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23/05/2024 | FRANCE | N°22/00905

France | France, Tribunal judiciaire de Valenciennes, Première chambre, 23 mai 2024, 22/00905


N° RG 22/00905 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FV2I



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES


PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 22/00905 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FV2I
N° minute : 24/103
Code NAC : 35F
AD/AFB


LE VINGT TROIS MAI DEUX MIL VINGT QUATRE


DEMANDERESSE

Mme [O] [I],
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 12], demeurant [Adresse 4], agissant en qualité d’associé et cogérant de la SCI “FRANVALS”, Société Civile Immobilière immatriculée au RCS de VALENCIENNES sous le numéro 821 770 203, dont le si

ge social est situé sis [Adresse 7], domicilié audit siège
représentée par Maître Réza-Jean NASSIRI de la SCP NASSIRI & BIANCHI, a...

N° RG 22/00905 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FV2I

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES

PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 22/00905 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FV2I
N° minute : 24/103
Code NAC : 35F
AD/AFB

LE VINGT TROIS MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDERESSE

Mme [O] [I],
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 12], demeurant [Adresse 4], agissant en qualité d’associé et cogérant de la SCI “FRANVALS”, Société Civile Immobilière immatriculée au RCS de VALENCIENNES sous le numéro 821 770 203, dont le siège social est situé sis [Adresse 7], domicilié audit siège
représentée par Maître Réza-Jean NASSIRI de la SCP NASSIRI & BIANCHI, avocats au barreau de LILLE, avocats plaidant

DÉFENDEURS

M. [P] [B]
né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 13], demeurant [Adresse 6]
représenté par Maître Loïc RUOL membre de la SCP COURTIN & RUOL, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

S.C.I. FRANVALS (immatriculée au RCS de VALENCIENNES sous le n° 821 770 203)
dont la dernière adresse connue du siège social est : [Adresse 6]
représentée par Maître Loïc RUOL membre de la SCP COURTIN & RUOL, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

* * *

Jugement contradictoire, les parties étant avisées que le jugement sera prononcé le 16 Mai 2024 par mise à disposition au greffe prorogé à la date de ce jour, et en premier ressort par Madame Aurélie DESWARTE, Juge, assistée de Madame Anne Françoise BRASSART, Adjoint administratif faisant fonction de Greffier.

Débats tenus à l'audience publique du 14 Mars 2024 devant Madame Aurélie DESWARTE, Juge statuant en Juge Unique, par application des articles 801 à 805 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux avocats, assistée de Madame Sophie DELVALLEE Greffier.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Durant leur vie commune, Mme [O] [I] et M. [P] [B] ont constitué par acte authentique en date du 5 juillet 2016, une société civile immobilière dénommée « Franvals » (la SCI Franvals), dont l’objet social vise à acquérir, administrer et exploiter par bail, location ou autrement, tous les immeubles bâtis ou non bâtis, dont la société pourrait devenir propriétaire.

M. [P] [B] a été nommé gérant.

Il détient 80 % du capital, tandis que Mme [O] [I] possède 20 %.

Le 5 avril 2017, la SCI Franvals a acquis un immeuble constitué de deux lots situés [Adresse 8] à [Localité 15] pour un prix de 200.000 euros, et un autre immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 14] pour un prix de 90.000 euros.

À la suite de sa séparation, Mme [O] [I] a souhaité mettre un terme à leur association dans le cadre de la SCI Franvals.

Par acte d’huissier délivré en date du 16 mars 2022, Mme [O] [I] a fait assigner M. [P] [B] devant le tribunal judiciaire de Valenciennes afin notamment d’obtenir la dissolution de la SCI Franvals.

Par acte d’huissier délivré en date du 6 janvier 2023, Mme [O] [I] a attrait en la cause la SCI Franvals.

Par ordonnance en date du 13 avril 2023, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Aux termes de son assignation, à laquelle il est fait référence pour l’exposé et le détail de l’argumentation, Mme [O] [I] sollicite de :
Prononcer la dissolution anticipée de la SCI Franvals à compter du jugement,Désigner un mandataire liquidateur dont les frais et honoraires seront supportés par la SCI.Å titre subsidiaire,
Prononcer la révocation de M. [P] [B] en sa qualité de gérant de la SCI,Désigner un mandataire ad hoc pour la gestion de la SCI.En tout état de cause,
Condamner M. [P] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Au soutien de sa demande de dissolution, elle se prévaut sur le fondement de l’article 1844-7 5° du code civil de manquements commis par M. [P] [B], en particulier dans sa gestion de l’immeuble situé [Adresse 9] à [Localité 15]. Elle indique que celui-ci a été condamné par le tribunal correctionnel de Valenciennes pour avoir mis le bien à disposition de personnes se livrant à la prostitution. Elle ajoute que l’immeuble fait aujourd’hui l’objet d’une procédure d’insalubrité en raison de sa mauvaise gestion.
De plus, elle met en avant sa mésentente avec son associé en précisant que cela paralyse le fonctionnement de la société.
Subsidiairement, elle se prévaut des mêmes manquements pour demander sur le fondement de l’article 1851 du code civil, la révocation de M. [P] [B] en sa qualité de gérant.

Par dernières conclusions signifiées par RPVA en date du 27 septembre 2023, auxquelles il est fait référence pour l’exposé et le détail de l’argumentation, M. [P] [B] et la SCI Franvals sollicitent de :
Débouter Mme [O] [I] de l’ensemble de ses demandes,La condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Pour s’opposer à la demande dissolution, il fait valoir que les manquements reprochés à un associé ne peuvent concerner que les obligations prévues par l’article 1843-3 du code civil. Il indique qu’un associé ne respecte pas ses obligations lorsqu’il réalise des actes ou s’abstient d’en faire en contradiction avec l’intérêt social, ce qui n’est pas démontré le concernant.
Il ajoute que Mme [O] [I] ne peut se prévaloir d’une mésentente qu’elle a elle-même causée, et précise que le fonctionnement de la société ne s’en trouve pas paralysé.
S’agissant de sa révocation, il indique que les griefs qui lui sont reprochés par son associée sont insuffisants, que cette dernière aurait dû, conformément aux articles 1855 du code civil et 14 des statuts, poser des questions sur sa gestion sociale avant d’engager une telle procédure.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 23 novembre 2023.

DISCUSSION

Sur la demande de dissolution :
Aux termes des dispositions de l’article 1844-7 5° du code civil, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

L'inexécution de ses obligations par un associé - comme la mésentente entre associés - ne permet le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour juste motif qu'à la condition qu'elle paralyse le fonctionnement de la société.

En vertu des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, si les manquements dont se prévaut Mme [O] [I] à l’encontre de M. [P] [B] concernent davantage la gestion de la société, sa condamnation par le tribunal correctionnel de Valenciennes pour mise à disposition d’un bien de la SCI Franvals à une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution constitue également un manquement à ses obligations d’associé.

En effet, l’article 1833 du code civil impose à tous les organes de la société, dont les associés, d’agir conformément à l’intérêt social.

Or, le fait d’avoir utilisé un bien de la société à des fins infractionnelles porte nécessairement atteinte à l’intérêt de la société.

Contrairement à ce qu’affirme M. [P] [B], la dissolution anticipée d’une société pour inexécution de ses obligations par un associé ne se limite pas aux seules obligations de l’article 1843-3 du code civil, l’article 1844-7 5° ne faisant aucune distinction entre les obligations.

Si ce dernier a effectivement manqué à ses obligations d’associé en louant un immeuble de la SCI à des personnes se livrant à la prostitution, Mme [O] [I] ne démontre pas dans quelle mesure ce manquement paralyse aujourd’hui le fonctionnement de la société.

En effet, il ressort du courrier du 13 juillet 2021 produit par Mme [O] [I] que la SCI Franvals a continué de fonctionner malgré la condamnation de M. [P] [B].

Leur mésentente peut en revanche constituer une source de blocage pour le fonctionnement de la société.

A ce titre, M. [P] [B] ne peut légitimement prétendre, eu égard à la gravité des faits qu’il a commis, que cette mésentente soit le fruit de l’attitude de son ex-partenaire.

Par ailleurs, s’il ressort de son courrier du 13 juillet 2021 que Mme [O] [I] est peu investie dans la gestion de la SCI, et que par ailleurs celle-ci ne détient que 20 % du capital social, l’article 14 des statuts de la société exige toutefois la présence ou la représentation de la totalité des parts sociales pour les décisions extraordinaires et ordinaires, tout en ajoutant que celles-ci doivent être adoptées à l’unanimité des voix présentes ou représentées.

Même si [O] [I] indique dans ses conclusions qu’aucune assemblée générale n’est organisée entre eux, il n’en demeure pas moins que ces règles de quorum et de majorité s’appliquent en vertu de la loi et des statuts de la SCI, et qu’elles peuvent conduire à un blocage total de la société en cas de conflit entre les associés.

Dès lors, il y a lieu de relever que la mésentente entre Mme [O] [I] et M. [P] [B] paralyse le fonctionnement de la société.

Par voie de conséquence, il conviendra donc de prononcer la dissolution anticipée de la SCI Franvals, qui prendra effet à compter du jugement.

Sur la désignation d’un mandataire liquidateur :
Aux termes des dispositions de l’article 1844-8 du code civil, la dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l’article 1844-4 et au troisième alinéa de l’article 1844-5. Elle n’a d’effet à l’égard des tiers qu’après sa publication.
Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n’ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions. La nomination et la révocation ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée.
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de celle-ci.
Si la clôture de la liquidation n’est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement.

De même, l’article 1844-9 du code civil prévoit qu’ « après paiement des dettes et remboursement du capital social, le partage de l'actif est effectué entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices, sauf clause ou convention contraire ».

En l’espèce, l’article 19 des statuts de la SCI Franvals prévoit que la société est liquidée par la gérance en exercice lors de la survenance de la dissolution.

Toutefois, compte tenu de la mésentente existant entre les associés et de l’absence de demande par ce dernier à être désigné liquidateur en cas de dissolution anticipée, il ne peut être envisagé de confier à M. [P] [B] les opérations de liquidation, sauf à risquer de générer une nouvelle situation de blocage auquel il est justement demandé au tribunal de remédier.

En conséquence, les dites opérations de liquidation de la société seront confiées à M. [C] [W], expert-comptable inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Douai, consistant, conformément aux dispositions de l’article 1844-9 du code civil, après paiement des dettes et remboursement du capital social, à partager l’actif entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices, sauf clause ou convention contraire.

Il y aura lieu de dire que les frais liés à ces opérations seront supportés par la SCI Franvals.

Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, M. [P] [B], qui succombe à l’instance, sera condamné aux dépens.

Sur la demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

M. [P] [B] tenu aux dépens, sera condamné à payer à Mme [O] [I] la somme de 1.000 euros. Il sera débouté de sa propre demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par mise à disposition de la décision au greffe le 16 mai 2024, comme cela a été indiqué à l'audience de plaidoirie, prorogée au 23 mai 2024, par jugement contradictoire et en premier ressort :

PRONONCE la dissolution anticipée de la société civile immobilière « Franvals », immatriculée sous le numéro 821 770 203 au RCS de Valenciennes,

RAPPELLE que la dissolution ainsi prononcée entraîne la liquidation de la SCI « Franvals »,

DÉSIGNE pour procéder aux opération de liquidation de la SCI « FRANVALS », M. [C] [W], expert-comptable inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Douai, [Adresse 2] à [Localité 10] ( [Courriel 11]), opérations de liquidation qui consisteront, conformément aux dispositions de l’article 1844-9 du code civil, après paiement des dettes et remboursement du capital social, à partager l’actif entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices, sauf clause ou convention contraire.

MET A LA CHARGE de la SCI « Franvals » les frais liés aux opérations de liquidation,

CONDAMNE M. [P] [B] aux dépens,

CONDAMNE M. [P] [B] à payer à Mme [O] [I] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [P] [B] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE l’exécution provisoire du présent jugement.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Valenciennes
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22/00905
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;22.00905 ?
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