RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE de SAINT ETIENNE
N° RG 24/01535 - N° Portalis DBYQ-W-B7I-IHQ3
4ème CHAMBRE CIVILE - POLE DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 16 Juillet 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Présidente : Madame Wafa SMIAI-TRABELSI, Juge chargé des contentieux de la protection, assistée, pendant les débats de Madame Sonia BRAHMI, greffière ;
DEBATS : à l'audience publique du 14 Mai 2024
ENTRE :
Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT-ETIENNE SUD
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Romain MAYMON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, substitué par Maître Jihene GAZDALLI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
ET :
Monsieur [P] [M]
demeurant [Adresse 1]
non comparant
JUGEMENT :
réputé contradictoire et en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 16 Juillet 2024
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte sous seing privé du 15 septembre 2017, Monsieur [P] [M] a ouvert auprès de la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD un compte courant « formule clé » accompagné :
d'une autorisation de découvert de 150 euros selon acte sous seing privé du 02 décembre 2020.
Ce compte a été modifié en compte courant EUROCOMPTE JEUNE accompagné d'une autorisation de découvert de 150 euros selon acte sous seing privé du 06 janvier 2021.
Ce compte a fait l'objet :
d'une autorisation de découvert de 150 euros par acte sous seing privé du 13 novembre 2021,puis d'une autorisation de découvert de 150 euros par acte sous seing privé du 23 juin 2022,puis d'une autorisation de découvert de 300 euros par acte sous seing privé du 28 juillet 2022.
Puis selon offre acceptée le 13 septembre 2022, Monsieur [P] [M] a souscrit auprès de la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD un crédit d'un montant de 20 000 euros au taux variable selon l'utilisation.
Ce crédit a fait l'objet d'une première utilisation référencée sous le numéro 2 le 29 septembre 2022, pour la somme de 18 445€, remboursable en 60 mensualités au taux fixe débiteur de 3,95%, pour l'acquisition d'un véhicule. Par lettre du 1er novembre 2022, Monsieur [M] a été informé n'ayant pas fourni les justificatifs relatifs à cette utilisation, le taux de son crédit a été révisé au taux de 4,75%.
Ce prêt a fait l'objet d'une seconde utilisation référencée sous le numéro 3 pour la somme de 1500€ le 20 octobre 2022 au taux de 4,75% remboursable en 60 mensualités.
Par lettre recommandée du 28 août 2023, reçue le 1er septembre suivant, la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD a mis Monsieur [M] en demeure de régler ses échéances impayées concernant son emprunt, et de régulariser le solde débiteur de son compte de dépôt avant le 30 septembre 2023, et qu'à défaut, la totalité des montants exigibles au titre des concours consentis serait réclamée.
Par lettre recommandée du 27 octobre 2023, reçue le 1er septembre suivant, la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD a informé Monsieur [M] de la déchéance du terme de ses crédits.
Suivant exploit de commissaire de justice délivré le 26 mars 2023 et signifié à étude, de la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD a assigné Monsieur [M] devant le juge des contentieux de la protection aux fins de voir, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil :
- condamner Monsieur [M] à lui payer les sommes suivantes :
*au titre du compte courant, 488,38 euros selon décompte arrêté au 18 décembre 2023 outre intérêts postérieurs à cette date au taux contractuel,
*au titre du crédit renouvelable pour l'utilisation 2, 1388,58 euros selon décompte arrêté au 18 décembre 2023 outre intérêts postérieurs à cette date au taux contractuel,
*au titre du crédit renouvelable pour l'utilisation 3, 113,09 euros selon décompte arrêté au 18 décembre 2023, outre intérêts postérieurs à cette date au taux contractuel,
- juger n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner Monsieur [M] à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [M] aux dépens.
Le dossier a été appelé à l'audience du 14 mai 2024 durant laquelle, au visa de l'article R. 632-1 du code de la consommation, le juge a soulevé d'office un ou plusieurs moyens tirés de la violation des dispositions du code de la consommation susceptibles, et notamment le défaut de production d'une fiche d'informations pré-contractuelles propre aux découverts en compte et du FICP.
En demande, la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD représentée par son conseil, a maintenu ses demandes et sollicité un délai d'un mois pour répondre sur les moyens soulevés d'office.
Monsieur [M], régulièrement cité, n'était ni comparant ni représenté.
La décision a été mise en délibéré au 16 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en paiement du solde débiteur du compte courant
Selon l'article L. 341-1 du code de la consommation, “Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations pré-contractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 312-12 (...) est déchu du droit aux intérêts."
Cet article L. 312-2 (ancien L. 311-2) énonce notamment que, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement et la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
En l'espèce l'établissement prêteur produit les fiches d'informations pré-contractuelles européennes normalisées. Il joint également le fichier de preuve de la signature électronique avec la chronologie de la transaction. A leur lecture, s'il est établi que Monsieur [M] a signé les documents contractuels, il n'est pas possible de déterminer dans quel ordre les documents ont été transmis à l'emprunteur.
En effet, en l’absence d’horodatage des documents en cause et de marquage distinctif de la FIPEN, il n’est pas possible de s’assurer ni que la FIPEN versée aux débats a bien été remise à Monsieur [M] et encore moins que, dans l’éventualité d’une remise avérée, celle-ci soit intervenue dans un temps précédant la conclusion du contrat et non pas concomitamment, alors même que, s’agissant d’une information pré-contractuelle, la première doit nécessairement précéder la seconde.
Cette carence ne saurait être suppléée par la clause selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir pris connaissance de ce document dès lors que cette simple mention, si elle peut en faire présumer la remise matérielle, ne saurait en revanche faire la preuve de son caractère préalable ni que le document produit aux débats est bien celui remis aux emprunteurs.
La preuve du respect de ces obligations légales et réglementaires pèse sur celui qui se doit de les exécuter, à savoir le prêteur.
Dans ces conditions, la déchéance intégrale du droit aux intérêts doit donc être prononcée et le prêteur ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondantes aux intérêts et frais de toute nature, applicables au titre du dépassement.
Les sommes réglées par Monsieur [P] [M] au titre des intérêts et frais liés au fonctionnement de son compte sont supérieures aux sommes dues. La demande sera donc rejetée.
Sur la demande en paiement
En l’espèce, la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD produit une offre de crédit régulièrement signée, qui ne souffre d'aucune irrégularité.
Elle communique en outre des éléments d’information précontractuelle exigés par la loi et démontre qu'elle s’est assurée de la solvabilité de l’emprunteur (FICP, pièces personnelles).
La société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD justifie également avoir adressé une mise en demeure à Monsieur [M] en suite d’impayés répétés des mensualités et du solde débiteur de son compte de dépôt avant déchéance du terme.
Par ailleurs, la défaillance de Monsieur [M] est parfaitement caractérisée et ce dernier a notamment fait l'objet d'une mise en demeure avant la déchéance du terme des concours accordés.
L’article L. 312-39 du code de la consommation dispose : “En cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restantes dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret”.
La société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD peut donc prétendre au capital restant dû au 30 septembre 2023, majoré des intérêts au taux contractuel, ajouté aux mensualités échues impayées, soit la somme de 17 521,50 euros pour l'utilisation 2 et 1427,11 euros pour l'utilisation 3 outre intérêts au taux de 4,75% à compter du 30 septembre 2023.
Néanmoins, l'assignation limite les demandes à la somme de 1388,58 euros pour l'utilisation 2.
Par conséquent, seule cette somme peut lui être accordée au titre de cette utilisation.
Sur la demande au titre de la clause pénale
En vertu de l'article 1231-5 du code civil, « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure ».
En l'espèce, la pénalité de 8% du capital restant dû prévue par le contrat en cas de défaillance de l'emprunteur est manifestement excessive.
Il convient par conséquent de la ramener d'office à la somme de 100 € pour l'utilisation 2 et 1 € pour l'utilisation 3 avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, premier acte valant sommation suffisante sur ce point.
Sur la demande de capitalisation des intérêts
Selon l'article L 312-38 du code de la consommation, « Aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L.312-39 et L.312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.
Toutefois, le prêteur peut réclamer à l'emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement des frais taxables qui lui ont été occasionnés par cette défaillance, à l'exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement.
En cas de défaillance de l'emprunteur, seuls les modes de réalisation du gage autorisés par les articles 2346 et 2347 du code civil sont ouverts aux créanciers gagistes, à l'exclusion du pacte commissoire prévu à l'article 2348 du même code qui est réputé non écrit ».
Par application de cet article, en cas de défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un contrat de crédit régulièrement conclu. Elle ne saurait donc être appliquée en l'espèce.
Sur les demandes accessoires
Monsieur [M] succombe à l’instance et supportera donc la charge des dépens.
Il n’apparaît en revanche pas conforme à l’équité de lui faire supporter une quelconque somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La demande sera rejetée.
Rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Le Juge des contentieux de la protection,
Statuant publiquement par jugement réputé contradictoire en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE Monsieur [P] [M] à payer à la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] SUD les sommes de :
- 1388,58 euros outre intérêts au taux de 4,75% l'an à compter du 30 septembre 2023,
- 1427,11 euros pour l'utilisation outre intérêts au taux de 4,75% l'an à compter du 30 septembre 2023,
- 100 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2024,
- 1 euro avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2024,
REJETTE toute demande plus ample ou contraire ;
CONDAMNE Monsieur [P] [M] aux dépens,
DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Ainsi fait, jugé et mis à disposition au greffe de la juridiction aux jour, mois et année susdits.
En foi de quoi le jugement a été signé par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier.
Le Greffier Le Juge des contentieux de la protection