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11/07/2024 | FRANCE | N°23/00384

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Etienne, 4 ème chambre civile, 11 juillet 2024, 23/00384


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

TRIBUNAL JUDICIAIRE de SAINT ETIENNE

N° RG 23/00384 - N° Portalis DBYQ-W-B7H-H3EK


4ème CHAMBRE CIVILE



JUGEMENT DU 11 Juillet 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

Présidente : Madame Mélody MANET Juge du Tribunal Judiciaire
assistée, pendant les débats de Madame Gisèle LAUVERNAY, greffière ;


DEBATS : à l'audience publique du 04 Juin 2024


ENTRE :

Madame [F] [H]
demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Martine MARIES, avocat

au barreau de SAINT-ETIENNE

ET :

Société CADIOU INDUSTRIE
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

TRIBUNAL JUDICIAIRE de SAINT ETIENNE

N° RG 23/00384 - N° Portalis DBYQ-W-B7H-H3EK

4ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 11 Juillet 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

Présidente : Madame Mélody MANET Juge du Tribunal Judiciaire
assistée, pendant les débats de Madame Gisèle LAUVERNAY, greffière ;

DEBATS : à l'audience publique du 04 Juin 2024

ENTRE :

Madame [F] [H]
demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Martine MARIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

ET :

Société CADIOU INDUSTRIE
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELARL ALEMA AVOCATS, avocat au barreau de QUIMPER, substitué par Me Amélie BOUTEILLE, avocate au barreau de SAINT-ETIENNE substituée par Me GIDON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Société LEROY MERLIN
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle MEURIN DU CABINET ADEKWA, avocats au barreau de LILLE substitué par Me François PAQUET-CAUET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, substitué par Me GIDON avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

JUGEMENT :

contradictoire et en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 11 Juillet 2024

EXPOSE DU LITIGE

Suivant duplicata de factures en date des 29 juin et 19 juillet 2021, Madame [F] [H] a commandé auprès de la SA LEROY MERLIN l’installation d’un portail et d’un portillon, ainsi que des éléments électriques pour en permettre l’utilisation.

Le matériel a été fourni par la SAS CADIOU INDUSTRIE et la pose a été assurée par la société QUOTATIS.

Un procès-verbal de réception de travaux a été signé le 19 juillet 2021.

Au cours de l’année 2022, Madame [F] [H] s’est plaint de l’existence de dysfonctionnements sur le matériel posé.

En dépit des démarches entreprises par Madame [F] [H] auprès de la SA LEROY MERLIN, aucune solution amiable n’a été trouvée entre les parties.

Par acte de commissaire de justice en date du 26 mai 2023, Madame [F] [H] a assigné la SA LEROY MERLIN devant le tribunal judiciaire de ST-ETIENNE aux fins de :

- prononcer la résolution de la vente intervenue entre Madame [F] [H] et la SA LEROY MERLIN les 29 juin et 19 juillet 2021 ;
- condamner la SA LEROY MERLIN à reprendre, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision, le portail et le portillon ainsi que la gâche électrique et la motorisation SOMFY ;
- condamner la SA LEROY MERLIN à lui payer les sommes suivantes :
- 3.422,38 euros à titre de remboursement de la somme réglée ;
- 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi ;
- 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- les entiers dépens.

Appelée à l’audience du 03 octobre 2023, l’affaire a été renvoyée à la demande de la défenderesse pour la mise en cause d’un artisan.

Par acte de commissaire de Justice en date du 26 mai 2023, la SA LEROY MERLIN a appelé en cause la SAS CADIOU INDUSTRIE aux fins de :

- à titre liminaire de jonction entre le présent appel en garantie et l’instance principale qui l’oppose à Madame [F] [H],
- à titre principal, le débouté de l’ensemble des demandes de Madame [F] [H],
- à titre subsidiaire, la condamnation de la SAS CADIOU INDUSTRIE à la garantir de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
outre la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et à payer les entiers dépens de l’instance.

La jonction des procédures a été prononcée à l’audience du 07 novembre 2023 par mention au dossier et l’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois à la demande des parties.

Le dossier a été retenu à l’audience du 04 juin 2024 à laquelle les débats se sont tenus devant le tribunal judiciaire de SAINT-ETIENNE.

Par dernières conclusions soutenues oralement à l’audience, Madame [F] [H], comparante et assistée de son conseil, a maintenu l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la SA LEROY MERLIN.

Au soutien de ses prétentions, elle se prévaut, sur le fondement des articles L. 217-7 et L. 217-8 du code de la consommation, de l’existence de défauts de conformité sur le matériel installé sans qu’il ne lui incombe d’établir la cause ou l’origine de ceux-ci. Elle ajoute que lors d’un épisode venteux, le portillon a basculé vers l’extérieur ce qui a empêché l’accès à sa propriété par ce passage. Elle souligne, s’appuyant notamment sur un courrier écrit par la SA LEROY MERLIN le 15 juin 2022 à la SAS CADIOU INDUSTRIE qu’il n’est pas nié l’existence de défauts de conformité.

Par dernières conclusions soutenues à l’audience, la SA LEROY MERLIN, représentée par son conseil, demande au tribunal de :

- à titre principal, débouter Madame [F] ACCASSATde l’ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, condamner la SAS CADIOU INDUSTRIE à la garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre tant en principal, qu’en frais et accessoires,
- à titre également subsidiaire, débouter Madame [F] ACCASSATde sa demande de résolution judiciaire des contrats, et la débouter de ses demandes indemnitaires,
- en tout état de cause, condamner Madame [F] [H] à payer à la SA LEROY MERLIN la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens,
- écarter l’exécution provisoire.

A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir que la présomption édictée par l’article L. 217-7 du code de la consommation porte uniquement sur la date de survenance du défaut de conformité et non sur l’existence du défaut de conformité lui-même dont la réalité n’est pas démontrée par Madame [F] [H]. Elle expose, en se fondant sur les articles 6 et 9 du code de procédure civile, que la preuve du défaut allégué ne peut être rapportée par la seule production d’échanges de mails entre les parties et d’un procès-verbal de constat dressé par un commissaire de justice. Elle ajoute qu’aucun rapport d’expertise n’est versé aux débats par Madame [F] [H] alors que les désordres apparents invoqués sont couverts par la réception intervenue sans réserve de la part de Madame [F] [H]. Elle indique par ailleurs que la gravité du désordre évoqué n’est pas rapporté et qu’il s’agit d’un défaut mineur ne pouvant fonder la résolution de la vente, précisant avoir toujours réponduit aux sollicitations de sa cliente.

Pour justifier de la garantie de la SAS CADIOU INDUSTRIE, la SA LEROY MERLIN se prévaut de la qualité de fabricant de cette dernière alors qu’elle-même n’est qu’un vendeur intermédiaire. Sur le fondement des articles 1604 et 1641 du code civil, elle soutient que la SAS CADIOU INDUSTRIE est tenue de délivrer un produit exempt de vices et qu’elle doit être tenue responsable à ce titre. Elle précise avoir relancé son fabricant pour qu’il prenne en charge la réclamation de Madame [F] [H], sans résultat.

Par dernières conclusions soutenues à l’audience, la SA CADIOU INDUSTRIE, représentée par son conseil, demande au tribunal de :

- débouter la SA LEROY MERLIN de sa demande de garantie,
- condamner la SA LEROY MERLIN au paiement de la somme de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens de l’instance en intervention forcée.

Pour s’opposer à la demande de garantie formée à son encontre par la SA LEROY MERLIN, elle fait état de l’absence de preuve d’un quelconque défaut de conformité du bien fourni et de l’absence de vices cachés. Elle expose que les défauts allégués sont en lien avec la pose du portail et non avec sa fourniture. Elle ajoute enfin que la preuve du trouble allégué n’est pas rapportée.

L'affaire a été mise en délibéré à la date du 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résolution de la vente

L’article L. 217-7 du code de la consommation dispose que “les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la délivrance du bien, y compris du bien comportant des éléments numériques, sont, sauf preuve contraire, présumés exister au moment de la délivrance, à moins que cette présomption ne soit incompatible avec la nature du bien ou du défaut invoqué”.

Selon l’article L. 217-8 du même code, “en cas de défaut de conformité, le consommateur a droit à la mise en conformité du bien par réparation ou remplacement ou, à défaut, à la réduction du prix ou à la résolution du contrat, dans les conditions énoncées à la présente sous-section”.

Il est de principe que l’existence d’un défaut de conformité s’apprécie au regard, d’une part, des documents contractuels, c’est-à-dire des caractéristiques de la chose en considération desquelles la vente est censée avoir été conclue et, d’autre part, des dysfonctionnements qui affectent les fonctions essentielles de l’équipement acquis.

Ainsi, il appartient à l’acquéreur qui entend se prévaloir d’un défaut de conformité de rapporter la preuve de son existence, étant rappelé que la jurisprudence constante en la matière retient que le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur des éléments établis de manière non contradictoire, même s’ils ont été soumis à la libre discussion des parties.

En l’espèce, il est constant que Madame [F] [H] s’est plaint de dysfonctionnements sur l’installation commandée auprès de la SA LEROY MERLIN, lesquels ont donné lieu à plusieurs échanges entre les parties.

Il est en effet relevé que :

- le 15 juin 2022, la SA LEROY MERLIN a fait intervenir l’un de ses artisans sur le portail de Madame [F] [H], relevant l’existence d’un problème

- le 06 juillet 2022, la SA LEROY MERLIN a confirmé à Madame [F] [H] l’envoi d’un cache et de la colle, ainsi que l’intervention à venir de son artisan pour la pose

- le 11 juillet 2022, la société QUOTATIS a proposé l’intervention d’un artisan tiers pour expertiser la pose, indiquant que si le problème venait de la pose elle prendra en charge la dépose et la repose du portail ainsi que le rachat des produits endommagés, mais que si c’était un défaut de produit il revenait au magasin de le changer et de prendre en charge la dépose et la repose

- le 12 juillet 2022, la société QUOTATIS a informé Madame [F] [H] de l’acceptation par le magasin de sa proposition

- le 26 septembre 2022, la société QUOTATIS a expliqué à Madame [F] [H] que le fournisseur du portail a proposé une solution de réparation prévoyant l’envoi d’un chapeau avec de la colle

Cependant, il n’est pas contesté que le portail et le portillon livrés à Madame [F] [H] correspondent à la commande passée auprès de la SA LEROY MERLIN. Les photographies produites aux débats permettent ainsi de constater que l’équipement installé est conforme aux documents contractuels régularisés entre les parties.

Or, il ressort du procès-verbal de constat non-contradictoire dressé le 24 janvier 2024 par Maître [W], commissaire de justice, que “l’ouverture du portillon fonctionne”, de même que celle “du portail électrique”.

Le commissaire de justice a certes pu constater des rayures et des traces noires, ainsi que la présence d’un câble électrique dans l’un des piliers, le décollement de la fixation du vantail et des “traits verticaux et horizontaux”. Il a également procédé à des mesures sur plusieurs niveaux entre les piliers et les vantaux du portail. Toutefois, celui-ci n’est pas un technicien du bâtiment et de la construction de sorte qu’il n’a pas été en mesure de se prononcer de manière contradictoire sur la conformité de ces éléments au regard des produits livrés, ainsi qu’aux règles de l’art ou aux prescriptions en la matière.

Si le procès-verbal de constat fait par ailleurs état de l’absence d’installation d’un digicode, il y a lieu de relever, d’une part, que celui-ci ne figure pas précisément dans la désignation des articles objet des factures établies par la SA LEROY MERLIN et, d’autre part, que cette absence n’empêche pas l’utilisation des éléments installés comme relevé par le commissaire de justice.

En l’occurrence, Madame [F] [H] a procédé à la réception sans réserve du chantier, tandis que les constatations qui précèdent portent sur des éléments apparents exclus de toute garantie au titre des défauts de conformité.

De surcroît, Madame [F] [H], à qui incombe la charge de la preuve, ne verse au dossier aucun rapport technique réalisé par un expert dans le domaine. Ainsi, aucun élément ne vient étayer les constatations précitées, ni en préciser la portée.

Il s’ensuit que les dysfonctionnements décrits, au demeurant non corroborés par d’autres éléments, ne portent pas sur des fonctions essentielles de l’équipement litigieux dès lors que les biens répondent à l’usage pour lequel ils ont été acquis.

Dans ces conditions, Madame [F] [H] ne justifie d’aucun manquement de la SA LEROY MERLIN à son obligation de délivrance en l’absence de défaut de conformité caractérisé.

Au surplus, il est utile d’observer que les désordres invoqués par Madame [F] [H] relatifs à la pose des éléments, tels que le fait qu’ils se touchent lors de leur ouverture en grand, sont susceptibles de relever de la responsabilité de l’installateur alors que la société QUOTATIS à qui a été confiée l’installation litigieuse n’a pas été appelée à la cause.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la preuve de l’existence d’un défaut de conformité rendant les biens vendus impropres à leur usage n’est pas rapportée.

Par conséquent, il convient de débouter Madame [F] [H] de sa demande de résolution formée de ce chef.

Conformément aux motifs qui précèdent, il y a également lieu de la débouter de ses demandes de restitution de la somme de 3.422,38 € et de reprise des éléments installés.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts

En application de l’article 1231-1 du code civil, “le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure”.

En l’espèce, la responsabilité de la SA LEROY MERLIN n’a pas été retenue au titre des défauts allégués dont le caractère non conforme n’a pas été établi.

De plus, la SA LEROY MERLIN justifie ne pas être demeurée inactive aux sollicitations de Madame [F] [H], lui proposant une solution de réparation qui a été refusée par cette dernière.

Enfin, Madame [F] [H] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du préjudice de jouissance invoqué alors, d’une part, que le procès-verbal de constat susmentionné a mis en évidence la possibilité d’utiliser les ouvrages installés et, d’autre part, qu’aucun justificatif n’est produit à l’appui de sa demande.

Par conséquent, il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les demandes accessoires

Il convient de condamner Madame [F] [H], partie perdante, à la prise en charge des dépens de l’instance.

En revanche, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties.

Rien ne permet d’écarter l’exécution à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DEBOUTE Madame [F] [H] de sa demande en résolution de la vente intervenue entre elle-même et la SA LEROY MERLIN les 29 juin et 19 juillet 2021 ;

DEBOUTE Madame [F] [H] de ses demandes en restitution de la somme de 3.422,38 € et en reprise des équipements installés ;

DEBOUTE Madame [F] [H] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance allégué ;

CONDAMNE Madame [F] [H] aux entiers dépens ;

DEBOUTE Madame [F] [H], la SA LEROY MERLIN et la SA CADIOU INDUSTRIE de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l'exécution provisoire de droit du présent jugement ;

En foi de quoi, le juge et le greffier ont signé la présente décision.

LE GREFFIER, LE JUGE,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Etienne
Formation : 4 ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00384
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;23.00384 ?
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