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29/08/2024 | FRANCE | N°20/04103

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 29 août 2024, 20/04103


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 7] - [Localité 4] - tél : [XXXXXXXX01]




29 août 2024


1re chambre civile
53B

N° RG 20/04103 - N° Portalis DBYC-W-B7E-I2GD





AFFAIRE :


Ste coopérative BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST


C/

[F] [R]
[P] [B] épouse [R]






copie exécutoire délivrée

le :

à :


COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-P

résident

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge


GREFFIER : Karen RICHARD

DÉBATS

A l’audience publique du 13 Mai 2024 tenue, sans opposition des avocats, par David Le Mercier, juge rapporteur et ré...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 7] - [Localité 4] - tél : [XXXXXXXX01]

29 août 2024

1re chambre civile
53B

N° RG 20/04103 - N° Portalis DBYC-W-B7E-I2GD

AFFAIRE :

Ste coopérative BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

C/

[F] [R]
[P] [B] épouse [R]

copie exécutoire délivrée

le :

à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD

DÉBATS

A l’audience publique du 13 Mai 2024 tenue, sans opposition des avocats, par David Le Mercier, juge rapporteur et rédacteur, qui en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire, prononcé par Dominique FERALI, par sa mise à disposition au greffe le 29 août 2024 après prorogation de la date du 08 Juillet 2024 indiquée à l’issue des débats.

DEMANDERESSE :

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, avocat au barreau de NANTES,

DEFENDEURS :

Monsieur [F] [R]
et
Madame [P] [B] épouse [R]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentés par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, barreau de RENNES

Faits et procédure

Selon contrat émis le 17 avril 2015 et signé le 7 juillet 2015, la société Banque populaire Grand Ouest (la banque) a consenti à la SARL [S]-[R], gérée par M. [F] [R], pour financer la reprise d’un fonds de commerce de peinture :
- un prêt n°08685664 (Socama transmission rapide) d’un montant de 150 000 euros remboursable en 84 échéances mensuelles au taux nominal de 0,73 %,
- un prêt n° 08685665 (atout pro) d’un montant de 22 050 euros remboursable en 84 échéances mensuelles au taux nominal de 1,33 %.

Ces prêts n° 08685664 et 08685665 ont été garantis :
- par un nantissement sur le fonds de commerce,
- le cautionnement de la Socama à hauteur de 150 000 euros (pour le premier prêt),
- le cautionnement solidaire de M. [R] et de Mme [R], dans la limite de 37 500 euros pour le premier, et dans celle de 10 000 euros pour le second.

Suite à des impayés et au prononcé de la déchéance du terme le 30 novembre 2017, les parties ont convenu, selon un protocole d’accord signé les 5 et 18 avril et 1er juin 2018, de nouveaux échanciers prévoyant un dernier terme en 2022.

En raison de nouveaux impayés courant 2019, la banque a mis en demeure la société et, par courriers du 25 novembre 2019, les cautions, d’avoir à les régulariser.

Par jugement du 4 mars 2020, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert à l’égard de la société [S]-[R] une procédure de redressement judiciaire, converti le 21 octobre 2020 en liquidation judiciaire.

La banque a déclaré ses créances le 17 mars 2020 (84 268,68 euros selon compte arrêté au 3 mars 2020 avec intérêts au taux de 0,63% pour le prêt 64 et 12 466,05 euros au taux de 0,63% pour le prêt 65), lesquelles ont été admises par le juge commissaire.

Après avoir obtenu l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de M. et Mme [R], la banque les a, par actes des 21 juillet 2020, assigné en exécution de leur engagement de caution devant le tribunal judiciaire de Rennes.

Par dernières conclusions notifiées le 5 avril 2023, la banque demande au tribunal de :
« Débouter Monsieur [F] [R] et Madame [P] [B] épouse [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
Condamner solidairement Monsieur [F] [R] et Madame [P] [B] épouse [R] à payer à la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST au titre du prêt n° 08685664 à la somme de 37.500 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 jusqu’à parfait et complet règlement.
Condamner solidairement Monsieur [F] [R] et Madame [P] [B] épouse [R] à payer à la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST au titre du prêt n° 08685665 à la somme de 10.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 jusqu’à parfait et complet règlement.
Condamner in solidum Monsieur [F] [R] et Madame [P] [B] épouse [R] à payer à la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du cpc.
Condamner in solidum Monsieur [R] [F] et Madame [R] [P] aux entiers dépens.
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ».

Par dernières conclusions notifiées le 6 février 2023, M. et Mme [R] demandent de :
« A titre liminaire,
DIRE ET JUGER que Madame [R] n’est pas engagée en qualité de caution solidaire auprès de la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST et que seuls les revenus et biens propres de Monsieur [R] seraient susceptibles d’être poursuivis,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
o A titre principal,
- DIRE ET JUGER les actes de cautionnement souscrit par Monsieur [R] (et subsidiairement Mme et Mr [R]) sont nuls et nuls d’effet ou subsidiairement
CONDAMNER cette dernière au paiement de dommages-intérêts à hauteur des montants
réclamés et ORDONNER la compensation

- DEBOUTER la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST de ses demandes, fins et conclusions
o A titre subsidiairement,
- DIRE ET JUGER que Monsieur [R] (et subsidiairement Mme et Mr [R]) sera déchargé de ses cautionnements régularisés au titre du prêt Socama Transmission Rapide n°08 68 56 64 pour une durée de 108 mois à hauteur de 37.500€ et au titre du prêt Atout Pro n°08
68 56 65 pour une durée de 108 mois à hauteur de 10.000€ et au titre du prêt
- DEBOUTER la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST en toutes ses demandes fin et conclusions ;

o A titre très subsidiaire,
- DIRE ET JUGER que les cautionnements de Monsieur [R] (et subsidiairement Mme et Mr
[R]) sont disproportionnés par rapport à son patrimoine et ses revenus au moment de son engagement.
- DECHARGER Monsieur [R] (et subsidiairement Mme et Mr [R]) du cautionnement,
- DEBOUTER la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST en toutes ses demandes fin et conclusions ;
o A titre infiniment subsidiaire,
- CONSTATER le manquement de la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST à son obligation de mise en garde,
- CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST au paiement de dommages-intérêts à hauteur des sommes sollicitées, soit 47.500€.
- CONSTATER, par effet de compensation, l’extinction de la dette de la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST,
- DEBOUTER en conséquence la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
o A défaut et par extraordinaire,
- PRONONCER la déchéance du droit aux intérêts à compter de la dernière information de la
caution ;
- ACCORDER à Monsieur [R] (et subsidiairement à Mme et Mr [R]) les plus larges délais de paiement en application de l’article 1244-1 du code civil
- ACCORDER un report du paiement sur une période de 24 mois ou échelonner le paiement des
sommes dues à compter de la décision à intervenir sur une période de 24 mois
En tout état de cause,
- CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST à payer à Monsieur [R] et Madame [R] une somme de 4.000,00 € sur le fondement de l’article 700 de procédure civile ;
- CONDAMNER la même au paiement des entiers dépens. » 

Le 22 juin 2023, le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et renvoyé l’affaire devant le tribunal à l’audience du 13 mai 2024, date des plaidoiries.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leurs moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

Motifs

Les montants dûs par l’emprunteur ont fait l’objet de décisions non contestées du juge-commissaire et s’imposent donc au juge du cautionnement, en application des articles 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et R. 624-8 du code du commerce, dans sa version antérieure à celle issue du décret n°2021-1218 du 23 septembre 2021 (Com., 18 janvier 2000, pourvoi n° 96-20.798, Bull. 2000, IV, n° 11, Com., 5 décembre 2006, pourvoi n° 05-11.761, Bull. 2006, IV, n° 238, Com., 22 avril 1997, pourvoi n° 94-12.862, Bulletin 1997, IV, n° 97).

Pour s’opposer à la demande de la banque, les cautions font valoir :
- que les actes de cautionnement n’ont pas été écrits et signés par Mme [R],
- que les engagements sont nuls faute pour les cautions d’avoir compris le caractère subsidiaire de la garantie Socama,
- leur décharge suite à la perte du bénéfice de subrogation,
- le caractère manifestement disproportionné des engagements,
- le manquement de la banque à son obligation de mise en garde,
- le défaut d’information annuel.

1. Sur la nullité de l’engagement de Mme [R]

En demandant de « dire et juger » qu’elle n’est pas engagée comme caution, Mme [R] entend manifestement se prévaloir de la nullité des actes de cautionnement résultant des dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Selon ce texte, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci: "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même".

Après avoir, comme le rappelle la banque, reconnu, dans ses conclusions n°2, avoir rédigé les mentions manuscrites et signé les actes, mais en soutenant n’avoir signé qu’en qualité de conjoint et non en qualité de caution, Mme [R] soutient en dernier lieu qu’elle n’a ni rédigé ni signé les actes de cautionnement, sans plus d’explications sur un tel revirement.

Les pièces de comparaison qu’elle produit ne permettent pas de considérer que les signatures ne sont pas de sa main. Ces signatures sont similaires à celle de la fiche de renseignement. Il est par ailleurs relevé que Mme [R] a une signature changeante puisque le protocole d’accord, qu’elle ne conteste pas avoir signé (pièce 11 banque), ne comporte comme signature qu’un simple « B » alors que les autres signatures de Mme [R] comportent son nom en intégralité.

En revanche, il est manifeste que les mentions manuscrites sont différentes des spécimens d’écriture produits par Mme [R], ou même des mentions présentes sur le protocole d’accord, si bien qu’il était attendu de l’ensemble des parties, banque, M. [R] et Mme [R], de s’expliquer sur une telle différence et sur les circonstances dans lesquelles ont été rédigés ces actes de cautionnement, ce qui pourrait justifier la comparution personnelle des défendeurs (articles 184 et suivants du code de procédure civile), voire une enquête (204 et suivants) et le cas échéant une expertise de comparaison.

L’écriture litigieuse apparaît présenter de fortes similitudes avec les mentions présentes sur la pièce 30 banque, qui est un curriculum vitae de M. [R], si bien qu’il est plausible que l’écriture soit en réalité celle de M. [R] et que les mentions des actes de cautionnement aient été inversées entre les deux cautions. S’il ne s’agit pas de l’écriture de M. [R], il est alors possible que les mentions litigieuses émanent de l’employé de banque qui a fait remplir les actes, ce qui pourrait constituer une faute professionnelle, voire une infraction pénale.

Cette difficulté n’a pas lieu d’être tranchée plus avant, puisque, comme le rappelle la banque, Mme [R] a reconnu qu’elle s’était engagée comme caution, dans le protocole d’accord transactionnel de 2018, dont la nullité n’est pas invoquée, si bien qu’elle ne peut remettre en cause devant le tribunal la validité de son engagement de caution, en application de l’article 2052 du code civil.

2. Sur la nullité du cautionnement pour erreur

Sans précision du moindre texte, les cautions font valoir que leur engagement est nul faute d’avoir compris le caractère subsidiaire de la garantie Socama.

La banque réplique, au visa de l’article 1110 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que les cautions n’ont pu se méprendre sur le caractère subsidiaire de la garantie Socoma puisque le contrat de crédit précise en page 14 que la garantie Socama impose à la banque de limiter les autres cautionnements personnels à 25 % et que les actes de cautionnement précisent que la caution ne pourra pas s’opposer au recours exercé par l’organisme de cautionnement professionnel ni exercer de recours contre cet organisme si elle acquitte la dette.

Il résulte suffisamment de ces précisions, non contestées par les cautions, qu’elles ne pouvaient se méprendre sur le caractère subsidiaire de l’engagment de la Socama.

Il n’y a donc pas lieu d’annuler pour erreur les engagements de caution, l’erreur alléguée ne pouvant au surplus concernant que le prêt 64.

3. Sur la perte du bénéfice de subrogation

Selon l’article 2314 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Au visa de cet article, les cautions font valoir que la banque a commis une faute en ne faisant pas procéder à la vente forcée du fonds de commerce en 2017 ou 2018, soit dès la première défaillance, initiale ou suite au protocole d’accord, en juillet 2018.

Les cautions, qui sont pourtant le dirigeant de la société débitrice et l’épouse de celui-ci reprochent ainsi à la banque de ne pas avoir fait immédiatement réaliser une vente qui aurait eu pour effet évident de compromettre irrémédiablement la situation de la société débitrice.

La banque réplique que, si elle s’était comportée de la sorte, il lui aurait été reproché d’avoir abusé de sa faculté de faire vendre le bien.
Elle fait par ailleurs valoir qu’elle a déclaré sa créance à titre privilégié si bien que la garantie n’est pas perdue, et que les cautions ne rapportent pas la preuve que l’absence de vente est à l’origine exclusive de l’absence de perception des sommes.

Ne constitue pas une faute exclusive, et donc le fait du créancier au sens du texte susvisé :
- le seul fait pour le créancier, qui bénéficie à la fois d'un cautionnement et d'une sûreté réelle garantissant la même dette, de ne pas poursuivre, par priorité, la réalisation du bien grevé, avant d'agir contre la caution (cf. Com., 11 avril 2018, pourvoi n° 16-27.947),
- le seul fait pour le créancier bénéficiaire du nantissement d'un fonds de commerce de ne pas faire ordonner la vente de ce dernier, sur le fondement de l'article L. 143-5 du code de commerce, dès la défaillance du débiteur principal, ou, sur le fondement de l'article L. 643-2 du même code, après l'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur (cf. Com., 8 mars 2017, pourvoi n°15-14.632).

En se bornant à alléguer que l’absence de vente du fonds de commerce constituait une faute exclusive du créancier, sans démontrer que la perte de valeur alléguée du fonds de commerce était également exclusivement due au fait du créancier, les cautions échouent à rapporter la preuve des conditions d’application de la décharge qu’ils invoquent, ce d’autant qu’ils ne s’expliquent pas sur la valeur réelle du fonds de commerce à la date de la défaillance du débiteur principal, en juillet 2018.

Ce moyen est donc rejeté.

4. Sur la disproportion manifeste des engagements de caution

Il résulte de la combinaison de l'article 1315, devenu 1353, du code civil et de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301du 14 mars 2016, qu’il incombe à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve (cf. Com., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-19.141, Bull. 2017, IV, n° 61, Com., 30 août 2023, pourvoi n° 21-20.222 P).

M. et Me [R] ne s’expliquent pas sur le montant net de leur patrimoine immobilier, dont l’existence n’est pas contestée, au moment de leur engagement.

Alors que la fiche de renseignement qu’ils ont signée, à une date contestée, mais en tout état de cause en 2014 ou 2015, mentionne une valeur brute de 230 000 euros et que leur propre pièce 3 permet de retenir que le bien a été acquis grâce à un prêt de 85 000 euros, si bien que la valeur net du bien immobilier est largement supérieure au montant de leur engagement de caution total de 47 500 euros, ils n’allèguent aucune autre charge susceptible de grever la valeur de ce bien.

Le moyen tiré d’une disproportion manifeste de l’engagement de caution n’est pas sérieux et est donc rejeté.

5. Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde

Les cautions sollicitent à ce titre une indemnité égale au montant de la somme qui leur est réclamée, à compenser avec celle-ci.

Elles font valoir que le prêt n’était pas adapté à leur situation financière ni aux capacités financières de l’emprunteur.

Il résulte de l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque de l’endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur (cf. Com., 15 novembre 2017, pourvoi n° 16-16.790, Bull. 2017, IV, n° 149)

Cette obligation ne porte pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée (cf. Com., 11 mars 2020, pourvoi n° 19-11.151).

Il incombe à la caution de rapporter la preuve de l’inadaption alléguée (cf. Com., 21 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.205 BICC).

La circonstance que la banque a octroyé le prêt sans disposer d'éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de l'emprunteur ne dispense pas la caution d'établir l'inadaptation de ce prêt aux capacités financières de l'emprunteur (cf. Com., 9 mars 2022, pourvoi n° 20-16.277 P).

L'inadaptation du cautionnement aux capacités financières de la caution, condition de l'existence de l'obligation de mise en garde du banquier dispensateur de crédit, doit être appréciée en considération de l'ensemble de ses biens et revenus, ainsi que de ses charges (Cf. Com., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-17.525).

S’agissant de l’inadaption aux capacités financières de la caution, M. et Mme [R] se fondent sur le postulat erroné qu’elle se mesure au montant du prêt octroyé, alors qu’elle se mesure au montant de l’engagement de la caution.

A supposer qu’il s’agisse d’une erreur matérielle, les cautions ne démontrent de toute façon pas que leur engagement n’était pas adapté à leurs biens et revenus.

S’agissant de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur, les cautions font valoir que la banque n’a sollicité aucun élément comptable pour financer la reprise du fonds de commerce et que la dégradation financière rapide démontre l’absence de solidité du projet entrepreneurial.

Le fait que la société ait connu des difficultés de remboursement deux ans après la cession du fonds ne permet pas à lui seul de présumer que le prêt était inadapté aux capacités financières de l’emprunteur.

En l’absence de démonstration que le financement était inadapté aux biens de l’emprunteur et aux perspectives raisonnables de revenus qui pouvaient être déduites de l’exploitation antérieure du fonds repris, les cautions échouent à rapporter la preuve que la banque était débitrice d’une obligation de mise en garde.

La demande de dommages et intérêts est donc rejetée.

6. Sur la déchéance des intérêts

La banque n’a pas répliqué à ce moyen que les cautions tirent des dispositions des articles L. 313-9 et L. 341-1 du code de la consommation (version issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016) et L. 313-22 du code monétaire et financier (version antérieure à celle issue de l’ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021).

Elle ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe, qu’elle a satisfait aux obligations d’information prévues par ces textes, sanctionnées par une déchéance du droit aux intérêts.

Les cautions demandent au tribunal d’en tirer les conséquences, sans préciser celles-ci.

Les sommes restant dues par le débiteur sont respectivement de 84 268,68 euros pour le prêt 64 et 12 466,05 euros pour le prêt 65, soit des montants supérieurs, pour chacun des prêts, à la somme du montant de l’engagement des cautions et du montant des intérêts mentionnés au tableau d’amortissement (soit 37 500 euros et 3 955,70 euros pour le prêt 64 et 10 000 euros et 1 054,20 euros pour le prêt 65).
Ainsi, même en déduisant la totalité du montant d’intérêts, le capital restant dû est supérieur au montant de l’engagement de caution.
Il s’ensuit que la déchéance des intérêts sollicitée n’est d’aucun effet sur le montant réclamable aux cautions.

7. Sur la condamnation à paiement

En application des articles 2288 (version antérieure à l’ordonnance de 2021) et 1153 (version antérieure à l’ordonnance de 2016) du code civil, il y a donc lieu de condamner solidairement M. et Mme [R], en tant que cautions, à verser à la banque les sommes de :
- 37 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2019, date de la mise en demeure au titre du prêt n° 08685664,
- 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2019 au titre du prêt n° 08685665.

8. Sur la demande de délais de paiement

Vu les articles 1244-1 et suivants anciens du code civil (dans sa version antérieure à 2016, désormais article 1343-5), l’article 510 du code de procédure civile,

Les cautions ont bénéficié, de fait, de délais de paiement de quatre ans depuis la date de l’assignation.
En l’absence de circonstances exceptionnelles, il n’y a donc pas lieu de faire droit à leur demande de délais ou report de paiement de 24 mois.

9. Sur les frais d’instance

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. et Mme [R] sont condamnés in solidum aux dépens.

En application de l’article 700 du même code, leur demande est rejetée et ils sont condamnés in solidum à verser à la banque la somme de 2 500 euros

En application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par ces motifs, le tribunal :

Condamne solidairement M. et Mme [R], en tant que cautions, à verser à la société Banque populaire Grand Ouest les sommes de :

- 37 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2019, au titre du prêt n° 08685664,
- 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2019 au titre du prêt n°08685665 ;

Rejette les demandes d’annulation des actes de cautionnement, de dommages et intérêts et de délai de paiement ;

Condamne in solidum M. et Mme [R] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne in solidum à verser à la société Banque populaire Grand Ouest la somme de 2 500 euros.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/04103
Date de la décision : 29/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-29;20.04103 ?
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