire de la société Edifices de France demandent de déclarer l'action de la MAF irrecevable sur les demandes qu’elle a formées à l’encontre des sociétés SARL Financière Roland Couteau Finarco et Edifices de France, et sur le fond, de rejeter l'ensemble des demandes de celle-ci. A titre reconventionnel, elles sollicitent la condamnation de la MAF à leur verser chacune la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à supporter les dépens et à écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de leur demande d'irrecevabilité, les défenderesses soutiennent, au visa des articles 1857 et 1858 du code civil, que les associés ne peuvent être appelés à répondre que des dettes sociales de la société, de sorte qu'à défaut d'établir le caractère social de sa créance et d'en définir le montant avec précision, la MAF est irrecevable en son action.

Elles ajoutent que les associés ne sont tenus que subsidiairement des dettes sociales de la société, ce qui suppose que le créancier ait préalablement et vainement poursuivi la personne morale par des actions judiciaires. Or, en l'espèce, la MAF n'a selon elles pas intenté de telles actions à l'égard de la SCCV Malplaquet au préalable et s'est contentée de signifier un commandement aux fins de saisie-vente et de tenter de procéder à une saisie attribution le 4 juillet 2017 auprès d'un unique établissement bancaire, cette saisie s'étant traduite par un procès-verbal de carence qui n'a pas été signifié à la SCCV Malplaquet.

Elles font enfin valoir qu'à défaut d'avoir tenté une procédure de saisie immobilière ou toute autre procédure de recouvrement ou d'exécution menée au préalable contre la SCCV Malplaquet, l'action de la MAF à l'encontre des associés de cette dernière doit être déclarée irrecevable.

Monsieur [N] [L] valablement assigné, n'a pas constitué avocat.

La clôture différée de la procédure est intervenue le 6 juillet 2023.

L'affaire a été fixée pour plaider au 06 juillet 2023.

La décision a été mise en délibérée au 28 septembre 2023, prorogée au 30 novembre 2023 puis au 30 mai 2024, ce, en raison de la charge de travail du magistrat ayant tenu l'audience.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'action de la MAF à l'encontre des associés de la SCCV Malplaquet

Selon l'article 1857 du code civil, à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

L'article 1858 du code civil dispose quant à lui que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Ainsi, pour que les associés puissent être mis en cause, le créancier doit, à peine d'irrecevabilité de l'action en paiement, d'une part démontrer qu'il demande la régularisation d'une dette sociale et, d'autre part, qu'il a d'abord poursuivi la société.

Si le créancier n'a pu obtenir satisfaction par les moyens classiques de la mise en demeure, il doit avoir tenté une action judiciaire contre la société visant le montant de la dette et son caractère social. Ainsi, la notion de poursuite au préalable suppose que le créancier soit muni d'un titre exécutoire et non qu'il se prévale de commandements délivrés et restés sans suite, ces derniers ne constituant pas une mesure d'exécution.

Le résultat de ces poursuites doit en outre avoir été vain : le caractère infructueux des diligences du créancier résulte non de leur inefficacité ou de leur inutilité intrinsèque, mais de l'insuffisance, révélée par elles, du patrimoine social. Le créancier ne peut ainsi se borner à mentionner l'existence de recherches infructueuses pour retrouver la société, dont il n'est pas établi qu'elle a été dissoute, et en déduire son insolvabilité.

S'agissant plus particulièrement des sociétés civiles de construction-vente, l'article L. 211-2 du Code de la construction et de l'habitation dispose que : " les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux. Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après mise en demeure adressée à la société et restée infructueuse. A cet effet, le représentant légal de la société est tenu de communiquer à tout créancier social qui en fera la demande le nom et le domicile, réel ou élu, de chacun des associés. Les associés ne peuvent être poursuivis à raison des obligations résultant des articles 1642-1 et 1646-1 du code civil, reproduits aux articles L. 261-5 et L. 261-6 du (code de la construction et de l'habitation), qu'après mise en demeure restée infructueuse adressée à la société si le vice n'a pas été réparé, ou adressée soit à la société, soit à la compagnie d'assurance qui garantit la responsabilité de celle-ci, si le créancier n'a pas été indemnisé ".

Il en résulte que les associés d'une société de construction-vente sont tenus, à proportion de leur participation, de la dette sociale née lorsqu'ils étaient déjà associés, pour autant que le créancier démontre avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Le créancier doit ainsi non seulement mettre en demeure la société et obtenir un titre exécutoire, mais, de surcroît, mettre en œuvre des voies d'exécution à son encontre sauf à déclencher une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Enfin, en cas de condamnation in solidum de plusieurs débiteurs, l'article 1317 prévoit qu'entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d'un recours contre les autres à proportion de leur propre part. Si l'un d'eux est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d'une remise de solidarité.

Ainsi, le débiteur qui règle l'ensemble de la condamnation mise à la charge d'autres co-débiteurs in solidum dispose d'un recours subrogatoire qu'il peut exercer de façon judiciaire ou extra-judiciaire à l'encontre de ses co-débiteurs dès lors qu'il dispose d'un titre exécutoire constitué par la décision l'ayant condamné.

En l'espèce, il appartient à la MAF de démontrer, pour que son action soit recevable à l'encontre des associés de la SCCV Malplaquet qu'elle a assignés dans le cadre de la présente instance, que celle-ci porte sur des dettes sociales et qu'elle a préalablement et vainement poursuivi la SCCV Malplaquet, son débiteur.

Sur le caractère social de la dette

Les sommes dont la MAF entend obtenir le règlement sont relatives aux condamnations in solidum qui ont été mises à sa charge et à celle de la SCCV Malplaquet par la Cour d'appel de Douai dans son arrêt du 7 juillet 2016.

S'agissant de dettes sociales, la première condition fixée à l'article 1857 du code civil est remplie.

Sur le caractère préalable des poursuites à l'égard de la SCCV Malplaquet

La MAF dispose d'un titre exécutoire, celui-ci procédant de l'arrêt de la Cour d'appel de Douai rendu le 7 juillet 2016, qui a été signifié à la SCCV Malplaquet le 15 juin 2017 et qui a force exécutoire. Ce titre exécutoire fonde le recours subrogatoire de la MAF à l'égard de son co-débiteur in solidum, la SCCV Malplaquet.

Ce recours peut donc donner lieu à poursuite extra-judiciaire de sorte que la MAF n'était pas tenue d'assigner préalablement en justice la SCCV Malplaquet pour que la condition de l'article 1858 du code civil soit remplie.

Néanmoins, les dispositions de l'article L. 211-2 du Code de la construction et de l'habitation requièrent l'envoi d'une lettre de mise en demeure préalable à la société avant de pouvoir agir à l'encontre des associés pour le paiement de la dette sociale.

Or, la MAF ne justifie pas de l'envoi d'une telle lettre de mise en demeure à la SCCV Malplaquet, les mises en demeure produites et datées du 19 août 2019 ayant été adressées directement aux associés de la SCCV Malplaquet.

La condition posées par l'article L. 211-2 du Code de la construction et de l'habitation n'est donc pas remplie.

La MAF ne justifie pas davantage de l'engagement de poursuites préalables extra-judiciaires conformément à l'article 1858 du code civil.

Le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 21 juin 2017 ne constitue pas une voie d'exécution tenant lieu de poursuite au sens de l'article 1858 du code civil, de sorte qu'il y a lieu de l'écarter.

Il en est de même s'agissant du procès-verbal de carence de saisie vente, celui-ci n'ayant pas été signifié à la SCCV Malplaquet.

Enfin, le procès-verbal de saisie-attribution délivré le 4 juillet 2017 au CIC Nord Ouest est demeuré infructueux et n'a pas été signifié à la SCCV Malplaquet, de sorte qu'il ne saurait non plus constituer un acte de poursuite préalable au sens de l'article 1858 du code civil.

La MAF ne démontre donc pas avoir mis en œuvre des poursuites préalables à l'encontre de la SCCV Malplaquet.

Sur le caractère vain des poursuites à l'encontre de la SCCV Malplaquet

La MAF ne démontre pas avoir épuisé l'ensemble des voies d'exécution dont elle disposait à l'encontre de la SCCV Malplaquet, son co-débiteur in bonis.

A cet égard, les deux lettres d'un cabinet de détectives privés, le CEDE, en date
des 15 septembre 2014 et 20 mars 2018 sont insuffisantes pour établir le caractère vain des poursuites. La première lettre est manifestement irrecevable puisqu'elle est très largement antérieure à la date de l'arrêt de la Cour d'appel de Douai sur lequel la MAF fonde sa créance. Au surplus, ces deux lettres n'émanent pas d'un commissaire de justice, seul habilité à exercer des voies d'exécution, ne contiennent aucune analyse du Fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA), ne détaillent pas les actifs disponibles de la SCCV Malplaquet, ne listent pas l'ensemble des voies d'exécution possibles et se contentent de suggérer une action à l'encontre des associés jugés plus solvables.

En outre, la MAF ne démontre pas avoir agi au soutien d'une demande d'ouverture de procédure collective afin d'y inscrire sa créance dès lors qu'elle constatait, comme elle l'indique, que son débiteur était insolvable.

Aussi, la circonstance que les démarches entreprises par la MAF soient restées infructueuses ne permet pas de démontrer l'existence de vaines poursuites.

Les conditions posées par les articles 1858 du code civil et L. 211-2 du Code de la construction et de l'habitation n'étant pas remplies, il y a lieu de déclarer l'irrecevabilité de la demande de la MAF dirigée contre les associés de la SCCV Malplaquet.

Sur les frais du procès et l'exécution provisoire :

-Sur les dépens :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La MAF, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens.

-Sur les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, l'équité commande de limiter à la somme de 2.000 euros chacune l'indemnité que la MAF, partie perdante, devra verser à Maître [O] [U] ès qualité de mandataire judiciaire de la société Edifices de France et à la SARL Financière Roland Couteau Finarco au titre des frais irrépétibles.

La demande de la MAF sur ce même fondement sera rejetée en application des mêmes dispositions.

-Sur l'exécution provisoire :

Conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile issues du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, il convient de rappeler que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En la cause, aucun élément ne justifie d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,

CONSTATE l’intervention volontaire de Maître [O] [U], ès Mandataire judiciaire de la Société Edifices de France,

DÉCLARE irrecevables les demandes de la société Mutuelle des architectes français,

CONDAMNE la société Mutuelle des architectes français aux entiers dépens,

REJETTE la demande de la Mutuelle des architectes français sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Mutuelle des architectes français à payer à Maître [O] [U] ès qualité de mandataire judiciaire de la société Edifices de France et à la société SARL Financière Roland Couteau Finarco, chacune, la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Valenciennes
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20/03069
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;20.03069 ?
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