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16/05/2024 | FRANCE | N°22/01478

France | France, Tribunal judiciaire de Valenciennes, Première chambre, 16 mai 2024, 22/01478


N° RG 22/01478 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYD3



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES


PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 22/01478 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYD3
N° minute : 24/95
Code NAC : 50D
AD/AFB

LE SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE


DEMANDEURS

Mme [M] [V]
née le 04 Décembre 1986 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maîre Jean-Baptiste ZAAROUR membre de la SELARL VALJURIS AVOCATS, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

M. [B] [L]
né le 11 Décembre 1988 à [Localité 6

], demeurant [Adresse 1]
représenté par Maîre Jean-Baptiste ZAAROUR membre de la SELARL VALJURIS AVOCATS, avocats au barreau de VALEN...

N° RG 22/01478 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYD3

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES

PREMIERE CHAMBRE CIVILE
Affaire n° N° RG 22/01478 - N° Portalis DBZT-W-B7G-FYD3
N° minute : 24/95
Code NAC : 50D
AD/AFB

LE SEIZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDEURS

Mme [M] [V]
née le 04 Décembre 1986 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maîre Jean-Baptiste ZAAROUR membre de la SELARL VALJURIS AVOCATS, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

M. [B] [L]
né le 11 Décembre 1988 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]
représenté par Maîre Jean-Baptiste ZAAROUR membre de la SELARL VALJURIS AVOCATS, avocats au barreau de VALENCIENNES, avocats plaidant

DÉFENDERESSE

Mme [X] [Y] [U] épouse [S]
née le 14 Mai 1966 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Romain SOUAL, avocat au barreau d’AVESNES-SUR-HELPE, avocat plaidant

* * *

Jugement contradictoire, les parties étant avisées que le jugement sera prononcé par mise à disposition au greffe, et en premier ressort par Madame Aurélie DESWARTE, Juge, assistée de Madame Sophie DELVALLEE, Greffier.

Débats tenus à l'audience publique du 14 Mars 2024 devant Madame Aurélie DESWARTE, Juge statuant en Juge Unique, par application des articles 801, assistée de Madame Sophie DELVALLEE, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique en date du 7 mai 2021, Mme [M] [V] et M. [B] [L] ont procédé à l'acquisition d'un immeuble appartenant à Mme [X] [U] épouse [S], situé [Adresse 1] à [Localité 5] pour un prix de 227.000 euros.

Postérieurement à la prise de possession des lieux, Mme [V] et M. [L] ont constaté que le chauffage était dysfonctionnel et ont procédé à des opérations de vidange et de désembouage de l'installation et à la dépose et au changement de 9 robinets thermostatiques.

Par la suite, les acquéreurs ont déploré une absence de conformité du réseau d'évacuation des eaux usées qui a nécessité la rénovation de celui-ci par le remplacement d'une station de pompage et la pose de nouveaux câbles sur le réseau.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 avril 2022, les acquéreurs, par l'intermédiaire de leur avocat, ont mis en demeure Mme [S] de prendre en charge les dépenses de réparation passées et à venir.

N'ayant pas obtenu de réponse à leur mise en demeure, Mme [V] et M. [L] ont, par acte d'huissier en date du 2 juin 2022, fait assigner Mme [S] devant le Tribunal judiciaire de Valenciennes aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour vices cachés et subsidiairement pour défaut de conformité du bien vendu, outre des dommages et intérêts pour dol et perte de chance de ne pas avoir contracté à de meilleures conditions ainsi qu'à l'indemnisation de leur préjudice moral.

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 19 septembre 2023, auxquelles il est fait référence pour l'exposé et le détail de l'argumentation, Mme [V] et M. [L] sollicitent, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- À titre principal, la condamnation de Mme [S] à leur payer la somme de 10.752,30 euros, à titre de dommages et intérêts compte tenu des vices cachés ayant affecté la vente du bien immobilier,
- À titre subsidiaire, la condamnation de Mme [S] à leur payer la somme de 10.752,30 euros, à titre de dommages et intérêts compte tenu de la non-conformité du bien immobilier au contrat de vente conclu entre les parties,
- En tout état de cause, la condamnation de Mme [S] à leur payer les sommes suivantes :
- la somme de 4.540 euros en réparation de leur perte de chance de ne pas avoir contracté dans de meilleures conditions compte tenu du dol affectant la vente,
- la somme de 1.500 euros chacun, à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Se fondant sur les articles 1641 et suivants du code civil, les demandeurs soutiennent que les désagréments de chauffage et d'évacuation des eaux usées constituent des vices cachés ayant affecté la vente de l'immeuble. Ils indiquent qu'ayant visité le bien au printemps, ils n'ont pas été en mesure de constater la défectuosité du chauffage, tandis que la venderesse en avait parfaitement connaissance, selon le témoignage de la société DZ France en charge de l'entretien de la chaudière, qui lui avait signalé l'existence d'un " gros problème dans le réseau des radiateurs " dès le mois de décembre 2020. Ils ajoutent que Mme [S] avait fait couper l'arrivée de gaz, depuis le 18 août 2015, la remise en service n'étant intervenue que le 8 juin 2022, ce qu'elle aurait également caché aux acquéreurs. Ils en déduisent que la remise en circulation du réseau de chauffage après une si longue coupure a entraîné les difficultés de circulation dans le réseau des radiateurs constatées par l'entreprise en charge de l'entretien de la chaudière. Ils indiquent avoir fait procéder à des réparations sur le circuit de chauffage pour un montant de 1.521,30 euros dont 276 euros ont été pris en charge par Mme [S].
S'agissant du réseau d'évacuation des eaux usées, ils se prévalent de constatations effectuées par un huissier de justice en présence de la société Eau, travaux et maintenance (ci-après " la société ETM "), celles-ci ayant donné lieu à un procès-verbal de constat le 25 février 2022, selon lequel la canalisation d'évacuation des eaux usées s'est effondrée, la situation de pompage est inutilisée et un des puisards est défectueux. Ils affirment qu'un constat d'huissier fait foi jusqu'à preuve du contraire, de sorte qu'ils rapportent la preuve d'un désagrément que la venderesse ne pouvait ignorer et qui rend le bien impropre à l'usage auquel il était destiné. Les demandeurs font état de frais de débouchage à hauteur de 130 euros, de frais d'investigation pour connaître l'origine des fuites à hauteur de 2.297 euros et de frais de remise en état pour un montant de 7.080 euros, sommes dont ils demandent l'indemnisation au titre de la garantie des vices cachés.
A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1614 du code civil, ils estiment qu'étant dépourvus d'un système de chauffage et d'évacuation des eaux usées fonctionnels et conforme aux dispositions règlementaires applicables, l'immeuble vendu était affecté d'un défaut de conformité dont ils entendent obtenir réparation. Enfin, les acquéreurs soutiennent que Mme [S] connaissait l'état du bien vendu de sorte qu'en ne les alertant pas préalablement à la vente, elle a commis un dol dont ils demandent réparation par l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1137 du code civil. Ils font état à cet égard de la perte de chance d'avoir pu conclure le contrat de vente dans des conditions plus favorables, évaluées à 2% de la valeur du bien, ainsi que de leur préjudice moral.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 juin 2023, auxquelles il est fait référence pour l'exposé et le détail de l'argumentation, Mme [S] demande d'écarter des débats les pièces numérotées 12 et 13 adverses pour non-respect du formalisme prescrit par l'article 202 du code procédure civile et sollicite le rejet des demandes de Mme [V] et de M. [L]. A titre reconventionnel, elle demande la condamnation de ces derniers à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] soutient en premier lieu qu'elle n'avait pas connaissance des désordres avant la vente de l'immeuble. S'agissant du système de chauffage, elle précise qu'exerçant la profession d'assistante maternelle à domicile, l'immeuble avait fait l'objet d'agréments et contrôles de la Protection maternelle et infantile qui n'avaient relevé aucun désagrément. Les agences immobilières chargées d'estimer le bien avant la vente de même que le diagnostiqueur de performance énergétique n'ont pas davantage décelé d'anomalie. Elle indique qu'elle utilisait depuis 2015 une chaudière à pellets en lieu et place de la chaudière à gaz préexistante, de sorte que le dysfonctionnement éventuel de la chaudière à gaz ne pouvait lui être imputé. Elle ajoute qu'elle avait fait procéder au remplacement de la chaudière à pellet et au désembouage des radiateurs en décembre 2020, ce qui permettait à la maison de disposer d'un chauffage fonctionnel au moment de la vente. S'agissant du réseau d'évacuation des eaux usées, Mme [S] soutient que les constatations opérées par voie d'huissier et par la société ETM sont dépourvues de force probante, ayant été établies de façon non contradictoire. Elle se prévaut en outre des dispositions de l'acte de vente aux termes desquelles la venderesse avait attesté qu'aucun contrôle par le service d'assainissement collectif public n'avait été réalisé et qu'elle ne garantissait dès lors pas la conformité des installations aux normes en vigueur. L'acte prévoyant en outre la faculté pour les acheteurs de n'acquérir le bien qu'à la condition suspensive de réaliser un diagnostic relatif au respect du réseau d'évacuation des eaux usées aux normes en vigueur, faculté qu'ils n'avaient pas exercée. Ils ne pouvaient dès lors se prévaloir d'un quelconque désagrément à ce titre. Elle affirme enfin que les attestations établies par les voisins ne sont pas probantes aux motifs que ces derniers n'ont pas été les témoins directs des faits rapportés et doivent être écartées, ne respectant pas les conditions de forme de l'article 202 du code de procédure civile. Elle ajoute que leur témoignage est contredit par les autres attestations produites par la défenderesse, en nombre plus important.
Mme [S] soutient en deuxième lieu l'absence de manquement de sa part à l'obligation de délivrance conforme dès lors que l'acte de vente prévoyait que les acquéreurs acceptaient le bien dans l'état où il se trouvait au moment de leur entrée en jouissance et qu'aucun dysfonctionnement n'a été démontré avant la vente.
S'agissant des demandes indemnitaires des acquéreurs, Mme [S] déclare qu'elle n'a commis aucune réticence dolosive dès lors qu'elle n'avait pas connaissance des désordres avant la vente et que le prix de vente est inférieur au prix d'acquisition initial.

La clôture est intervenue le 23 novembre 2023 par ordonnance du même jour.

DISCUSSION

1. Sur la demande principale de réparation au titre de la garantie des vices cachés :

L'article 1641 du code civil prévoit que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Selon l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères.

En outre, il résulte de l'article 1643 du code civil qu'une clause de non-garantie n'est susceptible de décharger le vendeur de la garantie légale dont il est tenu en matière de vice caché que s'il ne connaissait pas le vice affectant la chose vendue et n'est pas de mauvaise foi, étant précisé que le vendeur non professionnel n'est pas présumé avoir connaissance du vice.

L'article 1644 précise que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'arbitrée par experts.

L'article 1645 indique enfin que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, les acquéreurs se prévalent de deux types de vices : l'un affectant le système de chauffage et l'autre affectant le réseau d'évacuation des eaux usées.

Sur le système de chauffage

Il est établi par une facture du 26 novembre 2021 émanant d'un artisan chauffagiste, M. [W], que les acquéreurs ont fait procéder à la vidange et au désembouage de l'installation et à la dépose et au changement de 9 robinets thermostatiques.

Il résulte de la nature de ces travaux et des réparations ainsi intervenues la preuve de la défectuosité des radiateurs, laquelle constitue un vice au sens des dispositions de l'article 1641 du code civil.

Compte tenu de la date de la réparation, qui intervient au début de la première période hivernale ayant suivi la vente du bien, il peut être soutenu par les acquéreurs que le vice est né ou était présent au moment de la vente.

S'agissant de la connaissance du vice par Mme [S], le diagnostic de performance énergétique réalisé pour la vente par la société Diag 59 ne relève aucune anomalie de fonctionnement de la chaudière ou du système de chauffage. Le contrat de vente ne fait davantage état d'un quelconque dysfonctionnement.

Les éléments communiqués par les acquéreurs au soutien de leurs demandes sont par ailleurs dénués de force probante, étant imprécis quant à cette connaissance.

Il en est ainsi de la lettre adressée par la société DZ France à Madame [V] le 3 janvier 2022 et faisant état d'un signalement auprès de la venderesse de "gros problèmes dans le réseau des radiateurs". Elle n'indique en effet pas la date à laquelle le signalement aurait été fait, ne visant que la date de pose de la chaudière chez le vendeur sans autre indication. Le montant des réparations estimé, selon la lettre, à 700 euros n'a en outre donné lieu à l'établissement d'aucun devis et la nature des réparations n'est pas spécifiée, l'adjectif "gros" étant particulièrement vague.

L'e-mail du 21 juin 2023, émis par M. [A], de la société DZ France, indiquant qu'il y avait " un problème avec (le) réseau " sera également écarté, à défaut de précision de la date du signalement et de la nature du " problème " soulevé.

Au demeurant, le Tribunal relève que Mme [S] démontre avoir procédé au remplacement de la chaudière le 27 novembre 2020 sans qu'une défectuosité du système de chauffage n'ait été constatée par l'entreprise DZ France, chargée des opérations de remplacement de chaudière.

Les circonstances que Mme [S] ait procédé au remplacement de la chaudière avant la vente ou qu'elle ait résilié son abonnement au réseau de fourniture de gaz entre 2015 et 2022 sont, par ailleurs, indifférentes puisqu'elles ne se rapportent pas au vice allégué qui ne porte que sur l'embouage des radiateurs et la défectuosité des robinets thermostatiques.

Le Tribunal relève néanmoins à ce titre que la remise en service de l'alimentation en gaz du compteur n'est intervenue, selon l'email du 22 novembre 2022 de la société GRDF, que le 8 juin 2022, soit plus d'un an après la vente, ce qui laisse donc supposer que le vice allégué n'est pas en lien avec l'installation de gaz ou la chaudière puisqu'il aurait donné lieu, compte tenu de sa nature, à une intervention plus rapide, notamment au cours de la période hivernale de 2021.

Au surplus, l'acte de vente précise expressément que le bien ne possède pas d'installation intérieure de gaz puisqu'il est équipé, selon une facture de pose établie le 27 novembre 2020 par la société DZ France, d'une chaudière biomasse à pellets de bois. Aucun lien ne peut dès lors être fait entre le vice allégué et l'absence de contrat de service de gaz.

Il ne peut davantage être fait état de l'acceptation par Mme [S] de la prise en charge d'une partie des frais de remise en état des radiateurs, cette participation ne pouvant être analysée comme une reconnaissance de la connaissance de vices cachés mais plutôt comme un acte de bonne foi.

Enfin, les acquéreurs ne démontrent pas que les opérations de remplacement de robinets thermostatiques et de désembouage, qui relèvent davantage de réparations d'entretien, aient affecté le chauffage de l'habitation. Mme [S] démontre au contraire, à travers la production de 13 attestations, que le bien n'était pas affecté d'une difficulté de chauffage avant la vente.

Elle ne pouvait dès lors avoir connaissance du vice affectant les radiateurs, à défaut d'avoir constaté le dysfonctionnement du système de chauffage.

La preuve de la connaissance par Mme [S] des vices affectant les radiateurs de l'habitation avant la vente n'étant pas rapportée, la demande d'indemnisation formulée à ce titre par les acquéreurs sur le fondement de l'article 1641 du code civil est rejetée.

Sur le réseau d'évacuation des eaux usées

Le procès-verbal de constat d'huissier dressé à la demande des acquéreurs, le 25 février 2022 et relatant les constatations faites par la société ETM qu'ils avaient missionnée à cet effet et qui a effectué les travaux réparatoires permet d'établir que le réseau d'évacuation des eaux usées présente un dysfonctionnement, constitué de la défectuosité d'une pompe de relevage, située au fond d'un regard, ayant entraîné la charge en eaux usées dudit regard.

Les désordres affectant le réseau d'évacuation des eaux usées ne peuvent sérieusement être discutés et ce, sans qu’importe le caractère contradictoire ou non des constatations faites par la société ETM. En effet, ces désordres peuvent être débattus de manière contradictoire et dans la mesure où la venderesse est en mesure d'apporter la preuve contraire.

Au surplus, s'agissant de la force probante des constatations de la société ETM, il sera souligné que cette société est un professionnel, n'ayant aucun lien avec les acquéreurs, et que ses investigations ont été constatées par voie d'huissier.

L'existence du vice se trouve ainsi suffisamment caractérisée.

S'agissant de l'antériorité du vice allégué par les demandeurs, il convient de relever que ces derniers ne l'ont fait constater que le 25 février 2022, soit pratiquement dix mois après la vente. Si le procès-verbal de constat d'huissier reprend les déclarations de Mme [V], selon lesquelles, elle " a dû faire déboucher à plusieurs reprises le puisard à l'intérieur duquel se trouve la pompe de relevage ", aucune pièce relative auxdites interventions n'est communiquée de sorte qu'il n'est pas démontré l'antériorité des constatations, la date du 25 février 2022 devant dès lors être retenue à ce titre.

L'huissier consigne d'ailleurs, lors de ses opérations du 25 février 2022, que Mme [V] constate pour la première fois l'inondation de la cave alors qu'elle indique s'y être rendue dix jours auparavant. Il est, en outre, observé à cette occasion que l'inondation de la cave ne procède pas de la défectuosité de la pompe de relevage qui s'y trouve puisque celle-ci était uniquement éteinte et demeurait fonctionnelle. Le flotteur destiné à la mise en marche était en effet bloqué et la pompe s'est remise en marche après une légère manipulation effectuée par la société ETM.

S'agissant de la preuve de l'antériorité de la charge en eaux usées du regard comportant une pompe de relevage défectueuse,

A cet égard, la demande de Mme [S] d'écarter les deux attestations produites par les acquéreurs, et émanant des voisins, est rejetée. Les mentions prévues par l'article 202 du code de procédure civile ne sont, en effet, pas prescrites à peine de nullité et il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement si les attestations non conformes présentent des garanties suffisantes pour emporter sa conviction, ce qui est le cas en l'espèce.

Or, l'attestation de Mme [T], établie le 28 avril 2022, indique que la venderesse " avait porté à (sa) connaissance qu'ils rencontraient des soucis de regards au niveau de leur potager ". Aucune mention de la défectuosité de la pompe de relevage n'est effectuée et l'expression employée ne permet ni de dater les propos ni de les rattacher au vice dont se prévalent les acquéreurs.

Celle de M. [C] vise, quant à elle, l'évocation " il y a quelques années " avec M. et Mme [S] " des problèmes les concernant, notamment sur les difficultés d'évacuation d'eau d'un puisard, situé à l'extérieur, sur son terrain, à l'extrémité d'un ancien potager ". Outre que l'attestation ne permet pas de dater précisément les faits qu'elle relate, elle contient une description du lieu où se trouve le puisard dysfonctionnant qui ne correspond pas à celle reprise dans le procès-verbal de constat d'huissier. Ce dernier évoque en effet un puisard situé " 90 cm face à (une) armoire métallique ", ladite armoire étant située " à environ deux mètres sur le côté gauche du portail d'accès à la propriété ". Les photos de même que le plan cadastral de l'immeuble joints au procès-verbal de constat ne correspondant pas non plus à la description faite par l'attestation, il convient de l'écarter, celle-ci étant dénuée de force probante.

Ainsi, ces attestations ne démontrent toutefois pas l'antériorité du vice ou la connaissance qu'en avait la venderesse.

Celles établies par la société ETM ne permettent pas non plus de dater, même approximativement, l'origine de ceux-ci.

Aucun élément ne permet dès lors de constater que le vice était présent antérieurement à la vente, ni même de démontrer que la venderesse en avait connaissance au moment de la vente.

Par ailleurs, le compromis de vente puis l'acte de vente indiquent que " le vendeur informe l'acquéreur, qu'à sa connaissance, les ouvrages permettant d'amener les eaux usées domestiques de l'immeuble à la partie publique ne présentent pas d'anomalie ni aucune difficulté particulière d'utilisation ".

Les diagnostics réalisés dans le cadre de la vente par la société Diag 59 ne relèvent pas davantage d'anomalie du réseau ou du fonctionnement des sanitaires.

Les constatations réalisées par l'entreprise ETM démontrent par ailleurs que les désordres constatés impliquent une pompe de relevage située au fond d'un regard et un puisard, ceux-ci étant par définition enfouis et non visibles autrement qu'à la suite une investigation spécifique, celle-ci n'ayant aucune raison d'être menée en l'absence de désagrément constaté.

Enfin, la société ETM ne fait état d'aucun désordre visible au moment de son intervention. Ces constatations ont d'ailleurs nécessité l'ouverture préalable de tampons, le passage d'une caméra et l'utilisation d'une technique de sondage, l'ensemble de ces investigations n'étant pas à la portée d'un vendeur non professionnel.

Dès lors, si les acquéreurs n'ont pu se convaincre de l'existence du vice par un examen normalement attentif du bien précédant la réitération de la vente, il n'est pour autant pas démontré que Mme [S] en avait connaissance au moment de la vente.

D'ailleurs, la venderesse invoque utilement à cet effet l'agrément dont elle dispose dans le cadre de ses fonctions d'assistante maternelle exercées à domicile. S'ils ne sont pas en charge d'effectuer des diagnostics en matière immobilière, les agents de la PMI sont néanmoins tenus de contrôler la qualité du lieu d'accueil d'enfants au moment de délivrer un agrément, la fonctionnalité des sanitaires en faisant nécessairement partie.

De même, les nombreuses attestations produites par la défenderesse démontrent également l'absence de dysfonctionnement des sanitaires, de sorte que le vice n'était pas apparent et ne pouvait être connu de la venderesse autrement que par des investigations qu'elle n'avait pas lieu de mener.

Les conditions d'antériorité et de connaissance du vice par la venderesse n'étant pas remplies et sans qu'il soit utile d'apprécier les autres conditions posées par l'article 1641 du code civil, la demande portant sur l'indemnisation du vice caché né du dysfonctionnement du réseau d'évacuation des eaux usées est rejetée.

2. Sur la non-conformité du bien :

En application de l'article 1614 du code civil, la chose doit être délivrée en l'état où elle se trouve au moment de la vente. Il en résulte que le vendeur est tenu de délivrer à l'acquéreur une chose conforme à celle prévue au contrat.

La délivrance consiste pour le vendeur à mettre matériellement la chose vendue à la disposition de l'acheteur afin qu'il puisse en prendre livraison et en jouir à son gré.

L'article 1611 du code civil précise que le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

Aux termes des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Sur le système de chauffage

Pour les raisons développées dans le paragraphe précédent, la défectuosité du système de chauffage n'est pas démontrée.

La simple réalisation de travaux de désembouage et le remplacement de 9 robinets thermostatiques relevant par ailleurs de réparations d'entretien, ne permet de démontrer la non-conformité du bien délivré.

Il en résulte que l'absence de conformité alléguée par les acquéreurs n'est pas démontrée, de sorte que leur demande formulée à ce titre sera rejetée.

Sur le réseau d'évacuation des eaux usées

Les acquéreurs se prévalent d'une part d'une non-conformité du raccordement du réseau des eaux usées à celui d'assainissement collectif et d'autre part d'une défectuosité d'une pompe de relevage ayant entravé l'évacuation des eaux usées et ayant rendu le bien impropre à son usage.

En l'espèce, l'acte authentique de vente mentionne que l'immeuble est raccordé à un réseau d'assainissement collectif des eaux usées domestiques et précise qu'à la connaissance du vendeur, les ouvrages permettant d'amener les eaux usées domestiques de l'immeuble à la partie publique ne présentent pas d'anomalie ou de difficulté particulière d'utilisation.

Le procès-verbal de constat d'huissier du 25 février 2022 mentionne, par ailleurs, l'existence de puisards et d'une montée des eaux usées dans ces puisards lorsque la chasse d'eau des toilettes est actionnée. Le procès-verbal de constat ne prétend pas que l'immeuble n'est pas raccordé au réseau d'assainissement collectif.

L'entreprise Diag 59 ayant procédé au diagnostic avant la vente n'a pas davantage relevé une absence de raccordement au réseau public d'assainissement.

Ainsi, les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'un défaut de conformité s'agissant du réseau d'évacuation des eaux.

S'agissant de la défectuosité de la pompe de relevage, les constatations ont en effet été réalisées par les acquéreurs le 25 février 2022, soit pratiquement 10 mois après la vente, sans qu'ils démontrent que cette défectuosité de la pompe de relevage a occasionné un dommage préalable.

Il en résulte que le bien a bien été délivré conformément à l'usage que les acquéreurs pouvaient en attendre.

Mme [V] et M. [L] seront dès lors déboutés de leur demande subsidiaire relatif à la non-conformité du bien vendu.

3. Sur les demandes indemnitaires au titre du dol :

L'article 1130 du code civil dispose que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'article 1131 du code civil précise que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

L'article 1137 du code civil définit le dol en indiquant qu'il est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Il est de principe que l'action en garantie des vice cachés n'est pas exclusive d'une action indemnitaire fondée sur l'existence d'un dol du vendeur au sens de l'article 1137 du code civil.

Il appartient à l'acquéreur de caractériser la réticence dolosive du vendeur qui lui aurait tu le vice affectant la chose vendue dans l'intention de le tromper puisque le dol, supposant la conscience de la faute et la volonté de réaliser le dommage, ne se présume pas et doit être prouvée.

Or, ainsi que cela résulte des développements précédents, aucune manœuvre de dissimulation ou de réticence dolosive n'est caractérisée dans la mesure où il n'est pas démontré que les désordres étaient connus de la venderesse et auraient été dissimulés aux acquéreurs.

Les acquéreurs, qui font état d'une perte de chance d'avoir pu contracter dans de meilleures conditions et d'un préjudice moral résultant des manœuvres dolosives de la venderesse, seront donc déboutés de leurs demandes indemnitaires sur ce fondement.

4. Sur les dépens :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [V] et M. [L], qui succombent à l'instance, seront condamnés solidairement aux dépens.

5. Sur les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, l'équité commande de limiter à la somme de 2.000 euros l'indemnité que Mme [V] et M. [L], parties perdantes, devront payer à Mme [S] au titre des frais irrépétibles.

La demande de Mme [V] et M. [L] sur ce même fondement sera rejetée en application des mêmes dispositions.

6. Sur l'exécution provisoire :

Conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile issues du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, il convient de rappeler que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En la cause, aucun élément ne justifie d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par mise à disposition de la décision au greffe le 16 mai 2024, comme cela a été indiqué à l'audience de plaidoirie, par jugement contradictoire et en premier ressort :

REJETTE la demande principale de Mme [M] [V] et de M. [B] [L] de condamner Mme [X] [U], épouse [S], à leur payer la somme de 10.752,30 euros à titre de dommages et intérêts pour les vices cachés affectant le bien vendu,

REJETTE la demande subsidiaire de Mme [M] [V] et de M. [B] [L] de condamner Mme [X] [U], épouse [S], à leur verser la somme de 10.752,30 euros à titre de dommages et intérêts pour le défaut de conformité du bien vendu,

REJETTE la demande de Mme [M] [V] et de M. [B] [L] de condamner Mme [X] [U], épouse [S], à leur verser la somme de 4.540 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur perte de chance de ne pas avoir contracté dans de meilleures conditions compte tenu du dol affectant la vente,

REJETTE la demande de Mme [M] [V] et de M. [B] [L] de condamner Mme [X] [U], épouse [S], à leur verser la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

CONDAMNE Mme [M] [V] et M. [B] [L] à payer à Mme [X] [U], épouse [S] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE solidairement Mme [M] [V] et M. [B] [L] aux dépens,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de plein droit.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Valenciennes
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22/01478
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;22.01478 ?
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